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2009 a été une année d'occasions perdues pour le Liban. Les élections parlementaires qui se sont déroulées le 7 juin ont été saluées comme libres et équitables. Toutefois, la formation du gouvernement a pris cinq mois, ce qui a reflété les divisions profondément ancrées dans le pays, et des réformes nécessaires ont été retardées en pleine paralysie politique. Les propositions de lois portant sur l'abolition de la peine de mort, la réduction de la détention préventive et la possibilité pour les femmes de transmettre leur nationalité à leur mari et à leurs enfants sont en attente d'un débat gouvernemental.

Torture, mauvais traitements et conditions carcérales

Le droit libanais interdit la torture, mais l'obligation de rendre des comptes pour les tortures et les mauvais traitements infligés aux détenus reste relative. De nombreux détenus, en particulier les islamistes présumés, ont indiqué à Human Rights Watch et à d'autres groupes que les personnes chargées de les interroger les frappaient et les torturaient dans plusieurs installations pénitentiaires, notamment l'unité du renseignement militaire dépendant du ministère de la Défense, la section renseignement des Forces de sécurité intérieure, et certains commissariats de police. Le ministère de l'Intérieur n'a pas rendu publics les résultats d'une enquête qu'il avait diligentée en août 2008 sur les allégations de mauvais traitements infligés à l'intérieur des prisons libanaises.

Le 22 décembre 2008, le Liban a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT), qui réclame la création, dans l'année suivant la ratification, d'un mécanisme de prévention national pour visiter et contrôler les lieux de détention.

Les conditions dans les prisons et lieux de détention restent médiocres, le surpeuplement et le manque de soins médicaux suffisants demeurant des problèmes persistants. Selon un rapport préparé par les Forces de sécurité intérieure, à la date du 24 août 2009, il y avait 5 324 détenus au Liban, alors que les installations de détention peuvent accueillir 3 653 personnes au maximum. Selon le même rapport, les personnes placées en détention préventive représentent environ 65 pour cent du nombre total de détenus, tandis que les étrangers ayant purgé leur peine mais attendant d'être expulsés représentent 13 pour cent du total.

Le Liban a maintenu son moratoire de facto sur les exécutions, mais un certain nombre de condamnations à mort ont été prononcées en 2009. Le ministre de la Justice a présenté un projet de loi sur l'abolition de la peine de mort au gouvernement libanais en octobre 2008, mais son adoption est toujours en instance.

Réfugiés palestiniens

Environ 300 000 réfugiés palestiniens vivent au Liban dans des conditions sociales et économiques épouvantables, et demeurent soumis à de multiples restrictions portant sur le logement et le travail. Les Palestiniens du camp de réfugiés de Nahr al-Bared  -détruit au cours de la bataille de 2007 entre l'armée libanaise et le groupe armé Fatah al-Islam- continuent de vivre dans des conditions terribles. Les efforts de reconstruction ont commencé officiellement en mars 2009, mais en août le Conseil d'Etat Shura, la plus haute cour administrative, a décrété une suspension de deux mois après qu'un politicien important eut soumis une pétition indiquant que la reconstruction pourrait endommager les vestiges archéologiques découverts sous les décombres. Les anciens habitants palestiniens du camp ont manifesté pour protester contre les retards continuels. La reconstruction a finalement repris à la fin du mois d'octobre, à l'expiration de l'injonction de la cour.

En mars, le ministère de l'Intérieur a cessé de délivrer des papiers d'identité temporaires aux Palestiniens qui se trouvent au Liban sans documents légaux. La délivrance de cartes d'identité avait commencé en août 2008 dans le cadre d'un plan visant à améliorer la situation légale d'au moins 3 000 Palestiniens sans papiers, qui vivaient auparavant dans la crainte constante d'être arrêtés. Toutefois, le ministère n'a délivré que 750 cartes avant d'interrompre le processus, invoquant des demandes frauduleuses. En octobre 2009,  le ministre de l'Intérieur a annoncé que le processus reprendrait bientôt, mais au moment de la rédaction de ce rapport, aucune nouvelle carte n'avait été délivrée.

Réfugiés irakiens

Environ 50 000 réfugiés irakiens vivent au Liban. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) reconnaît tous les Irakiens du centre et du sud de l'Irak demandant asile au Liban comme des réfugiés sur une base prima facie. Toutefois, étant donné que le Liban n'a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ce pays n'accorde pas de valeur juridique à la  reconnaissance par l'UNHCR des réfugiés irakiens et menace en général la vaste majorité d'entre eux d'être arrêtés comme immigrants illégaux. En septembre 2009, 80 réfugiés reconnus ont été maintenus en détention au motif qu'ils n'avaient pas de cartes de séjour valables.

Droits des femmes et des filles

En dépit de la participation active des femmes à la plupart des aspects de la société libanaise, des dispositions discriminatoires continuent d'exister dans les lois relatives au statut de la personne, les lois sur la nationalité et le code pénal relatif aux violences dans la famille. Le droit libanais actuel n'autorise pas les femmes à transférer leur nationalité à leurs conjoints ni à leurs enfants. De ce fait, des milliers d'enfants nés de mères libanaises et de pères étrangers se voient refuser le plein accès à l'éducation (les écoles publiques n'acceptent les non Libanais que s'il y reste de la place), les services médicaux et le statut de résident. Après une campagne de plusieurs années menée par des groupes locaux de la société civile, en août le ministre de l'Intérieur a soumis au Conseil des ministres un projet de loi qui permettrait aux femmes libanaises de transmettre leur nationalité à leurs époux et à leurs enfants, mais le Conseil des ministres n'a pas encore approuvé la proposition. La représentation politique des femmes reste très faible, avec seulement quatre femmes élues en 2009 au parlement libanais, sur 128 membres.

Un nouveau projet de loi visant à criminaliser la violence domestique est actuellement en cours d'examen au Conseil des ministres. Le projet de Loi sur la violence familiale vise à réduire les violences domestiques en transférant ces affaires à des tribunaux spécialisés. Le projet de loi exige que quiconque est témoin de violences domestiques le signale, et oblige les auteurs à fournir aux plaignantes un hébergement de substitution et une indemnité de subsistance, et à prendre en charge les frais médicaux.

Les travailleuses domestiques migrantes sont confrontées à l'exploitation et aux mauvais traitements de la part de leurs employeurs, notamment des heures de travail excessives, le non-paiement des salaires et des restrictions de leur liberté. Nombre d'entre elles font l'objet de sévices physiques et sexuels de la part de leurs employeurs, dans un climat d'impunité pour l'employeur. En janvier 2009, le ministère du Travail a mis en place un contrat de travail qui clarifie certains termes et conditions de travail pour les travailleuses domestiques (par exemple le nombre maximum d'heures de travail quotidiennes), ainsi qu'une nouvelle réglementation pour les agences de placement. Toutefois, les mécanismes de mise en application des réglementations font encore défaut. Les travailleuses domestiques migrantes continuent de mourir en grand nombre (huit décès ont été signalés pour le seul mois d'octobre), dont la majorité est classée comme suicide ou décès en « tentant d'échapper à l'employeur ».

Héritage des conflits et guerres passés

Plus d'un an après la fin des combats qui ont éclaté en mai 2008 entre l'opposition dirigée par le Hezbollah et les groupes pro gouvernementaux, qui ont fait au moins 71 morts en deux semaines, les autorités judiciaires libanaises n'ont toujours pas exigé de comptes aux combattants responsables d'attaques contre les civils.

Plus de trois ans après la fin de la guerre entre Israël et le Hezbollah, ni le gouvernement israélien ni le gouvernement libanais n'ont enquêté sur les violations des lois de la guerre commises par les parties belligérantes. Les sous-munitions non explosées  abandonnées sur place après la campagne de bombardement menée par Israël continuent à blesser des civils : selon le Centre officiel d'action contre les mines du Liban, ces engins non explosés ont tué deux civils et en ont blessé 18 en 2009, portant le bilan des victimes après-guerre du fait des mines à 44 tués et 305 blessés. En mai, Israël a remis aux Nations Unies des renseignements et des cartes sur les bombes à sous-munitions tirées au-dessus du sud Liban pendant le conflit de 2006. Le Liban a signé la Convention sur les armes à sous-munitions en décembre 2008.

En dépit de la promesse contenue dans une déclaration ministérielle du gouvernement en août 2008 de prendre des mesures pour découvrir le sort réservé aux Libanais et autres ressortissants qui  « ont disparu » durant et après la guerre civile libanaise de 1975-1990, et de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le gouvernement n'a pris aucune mesure concrète pour découvrir les fosses communes ou recueillir des informations sur les « disparus ».

Le sort des Libanais et autres habitants du Liban qui « ont disparu » entre les mains des forces de sécurité syriennes demeure inconnu. Un comité syrien-libanais conjoint officiel créé en mai 2005 pour enquêter sur ces cas n'avait encore publié aucun résultat au moment de la rédaction de ce rapport.

Tribunal Hariri

En mars 2009, le tribunal international mis sur pied pour juger les auteurs présumés de l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafik Hariri en 2005 ainsi que d'autres assassinats pour raisons politiques a commencé à fonctionner. En avril, le tribunal a ordonné la remise en liberté de quatre anciens directeurs des services libanais du renseignement et de la sécurité -le général Ali al-Hajj, le général Raymond Azar, le brigadier général Jamil al-Sayyed et le général Mustafa Hamdan- qui avaient été maintenus en détention pendant près de quatre ans sans chef d'accusation après leur arrestation en 2005 sous la présomption de leur implication dans l'assassinat d'Hariri. Le tribunal n'a procédé à aucune inculpation à ce jour, et la commission internationale nommée par l'ONU poursuit ses investigations.

Acteurs internationaux clés

De multiples acteurs internationaux et régionaux rivalisent d'influence au Liban.

La France, les Etats-Unis et l'Union européenne sont des soutiens clés du gouvernement libanais et fournissent une assistance à une large gamme de programmes, notamment la formation des forces armées, des séminaires de prévention de la torture et des activités de la société civile. Cependant, ces pays n'ont pas usé de leur influence pour pousser le Liban à adopter des mesures concrètes visant à améliorer la situation des droits humains, par exemple enquêter sur des allégations spécifiques de torture ou adopter des lois qui respectent les droits des réfugiés ou des travailleurs migrants.

Au niveau régional, la Syrie, l'Iran et l'Arabie Saoudite maintiennent une forte influence sur les politiques libanaises à travers leurs alliés locaux.

Les soldats du maintien de la paix de l'ONU sont encore présents en grand nombre à la frontière sud du Liban.