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Dans un contexte de mutation et de modernisation socioéconomiques rapides, la Chine reste un État à parti unique autoritaire qui entrave fortement les libertés d’expression, d’association et de religion ; qui rejette ouvertement l’indépendance judiciaire et la liberté de la presse ; et qui restreint et réprime arbitrairement les défenseurs des droits humains et les organisations œuvrant dans ce domaine, souvent en recourant à des mesures extrajudiciaires.

Par ailleurs, le gouvernement censure Internet ; continue d’imposer des politiques extrêmement répressives dans les régions où vivent des minorités ethniques comme le Tibet, le Xinjiang et la Mongolie intérieure ; ferme systématiquement les yeux – à quelques rares exceptions près – sur les abus de pouvoir commis au nom de la « stabilité sociale » ; et refuse que son bilan en matière de droits humains soit soumis à l’examen minutieux d’acteurs nationaux et internationaux, considérant qu’il s’agit là de tentatives visant à déstabiliser le pays et à imposer des « valeurs occidentales ». Le pouvoir de l’appareil sécuritaire – hostile à la libéralisation et à une réforme juridique – semble s’être sans cesse accru depuis les Jeux olympiques de Pékin de 2008. Le coût du « maintien de la stabilité sociale » dépasse aujourd’hui le budget de la défense de la Chine.

Ce faisant, les citoyens chinois sont toujours plus nombreux à prendre conscience de la question des droits et à défier les autorités sur des problématiques ayant trait aux moyens de subsistance, aux saisies foncières, aux expulsions forcées, aux abus de pouvoir commis par des cadres corrompus, à la discrimination et aux inégalités économiques. D’après les statistiques officielles et issues de travaux de recherche, entre 250 et 500 manifestations sont organisées chaque jour, réunissant de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de participants. Les internautes et les médias favorables à une réforme déploient des efforts considérables pour repousser les limites de la censure, malgré les risques qu’une telle démarche leur fait encourir, en prônant l’instauration d’un État de droit et de la transparence, en exposant les agissements préjudiciables des autorités et en appelant à l’adoption de réformes.

Malgré la précarité de leur statut juridique et bien que surveillés par les autorités, les groupes de la société civile poursuivent leurs initiatives visant à élargir leurs travaux et s’engagent toujours plus aux côtés des ONG internationales. Ainsi, bien que petit par sa taille, un réseau engagé d’activistes continue d’exposer les exactions dans le cadre du mouvement weiquan (« défense des droits »), malgré la répression systématique dont il fait l’objet sous la forme d’une surveillance policière, de mises en détention, d’arrestations, de disparitions forcées et d’actes de torture.

Défenseurs des droits humains

En février 2011, ébranlé par les mouvements pro-démocratie du Printemps arabe et par la perspective d’un changement au sein de l’équipe dirigeante chinoise en octobre 2012, le gouvernement a soumis les juristes œuvrant dans le domaine des droits humains, les activistes et les contestataires à des mesures de coercition constituant les plus sévères depuis une décennie. Les autorités ont également renforcé la censure d’Internet et de la presse, placé sous surveillance les activités de nombreux dissidents et détracteurs, restreint leurs activités et pris une mesure inédite en rassemblant plus de 30 contestataires parmi les plus virulents afin de les faire « disparaître » des semaines durant.

Le 3 avril, l’arrestation de l’artiste contemporain Ai Weiwei, ouvertement critique à l’égard du gouvernement, placé en détention dans un lieu secret sans pouvoir recourir aux services d’un avocat, a provoqué un tollé à l’échelle internationale et contribué à sa libération sous caution le 22 juin. Les autorités fiscales lui ont signifié le 1er novembre qu’il lui fallait s’acquitter de 2,4 millions US$ d’arriérés d’impôts et d’amendes pour une société immatriculée sous le nom de son épouse. La plupart des autres activistes ont eux aussi fini par être relâchés, mais ils ont dû nettement modérer leur discours de peur de devoir subir de nouvelles représailles. Plusieurs avocats détenus en 2011, notamment Liu Shihui, ont fait savoir qu’ils avaient été interrogés, torturés et menacés et n’avaient été libérés qu’après avoir signé des « aveux » et s’être engagés à ne pas utiliser Twitter et à ne pas parler de leur détention aux médias, aux groupes de défense des droits humains ou à des diplomates étrangers.

Le gouvernement continue d’assigner indéfiniment à résidence ses détracteurs. Ainsi, Liu Xia, l’épouse de Liu Xiaobo, lauréat du prix Nobel de la paix incarcéré, n’a plus été vue à partir de décembre 2010 et aurait été placée en résidence surveillée pour l’empêcher de militer en faveur de son mari. En février 2011, elle a déclaré lors d’un bref échange en ligne qu’elle et sa famille étaient comme des « otages » et qu’elle se sentait « mal en point ». Elle a le droit de rendre visite à Liu Xiaobo une fois par mois, sous réserve de l’accord des autorités carcérales.

Chen Guangcheng, un activiste aveugle spécialisé dans les questions juridiques, est resté sous résidence surveillée en 2011 après sa sortie de prison en septembre 2010. Des membres de la sécurité ont attaqué Chen et son épouse en février après la publication par l’activiste d’images documentant l’assignation à résidence de sa famille. Hu Jia, un activiste de renom, qui a été libéré en juin après trois ans et demi d’incarcération, a également été placé en résidence surveillée à Pékin avec son épouse Zeng Jinyan, elle aussi activiste, et leur fille. Le sort de l’avocat Gao Zhisheng suscite quant à lui de vives préoccupations ; les autorités l’ont fait « disparaître » en septembre 2009, après quoi il est brièvement réapparu en mars 2010, témoignant de manière détaillée des actes de torture sévères et continus qu’il avait subis, avant de disparaître à nouveau en avril 2010.

Le 12 juin 2011, malgré la détérioration constante de l’environnement des droits humains en Chine, le gouvernement chinois a déclaré avoir rempli « l’ensemble des tâches et objectifs » de ses Plans d’action nationaux sur les droits de l’homme (2009-2010).

Réformes juridiques

Tandis que continue de se développer la conscience juridique des citoyens chinois, l’hostilité flagrante du gouvernement à l’égard d’une véritable indépendance judiciaire fragilise la réforme juridique et réduit à néant les efforts consentis pour limiter l’autorité du Parti communiste chinois sur l’ensemble des institutions et mécanismes judiciaires.

La police domine le système de justice pénale, qui s’appuie de manière disproportionnée sur les aveux des prévenus. La faiblesse des tribunaux et les limites strictes imposées aux droits de la défense font que les aveux arrachés sous la torture restent monnaie courante et les erreurs de justice fréquentes. En août 2011, voulant agir à cet égard et améliorer l’administration de la justice, le gouvernement a publié de nouvelles règles destinées à éliminer les éléments de preuve obtenus de manière illicite et renforcé les droits procéduraux de la défense dans son projet de révision du droit procédural pénal. Celui-ci sera probablement adopté en mars 2012.

Cependant, le projet de révision a également conduit à l’ajout d’une disposition inquiétante qui reviendrait à légaliser les disparitions forcées en autorisant la police à placer secrètement des suspects en détention pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois sur le lieu de leur choix lors d’« affaires ayant trait à la sécurité de l’État, au terrorisme et à une corruption majeure ». Cette mesure exposerait les suspects à un risque considérable de torture tout en permettant au gouvernement de justifier les futures « disparitions » de dissidents et d’activistes. L’adoption de cette mesure – sévèrement critiquée dans les médias chinois par des avocats spécialistes des droits humains, des activistes et une partie de la communauté juridique – marquerait un net recul de la Chine par rapport à la position qu’elle avait précédemment adoptée, laquelle reposait sur une convergence progressive vers les normes internationales régissant l’administration de la justice, telles que le Pacte international sur les droits civils et politiques, que la Chine a signé en 1997 mais n’a toujours pas ratifié.

La Chine reste en 2011 le pays du monde où les exécutions sont les plus nombreuses. Leur nombre exact est toujours classé secret d’État mais, d’après les estimations, il se situerait en 5 000 et 8 000 par an.

Liberté d’expression

En 2011, le gouvernement a continué de porter atteinte aux garanties juridiques nationales et internationales relatives aux libertés de la presse et d’expression en imposant des restrictions aux blogueurs, aux journalistes et aux internautes, ces derniers représentant, d’après les estimations, plus de 500 millions d’individus. Le gouvernement exige ainsi des sociétés de recherche sur Internet et des médias publics qu’ils censurent les questions jugées officiellement « sensibles » et bloquent l’accès à des sites étrangers dont Facebook, Twitter et YouTube. Cependant, la montée des réseaux sociaux chinois en ligne – plus particulièrement de Sina Weibo, qui compte 200 millions d’usagers – confère aux citoyens une nouvelle plateforme pour exprimer leurs points de vue et défier les obstacles officiels à la liberté d’expression, malgré la surveillance des plus rigoureuses exercée par les censeurs chinois.

Inquiétées par les manifestations antigouvernementales en Égypte, les autorités chinoises ont décidé le 30 janvier d’interdire les recherches sur Internet du mot « Égypte ». Le 20 février, des rumeurs se sont mises à circuler sur Internet concernant une « Révolution du jasmin » en Chine, qui ont conduit à interdire toute recherche du mot « jasmin » sur la Toile. En août, une avalanche de critiques d’internautes concernant la réaction du gouvernement à l’accident ferroviaire de Wenzhou le 23 juillet a incité le gouvernement à prévenir de l’imposition de nouvelles sanctions, notamment la suspension de l’accès aux microblogs pour lutter contre les blogueurs qui diffusent « des informations fausses ou trompeuses ».

Des lois ambiguës relatives à l’« incitation à la subversion » et à la « divulgation de secrets d’État » ont contribué à l’incarcération d’au moins 34 journalistes chinois. Parmi ceux-ci figure Qi Chonghuai, au départ condamné à quatre ans de prison en août 2008 pour « extorsion et chantage » au motif qu’il avait mis en évidence une corruption gouvernementale dans sa province natale du Shandong. En juin, sa peine d’emprisonnement a été prolongée de huit ans, le même tribunal le déclarant coupable de nouveaux chefs d’extorsion et de « détournement de fonds ».

La censure constitue toujours une menace pour les journalistes dont les travaux outrepassent les directives officielles. Au mois de mai, Song Zhibiao, rédacteur en chef du Southern Metropolis Daily, a été démis de ses fonctions en guise de représailles pour avoir critiqué les efforts de reconstruction entrepris par le gouvernement suite au séisme de 2008 au Sichuan. En juin, le gouvernement a menacé de placer sur une liste noire les journalistes coupables d’avoir rendu compte de manière « déformée » de scandales dans le domaine de la sécurité alimentaire. En juillet, le China Economic Times a supprimé son unité d’investigation, vraisemblablement suite aux pressions officielles dont elle faisait l’objet en raison des articles virulents que le journal avait consacrés à des actes répréhensibles commis par les autorités.

La violence physique à l’égard des journalistes qui couvrent des sujets « sensibles » est restée d’actualité en 2011. Le 1er juin, des policiers pékinois en civil ont attaqué et blessé deux reporters du Beijing Times qui refusaient d’effacer des photographies qu’ils avaient prises sur le lieu d’une agression à coups de couteau. Les deux officiers ont par la suite été suspendus. Le 19 septembre, Li Xiang, reporter à la chaîne de télévision de Luoyang, dansla province du Henan, a été poignardé à mort lors d’une altercation dont on a beaucoup spéculé qu’il s’agissait en réalité de représailles, le journaliste ayant rendu compte d’un scandale local touchant à la sécurité alimentaire. La police a arrêté deux suspects et insiste sur le fait qu’un vol qualifié était à l’origine du meurtre de Li.

La police a délibérément pris pour cible des correspondants étrangers en les assujettissant à des violences physiques sur les lieux où, d’après certaines rumeurs, une manifestation antigouvernementale devait se tenir le 27 février à Pékin. Un vidéojournaliste à dû se faire soigner pour des ecchymoses graves et un risque de blessures internes après que des hommes, manifestement des officiers de la sécurité en civil, lui ont asséné de multiples coups de poing et de pied au visage. Des policiers en uniforme ont malmené, mis en détention et retenu plus d’une dizaine d’autres représentants de médias étrangers qui se trouvaient sur place.

Des organes du gouvernement et de la sécurité ont empêché la biennale du cinéma gay de Pékin, le Beijing Queer Film Festival, de projeter des films dans le district de Xicheng de la capitale. Une partie du festival s’est déroulée en cachette dans des centres communautaires.

Liberté de culte

Le gouvernement chinois limite la pratique religieuse aux temples, monastères, églises et mosquées agréés par les autorités, et ce, alors que la constitution garantit la liberté de culte. Les institutions religieuses sont tenues de soumettre des informations – y compris des registres financiers, un compte rendu de leurs activités et des détails sur leurs employés – en vue d’un contrôle périodique par les autorités. Le gouvernement examine aussi les demandes d’entrée au séminaire ainsi que les publications religieuses, et toutes les nominations de personnel religieux doivent recevoir son accord. Les « églises domestiques » protestantes et d’autres organisations spirituelles non déclarées sont considérées illégales et leurs membres font l’objet de poursuites en justice et d’amendes. Le Falun Gong et certains autres groupes sont qualifiés de « cultes du mal » et leurs membres s’exposent à des actes d’intimidation, des harcèlements et des arrestations.

Au mois d’avril, le gouvernement a fait pression sur le propriétaire de l’église de Shouwang, à Pékin, une « église domestique » comptant un millier de membres, pour qu’il expulse ce lieu de culte du restaurant pékinois qu’il occupait. Durant au moins cinq dimanches d’avril et de mai, l’assemblée des fidèles de Shouwang a organisé ses offices à l’extérieur, ce qui a attiré l’attention de la police, entraînant la mise en détention provisoire de plus d’une centaine de membres de l’église.

Le gouvernement continue d’entraver les activités religieuses au nom de la sécurité dans les zones où vivent des minorités ethniques. Veuillez vous reporter aux sections consacrées au Tibet et au Xinjiang ci-après.

Droit à la santé

Le 2 août, le gouvernement a annoncé la fermeture de 583 usines de recyclage de piles en raison d’une intoxication au plomb généralisée. Cependant, il s’est abstenu de reconnaître foncièrement et d’examiner plusieurs pratiques abusives, dont le refus de traiter des enfants intoxiqués et le harcèlement dont ont fait l’objet leurs parents lorsqu’ils ont tenté d’exercer un recours en justice, faits dévoilés par Human Rights Watch dans un rapport paru en juin 2011 consacré aux intoxications au plomb dans les provinces du Henan, du Yunnan, du Shaanxi et du Hunan.

Par ailleurs, les personnes atteintes du VIH/sida ont continué de faire l’objet d’une discrimination. En septembre, une femme séropositive victime de brûlures s’est vu refuser tout traitement dans trois hôpitaux de la province du Guangdong en raison de préjugés quant à son statut. Le 8 septembre, un instituteur séropositif a intenté un procès pour licenciement abusif contre le gouvernement provincial du Guizhou après que celui-ci avait refusé de l’embaucher le 3 avril à cause de sa séropositivité.

Droits des personnes handicapées

Le gouvernement chinois assure une protection inadéquate des droits des personnes handicapées, alors qu’il a ratifié la Convention sur les droits des personnes handicapées (CDPH) et que l’organe de contrôle de la Convention s’apprête à examiner son dossier.

En septembre, un groupe de handicapés, enseignants à temps partiel, a demandé au ministère chinois de l’Éducation de lever les restrictions qu’imposaient 20 villes et provinces à l’embauche à plein temps d’enseignants atteints d’un handicap physique. Le 7 septembre, des officiels du Henan ont libéré 30 personnes atteintes d’un handicap mental qui avaient été enlevées et victimes d’une traite les forçant à travailler dans des usines illégales de production de briques de la province. Cette découverte a contribué à mettre en doute les efforts que les autorités consentent pour éliminer ce genre d’abus depuis qu’un scandale similaire a été révélé au Shaanxi en 2007.

Le 10 août, le gouvernement chinois a sollicité des commentaires publics sur son projet de loi sur la santé mentale, fort attendu. Des experts juridiques nationaux ont prévenu que ce projet de loi comportait des dispositions susceptibles de menacer gravement les droits des personnes atteintes d’un handicap mental, notamment en matière d’institutionnalisation involontaire, de traitement forcé et de privation de la capacité juridique.

Droits des migrants et des travailleurs

Le manque de représentation syndicale digne de ce nom a continué d’entraver les possibilités d’amélioration systémique des salaires et des conditions des travailleurs en 2011. Le gouvernement interdisant les syndicats indépendants, la Fédération des syndicats de Chine (ACFTU) officielle est le seul représentant légal des travailleurs en Chine. La pénurie permanente de main-d’œuvre due à l’évolution démographique (d’après les statistiques officielles, à travers la Chine, le nombre d’emplois vacants au premier trimestre 2011 dépassait de 5 % la main-d’œuvre disponible) a entraîné dans quelques cas une hausse des salaires et une amélioration des avantages sociaux pour certains travailleurs.

En janvier, une enquête gouvernementale consacrée aux travailleurs migrants a révélé que le système du hukou (enregistrement des ménages) continuait de soumettre les migrants à une discrimination systémique. Les personnes interrogées pour les besoins de l’enquête ont ainsi accusé le système du hukou, que le gouvernement a promis d’abolir à maintes reprises, d’entraver injustement leur accès au logement, aux services médicaux et à l’éducation. En août 2011, le gouvernement de la ville de Pékin a ordonné la fermeture de 24 écoles privées illégales qui accueillaient des enfants migrants. La plupart de ces enfants ont trouvé une place dans une autre école mais, d’après les estimations, 10 à 20 % d’entre eux ont dû être séparés de leurs parents et envoyés dans la ville rurale natale associée à leur hukou pour y poursuivre leur scolarité, leurs parents étant dans l’incapacité, notamment financière, de leur assurer une éducation adaptée à Pékin.

Droits des femmes

Les droits reproductifs des femmes restent extrêmement restreints en 2011 en vertu des réglementations chinoises en matière de planification familiale. Sanctions administratives, amendes et avortements forcés continuent d’être infligés aux femmes des zones rurales, certes de manière quelque peu irrégulière, notamment lorsqu’elles arrivent en zone urbaine ou industrielle pour y devenir travailleuses migrantes ; par ailleurs, ces politiques s’étendent de plus en plus aux régions habitées par des minorités ethniques comme le Tibet et le Xinjiang. Elles contribuent à une hausse du déséquilibre entre les genres (d’après le recensement de 2010, la Chine compte 118,08 hommes pour 100 femmes), accentuant ainsi la traite des femmes et la prostitution.

Les travailleuses du sexe, soit entre 4 et 10 millions de femmes, constituent toujours une catégorie de la population particulièrement vulnérable en raison des politiques sévères du gouvernement et de campagnes régulières de mobilisation pour lutter contre la prostitution.

Bien que le gouvernement reconnaisse que la violence familiale, la discrimination en matière d’emploi et les attitudes sociales discriminatoires restent des problématiques graves et généralisées, il continue d’entraver le développement de groupes indépendants de défense des droits des femmes et de dissuader toute action en justice menée dans l’intérêt public. Une nouvelle interprétation de la loi nationale sur le mariage par la Cour populaire suprême en août 2011 est susceptible d’accentuer encore davantage l’écart de richesse entre les genres en stipulant qu’une fois un divorce prononcé, les biens immobiliers conjugaux appartiennent exclusivement à la personne qui avait contracté l’hypothèque et a été enregistrée en tant que propriétaire, autrement dit, dans la plupart des cas, au mari.

Adoptions illégales et trafic d’enfants

Le 16 août, le gouvernement chinois a annoncé qu’il durcirait la réglementation empêchant les adoptions illégales et le trafic d’enfants. L’entrée en vigueur de « Mesures d’enregistrement révisées en vue de l’adoption d’enfants par des citoyens chinois » était prévue pour la fin 2011 ; au lieu de permettre les adoptions dans les hôpitaux et d’autres établissements, elle en limiterait la source aux orphelinats. La révision de la réglementation a été prévue suite à une information en mai 2011 selon laquelle des membres d’une unité de planification familiale gouvernementale du Hunan avaient kidnappé et trafiqué au moins 15 nourrissons et les avaient vendus à des couples vivant aux États-Unis et aux Pays-Bas pour 3 000 US$ chacun entre 2002 et 2005. L’enquête de police qui s’en est suivie a conclu qu’aucun trafic illégal n’avait eu lieu, alors même que des parents avaient témoigné de l’enlèvement puis du passage illicite à l’étranger de leurs enfants.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le gouvernement a décriminalisé les comportements homosexuels en 1997 et, en 2001, il a cessé de classer l’homosexualité au rang des maladies mentales. Cependant, la police continue parfois de faire des incursions dans les lieux gay populaires, opérant ainsi, d’après les activistes, un harcèlement délibéré. Les relations sexuelles entre personnes du même sexe ne sont pas reconnues sur le plan juridique, ces personnes n’ont pas le droit d’adopter, et il n’existe aucune loi anti-discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Le 4 avril 2011, la police de Shanghai a fait une incursion dans le Q Bar, un lieu gay populaire, en alléguant que s’y déroulaient « des spectacles à caractère pornographique ». La police a placé en détention plus de 60 personnes, y compris des clients et des membres du personnel du bar, pour les relâcher quelques heures plus tard. Il est de plus en plus fréquent que des personnalités offrent leur soutien pour venir à bout des préjugés sociaux et officiels subis par les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT). Ainsi, le 5 juillet, l’animateur d’une émission-débat de la Télévision centrale de Chine a critiqué les commentaires homophobes publiés en ligne par une célèbre actrice chinoise et appelé au respect de la communauté LGBT.

Tibet

La situation dans la région autonome du Tibet (RAT) et dans les zones autonomes tibétaines voisines que sont le Qinghai, le Sichuan, le Gansu et la province du Yunnan est restée tendue en 2011 à la suite des mesures de coercition drastiques prises lors de la vague de manifestations populaires qui a déferlé sur le plateau en 2008. Les forces de sécurité chinoises y maintiennent une forte présence et les autorités continuent d’entraver considérablement l’accès aux régions tibétaines et les déplacements vers celles-ci, notamment pour les journalistes et les visiteurs étrangers. Les Tibétains soupçonnés de critiquer les affaires d’État politiques, religieuses, culturelles ou économiques sont ciblés et accusés de « séparatisme ».

Le gouvernement poursuit ses travaux d’élaboration d’une « nouvelle campagne socialiste » en déplaçant et relogeant jusqu’à 80 % de la population de la RAT, y compris la totalité des éleveurs et des nomades.

Le gouvernement chinois n’a aucunement indiqué qu’il entendait tenir compte des aspirations des populations tibétaines à l’égard d’une plus grande autonomie, même dans les limites étroites de la loi chinoise sur l’autonomie des régions ethniques. Il a refusé d’ouvrir des pourparlers avec le nouveau dirigeant élu de la communauté tibétaine en exil, Lobsang Sangay, et a prévenu qu’il désignerait lui-même le prochain Dalaï Lama.

Au mois d’août, les autorités du Sichuan ont infligé de lourdes peines d’emprisonnement à trois moines tibétains ethniques du monastère de Kirti qui avaient aidé un autre moine à s’immoler en signe de contestation en mars. À la mi-novembre, dix autres moines tibétains et une religieuse s’étaient immolés, communiquant ainsi tous leur désespoir face au manque de liberté de culte.

Xinjiang

Les émeutes qui ont éclaté à Urumqi en juillet 2009 – la vague de troubles ethniques la plus meurtrière de l’histoire chinoise récente – ont continué de compromettre les développements dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Le gouvernement n’a pas rendu compte des centaines de personnes placées en détention après les émeutes, ni enquêté sur les sérieuses allégations de torture et de mauvais traitement des détenus qui sont ressorties des témoignages de réfugiés et de parents vivant hors de Chine. Les rares procès de personnes soupçonnées par les autorités d’avoir participé aux émeutes qui aient été portés à la connaissance du public ont pâti d’entraves à la représentation juridique et d’une politisation manifeste ; en outre, les procès n’avaient pas été notifiés et aucun d’entre eux ne s’est déroulé de manière réellement ouverte, comme l’exige la loi.

Plusieurs incidents violents ont éclaté dans la région en 2011, bien qu’il soit difficile de déterminer l’identité des coupables. Le 18 juillet, le gouvernement a déclaré avoir tué 14 assaillants ouïgours qui avaient envahi un poste de police à Hetian et détenaient plusieurs otages. Les 30 et 31 juillet, Kashgar a été le théâtre d’une série d’attaques au couteau et à l’explosif. Dans les deux cas, le gouvernement a mis en cause les extrémistes islamistes. Mi-août, il a lancé une campagne « Frapper fort » de deux mois pour « détruire plusieurs groupes terroristes violents et assurer la stabilité dans la région ».

Sous prétexte de lutter contre le terrorisme et le séparatisme, le gouvernement continue également d’exercer une discrimination ethnique omniprésente à l’encontre des Ouïgours et d’autres minorités ethniques, qui s’accompagne d’entraves considérables à l’expression religieuse et culturelle et d’arrestations à visées politiques.

La première Conférence nationale du travail sur le Xinjiang, qui s’est tenue en 2010, a avalisé des mesures économiques qui, bien que pouvant être propices à la génération de revenus, sont plus susceptibles de marginaliser encore davantage les minorités ethniques. Fin 2011, 80 % des quartiers traditionnels de l’ancienne cité ouïgoure de Kashgar auront été rasés. De nombreux habitants ouïgours ont été expulsés et réinstallés de force pour faire place à une nouvelle ville qui sera probablement dominée par la population han.

Hong Kong

En 2011, le refus des autorités hongkongaises en charge de l’immigration d’accorder un droit d’entrée à plusieurs visiteurs critiques à l’égard du bilan du gouvernement chinois en matière de droits humains a laissé redouter une érosion de l’autonomie du territoire. Le pouvoir de la police suscite une préoccupation croissante depuis que d’importantes entraves ont été imposées aux étudiants et aux médias à l’occasion de la visite d’un dirigeant de l’État chinois en septembre 2011.

Le statut des travailleurs domestiques migrants à Hong Kong a été consolidé en septembre lorsqu’un tribunal a qualifié d’anticonstitutionnelles les règles qui empêchaient cette catégorie de travailleurs de demander un droit de séjour. Cependant, le gouvernement de Hong Kong a laissé entendre qu’il demanderait à Pékin de revoir cette décision, ce qui porterait encore davantage atteinte à l’autonomie judiciaire du territoire.

Principaux acteurs internationaux

Bien qu’ayant voté en faveur d’une résolution du Conseil de sécurité renvoyant le cas de la Libye devant la Cour pénale internationale (CPI) en février, le gouvernement chinois a continué d’ignorer ou de saper les normes et institutions internationales se rapportant aux droits humains. En juin, provoquant un véritable tollé, la Chine a accueilli le Président soudanais Omar Al-Bachir, recherché par la CPI pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.En 2011, elle a considérablement accru les pressions exercées sur les gouvernements d’Asie centrale et du Sud-Est pour qu’ils renvoient de force les réfugiés ouïgours, entraînant le refoulement d’une vingtaine de personnes au moins ; en octobre, elle a persuadé le gouvernement sud-africain de refuser d’accorder un visa au Dalaï Lama, qui souhaitait assister aux fêtes d’anniversaire de l’archevêque Desmond Tutu. Le même mois, la Chine a exercé avec la Russie son droit de veto (dont elle fait rarement usage) devant le Conseil de sécurité pour contribuer à faire échouer une résolution condamnant les violations flagrantes des droits de l’homme en Syrie.

Bien que plusieurs dizaines de gouvernements aient assisté aux cérémonies de remise du prix Nobel de la paix 2010 mettant à l’honneur l’activiste Liu Xiaobo, relativement peu d’entre eux ont lancé un véritable travail de plaidoyer pour défendre les droits humains en Chine en 2011. Si les États-Unis ont insisté sur les questions relatives aux droits humains lors de la visite d’État de Hu Jintao en janvier à Washington, ces questions sont devenues nettement moins prioritaires – et l’intérêt des autres gouvernements à leur égard a lui aussi baissé – au début du Printemps arabe, permettant au gouvernement chinois de mieux museler la dissidence. Rares sont les gouvernements qui ont manifestement continué de réclamer la libération de Liu et d’autres prisonniers.

Illustrant peut-être l’influence jouée par l’intensification des objections populaires face à des projets d’investissement chinois dommageables, le gouvernement birman a créé la surprise en septembre en déclarant qu’il suspendait le projet de construction du barrage de Myitsone, principalement appuyé par des fonds chinois et hautement controversé. En Zambie, des entreprises minières dirigées par des Chinois ont annoncé une hausse soudaine des salaires suite à l’élection du Front patriotique, parti de l’opposition, qui avait en partie fait campagne pour obtenir des garanties en matière de salaire minimum.