Perdus en zone d’attente

Protection insuffisante des mineurs étrangers isolés à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle

Perdus en zone d’attente  

Protection insuffisante des mineurs étrangers isolés à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle

I. Résumé et recommandations clés
Recommandations clés adressées au gouvernement français
Méthodologie et champ de recherche
II. Contexte
Les zones d’attente : une fiction juridique
L’importance de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle
Procédures pour les mineurs étrangers isolés dans la zone d’attente aéroportuaire de Roissy
III. Abus de la police aux frontières
Traitements humiliants et dégradants
Pressions injustifiées exercées sur les mineurs
Enfants visés par des menaces d’expulsion
Tests de détermination de l’âge approximatifs et inutiles
Abus et dangers pendant la détention
IV. Manque de représentation légale pour les mineurs étrangers isolés
Limites du rôle de l’administrateur ad hoc
Absence des administrateurs ad hoc
Obstruction de la police aux frontières
Accès insufisant à l’aide judiciaire
Juge des enfants et défenseure des enfants : des pouvoirs d’intervention limités
V. Lacunes dans la protection des enfants les plus vulnérables
Lacunes dans la protection des victimes de la traite d’êtres humains
Mineurs isolés demandeurs d’asile
VI. Expulsions sans garanties
Obligations internationales en cas de renvoi de mineurs étrangers isolés
VII. Recommandations
Au ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire
A la police aux frontières de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle
A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
A la Croix-Rouge française
A la Croix-Rouge française et Famille Assistance
Au juge des enfants et au procureur
A la Commission européenne
Au Conseil de l’Union européenne

 

I. Résumé et recommandations clés 

La zone d’attente est un progrès pour les étrangers, parce qu’elle leur permet d’exercer leurs droits avant même d’être entrés sur le territoire national.
—Eric Besson, ministre, ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, 11 mai 2009.
J’ai dit que je ne voulais pas repartir. La femme [policière] m‘a dit : « on va te menotter... te mettre dans l’avion, et te renvoyer dans ton pays. » 
—Ousmane R. arrivé seul à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle en juin 2007, à l’âge de 16 ans.

Entre janvier 2008 et juillet 2009 environ 1 500 mineurs étrangers non accompagnés d’un adulte assumant la charge parentale ou d’un parent sont arrivés à l'aéroport de Paris Roissy-Charles de Gaulle et se sont vu refuser l’entrée en France. Ces mineurs qui se trouvent physiquement à l’intérieur des frontières géographiques de la France sans pour autant être « en » France au regard du droit français, ont été détenus par la police dans la « zone d'attente » de l’aéroport.

Certains de ces mineurs étaient des victimes de la traite des personnes, d’autres fuyaient des persécutions dans leur pays d’origine, et d’autres enfin arrivaient pour rejoindre des membres de leur famille. Au lieu de se voir accorder une protection,  ils ont du faire face à un certain nombre de problèmes, dont : des traitements dégradants de la part de la police ; une détention en zone d’attente avec des adultes, sans protection suffisante contre les membres des réseaux de traite ; des obstacles pour déposer une demande d’asile et à un système expéditif qui procéduralement ne favorise pas le dépôt de demandes d’entrée au territoire français par les enfants. Environ 30% des mineurs ont été par la suite renvoyés dans leur pays d'origine ou dans le pays dans lequel ils avaient transité avant d’arriver en France, qu'ils aient ou non de la famille ou d’autres liens dans ces pays, ou bien ils ont poursuivi leur voyage vers une autre destination. Les autres ont été admis en France.

Le traitement des mineurs étrangers isolés à Roissy-Charles de Gaulle ne concerne pas que la France. Premier aéroport de France et deuxième d’Europe par sa taille, il accueille 60 millions de passagers par an, ce qui fait un point d’entrée principal dans la zone sans frontières de l'Europe dite « espace Schengen ». Il s’y produit plus de 500 000 mouvements d’avions par an, qui assurent la liaison avec 470 destinations dans 110 pays. L’aéroport est également une escale majeure pour les vols long courrier qui traversent l'Europe.

La France, comme tout État souverain, a un intérêt légitime à contrôler ses frontières et à vérifier le statut des personnes qui cherchent à entrer dans le pays. Toutefois, cet intérêt ne l’autorise pas à mettre des enfants en situation de danger. Le traitement que la France inflige aux mineurs étrangers isolés dans les zones d’attente aéroportuaires n’est pas conforme à ses obligations aux termes du droit international et il doit être révisé rapidement.

Contrairement aux décisions exécutoires de la Cour européenne des droits de l'homme et aux avis formulés par les organes des Nations-Unies, le gouvernement français met en avant une fiction juridique selon laquelle la zone d’attente aéroportuaire jouirait d’une sorte de statut extraterritorial. En conséquence de quoi, les mineurs étrangers isolés retenus à l’aéroport et non autorisés à entrer en France sont soumis à un régime judiciaire différent de celui des enfants qui se trouvent « sur le territoire français ». Concrètement, ceci signifie que les mineurs en zone d'attente ont beaucoup moins de droits car leur statut de migrant l'emporte sur celui de mineur.

A leur arrivée, les mineurs peuvent être confrontés à une conduite intimidante et même abusive de la part des policiers. Human Rights Watch a recueilli des informations concernant des cas où la police a contraint des enfants âgés de six ans seulement à signer des papiers auxquels ils ne comprenaient rien. La police menotte fréquemment les enfants et les soumet à des fouilles à nu. Certains mineurs interrogés par Human Rights Watch étaient restés enfermés dans les aérogares toute une journée, pendant laquelle la police avait limité leur accès aux toilettes.

Human Rights Watch a également constaté que la police menaçait régulièrement d’expulsion les mineurs à un moment où ceux-ci sont dans l'angoisse et ont besoin d’être assistés et de recevoir des informations fiables. Dans plusieurs cas, la police a délibérément refusé d’accorder aux mineurs les 24 heures de protection contre l’expulsion auxquelles ils ont droit et a décidé, à leur place, qu'ils voulaient partir « le plus rapidement possible ». La police a demandé des examens importuns pour déterminer l'âge de jeunes qui de toute évidence n’avaient pas 18 ans.

La zone d’attente est le seul lieu en France où des mineurs isolés  sont maintenus au même endroit que des adultes, femmes et hommes ensemble, tout comme filles et garçons. Le centre de détention de l’aéroport est peu surveillé et des mineurs ont été victimes de harcèlement sexuel de la part d’autres détenus, se sont grièvement blessés, et ont souffert de crises d’angoisse et de troubles du sommeil.

La loi prévoit que des administrateurs ad hoc doivent être désignés pour assister et représenter les mineurs en zone d'attente. A ce jour tous les mineurs isolés ne bénéficient pas d’un administrateur ad hoc, bien que le gouvernement s’y soit engagé. Mais même si cette mesure était respectée, elle ne comblerait pas les lacunes dans la protection ; en effet, les mineurs peuvent être expulsés avant même d’avoir rencontré leur administrateur ad hoc. N’ayant que peu de pouvoirs, ces administrateurs ad hoc sont livrés à un jeu du chat et de la souris avec la police aux frontières qui expulse les mineurs isolés avant l’arrivée de leur administrateur ad hoc  à l’aéroport, ou encore refuse de livrer certaines informations, rendant ainsi impossible l’assistance au mineur.

Les mineurs qui ne sont pas représentés par un administrateur ad hoc ou ceux qui n’ont jamais rencontré leur représentant ne peuvent pas introduire un recours sur la légalité de leur détention car ils ne possèdent pas la capacité juridique à déposer un tel recours. Ils se retrouvent dans une situation impossible et parfaitement injuste.

En outre, certains administrateurs ad hoc ne sont pas suffisamment formés, et ils sont mal payés pour une tâche à la fois complexe, stressante et qui implique d’énormes responsabilités. Par conséquent, il existe un risque que l’intervention d’un administrateur ad hoc n’ait pas toujours pour résultat la protection de l'intérêt de l'enfant et de ses droits.

Les mineurs demandeurs d’asile peuvent être empêchés par la police aux frontières d’enregistrer une demande d’asile. Ceux qui déposent une demande doivent passer des entretiens examinant leur demande juste après leur arrivée et durant leur détention. A ce moment-là, il est fréquent qu'ils manquent d’assurance, qu’ils ne soient pas suffisamment préparés, qu’ils ne bénéficient pas d’une aide judiciaire ou qu’ils n’aient pas eu le temps de comprendre ce qui se passe et les implications des entretiens qu'ils passent. De plus les enfants peuvent encore être sujets à l’influence des passeurs. Le lieu où se déroulent ces entretiens brouille la ligne de démarcation entre l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la police aux frontières, qui maintient les enfants en détention ; par conséquent les enfants perdent encore plus leur assurance et leur confiance.

Les mineurs qui déposent une demande d’asile qui leur est refusée peuvent être confrontés à des obstacles pour faire appel si leur administrateur ad hoc est absent ou s'il omet de les informer de leur droit à faire appel et des délais à respecter. Human Rights Watch a établi que dans certains cas l’administrateur ad hoc avait refusé d'approuver des appels au motif qu’un appel n’était pas justifié, une position dont l'évaluation n'entre ni dans ses compétences ni dans ses responsabilités.

Les officiers de protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides n’ont pas reçu de formation spécifique pour évaluer les demandes des mineurs, et les critères d’évaluation sont les mêmes pour les mineurs et les adultes. Les procédures accélérées de droit d’asile sont particulièrement peu adaptées au cas des mineurs qui ont des seuils plus bas de résistance aux traumatismes et au stress que les adultes. Les mineurs peuvent être traumatisés par ce qui les a conduits à fuir en premier lieu, mais en plus ils se sentent menacés par la façon d’agir de la police, en détention, sans les informations nécessaires et l’aide judicaire dont ils ont besoin dans une situation où des décisions concernant leur statut sont prises très rapidement. Tous ces facteurs se combinent de sorte que les mineurs ne sont pas forcement en mesure d’exprimer leur demande de façon convaincante et cohérente, et d’expliquer les raisons de leur fuite, ou même de comprendre ce qui leur arrive, ce qui augmente la probabilité que leurs demandes seront rejetées. Human Rights Watch a découvert deux affaires où des décisions négatives prises dans de telles circonstances ont par la suite été annulées.

Parmi les mineurs qui risquent d’être détenus dans les zones d’attente de l’aéroport et peuvent être expulsés se trouvent des victimes de la traite d’êtres humains. Le gouvernement français soutient que la zone d'attente offre une protection aux mineurs isolés et empêche les réseaux de traite d’opérer sur le sol français. Toutefois, Human Rights Watch a observé l’inverse. La police aux frontières n’a pas de procédures permettant de repérer les victimes de la traite et a plutôt par le passé procédé à l’expulsion immédiate des victimes, au risque de les renvoyer dans les griffes de réseaux criminels. Dans le centre de détention de l’aéroport, des membres de réseaux ont même pu rendre visite aux mineurs et exercer des pressions.

D’autres mineurs peuvent encourir des dangers parce que d’après la loi et en pratique ils peuvent être expulsés vers un pays de transit où ne réside aucun membre de leur famille ou encore, ils peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine sans garantie qu’ils seront regroupés avec leur famille ou autrement pris en charge. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la police a tenté d’agir de la sorte avec au moins un mineur isolé qui n’avait que cinq ans.

Les enfants qui résistent à l’expulsion s’exposent à des poursuites judiciaires. Au centre de détention de l’aéroport, des mineurs ont été punis par  des mesures de placement en cellule d’isolement, et des rapports indiquent que la police aux frontières a menacé des mineurs, et dans quelques rares cas, a recouru à la force physique pour assurer leur éloignement hors de France.

L’action des autorités dans la zone d’attente de l’aéroport se déroule d’une manière expéditive. Un enfant peut faire l’objet d’un refus d’entrée et d’une expulsion en quelques heures, sans jamais quitter les aérogares. Des procédures aussi rapides empêchent une analyse sérieuse de la situation d’un mineur et toute intervention destinée à le protéger. La rapidité des procédures rend moins probable le fait qu'un mineur soit en mesure de contester un refus d'entrée et de chercher une protection concrète contre les dangers potentiels. Ainsi, le risque augmente que les enfants soient renvoyés à des situations de danger.

Les organismes de droits humains français et internationaux, y compris la défenseure des enfants, le Comité des droits de l’enfant de l'ONU et plusieurs organisations non gouvernementales françaises, émettent depuis longtemps des critiques au sujet du traitement infligé aux mineurs étrangers isolés à l’aéroport et ont appelé à maintes reprises la révision du système en place. Certains, comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ont exigé que tous les mineurs étrangers isolés soient admis sur le territoire français, où leur situation pourra être évaluée dans des conditions adaptées.

Début 2009, le ministre de l’Immigration Eric Besson a créé un groupe de travail chargé d’analyser la situation des mineurs étrangers isolés, y compris les enfants placés dans les zones d’attente de l’aéroport. Les conclusions du groupe de travail n'ont pas encore été rendues publiques à ce jour. C’est une mesure bienvenue, mais en mai 2009, le ministre est resté dans le vague à propos de ses intentions, déclarant qu’il n’était « pas question non plus de remettre en cause l’existence d’une zone d’attente » car cela reviendrait à encourager les réseaux de traite et à faciliter l'exploitation des enfants.

Human Rights Watch a une autre vision de la situation. Tant que les autorités n’envisagent que des changements superficiels et n’abordent pas la fiction juridique de la zone d’attente qui est au centre des défauts actuels, les violations des droits humains par la France risquent fort de se poursuivre. 

Recommandations clés adressées au gouvernement français

  • Abolir le statut juridique arbitraire de la zone d'attente pour les mineurs étrangers isolés et admettre tous les mineurs isolés qui arrivent à ses frontières sur le territoire français où leurs besoins de protection, leurs vulnérabilités, leurs opinions, et leur intérêt supérieur peuvent faire l’objet d’une évaluation sérieuse et servir de base pour toute décision concernant leur avenir.
  • Entre-temps, suspendre immédiatement le renvoi des mineurs étrangers isolés vers des pays de transit et adopter des procédures formelles qui garantissent leur sécurité en cas de retour dans leur pays d'origine ou en cas de regroupement avec la personne assumant la charge parentale dans un pays tiers. Avant toute décision d’éloignement, déterminer si l’éloignement est dans l’intérêt supérieur de l'enfant, en prenant en compte les risques d’abus ou les dangers auxquels il peut se trouver confronté à son arrivée.
  • Publier immédiatement des directives claires à l’intention de la police aux frontières indiquant qu’aucune expulsion ne peut avoir lieu tant qu’un enfant n’a pas rencontré son administrateur ad hoc et qu’il n’a pas eu la possibilité de demander conseil à un avocat.
  • Cesser, avec effet immédiat, de détenir des mineurs étrangers isolés avec des adultes ou en mélangeant filles et garçons. En règle générale, un mineur étranger isolé doit être remis aux soins des autorités locales et ne doit pas être placé en détention. Si, exceptionnellement, des enfants sont détenus, ils doivent bénéficier de l’assistance d’un avocat et d’un administrateur ad hoc afin de pouvoir contester leur détention.

Méthodologie et champ de recherche

Ce rapport examine le traitement des mineurs étrangers par les autorités françaises dès leur arrivée à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, près de Paris, sans leurs parents ou sans une personne assumant la charge parentale. Il se penche plus particulièrement sur les enfants non admis en France entre le moment où ils sont placés en zone d'attente à l'aéroport et le moment où une décision est prise autorisant leur entrée en France ou les expulsant. Ce rapport n’aborde pas le traitement des enfants une fois qu'ils ont obtenu l’autorisation d'entrer en France, ou après leur éloignement dans leur pays d'origine ou dans un pays tiers.

Entre avril et juillet 2009, nous nous sommes entretenus avec un total de 19 mineurs isolés étrangers, dont six filles, qui étaient placés en zone d'attente aéroportuaire. Un mineur était détenu dans la zone d’attente de l’aéroport d’Orly-Paris ; les autres étaient à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. La plupart des enfants auxquels nous avons parlé ont été détenus en zone d'attente entre avril 2008 et juin 2009. Deux des enfants avaient été placés en zone d’attente en 2007 et un en 2006. Les mineurs étrangers isolés avec lesquels nous nous sommes entretenus étaient des citoyens des pays suivants : République démocratique du Congo, Congo-Brazzavile, Erythrée, Sri Lanka, Népal, Chine, Liban, Brésil, Côte d’Ivoire, Albanie, Guinée Conakry, Nigeria et Comores.

Deux entretiens se sont faits par téléphone ; tous les autres entretiens se sont déroulés en personne, en privé et dans un cadre qui assurait la confidentialité. La police aux frontières nous a autorisés à rencontrer les mineurs placés en centre de détention[1] de l’aéroport dans des pièces spéciales pour visiteurs. Lorsque cela était nécessaire, les entretiens se sont déroulés avec l’aide d’un interprète. Dans le cadre de cinq entretiens, l’administrateur ad hoc ou les parents des enfants étaient présents. Nous avons aussi suivi 55 audiences de mineurs étrangers isolés devant le juge chargé de se prononcer sur le maintien des enfants en zone d'attente de l'aéroport. Le nom de tous les enfants a été changé pour protéger leur identité.

Nous avons interrogé 10 administrateurs ad hoc représentant les enfants maintenus en zone d’attente de l’aéroport. Nous leur avons garanti que les informations qu’ils nous fournissaient pour ce rapport resteraient anonymes et nous n’indiquons donc pas leurs noms. Nous avons rencontré des fonctionnaires du ministère de l’Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire (« ministère de l’Immigration »), du ministère de la Justice, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), des Services d’aide sociale à l'Enfance et de la police aux frontières à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Nous nous sommes également entretenus avec des représentants du système judiciaire, y compris un juge des libertés et de la détention, un procureur, et un juge des enfants.

Human Rights Watch n’a pas cherché à déterminer comment les mineurs sont arrivés en France parce que certains étaient certainement encore sous l'influence de passeurs. Nous n’avons pas non plus cherché à évaluer les raisons qui les ont poussés à émigrer ni  à évaluer leur demande d'asile. En revanche, nous avons examiné dans quelle mesure la façon dont le gouvernement français traite les mineurs demandeurs d’asile après leur arrivée est conforme à ses obligations relatives aux droits humains. Cette enquête se penche notamment sur le respect du droit des mineurs à déposer une demande d'asile et à voir leur demande étudiée de manière juste et efficace.

En conformité avec les instruments internationaux, le terme « mineur » désigne dans ce rapport une personne qui n’a pas encore atteint l’âge de 18 ans.[2] Pour les besoins de ce document, nous utilisons le terme « mineur isolé » pour signifier qu’il n’est pas accompagné ou qu’il est séparé, comme précisé dans la définition du Comité des droits de l'enfant :

Par « enfant non accompagné » (également appelé mineur non accompagné), on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume. Un « enfant séparé », est un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal auparavant en vertu de la loi ou de la coutume, mais pas nécessairement d’autres membres de sa famille. Un enfant séparé peut donc être accompagné par un autre membre adulte de sa famille.[3]

II. Contexte

Les zones d’attente : une fiction juridique

La zone d’attente est une fiction juridique en vertu de laquelle la France peut traiter une personne qui se trouve physiquement dans le pays comme si elle était encore à l'extérieur du pays. Bien que les zones d’attente soient situées aux points de franchissement des frontières ou bien dans les aéroports, là où une personne entre dans le pays, le concept a été défini de façon assez large pour permettre à une personne maintenue en zone d’attente d’aller dans des lieux tels que des hôtels ou des hôpitaux sans jamais entrer dans le pays d’un point de vue légal, comme une bulle en suspension.[4] Dans le cas de la zone aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle, la zone d'attente comprend des hôpitaux autour de Paris, ainsi qu’un tribunal situé à plus de 20 km de l’aéroport.[5]

La zone d’attente est un outil de contrôle des migrations qui fournit un espace dans lequel il est possible d'évaluer si une personne remplit les conditions requises pour entrer en France, et qui, si la personne ne les remplit pas, permet son expulsion rapide.[6] Les étrangers non autorisés à entrer en France sont placés en zone d’attente jusqu’à ce qu’ils soient éloignés, jusqu’à ce qu’ils obtiennent la permission d’entrer sur le territoire ou pour la durée de l’examen de leur demande d’asile. La durée maximum d’un placement en zone d’attente ne peut pas dépasser 20 jours.[7]

Le gouvernement français a déclaré à plusieurs reprises que les personnes maintenues en zone d’attente étaient soumises à des lois différentes parce qu’elles n’étaient pas entrées sur le territoire français. En réalité, et tout spécialement dans le cas des mineurs étrangers isolés, cela signifie que ces personnes jouissent de moins de droits. Les lois concernant les zones d’attente ne font presque pas de distinction entre les adultes et les mineurs étrangers isolés. Pour ces derniers, la zone d’attente est un trou noir juridique : leur statut en tant que migrants prévaut sur leurs droits à protection en tant que mineurs non accompagnés d’un adulte assumant la charge parentale.[8]

Les zones d’attente sont le seul lieu en France où des enfants isolés sont placés avec des adultes. Elle est le seul endroit d’où des mineurs peuvent être envoyés de force dans n’importe quel pays par lequel ils ont transité ou bien dans lequel ils peuvent entrer de façon légale. Le droit français interdit l'expulsion de mineurs étrangers isolés « du territoire français », mais ceux maintenus en zone d'attente sont dépourvus de cette protection car ils ne jouissent pas des mêmes droits que ceux « qui sont entrés ».[9] Les mineurs étrangers isolés placés en zone d'attente à l'aéroport peuvent être expulsés vers des pays où ne se trouve aucun membre de leur famille.[10] En outre, toute personne en zone d’attente qui fait une demande d’asile, contrairement à une personne « sur le territoire français », est soumise à une procédure d'évaluation accélérée.[11]

De nombreux tribunaux, y compris la Cour européenne des droits de l'homme, à la différence du raisonnement du gouvernement, ont estimé qu’ « En dépit de sa dénomination, ladite zone ne bénéficie pas du statut d'extra-territorialité́ » et que « le maintien [de personnes] dans la zone internationale de l'aéroport de Paris-Orly qu’elles relèvent du droit français ».[12] La cour de cassation française a déclaré dans un arrêté récent « qu'un mineur placé en zone d'attente, située dans l'aéroport Charles de Gaulle de Roissy, se trouve de fait sur le territoire français » et elle a donné au juge des enfants la compétence d’intervenir si ce dernier est en danger (voir au chapitre V une discussion du mandat du juge des enfants).[13]

Le gouvernement a également déclaré que les personnes maintenues en zone d’attente ne sont pas privées de liberté parce qu’elles ne se trouvent pas sur le territoire français et parce qu’elles peuvent partir à tout moment si elles acceptent d’être renvoyées ou de poursuivre leur voyage.[14] Le ministère français de l'Immigration et les représentants de la police aux frontières ont déclaré lors d’une réunion avec Human Rights Watch que les personnes maintenues en zone d’attente n’étaient pas « détenues » et qu’elles pouvaient partir à tout moment pour se rendre dans un pays prêt à les accueillir.[15]

La Cour européenne des droits de l'Homme a contredit la déclaration du gouvernement selon laquelle les personnes maintenues n’étaient pas détenues, précisant que « le placement des requérants dans la zone de transit de l'aéroport de Paris-Orly, en raison des restrictions subies, équivalait en fait à une privation de liberté » au sens de l’article 5 paragraphe 1 (article 5-1) de la Convention européenne des Droits de l'Homme.[16]

L’arbitraire du statut légal de la zone d’attente devient encore plus manifeste dans les témoignages de deux mineurs isolés qui nous ont dit avoir été placés dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy après être entrés sur le territoire français, un scénario non prévu par la loi.

Je voulais aller au Royaume-Uni... J’ai franchi tous les contrôles de passeport mais au moment d’embarquer je me suis fait prendre avant de monter dans l’avion. On m’a emmené à la police... Ils m’ont demandé combien de temps j’étais resté en France, j’ai dit deux semaines... J’ai signé les papiers. L’interprète m’a dit que c’était des papiers à signer pour pouvoir dormir à l’hôtel. Je n’ai pas lu ce que je signais et je n’ai pas compris.[17]

Un autre garçon, qui avait 17 ans au moment de son arrivée, nous a dit qu’il avait réussi à franchir le contrôle des passeports, ce qui signifie pourtant qu’il était en territoire français. Il a toutefois été placé en zone d'attente par la suite :

Je me suis dirigé vers le contrôle des passeports et je me suis faufilé juste comme ça... Ensuite je suis allé à la police (dans le hall des arrivées) et je me suis présenté... J’ai dû signer des papiers mais n’ai pas eu le temps de les lire. A ce moment-là j’avais peur et ne voulais par repartir. J’ai signé parce qu’ils voulaient que je signe.[18]

La Convention relative aux droits de l'enfant des Nations-Unies oblige les autorités françaises à toujours agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant et à accorder une protection et une aide spéciales aux enfants sans famille ainsi qu’à ceux qui demandent l’asile.[19]

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, l’organe chargé de veiller à l'application de la Convention, a exprimé clairement que ces obligations s'appliquent partout où l'Etat exerce sa juridiction, y compris dans la zone d'attente de l’aéroport :

Les obligations qui incombent à un État partie en vertu de la Convention s’appliquent à tout enfant se trouvant sur son territoire et à tout enfant relevant de sa juridiction. Ces obligations ne peuvent être restreintes arbitrairement et unilatéralement, que ce soit en excluant certaines zones ou régions du territoire de l’État ou en définissant des zones ou régions particulières comme ne relevant pas ou ne relevant que partiellement de la juridiction de l’État. En outre, les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire.[20]

Reconnaissant l’intérêt d’un État à contrôler ses frontières, le Comité a cependant maintenu que « les arguments non liés aux droits, tels que ceux relatifs au contrôle général des migrations, ne peuvent l’emporter sur les considérations en rapport avec l’intérêt supérieur de l’enfant ».[21]

L’importance de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

Premier aéroport de France et deuxième d’Europe par sa taille, l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle accueille 60 millions de passagers par an, ce qui fait de Roissy un point d’entrée principal dans la zone sans frontières de l'Europe, ladite espace Schengen. Il compte plus de 500 000 mouvements d’avion par an, assurant la liaison avec 470 destinations dans 110 pays. L’aéroport est également une escale majeure pour les vols long courrier qui traversent l'Europe.[22]

Il existe plus de 70 zones d’attente en France et dans ses territoires d’outre-mer. Celle de l’aéroport de Roissy est la plus importante : environ 90% de tous les étrangers en zone d’attente se trouvent à Roissy, soit plus de 14 000 personnes par an.[23]

La zone d’attente de l’aéroport de Roissy comprend un centre de détention pouvant accueillir 164 personnes, connu sous le nom de Zone d’attente pour personnes en instance N°3 (ZAPI 3), situé dans la zone aéroportuaire, à côté d’une piste. Avant d’être placés dans ce centre de détention, les ressortissants des pays ne faisant pas partie de l’UE peuvent être enfermés dans des locaux appartenant à la police à l’intérieur des aérogares. Les mineurs isolés âgés de moins de 13 ans peuvent aussi être maintenus dans des hôtels, près de l’aéroport. Début 2008, parce que le nombre de détenus dépassait la capacité d’accueil, les autorités plaçaient les migrants dans de grands hangars de l'aéroport.[24]

Procédures pour les mineurs étrangers isolés dans la zone d’attente aéroportuaire de Roissy

Le schéma ci-dessous représente de façon simplifiée le parcours des mineurs étrangers isolés non autorisés à entrer en France, et précise le mandat des institutions qui interviennent pour leur compte. Un mineur à qui l’entrée est refusée est placé en zone d’attente. En théorie, pendant sa détention en zone d’attente, un enfant : est représenté par un administrateur ad hoc ; peut déposer une demande d’asile ; peut comparaître devant un juge qui révise sa détention au bout de quatre jours ; peut être remis en liberté et autorisé à entrer en France, ou bien peut être renvoyé dans son pays d’origine ou dans le dernier pays par lequel il a transité.

1. Les mineurs étrangers isolés qui ne remplissent pas les conditions pour être admis en France se voient refuser l’entrée en France et sont placés dans la zone d’attente de l’aéroport.

2. Pendant son séjour dans la zone d’attente de l’aéroport, le mineur peut être expulsé à tout moment, soit dans son dernier pays de transit, soit dans son pays d’origine.[25]

3. La police aux frontières de l’aéroport doit immédiatement saisir le procureur de la présence d’un mineur étranger isolé.Le procureur désigne alors un tuteur pour l’enfant, un administrateur ad hoc qui assiste et représente l’enfant pendant toutes les procédures administratives et juridiques. Dans la pratique, il arrive que les mineurs soient expulsés avant l’arrivée à l’aéroport de leur administrateur ad hoc.L’administrateur ad hoc représente également l’enfant lors de l'examen de son placement en zone d’attente et de son entretien de demande d’asile.[26]

4. Un mineur isolé peut demander à entrer en France au motif d’une demande d’asile. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, OFPRA, se limite à déterminer si une demande d’asile faite à la frontière est ou n’est pas « manifestement infondée ». L’Office émet un avis qu’il communique au ministère de l’Immigration, l’organe qui prend la décision.[27] Pendant l’examen de la requête de l’enfant, celui-ci ne peut pas être expulsé. Si sa requête est satisfaite, le mineur est autorisé à pénétrer sur le territoire français et à soumettre une demande d'asile normale.[28] Si sa requête est rejetée, l’enfant a 48 heures pour introduire un recours auprès du tribunal administratif. Pendant l’examen du recours, l’enfant est protégé de l’expulsion. Si l’enfant n’introduit pas un recours à l’encontre d’une décision négative ou si le recours n’est pas accordé, l’enfant reste placé en zone d’attente et il peut être expulsé à tout instant.[29]

5. Le juge des enfants, un magistrat spécialisé et compétent en matière d’affaires pénales et civiles relatives aux enfants, peut intervenir à tout instant si un mineur placé dans la zone d'attente de l'aéroport est en danger. Le juge peut requérir des mesures de protection, qui peuvent conduire à ce que l’enfant soit admis sur le territoire français pour regroupement familial ou placement auprès des services sociaux. L’enfant peut demander l’intervention du juge ou le juge peut, à titre exceptionnel, intervenir de sa propre initiative, après avoir été alerté par toute autre personne.[30]

6. Le juge des libertés et de la détention examine une première fois la légalité de la détention de l’enfant dans la zone d’attente de l’aéroport au bout de quatre jours, et si la détention en zone d’attente est prolongée et si le mineur n’a pas fait l’objet d’une expulsion, de nouveau après un maximum de huit jours.[31] L’enfant est présent à l’audience, où il est représenté par son administrateur ad hoc et un avocat (généralement commis d’office) et, le cas échéant, il est assisté par un interprète.[32] Le procureur peut faire appel de la décision du juge de remettre le mineur en liberté et demander que l'enfant reste en zone d'attente. L’administrateur ad hoc du mineur peut aussi faire appel à la décision du juge de prolonger la détention ; la cour d'appel prend la décision concernant ces recours.[33] La durée totale de la détention en zone d’attente ne peut pas excéder 20 jours ; au bout de ce délai, les personnes doivent être remises en liberté et recevoir l’autorisation d’entrer sur le territoire français.[34]

III. Abus de la police aux frontières

Le premier contact entre un mineur étranger isolé et un fonctionnaire du gouvernement est un moment décisif qui donne le ton de la relation entre le mineur et les autorités. Une première rencontre rassurante qui donne confiance dans les autorités contribue de manière positive à la stabilité de l’enfant et à sa capacité à faire valoir ses droits. Elle donne également aux autorités la possibilité de mieux évaluer et de mieux comprendre la situation des mineurs, y compris les risques auxquels ils sont confrontés.

A l’aéroport de Roissy, toutefois, la première rencontre entre les enfants et les autorités est loin de créer un climat positif. Presque tous les mineurs interrogés par Human Rights Watch ont déclaré que les premiers contacts avec les autorités françaises avaient été marqués par des menaces, des humiliations et une atmosphère de coercition, ce qui avait eu pour effet de déstabiliser les mineurs et de les effrayer, et avait peut-être pour objectif de les inciter à renoncer à faire valoir leurs droits et à accepter d’être renvoyés de leur plein gré.

Traitements humiliants et dégradants

La police aux frontières de l’aéroport a fait subir aux mineurs des traitements humiliants et dégradants. De nombreux mineurs disent avoir été obligés de se déshabiller complètement pendant des fouilles et se sont sentis humiliés. En général, des agents de police du même sexe que le mineur étaient chargés de la fouille, sauf dans le cas d’un garçon, âgé de 17 ans, qui a dit que deux policières étaient dans la pièce où on le fouillait :

Un groupe [de policiers] est venu me chercher... Ils étaient quatre ; l'un d'eux m'a fouillé : j'ai été obligé d'enlever tous mes vêtements, et l'un deux a fouillé ma valise. Il y avait une femme et un autre policier qui étaient là juste pour surveiller. C’était très humiliant d’être tout nu devant la femme. Leur façon de me fouiller était humiliante. Le policier noir s’est moqué de moi. J’avais l’impression qu’on me traitait d’idiot et je me sentais intimidé.[35]

Plusieurs mineurs nous ont rapporté que la police aux frontières les avait enfermés à clé dans une pièce de l’aérogare avec des adultes pour toute une journée avant de les emmener au centre de détention. Dans certains cas, les autorités avaient limité leur accès aux toilettes : « j’ai attendu tout l’après-midi dans un endroit. J’ai été emmené dans un endroit qui était comme une prison, la porte était fermée à clé ; des gens dans la pièce voulaient aller aux toilettes [mais ne pouvaient pas] alors ils ont uriné sur le sol », nous a relaté un garçon de 17 ans.[36]Une jeune fille de 16 ans nous a aussi raconté :

D’abord ils m’ont enfermée à clé dans une pièce. Il y avait plusieurs personnes dans la pièce, y compris des hommes ; peut-être huit ou dix au total. J’ai essayé d’appeler la police pour aller aux toilettes mais il n’y avait personne... Je n’ai pas pu aller aux toilettes.[37]

Si de tels actes n’ont rien d’impressionnant pour des adultes, les mineurs sont généralement moins à même de résister aux intimidations et aux pressions, en particulier dans un environnement à la fois nouveau et perturbant pour eux et plein d’incertitude quant à ce qui va leur arriver. Les autorités devraient donc réfléchir à l'impact des procédures standards appliquées, sans modification, à des enfants et s'abstenir de recourir à des actes susceptibles de les déstabiliser.

Même si leur cas n’est pas représentatif, deux garçons nous ont raconté qu’en dépit de leurs tentatives répétées de parler avec la police, ils ont dû attendre deux jours dans l’aérogare avant que la police accepte de s’occuper de leur cas. Bien que les mineurs aient le droit d’être représentés par un administrateur ad hoc immédiatement après leur premier contact avec la police, l'expérience de ces garçons montre bien que cette représentation peut ne pas leur être accordée lorsque le travail de la police est insuffisamment surveillé.[38]

Quand nous sommes arrivés à l’aéroport de Roissy, le passeur nous a dit d’attendre. Nous n’avons pas compris que nous étions en France. Le passeur nous a laissés là, et il n’est pas revenu. Nous avons attendu jusqu’à quatre heures du matin puis nous sommes allés à la police. La police nous a dit de nous asseoir sur des chaises et d'attendre. La police ne comprenait pas vraiment l’anglais.... Ils nous ont dit de nous asseoir et d’attendre. Nous avons attendu deux jours.
Pendant que nous attendions que la police s'occupe de nous, nous ne savions pas si c’était le jour ou la nuit. Chaque fois que des policiers sortaient du bureau, on s’approchait pour poser une question et chaque fois ils nous disaient de nous asseoir et d’attendre encore. Une fois un policier est venu et nous a demandé nos noms et notre nationalité mais après il nous a dit d'attendre encore. Après deux jours nous avons demandé quelque chose à manger. Un policier nous a apporté des frites.[39]

Pressions injustifiées exercées sur les mineurs

L’immense majorité des enfants nous a raconté que la police aux frontières exerçait des pressions fortes ou leur induisaient en erreur pour qu’ils signent des documents sans leur expliquer ce qu'ils signaient, profitant ainsi de l'état de peur des enfants et de leur méconnaissance de leurs droits.[40] Dans au moins trois cas portés à la connaissance de Human Rights Watch, les autorités n’ont pas fourni d’interprète aux mineurs, comme l’exige la loi.[41]

Conformément à la loi, les mineurs étrangers isolés à qui l'entrée en France a été refusée bénéficient d’une protection de 24 heures contre l’expulsion, connue sous le nom de « jour franc ».[42] Le souhait (ou refus) du mineur de bénéficier du jour franc est inscrit sur le document de refus d’admission sur le territoire que les mineurs doivent signer. Human Rights Watch a constaté que dans au moins trois cas, les autorités n’avaient pas donné au mineur son droit au jour francet qu’elles avaient noté sur le document de refus d’entrée que l’enfant souhait partir « le plus rapidement possible », et avaient immédiatement essayé d’expulser l’enfant contre son gré.[43] Fin 2008, la police a noté pour un jeune garçon isolé de 5 ans qu’il avait exprimé le souhait de repartir « le plus rapidement possible ».[44]

Outre ces trois cas en mars et en mai 2009 pour lesquels nous avons des informations, le nombre réel des mineurs qui se voient refuser leur jour franc est probablement beaucoup plus important. D’après des données de la police aux frontières, entre janvier et mai 2009, sur 256 mineurs isolés à qui l'entrée a été refusée, 24 ont été renvoyés avant l'expiration du jour franc.[45] La police aux frontières de l’aéroport a déclaré à Human Rights Watch que lorsque le jour francn'était pas accordé, c'était parce que les mineurs voulaient partir.[46] Au vu de cas confirmés où le document de refus d’admission de mineurs qui ne voulaient pas partir porte la mention « le plus rapidement possible », on peut à bon droit se demander si les 24 mineurs renvoyés avant l’expiration du jour franc souhaitaient véritablement partir.

Le policier nous a simplement demandé de signer ici, ici et ici. C’est ce qu’on a fait. On avait peur et on a signé. La police ne nous a rien expliqué... On a à peine vu ce qu’on a signé... [Trois jours plus tard] on a signé autre chose. Il y avait deux papiers. On avait un peu peur qu’ils nous expulsent. La police nous a dit « pas de problème – vous n’avez qu’à signer ». Il n’y avait pas d’interprète, même pas au téléphone. »[47]

Une fillette de 12 ans nous a raconté comment la police a fait pression sur elle et sur une autre fillette de 6 ans pour qu’elles signent les documents de refus d’entrée.

Ils m’ont demandé de signer des papiers. J’ai dit que je ne signerais pas et alors [l’autre fillette] a aussi refusé de signer. Ils ont insisté encore une fois et ils ont dit « signe ». J’ai dit que je ne signerais pas. Alors ils ont abandonné. Ils nous avaient demandé de signer en bas sans rien expliquer.[48]

Un garçon de 17 ans nous a confié qu’il ne savait pas ce qu’il signait : « J’avais peur qu’on me renvoie. Parce qu’un membre de ma famille était venu en France et avait été renvoyé. J’avais peur d’avoir signé un papier qui permettait qu’on m’expulse ».[49]

Enfants visés par des menaces d’expulsion

Les mineurs isolés peuvent aussi faire l’objet de menaces d’expulsion par la police aux frontières. Dans leur grande majorité, les enfants avec lesquels Human Rights Watch a parlé ont déclaré que la police aux frontières les avait menacés d'expulsion. La fillette de 12 ans déjà mentionnée nous a raconté comment la police l’avait menacée ainsi qu’une fillette de six ans qui était avec elle.

Ils ont dit : « on ne sait pas si vous reverrez vos parents ». J’ai commencé à pleurer et [nom non divulgué] aussi. Alors j’ai dit à [nom non divulgué] qu’ils mentaient et elle s’est calmée. Les policiers ont dit qu’ils allaient punir mes parents pour que ça ne se reproduise pas... Là où on jouait [pendant la journée] un policier nous a dit : « Vous allez repartir ». Je n’ai pas pleuré mais j’avais mal au cœur.[50]

Un garçon de Côte d’Ivoire âgé de 12 ans a été menacé d’expulsion suite à son refus de signer des papiers qu’il ne comprenait pas. Il est possible que ces menaces aient été faites pour contraindre le garçon à signer son refus du jour franc.

Ils m’ont dit de signer des papiers. Je n’ai pas signé. Alors la policière a dit qu’elle allait les montrer à son chef. Ils m’ont dit que mon passeport était faux et qu’ils allaient me renvoyer en Côte d’Ivoire. Ils ont dit : « On va te renvoyer en Côte d’Ivoire » et « tu vas repartir ».[51]

Ces menaces risquent d’être particulièrement efficaces car elles sont faites à un moment où les enfants sont perturbés, épuisés, et ont grand besoin d’aide et d’informations de confiance de la part des autorités. Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU engage les autorités à déterminer les besoins de protection d’un mineur après un premier contact, et à faire cette évaluation en toute impartialité et en prenant en compte la personnalité de l'enfant, et en manifestant le respect dû à la dignité humaine du mineur.[52]

Tests de détermination de l’âge approximatifs et inutiles

En 2008, environ 90 des 1092 migrants se disant mineurs ont été déclarés adultes à la suite d’un examen médical. Entre janvier et mai 2009, cela a été le cas de 9 personnes sur 265. Ces tests qui consistent uniquement en une évaluation physique, sont très imprécis, avec une marge d’erreur pouvant atteindre cinq ans.[53] De plus ils semblent être pratiqués de façon systématique et souvent dans des conditions trop restrictives qui ne sont pas efficaces pour éliminer les adultes mais n’en demeurent pas moins impressionnants pour ceux qui les subissent.

Les tests de détermination de l'âge sont basés uniquement sur une évaluation physique qui comprend une radio du poignet, le contrôle de la dentition et la prise des mensurations (taille et du poids) d'un enfant.[54] A quelques exceptions près, les enfants nous ont dit n’avoir reçu aucune information quant à la finalité de cet examen médical ; leur consentement ne leur avait pas non plus été demandé, bien que ce soit une obligation légale aux termes du droit français et de celui de l'Union européenne.[55] Deux enfants ont déclaré à Human Rights Watch :

Le lendemain nous sommes allés à l’hôpital. Il n’y avait pas d’interprète à l’hôpital. Quatre ou cinq policiers nous ont emmenés là-bas. Nous étions menottés pour aller à l’hôpital mais pas au retour. Nous ne savions pas où nous allions. A l’hôpital on ne nous a donné aucune explication. Ils nous ont fait une radio, ils ont regardé nos dents, ils nous ont mesurés et pesés. Après le docteur nous a fait un signe avec son pouce vers le haut. Nous avons compris que ce signe signifiait quelque chose de positif mais nous ne savions pas de quoi il s'agissait.[56]

Les pédiatres ont critiqué ces tests non seulement pour leur manque de précision mais aussi pour le fait que l'on radiographie des enfants à des fins non médicales.[57] Il n’existe pas de possibilité juridique de contester immédiatement une évaluation d’âge erronée au nom d’un enfant.[58]

D’après le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, les mineurs doivent être informés des objectifs et des implications d’une vérification de leur âge et ils doivent pouvoir être assistés par un tuteur ou un avocat.De tels examens ne devraient pas se fonder uniquement sur des indices physiques, mais devraient prendre en compte la maturité psychologique d’un mineur, son comportement, sa capacité à communiquer avec des adultes, son parcours social et scolaire, et ses données biographiques.[59] Il devrait aussi être possible de contester juridiquement les résultats d’une évaluation erronée.

La police demande systématiquement une vérification de l’âge, même quand il n’y a aucun doute sur l’état de minorité de l’enfant.[60] D’après un administrateur ad hoc, au début de 2009, la police a même demandé un test de détermination de l’âge pour une fillette de six ans mais n’a pas obtenu gain de cause suite à son intervention.[61] Les tests de détermination de l’âge ne devraient se pratiquer qu’en cas de doute sur l’âge d’une personne.

Par ailleurs, des mineurs qui n’avaient que 12 ans nous ont raconté qu’ils ont été emmenés à l’hôpital et ramenés en étant menottés ou attachés à leur siège dans le véhicule, et coincés entre des policiers. « Ils m’ont emmené à l’hôpital avec des menottes. Nous étions deux garçons et cinq policiers. Ils nous ont enlevé les menottes avant qu’on arrive à l’hôpital. Au retour, ils m'ont remis les menottes », nous a déclaré un garçon de 12 ans.

Abus et dangers pendant la détention

Le droit français autorise le maintien des mineurs étrangers isolés en zone d’attente aéroportuaire pendant un maximum de 20 jours. La police prononce la détention pour une durée initiale de quatre jours par décision administrative mais toute prolongation doit être autorisée par un juge.[62] En pratique, seule une petite minorité d’enfants est maintenue pendant 20 jours. La majorité quitte la zone d’attente de l’aéroport, soit dans les quatre premiers jours parce qu’ils sont expulsés, ou bien au quatrième jour quand un juge examine leur détention et ordonne leur mise en liberté.

En l’espace de trois semaines, au cours des mois d‘avril et de mai 2009, Human Rights Watch a recueilli des témoignages sur cinq incidents durant lesquels des mineurs ont été confrontés à des dangers pendant leur détention.[63] Dans deux de ces cas, les enfants ont eu des problèmes de santé mentale qui laissaient penser qu’ils avaient besoin de services et de soins non disponibles en détention : un des mineurs a fait une tentative de suicide et l’autre a eu une dépression nerveuse. Dans un troisième incident, un garçon nous a dit qu’un adulte enfermé avec lui l’avait harcelé sexuellement : « J’avais peur parce qu’il y avait un type qui s’intéressait à moi. Il m’a dit de le suivre. Je lui ai dit ‘non‘. Je ne suis pas sorti de la pièce de toute la journée. J’avais peur et je ne suis pas sorti. Je ne pouvais parler à personne ».[64]

Dans un quatrième incident, la police aux frontières a permis à un membre de réseaux de traite de rendre visite à une fille en détention. Quand le maintien de cette jeune fille a été examiné devant le juge des libertés et de la détention, l’avocat de l’Etat a reconnu qu’il s’agissait d’une victime de la traite des personnes et plaidé pour son maintien en détention parce que si elle était mise en liberté, elle risquait de fuguer. Le juge a prolongé sa détention.[65] Bien que ces faits soient connus des autorités, les garanties en place n'ont pas suffi à empêcher le trafiquant de lui rendre visite en détention peu après (son cas fait l'objet d'une discussion plus détaillée au chapitre V). D’après son administrateur ad hoc, elle était tellement bouleversée après 12 jours de détention qu’elle ne pouvait pas s’arrêter de trembler.[66] Un cinquième mineur, une fille, a souffert de crises d’angoisses et d’insomnies après 12 jours en détention et son administrateur ad hoc s’apprêtait à alerter le juge des enfants si elle n’avait pas été remise en liberté par le juge des libertés et de la détention.[67]

Dans la zone d’attente de l’aéroport, les mineurs peuvent être mis en isolement. L’Anafé, une organisation qui fournit de l’aide judiciaire au centre de détention de l'aéroport, a recueilli des documents en 2007 sur le placement en cellule d'isolement d'une jeune fille de 16 ans après une tentative de suicide.[68] Si l’on peut justifier l’isolement d’une personne suicidaire pour des raisons de sécurité, dans le cas en question, les autorités auraient dû prévoir que son maintien en détention à l'aéroport, en particulier en cellule d'isolement, pouvait provoquer davantage de dégâts. Malgré cela, elles ne lui ont pas fourni les services spécialisés que nécessitait son état.

Comme ces exemples le montrent, la détention peut conduire les mineurs à se vouloir du mal ou à un état de détresse mentale et les soumettre à des risques d’abus de la part d’autres détenus ou de personnes de l’extérieur. Aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant de l’ONU et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il est interdit de faire cohabiter des mineurs et des adultes pour quelque durée que ce soit ; de manière générale, la détention de mineurs devrait être une mesure de dernier recours.[69]

A Roissy, femmes, hommes, filles et garçons sont tous placés dans un même bâtiment et ne sont pas physiquement séparés les uns des autres. Des mineurs âgés de 13 ans et plus sont détenus avec des adultes dans le centre de détention de l'aéroport ; les mineurs plus jeunes sont généralement placés dans des hôtels près de l'aéroport, bien qu'il arrive que des enfants de moins de 13 ans soient détenus avec des adultes.[70] Un garçon de 12 ans, qui d’après son faux passeport avait 17 ans, est resté quatre jours avec des adultes.[71]

A partir du printemps 2010 la police aux frontières de l’aéroport prévoit de placer les enfants de moins de 13 ans dans une zone séparée du centre de détention de l’aéroport. Cet espace comportera six lits et sera sous la supervision permanente d’employés de la Croix-Rouge française. Toutefois, le placement d’adolescents avec des adultes sera envisageable en cas de manque de places et  afin d’éviter que de très jeunes enfants ne soient mélangés avec eux.[72]

La détention de mineurs avec des adultes sans lien de parenté les met dans des situations de risque d’abus, en particulier de violences sexuelles, surtout lorsque la surveillance est insuffisante.[73]Pour l’instant, la police aux frontières gère le centre de détention, or les enfants nous ont dit que la police ne venait presque jamais au premier étage du centre de détention de l’aéroport où se trouvent les chambres des personnes maintenues ; la surveillance semble se faire essentiellement à l'aide de caméras et par le biais de petites équipes de médiateurs de la Croix-Rouge française qui apportent une assistance humanitaire dans le centre.[74]

Les zones d’attente sont les seuls endroits où selon le droit français la détention d’enfants est autorisée avec des adultes. Il est difficile de comprendre pourquoi la France reconnaît la nécessité de mettre en œuvre des mesures élémentaires de protection des mineurs en séparant les enfants des adultes placés en détention en toutes circonstances sauf celles-ci. La cour d’appel de Paris a maintenu que la détention de mineurs étrangers isolés dans la zone d'attente d'un aéroport ne viole pas les obligations de la France aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant. La cour soutient que le placement des mineurs isolés en zone d’attente est acceptable parce qu’elle est limitée dans le temps, parce que le Comité des droits de l'enfant de l'ONU n’a jamais émis d’objections à la loi française qui autorise la détention de mineurs et parce que le mineur « n’a pas encore pénétré en territoire français ».[75]

Cette décision contrevient aux normes internationales élémentaires, notamment aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant qui interdit la détention de mineurs avec des adultes pour une quelconque durée.[76] Le fait que le Comité des droits de l'enfant n’ait pas critiqué spécifiquement une disposition du droit français ne constitue pas une approbation tacite. En termes de dégâts pratiques, l’exemple de Paco M. qui n’a été détenu que pour un jour et une nuit, illustre comment un adulte enfermé avec un enfant peut immédiatement le mettre dans une situation de risque grave. Dans l'Affaire Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, la Cour européenne a déclaré, en faisant référence tout particulièrement aux mineurs isolés, que le placement d'un enfant au même endroit que des adultes constitue un traitement inhumain et dégradant.[77]

IV. Manque de représentation légale pour les mineurs étrangers isolés

Dans les zones d’attente aéroportuaires, les mineurs étrangers isolés sont traités exactement de la même façon que les adultes, à une exception près – la désignation, en théorie, d’un représentant légal, appelé administrateur ad hoc.[78] Human Rights Watch reconnaît le dévouement et les bonnes intentions des administrateurs ad hoc à titre individuel ainsi que leur rôle dans la protection des mineurs. Sans eux, le système serait encore pire. Nous avons toutefois des préoccupations quant aux limites de leur rôle et à leur capacité à toujours s'en acquitter dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Les administrateurs ne sont pas censés fournir une aide judiciaire aux enfants ni prendre part aux décisions de la police, entre autres celle d'éloigner ou non un mineur. Bien qu’ils soient là pour « assister » les mineurs placés en zone d’attente, leur tâche principale est de compenser l’absence de capacité juridique du mineur et « d'assurer la représentation » d’un mineur de sorte que les actions des autorités puissent être valides.[79]

Mais même ces provisions  ne sont pas toujours respectées. Si certains administrateurs ad hoc réussissent à assurer une protection pour les mineurs, d’autres peuvent finir par remplir leur fonction de façon purement formelle, sans jamais rencontrer le mineur qu’ils représentent, sachant que même en leur absence la police peut placer un mineur en zone d’attente ou l’expulser.[80]

Deux organisations, la Croix-Rouge française et Famille Assistance, fournissent les administrateurs ad hoc pour les mineurs isolés à l’aéroport de Roissy. Les administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française sont des bénévoles, alors que ceux qui travaillent pour Famille Assistance perçoivent une partie de la rémunération minimale prévue par la loi.

Les conditions à remplir pour pouvoir être nommé administrateur ad hoc sont simples et la rémunération est très faible ; elle est fixée à 150 € par enfant représenté.[81] Il n’y a pas de remboursement pour les frais de transport, de téléphone ou d’interprétation, ou pour tout travail supplémentaire créé par le dépôt d’un recours et la représentation d’un enfant pendant les audiences au tribunal. Compte tenu de ces restrictions imposées aux administrateurs ad hoc, il existe un risque qu'en dépit de leurs bonnes intentions certains dans la pratique finissent par entériner les mesures administratives et judiciaires auxquelles le mineur est soumis.[82]

Bien que la loi exige qu'un administrateur ad hoc soit désigné pour tous les mineurs isolés, en pratique environ 30% des enfants qui sont arrivés en 2008 n'en ont jamais eu et n'ont pas été représentés. 20% n’ont jamais rencontré leur tuteur parce qu’ils ont été expulsés ou ont poursuivi leur voyage avant de rencontrer leur représentant.[83] Le pourcentage total des mineurs représentés s’est considérablement amélioré depuis février 2009 avec la création de Famille Assistance, une nouvelle organisation, mais en mai 2009, 13% des mineurs isolés sont restés sans représentant légale.[84]

Limites du rôle de l’administrateur ad hoc

Dans le cadre du droit international, les autorités françaises sont dans l'obligation de traiter l'intérêt supérieur de l'enfant comme considération primordiale pour toute décision qu’elles prennent à son sujet, notamment la décision de le placer en zone d'attente, de le réacheminer ou de lui faire subir un test visant à déterminer son âge.[85] Au regard du droit français, l’administrateur ad hoc est mandaté pour veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cependant, en dépit de leur mandat légal, les administrateurs ad hoc n’ont pas les pouvoirs requis pour remplir cette tâche de façon efficace. La police aux frontières de l’aéroport a fait remarquer lors d’une réunion avec Human Rights Watch que les administrateurs ne participaient pas, et ne devaient pas participer, aux décisions prises par la police relatives au placement en zone d'attente, au réacheminement ou à la nécessité de faire subir au mineur un test visant à déterminer  son âge.[86] En pratique, ces décisions ne sont pas prises après évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, au contraire, elles restent du domaine exclusif de la police et les administrateurs ad hoc n’ont pas leur mot à dire.[87]

Les administrateurs ad hoc agissent sous la pression de fortes contraintes de temps et ils exercent d’énormes responsabilités. Il arrive qu’ils représentent plusieurs mineurs en même temps, dans certains cas exceptionnels jusqu’à 10, ce qui ne manque pas de poser des questions sur leur capacité à nouer une relation de confiance avec l’enfant et à évaluer sa situation au cours d’une période très brève durant laquelle ils ne le rencontrent que très peu. Un enfant nous a décrit sa rencontre avec son administrateur ad hoc comme suit : « Cet homme m’a donné un papier avec son numéro de téléphone la veille de mon entretien [de demande d’asile]. Il m’a expliqué qui il était, mais c’était difficile à comprendre ».[88] Leur travail devient encore plus difficile lorsqu’ils représentent des mineurs qui sont traumatisés, qui ont une histoire de migration compliquée, qui sont victimes de la traite des personnes ou encore des mineurs qui ne font pas confiance à leur administrateur ad hoc et ne révèlent pas les raisons pour lesquelles ils sont venus en France. Une administratrice ad hoc a décrit les difficultés rencontrées au quotidien :

Parfois nous sommes débordés et nous avons des cas compliqués. C’est horrible de devoir faire face à tant de misère et psychologiquement, c'est parfois très difficile... la zone d'attente est une course contre la montre. On perd du temps parce que le mineur est en état de choc, en décalage horaire, fatigué, perturbé, en train de passer un examen d’âge, ou occupé parce que c’est l’heure du repas. Au début on perd beaucoup de temps comme ça, jusqu’à ce qu’on commence à comprendre ce qui se passe. C’est aussi très dur physiquement, parce qu’il faut sans cesse courir à droite et à gauche.[89]

Les administrateurs ad hoc que Human Rights Watch a rencontrés étaient très engagés et généralement correctement qualifiés pour fournir un soutien moral aux mineurs et les rassurer, même si certains n'avaient pas les connaissances étendues en matière de droits des migrants et des demandeurs d'asile. Human Rights Watch est préoccupé par le fait que leur formation est limitée, avec pour conséquence un bas niveau de connaissance des droits des enfants et des migrants.[90]

Human Rights Watch a observé que certains administrateurs se fourvoyaient, indiquant un manque de compréhension des procédures.  Ainsi, deux administrateurs ad hoc que nous avons suivis durant des audiences au tribunal ont exigé que le juge des libertés et de la détention ordonne à la police de renvoyer l’enfant dans son pays d'origine et pas dans le pays de transit. Cependant, si c’est bien un juge qui examine la légalité de la détention  d’un mineur, il n’a pas le pouvoir de donner des ordres à la police.[91] Human Rights Watch a également vu un administrateur ad hoc intervenir contre l’intérêt du mineur en déclarant devant le juge des libertés et de la détention que le garçon mentait sur sa nationalité et avait donné une version différente pendant son entretien avec la police.[92] Un autre administrateur ad hoc n’était pas sûr du pouvoir du juge des enfants à intervenir et n'a pas pu contacter son organisation pour discuter de la solution à choisir.[93] Plusieurs administrateurs ad hoc ont dit n’avoir jamais entendu parler du droit à la protection subsidiaire pour les demandeurs d’asile, selon lequel ils ne peuvent pas être renvoyés vers des pays où ils risqueraient des traitements inhumains ou dégradants ou de graves menaces contre leur vie ou leur personne, et même un administrateur ad hoc expérimenté ne savait pas comment contester une décision administrative de placement en zone d’attente.[94]

De plus, plusieurs administrateurs ad hoc ont exprimé leur réticence à contester systématiquement les décisions du gouvernement en faisant appel des décisions de placement en zone d’attente ou en faisant des signalements de dangers auprès du juge des enfants. Ils ont expliqué qu’ils craignaient de faire du tort à leur crédibilité ou de compliquer leurs relations avec ces institutions.[95]

Les administrateurs ad hoc de la zone d'attente de l'aéroport ne sont pas soumis à une supervision ou une surveillance externe et leurs actions ne sont pas examinées par un mécanisme indépendant. Ils soumettent régulièrement des rapports au procureur, mais ce dernier n’a pas pour mandat d'analyser l'exercice de leur fonction.[96] Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU demande aux Etats d’introduire des mécanismes de suivi de la qualité du travail des tuteurs afin que l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté.[97]

Absence des administrateurs ad hoc

Lorsqu’un mineur arrive à l’aéroport et commence à interagir avec les autorités, la loi n’exige pas la présence immédiate d’un administrateur ad hoc. Comme les administrateurs ad hoc n’assurent pas une présence permanente à l’aéroport – une conséquence de leur faible rémunération – ils ne rencontrent les mineurs qu’après un certain délai, souvent le jour qui suit leur arrivée. Le système n’assure donc pas la présence d’un administrateur ad hoc au moment où le mineur est soumis à certaines des procédures les plus importantes en zone d’attente, y compris l’accès à la procédure d’asile et la protection de 24 heures avant le réacheminement, et ils ne sont donc pas en mesure de vérifier que les droits des enfants sont respectés pendant cette période.[98] Comme cela a été dit plus haut, Human Rights Watch a découvert de nombreux cas de violation des droits pendant cette période initiale.

Il arrive même que des mineurs soient expulsés avant l’arrivée à l’aéroport de leur administrateur ad hoc. La Croix-Rouge française dit qu’ en 2008 environ 30 % des mineurs qu’elle avait été chargée de représenter  n’avaient pas rencontré leurs administrateurs ad hoc, dans la plus part des cas parce qu’ils étaient réacheminés ou poursuivaient leur voyage avant que leur représentant arrive.[99] Bien que très élevés au point d’en être choquants, ces chiffres représentent une amélioration par rapport à 2007, où 52 % des mineurs représentés par la Croix-Rouge française ne rencontraient pas leur administrateur ad hoc, dans la plupart des cas parce qu’ils étaient expulsés ou réacheminés en moins de 24 heures.[100] L’éloignement d’un mineur est valide même quand l’enfant n’a jamais rencontré son représentant, dès lors que les autorités ont formulé la demande de désignation d'un administrateur ad hoc auprès de la Croix-Rouge française ou de Famille Assistance.[101]

En outre, certains enfants n’ont jamais pu avoir d’administrateur ad hoc désigné parce que la Croix-Rouge française manque fréquemment de bénévoles. En 2007, par exemple, 133 mineurs étrangers isolés (environ 16,7 % de tous les mineurs isolés pour lesquels les autorités ont demandé un administrateur ad hoc) n’ont pas pu être représentés du tout. En 2008, la situation s’est dégradée, ce nombre passant à 300 mineurs (soit environ 30 % de tous les mineurs isolés pour lesquels une demande de représentation a été faite).[102] La représentation des enfants par les administrateurs ad hoc s’est améliorée depuis le début de 2009, avec l’arrivée d’une nouvelle organisation non gouvernementale (Famille Assistance) qui fournit des administrateurs ad hoc qui s’ajoutent à ceux de la Croix-Rouge française. Mais environ 13 % des mineurs sont restés sans représentation juridique  en mai 2009.[103]

Le système est tout à fait digne de Kafka parce que les mineurs qui ne sont pas représentés par un administrateur ad hoc ou qui n’ont jamais rencontré leur représentant sont dans l’impossibilité de contester la légalité de leur placement en zone d’attente. Dans le cadre du droit français, ils n’ont pas la capacité de faire un tel recours eux-mêmes.[104]

D’après la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'Homme) et la Convention relative aux droits de l'enfant de l’ONU, toute détention d’une personne doit être accompagnée du droit d’introduire un recours sur sa légalité.[105] Si les enfants sont détenus mais se voient interdire l’introduction d’un recours sur leur détention parce que leur administrateur est absent ou n’a pas été désigné et s’il leur manque la capacité ou la possibilité d’introduire eux-mêmes un recours sur la légalité de leur détention, alors leur droit d’introduire un tel recours  est violé.

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU demande aux Etats de désigner un tuteur ou un conseiller dès l’instant où un enfant isolé est identifié. Le tuteur devra être consulté et informé au sujet de toutes les décisions prises en rapport avec l’enfant.[106] Cette obligation dérive de l’article de la Convention relative aux droits de l’enfant en vertu duquel pour toutes les décisions qui concernent les mineurs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.[107] Le fait que le droit français autorise le placement en en zone d’attente et l’éloignement de la France même lorsque l’enfant reste sans représentation par un tuteur ou un avocat n’est pas en conformité avec ces obligations.

D’après le Comité des droits de l'enfant, les tuteurs (dans ce cas les administrateurs ad hoc) qui représentent les mineurs devraient connaître l’histoire de l’enfant et faire en sorte que ses besoins juridictionnels trouvent des solutions satisfaisantes. Les tuteurs devraient aussi avoir l’autorité d’être inclus et d’être physiquement présents lors de toutes les décisions relatives au mineur. Les mineurs engagés dans des procédures administratives ou juridictionnelles devraient être dotés d’un avocat, en plus d’un tuteur.[108]

Obstruction de la police aux frontières

Nous avons été informés de cas dans lesquels la police aux frontières a délibérément fait de la rétention d’informations importantes envers les administrateurs ad hoc et les ont empêchés d’exercer leur mandat. Ainsi, le 10 mai 2009, la police a transféré un jeune Somalien de 17 ans au service des urgences psychiatriques d’un hôpital voisin après une crise nerveuse au centre de détention de l’aéroport.[109] En dépit des médecins qui indiquaient que son état mental n'autorisait pas son  éloignement, il a été renvoyé au centre de détention de l'aéroport. Quand l’administratrice ad hoc du garçon a essayé de le rencontrer, la police lui a dit qu’il était à l’hôpital pour un examen d’âge. Ne sachant rien de ce grave incident et de la santé mentale du garçon, l’administratrice ad hoc n’a pas fait appel à la détention administrative du garçon. L’administratrice ad hoc n’a découvert l’incident que quatre jours plus tard, au moment où le juge des libertés et de la détention étudiait le dossier du garçon. Le juge a remis l’enfant en liberté.[110]

Plusieurs administrateurs ad hoc ont déclaré à Human Rights Watch que la police aux frontières leur refusait l’accès au dossier des mineurs. Des exceptions étaient faites dans quelques rares cas et les administrateurs ad hoc étaient autorisés à regarder les dossiers rapidement. De telles exceptions, nous a-t-on dit, dépendaient du bon vouloir des fonctionnaires de service.[111]

La législation française ne stipule pas spécifiquement que la police doit communiquer aux administrateurs ad hoc les dossiers qui contiennent les transcriptions des entretiens avec la police, les résultats des examens d'âge, les enquêtes relatives au parcours des enfants ou les dossiers médicaux. Toutefois, les fonctionnaires de l'État doivent agir dans l’intérêt supérieur des mineurs dans le cadre du droit international et leur fournir une assistance ; les administrateurs ad hoc devraient donc être consultés et informés de toutes les mesures prises concernant le mineur.[112] Face au refus de divulguer des informations cruciales pour que les administrateurs ad hoc soient en mesure de conduire leur mission, il est difficile de voir comment ces obligations sont remplies.

La police a également omis d’informer des administrateurs ad hoc de cas où un enfant était accompagné par un adulte qui ne pouvait pas prouver le lien de parenté. Un administrateur ad hoc nous a dit que dans un cas la police avait mis l’adulte en garde à vue dans un autre lieu et placé le mineur comme étranger isolé dans la zone d'attente sans signaler à l'administrateur ad hoc que le mineur voyageait avec un adulte.[113] L'ignorance de ce genre de faits empêche l’administrateur ad hoc de comprendre précisément la situation de l’enfant, y compris l’impact que la séparation d’avec un parent peut avoir sur l’équilibre psychologique d'un enfant. En outre, la police ne communique pas le résultat des tests de détermination de l’âge aux administrateurs ad hoc ; elle ne leur communique pas non plus tout de suite les justifications d’une décision négative d’asile pour un mineur.[114]

La Croix-Rouge française nous a signalé que la police n'accorde pas toujours aux administrateurs ad hoc l’accès aux aérogares afin qu’ils puissent rencontrer les enfants qui y sont maintenus.[115]La police aux frontières n’informe pas non plus les administrateurs ad hoc avant de procéder à l’éloignement des mineurs. Par exemple, une administratrice ad hoc a dit qu’elle avait quitté les locaux où les enfants étaient maintenus pour se rendre dans une autre partie du centre de détention. A son retour, elle a découvert que la police aux frontières avait emmené le garçon qu’elle représentait pour le renvoyer. Il refusa de monter dans l’avion.[116] Une autre administratrice ad hoc nous a décrit comment elle avait vu arriver au centre de détention deux enfants qu’elle représentait, avec leurs valises. C’est seulement par la suite qu’elle avait découvert que la police avait essayé de les expulser et que les enfants avaient refusé.[117]

Du fait de leur présence sporadique à l’aéroport, les administrateurs ad hoc dépendent de la police aux frontières pour obtenir des informations concernant les enfants, essentielles pour l’exercice de leur mandat. Les administrateurs ad hoc, toutefois, n’ont pas le pouvoir d’exiger que la police aux frontières leur fournisse ces renseignements. Une administratrice  ad hoc nous a dit que la partie la plus difficile de son travail était d’arriver à trouver les informations et que la rétention d'information par la police aux frontières ajoute souvent un fardeau supplémentaire inutile à son travail.[118]

Des administrateurs ad hoc ont également fait part à Human Rights Watch de leur réticence à contester les décisions de la police. Certains craignaient d’être perçus comme des adversaires et de compliquer leurs relations avec la police : « S’ils décident de vous rendre la vie difficile, ils y arrivent » nous a déclaré une administratrice ad hoc qui parlait de sa relation avec la police aux frontières de l’aéroport.[119]

Accès insuffisant à l’aide judiciaire

A l’aéroport de Roissy, les mineurs étrangers isolés ont un accès très limité à des avocats. Selon le droit français, les mineurs étrangers isolés ont droit à une aide judiciaire gratuite.[120] Concrètement, il n’y a pas de système financé par l’État pour fournir ce service aux mineurs isolés dès leur arrivée. Les avocats commis d’office ne sont désignés pour représenter des mineurs qu'au moment où le juge des libertés et de la détention examine leurs détention au bout de quatre jours (voir plus bas). L’organisation Anafé assure un service téléphonique d’aide judiciaire et maintient une présence sporadique au centre de détention où elle fournit une aide judiciaire à titre gratuit. Elle ne peut, cependant, pas représenter les plus de 14 000 personnes placées en zone d’attente chaque année, dont environ 1 000 sont des mineurs étrangers isolés.

Défaut d’aide judiciaire suffisante pendant l’examen de la détention des mineurs

Le juge des libertés et de la détention examine la détention des mineurs au bout de quatre jours et peut accorder au mineur l’accès au territoire français en le remettant en liberté. Le juge peut également prolonger le placement en zone d’attente et dans ce cas,  réexamine la détention du mineur une deuxième fois après un maximum de huit jours. La durée maximum du placement en zone d’attente est limitée à 20 jours. Au moment de l’examen, en plus de leur administrateur ad hoc, les mineurs sont représentés généralement par un avocat commis d’office du barreau. Le juge vérifie que les procédures ont bien été respectées et peut demander que le mineur soit mis en liberté si tel n’est pas le cas. Le juge peut aussi examiner si le mineur se trouve dans une situation de danger, y compris en raison d’un renvoi dans un pays de transit et s’il a besoin de protection. En revanche, le juge n’est pas mandaté pour prendre une décision concernant le statut de réfugié, qui est évalué selon une procédure séparée (voir plus bas). Le juge peut se référer aux articles du droit français et international soulevés par l’avocat pour prendre une décision concernant un mineur. Si l'avocat du mineur ne soulève pas par exemple l’intérêt supérieur de l’enfant ou ses autres droits à une protection dans le cadre de la Convention relative aux droits de l'enfant de et d’autres traités, le juge peut les prendre en compte d’office, mais il n’est pas obligé de le faire.[121]

Human Rights Watch a suivi l’audience  de 45 mineurs devant le juge des libertés et de la détention pour lesquels les mineurs étaient représentés par un avocat commis d’office. Durant ces 45 audiences, pas un avocat n’a avancé le fait que le placement des mineurs en zone d’attente n’était pas dans leur intérêt supérieur ; personne non plus n’a fait mention des autres droits des mineurs dans le cadre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Les avocats n’ont pas non plus évoqué les risques encourus par les mineurs s’ils étaient renvoyés dans un pays par lequel ils n'avaient fait que transiter, ce qui pourrait leur donner des droits dans le cadre de la Convention européenne des Droits de l'Homme et de la Convention relative aux droits de l’enfant qui interdisent le renvoi vers des traitements inhumains et dégradants.[122] Dans la plupart des audiences, les avocats n’ont évoqué que des nullités de procédure pour demander la libération des mineurs, y compris des retards dans la désignation de leur administrateur ad hoc ou l’absence d’interprètes. Dans 13 des 45 audiences, les avocats commis d’office n’ont pas soulevé une seule nullité de procédure ou de fond pour demander la libération du mineur.

Les avocats commis d’office ont souvent plus d’une douzaine de personnes à représenter devant le juge des libertés et de la détention et perçoivent un forfait de 600 euros, quelle que soit leur charge de travail. Un avocat du barreau a expliqué à Human Rights Watch que les avocats qui représentaient les mineurs en zone d’attente étaient bien formés à la législation relative à l’immigration mais pas nécessairement aux droits de l’enfant, un domaine où elle voyait des possibilités d’amélioration.[123] Une avocate commise d’office nous a expliqué après l’audience qu’elle n’avait eu accès au dossier des personnes qu’une heure avant le début de l’audience, ce qui signifie qu’elle n’était pas du tout prête pour l’audience et n’avait pas eu la possibilité de rencontrer ses clients. Elle décrit la situation comme « une justice d’urgence ». Dans certains cas, nous a précisé l’avocat, l’Anafé leur fait parvenir par fax des informations supplémentaires sur un mineur ; l’organisation Famille Assistance nous a également dit qu’elle essayait d’aider les avocats en leur fournissant des informations avant l’audience.[124]

Les avocats représentant l’Etat, quant à eux, ont à plusieurs reprises invoqué la Convention relative aux droits de l'enfant pour exiger qu’un mineur demeure en zone d’attente, y compris en affirmant que c’était dans son intérêt supérieur. Nous avons également vu des avocats représentant l’Etat traiter publiquement des mineurs étrangers isolés de « menteurs » ou d’« imposteurs » parce qu’ils avaient voyagé avec de faux papiers ou donné de fausses identités.[125] Dans ces cas, les avocats des mineurs n’ont pas réagi, en faisant remarquer, par exemple, que les migrants ne peuvent pas toujours obtenir des documents de voyage valides.

Si le travail de l’avocat représentant l’Etat consiste bien à mettre en doute la crédibilité des personnes durant ces audiences, Human Rights Watch a été témoin d’au moins un cas où les fondements d'une telle attaque étaient erronés. Le l’avocat représentant l’Etat a demandé à un garçon de 16 ans quelle devise était utilisée dans les camps palestiniens dans le sud du Liban, d’où le mineur affirmait être originaire. Quand l’enfant a répondu que c’était la livre libanaise, l’avocat représentant l’Etat a répondu, en se trompant, que « tout le monde sait que c’est le shekel israélien qui a cours ». Ni le juge ni l’avocat n’ont contesté cette attaque de la crédibilité du mineur pour des raisons non valables, et le juge a prolongé la détention du garçon de huit jours.[126] Le personnel de Human Rights Watch au Liban a confirmé que c’était bien la livre libanaise qui était utilisée.

Juge des enfants et défenseure des enfants : des pouvoirs d’intervention limités

Le juge des enfants et la défenseure des enfants sont deux institutions qui peuvent intervenir au nom de mineurs isolés placés en zone d'attente de l'aéroport. Quand un mineur est supposé être en danger, le juge des enfants peut intervenir ce qui mène à l’admission du mineur sur le territoire français et sa prise en charge par l’aide sociale à l’Enfance. Le procureur jouit lui aussi de pouvoirs identiques. La défenseure des droits des enfants, en revanche, peut émettre des recommandations aux autorités mais elle n’a pas le pouvoir de faire libérer un enfant.[127]

Aucune directive n’est prévue dans la loi quant à ce qui peut constituer une situation dangereuse pour le mineur et la décision du juge des enfants d’intervenir est prise au cas par cas. Un juge nous a expliqué qu’il y avait une réticence de la part de son institution à ordonner l’admission systématique des mineurs sur le territoire et il a ajouté qu’elle agissait dans un environnement politiquement difficile.[128] Un procureur, nanti des mêmes pouvoir qu’un juge des enfants, nous a expliqué qu’il intervenait dans les cas où les mineurs avaient des problèmes de santé ou souffraient de stress psychologique en zone d’attente. Il a clairement indiqué que ses interventions étaient limitées au cas qui n’irait pas à l’encontre de la législation sur l’immigration en vigueur.[129] L’organisation Anafé a confirmé qu’elle alertait régulièrement le juge des enfants, notamment en raison des dangers que l’éloignement d’un mineur peut lui faire encourir, mais il est très rare que le juge intervienne. En outre, les alertes au juge des enfants ou au défenseur des enfants n’ont pas d’effet suspensif sur l'expulsion d'un mineur. En conséquence, la police peut renvoyer un mineur même si le juge des enfants ou la défenseure des enfants évaluent son cas.

V. Lacunes dans la protection des enfants les plus vulnérables

Parmi les mineurs étrangers isolés retenus dans la zone d’attente de l’aérogare se trouvent des enfants victimes d’un trafic ou demandeurs d’asile. Au lieu de mettre ces enfants à l’abri et de les protéger, les autorités françaises ne les traitent pas autrement que les autres migrants en situation irrégulière. Ces enfants, par conséquent, courent le risque de retomber entre les mains des trafiquants ou d’être exposés à des persécutions dans leur pays d’origine. 

Lacunes dans la protection des victimes de la traite d’êtres humains

La traite d’êtres humains consiste à recruter et à transporter des êtres humains à des fins d’exploitation, ce qui recouvre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de travail forcé.[130] En France, la police aux frontières n’a mis en place aucune procédure pour identifier les victimes de la traite, qu’il s’agisse de mineurs isolés ou d’une autre catégorie d’étrangers, et ne s’est donné les moyens ni de les identifier et de les protéger pendant leur détention, ni de leur éviter d’être renvoyés aux mains des membres de réseaux de traite.[131]

Par exemple, Human Rights Watch a pris connaissance de deux cas dans lesquels la police a tenté d’expulser deux personnes apparemment victimes de la traite des êtres humains, sans examiner les circonstances de leur arrivée, qui auraient pu indiquer qu’il s’agissait effectivement d’un cas de traite. Dans le premier cas, en avril 2009, la police aux frontières a tenté d’expulser une jeune Nigériane de 16 ans, deux jours après son arrivée, bien que les autorités aient émis des doutes sérieux sur le but avoué de son voyage.[132] Sa première administratrice ad hoc n’avait fait aucune objection ; bien qu’elle nous ait déclaré qu’elle était convaincue que la jeune fille était victime de la traite et qu’elle n’avait établi aucun contact avec ses parents, elle a ajouté qu’elle pensait qu’il valait mieux pour elle qu’elle soit renvoyée.[133]

Le juge qui a statué sur la détention de la jeune fille, quatre jours après son arrivée, a décidé de prolonger cette situation de huit jours, après que l’avocat de l’Etat a déclaré qu’une telle mesure était dans l’intérêt supérieur de la jeune fille car si elle était libérée elle allait fuguer. La jeune fille a raconté plus tard à son administratrice ad hoc que l’un des trafiquants lui avait rendu visite et avait exigé qu’elle lui remette 1 000 euros. La police avait omis de signaler cette visite à l’administratrice, qui avait d’ailleurs changé entre-temps.[134] Le juge chargé d’examiner sa détention une seconde fois, après 12 jours, a décidé sa remise en liberté, et elle a été placée auprès des services sociaux. A ce moment-là, d’après sa seconde administratrice ad hoc qui avait demandé au juge des enfants d’intervenir et de la placer dans un foyer, elle n’arrêtait pas de trembler.[135]

Le second cas est celui d’une Guinéenne de 16 ans, qui faisait le voyage de Conakry à Dubaï, via Paris, mais qui s’est vu refuser l’entrée à Dubaï et a été renvoyée à Paris. La police française a essayé de la renvoyer immédiatement à Conakry. Elle ne lui a pas accordé le bénéfice du jour franc, et n’a même pas attendu l’arrivée de son administrateur ad hoc à l’aéroport. La jeune fille a refusé de monter dans l’avion. Elle voyageait avec un passeport diplomatique authentique, mais qui n’était pas le sien, et avait donné au juge des informations très contradictoires sur la situation de ses parents, leurs noms et le but de son voyage à Dubaï. Le juge qui a examiné sa situation au quatrième jour a décidé de la laisser sortir, et elle a été confiée aux services sociaux locaux.[136]

Les représentants du ministère de l’Immigration, ainsi que la police aux frontières aéroportuaire, nous ont rapporté des cas dans lesquels les autorités ont intercepté des membres des réseaux de traite ou ont décidé de ne pas procéder à l’éloignement des  mineurs victimes de la traite. Ces représentants, toutefois, n’ont pas été en mesure de nous founir le nombre des victimes identifiées qui ont pu bénéficier d’une protection au cours de l’année écoulée. Ils n’ont pas davantage pu nous expliquer comment ils espéraient protéger ces victimes d’un éloignement, et ont admis que ces personnes risquaient finalement d’être expulsées.[137]

En vertu du droit français et du droit international, les victimes de la traite des êtres humains ont le droit d’être protégées, ce qui inclut la protection contre l’expulsion et l’obtention d’un permis de séjour temporaire.[138] Les victimes sont aussi en droit de bénéficier d’une protection et d’un permis de séjour temporaire si, après leur retour, ils courent le risque d’être exposés à des traitements inhumains ou dégradants.[139] Toutefois, les personnes concernées ne sont pas en mesure d’accéder à ces droits si elles n’avisent pas les autorités qu’elles sont victimes de la traite, et si elles ne coopèrent pas avec les représentants de la loi et des services d’immigration. Le responsable de la Division de l’asile aux frontières de l’OFPRA a déclaré à Human Rights Watch que les victimes de la traite d’êtres humains gardent presque toujours le silence, et que, dans un tel cas, ses agents ne peuvent rien faire, même s’ils ont de graves soupçons.[140]

Comme mentionné ci-après, plusieurs facteurs mènent à douter que l’on puisse amener les victimes de la traite et les demandeurs d’asile à rompre le silence et à aider les représentants de la loi dans leur lutte contre les réseaux organisés juste après leur arrivée en France : ils sont soumis au stress de la détention, et les victimes, le plus souvent, n’ont pas encore échappé à l’influence des membres des réseaux de la traite et à leurs manœuvres d’intimidation ; ils vivent dans la crainte d’être expulsés ; ils connaissent mal le rôle respectif de l’OFPRA et de la police aux frontières ; en outre, ils sont soumis à une procédure accélérée d’asile à la frontière (sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin).

Mineurs isolés demandeurs d’asile

Les mineurs demandeurs d’asile sont confrontés a un certain nombre d’obstacles afin de déposer leurs demandes d’asile et d’introduire un recours à l’encontre d’un refus de leur demande d’accès au territoire au titre d’asile, et pour demander la protection contre un retour qui les exposerait à des persécutions ou à des traitements inhumains et dégradants. Trois enfants nous ont raconté qu’à l’aérogare, des policiers, avaient refusé  d’enregistrer leur demande, ou s’étaient montrés réticents à l’enregistrer.[141]Par exemple, un garçon de 17 ans nous a dit qu’au début de l’année 2008, la police l’avait menacé d’expulsion lorsqu’il avait parlé de faire une demande d’asile.

[La police] m’a fait venir à un bureau. On a pris ma photo et on m’a donné un papier à signer. J’ai dit que je ne signerai pas. Alors le policier m’a dit que je serai expulsé de toute façon, que je signe ou pas. J’ai répété que je voulais demander l’asile mais le policier s’est moqué de moi et m’a répondu, ‘ce n’est pas la peine’ et il m’a dit que je serai renvoyé quand-même.
Quand il a dit ça, à ce moment là, j’ai eu envie de me suicider. J’avais vécu tant de choses et j’avais toujours eu la force de m’en sortir, j’avais fait plein d’efforts pour me sauver et j’étais arrivé là où je croyais que je serais enfin en sécurité. J’avais l’impression que tout s’écroulait. Et j’ai pensé : si j’ai l’occasion de me jeter par la fenêtre, je le ferai[142]

Deux garçons isolés ont raconté que la police aux frontières ne les avait pas informés de leur droit à déposer une demande d’asile, bien qu’ils aient déclaré qu’ils avaient fui leur pays pour des motifs politiques : « On a dit qu’on voulait rester en France – je ne savais rien du droit d’asile. On a dit à la police qu’on avait des problèmes politiques ».[143] Deux autres garçons, au contraire, nous ont dit qu’ils n’avaient rencontré aucune difficulté à déposer une demande d’asile, et que la police aux frontières leur avait demandé spontanément s’ils avaient l’intention de faire une démarche dans ce sens.[144]

Les administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française nous ont déclaré qu’ils faisaient eux-mêmes des enquêtes préliminaires, et qu’ils pouvaient décider de ne pas introduire une demande d’asile au nom d’un enfant. Une administratrice ad hoc, par exemple, nous a dit qu’elle hésitait à déposer une demande pour un enfant qui n’en mesurait pas toutes les conséquences, alors que deux autres administratrices nous ont dit qu’elles inciteraient les enfants à demander l’asile s’ils avaient des raisons de le faire.[145] Bien que le Comité des droits de l’enfant recommande de ne pas diriger systématiquement les enfants vers une procédure de demande d’asile sans se préoccuper des circonstances, Human Rights Watch craint fort que les administrateurs ad hoc ne soient pas en position d’évaluer correctement la situation d’un mineur par rapport au droit d’asile.[146]  Les administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française  démontraient une connaissance limitée du droit d’asile. Leur capacité de juger du bien-fondé d’une demande d’asile est d’autant plus limitée du fait des rencontres limitées avec l’enfant dans la zone d’attente, et du fait que leurs évaluations de la situation par rapport à l’enfant est prise immédiatement après l’arrivée de l’enfant et pendant sa détention. A notre avis, tous ces facteurs font qu’il est impossible pour les administrateurs ad hoc d’arriver à une évaluation exacte de la situation de l’enfant. Les administrateurs ad hoc devraient avoir pour principe de faciliter l’accès de l’enfant à une procédure d’asile, y compris lorsque le mineur risque d’être renvoyé dans un pays de transit.[147]

Procédure accélérée d’asile à la frontière

Pour les mineurs isolés, les procédures accélérées d’asile à la frontières sont inappropriées, parce qu’elles sont conduites immédiatement après l’arrivée du mineur et ne prennent pas en compte la situation spécifique des enfants demandeurs d’asile. Ces mineurs peuvent être perturbés ou  traumatisés par leur voyage, stressés et anxieux en raison du manque d’informations, de l’attitude intimidante de la police, ou parce qu’ils sont privés de liberté. Les mineurs demandeurs d’asile manquent de confiance, de temps de réflexion, d’aide judiciaire, et ne sont pas suffisamment aptes à être confronté à ce type d’environnement. Tous ces facteurs pris indépendamment ou, pire encore, collectivement, peuvent avoir comme résultat que le mineur est incapable d’exprimer sa demande de façon convaincante ou simplement cohérente, d’expliquer la raison de sa fuite ou même de comprendre les implications d’un entretien de demande d’asile, ce qui peut avoir un impact négatif, voire être utilisé contre lui pendant l’entretien. Les adultes sont bien évidemment confrontés aux mêmes difficultés, mais les enfants sont généralement moins bien armés au plan émotionnel pour faire face aux traumatismes et au stress et pour les surmonter.

Contrairement à ce qui se passe dans une procédure d’asile normale, les services de l’asile aux frontières de l’OFPRA ne prennent pas de décision sur l’octroi du statut de réfugié. Ils se contentent de vérifier si une demande d’asile est ou non « manifestement infondée ».[148] Si une demande est considérée comme « manifestement infondée », la personne concernée est maintenue en zone d’attente, et peut éventuellement faire l’objet d’un renvoi vers son pays d’origine, ou vers un pays de transit. Dans le cas contraire, la personne est autorisée à entrer en France pour déposer une demande d’asile selon la procédure normale.[149] La loi n’exige donc, à la frontière, qu’une évaluation préliminaire des motifs de la demande d’asile, mais on peut se demander comment les agents chargés de cet examen peuvent déterminer si la demande est « manifestement infondée » sans examen approfondi.[150]

Des enfants demandeurs d’asile nous ont dit qu’ils ne comprenaient pas bien la différence entre la police et l’Office de protection des réfugiés et des apatrides, qu’ils étaient désorientés, qu’ils souffraient de troubles du sommeil et d’anxiété, et qu’ils avaient peur d’être expulsés, et aussi qu’ils ignoraient les implications de l’entretien auquel ils étaient soumis.[151] Voici les impressions d’un garçon de 17 ans avant cet entretien :

Je suis allé me coucher. Je me suis levé dans la nuit, et j’ai prié. J’étais angoissé. J’avais peur qu’ils viennent me chercher pour m’expulser. Après avoir vu comment ils se comportaient, j’ai perdu toute confiance en eux. Je n’ai pas bien dormi. J’étais tout seul dans une chambre. C’était une épreuve supplémentaire d’être tout seul... Avant cela, je n’avais jamais eu l’impression d’être dans une prison et, à ce moment-là, je me suis rendu compte que c’était le cas.[152]

Un garçon de 16 ans nous a dit qu’il n’avait même pas compris que cet entretien portait sur une éventuelle demande d’asile, et il nous raconte sa peur d’être expulsé :

Le [centre de détention] est tout à côté de l’aéroport, et tant qu’on n’est pas loin de l’aéroport, on ne se sent pas à l’aise. Chaque fois qu’on voit un avion, on se dit ‘c’est mon tour, maintenant’. On les voit emmener d’autres gens pour les expulser. C’est déstabilisant.[153]

L’expérience des deux garçons qui avaient quitté leur pays pour des problèmes politiques et qui n’avaient pas été informés de leur droit de demander asile illustre bien la manière dont la détention peut affecter la capacité d’un enfant à présenter convenablement son cas pendant ce type d’entretien :

On était dans la même pièce. On avait peur, parce qu’on ne savait pas ce qui se passait... On n’a presque pas dormi dans la zone d’attente...nous n’avons pas bien dormi.  J’ai demandé un médicament pour dormir, mais ils ne m’en ont pas donné. On n’arrêtait pas de penser, et on se parlait entre nous. On pensait à plein de choses tout le temps, et on n’avait personne d’autre à qui parler.[154]

Les agents de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides n’ont pas reçu de formation spécifique concernant les demandes déposées par des mineurs, et les critères applicables pour décider si une demande est « manifestement infondée » sont les mêmes pour les enfants que pour les adultes. Compte tenu du caractère expéditif de la procédure, et du fait que les agents de l’OFPRA ont généralement à donner un avis très peu de temps après l’entretien, le risque d’erreur est important.[155] Les deux exemples qui suivent illustrent les lacunes de la procédure d’asile à la frontière.  

Début 2009, une jeune fille de 17 qui avait demandé l’asile à la frontière a subi des examens médicaux qui ont confirmé ses allégations de violence sexuelle. Les agents de l’OFPRA l’ont interrogée par téléphone, en présence, au début, d’autres personnes détenues. Son administrateur ad hoc est arrivé au cours de l’entretien et a demandé d’interrompre  cet entretien et de le reprendre dans un environnement confidentiel. Il avait aussi la nette impression que les circonstances de l’arrivée de la jeune fille laissaient supposer qu’elle était victime de la traite des personnes.[156] D’après son administrateur ad hoc, la jeune fille était incapable de se rappeler les noms de certains endroits de sa région d’origine, et avait aussi du mal à reconstituer la chronologie de certains événements.[157] L’OFPRA a pris l’avis que sa demande ne fût pas fondée. L’administrateur ad hoc a supposé que la preuve incontestable des violences sexuelles n’avait pas été suffisamment prise en compte, pas plus que le fait que les incohérences de son histoire pouvaient parfaitement s’expliquer dû aux traumatismes subis dans le passé et par les circonstances de son entretien.[158] Suite à cette décision négative, l’administrateur ad hoc a fait appel au ministre, afin d’obtenir une autorisation pour permettre à la jeune fille d’entrer sur le territoire français à titre exceptionnel, demande qui lui fût accordée.[159]

De la même façon, début 2008, la demande d’asile à la frontière de Daniel S. fût rejetée, au motif que le récit du jeune garçon présentait des incohérences, et qu’il ignorait la géographie.[160] Le garçon n’avait pas eu d’administrateur ad hoc, et n’avait donc reçu aucune préparation à l’entretien et ne savait pas ce à quoi s’attendre. Il nous a dit que son angoisse pendant sa détention et la forte pression qu’il avait subie avant l’entretien, due en partie à la menace d’expulsion formulée par les fonctionnaires de police et leur refus, dans un premier temps, d’enregistrer sa demande d’asile, avaient affecté sa capacité à raconter son histoire. Son avocat nous a dit également qu’il n’avait pas été mis suffisamment en confiance pour parler des persécutions qu’il avait endurées, et qu’il avait été incapable de communiquer des informations pertinentes pendant son entretien.[161] Daniel décrit en ces termes sa réaction à une décision négative :

La raison qu’ils m’ont donnée [pour ce refus] c’est que je n’avais pas une bonne connaissance de cette région... et que ma demande n’était pas vraiment fondée. J’étais furieux, mais en même temps, j’avais envie de rire quand j’ai vu ça. Avec tout ce stress pendant l’entretien, je ne comprenais pas bien ce qui se passait. D’entendre dire que je ne connaissais pas ma région, ça m’a fait rire. On m’a posé des questions auxquelles je n‘ai pas voulu répondre. Je ne me suis pas rendu compte que ces questions étaient importantes. Et aussi, je ne savais pas que je devais raconter tout en détails. Je n’ai pas parlé de certaines choses, parce que je pensais que l’autre personne  les comprendrait quand-même.[162]

Sa demande a été rejetée, mais il a été libéré de la zone d’attente sur décision du juge des libertés et de la détention. Une fois sur le territoire français, il a présenté une demande d’asile selon la procédure normale, il a été préparé et assisté pour l’entretien et, après plusieurs mois, il a pu bénéficier du statut de réfugié.

Un autre facteur qui peut avoir une influence négative sur la façon dont les mineurs racontent leur histoire est dû au fait qu’ils ne font pas bien la distinction entre le rôle des agents de l’OFPRA et celui de la police aux frontières. Les fonctionnaires de la police aux frontières, que les enfants considèrent comme leurs geôliers, sont responsables d’enregistrer les demandes d’asile. Les officier de protection de l’OFPRA font passer des entretiens pour examiner le bien-fondé des demandes des enfants. Toutefois, la pièce dans laquelle se déroule l’entretien est gardée par la police, et c’est la police qui communique au demandeur d’asile la décision prise. Il n’est donc pas surprenant que les enfants aient le sentiment qu’il n’y a pas de différence entre les deux institutions. Un garçon, âgé de 16 ans au moment de son arrivée, nous a dit qu’il était convaincu que les deux services travaillaient main dans la main.[163]

J’ai eu plusieurs entretiens [avec la police et pour la demande d’asile]. Ils posaient toujours les mêmes questions, ‘quels étaient mes problèmes’, et ‘d’où je venais’. J’étais persuadé qu’ils posaient les mêmes questions pour vérifier si je disais la vérité... Je suis sûr que c’était le cas.[164]

Obstacles à la formation d’un recours

Les enfants doivent affronter de nombreux obstacles pour pouvoir faire appel d’une décision négative. Les administrateurs ad hoc ne sont pas nécessairement présents quand la police communique une réponse négative à la demande d’asile, et sont donc dans l’incapacité de vérifier si les mineurs sont informés de leur droit de recours.

Ibrahim F., un garçon isolé de 16 ans, nous a rapporté qu’il avait essayé en vain de faire appel d’une décision négative : « Je n’ai pas pu faire appel [du refus de ma demande d’asile]. J’ai reçu la décision il y a deux jours. Je me suis présenté au bureau 38, mais ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas faire appel pour moi ».[165]

Comme mentionné précédemment, en vertu de la législation française, les enfants n’ont pas la capacité juridique de former un recours ou d’engager un avocat. Les administrateurs ad hoc doivent donc approuver toutes interventions d’un avocat au nom des enfants qu’ils représentent, y compris pour les procédures de recours en cas de décision négative.

Les représentants de la Croix-Rouge française et leurs administrateurs ad hoc nous ont dit qu’ils décidaient parfois de ne pas introduire de recours, lorsque le récit d’un enfant n’était pas probant, lorsque le profil de l’enfant n’entrait pas dans les critères de protection, ou lorsqu’ils pensaient que cette démarche ne servait pas l’intérêt supérieur de l’enfant.[166] Par exemple, quand nous avons demandé si un recours avait été fait au nom d’un garçon qui a reçu une décision négative a sa demande d’asile, une administratrice ad hoc  nous a déclaré: « [ce garçon] racontait une histoire très confuse, sans rien qui justifie une demande d’asile. Pour former un recours, il faut avoir des éléments probants ».[167] Il est rare, comme nous l’a confié un représentant de la Croix-Rouge, que ses administrateurs ad hoc ne partagent pas l’opinion de l’OFPRA, mais ils ne se rangent jamais automatiquement aux vues du gouvernement.[168]

Bien que la Croix-Rouge française ait déposé quelques recours contre des décisions négatives à des mineurs étrangers isolés, le nombre de ces recours est remarquablement peu élevé. Sachant que la loi disposant d’un droit de recours suspensif pour les demandeurs d’asile est entrée en vigueur en novembre 2007, la Croix-Rouge n’a déposé que deux dossiers d’appel en 2008, malgré le fait que le nombre de demandes refusées ait été supérieur à 170 cette même année. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2009, aucun recours n’a été déposé. De plus, aucun des appels ne fût accordé par le tribunal administratif.[169]

Pour justifier ce faible nombre d’appels, la Croix-Rouge française nous a expliqué que faire recours à une décision négative n’était qu’une intervention possible parmi d’autres, comme par exemple un signalement de danger auprès du juge des enfants ou du parquet des mineurs. Selon la Croix-Rouge, par exemple, environ 75% des enfants sont remis en liberté et autorisés à entrer en France après l’audience devant le juge des libertés et de la détention, et il y a souvent suffisamment de temps pour attendre le résultat de cet examen avant de déposer un recours. Pourtant, Ibrahim F., le garçon qui avait essayé en vain de faire un recours et qui risquait d’être renvoyé en Algérie, l’un des pays par lequel il avait transité pour arriver en France, n’a pas reçu d’aide de son administratrice ad hoc de la Croix-Rouge française pour faire appel, alors que le juge des libertés et de la détention avait prolongé sa détention en zone d’attente.[170]

Même s’il est inutile et redondant de déposer un recours si le juge des libertés et de la détention a décidé de libérer un enfant de la zone d’attente et de lui permettre d’entrer sur le territoire français, un nombre important de mineurs isolés, y compris des demandeurs d’asile, ne sont pas remis en liberté, et, au contraire ils sont renvoyés dans la zone d’attente après examen du juge. Dans de tels cas, le recours reste donc la seule solution permettant d’empêcher le retour forcé du mineur, car un signalement de danger auprès du juge des enfants ne suspend pas l’expulsion. Le faible nombre de recours indique que ce remède juridique est utilisé de façon très parcimonieuse par la Croix-Rouge française, et que sa position par défaut est de ne pas déposer de recours.[171]

Outre le fait que le nombre d’appels est très faible, dans des cas limités la Croix-Rouge française a empêché des avocats travaillant pour l’Anafé de déposer un recours  au nom des mineurs. Au cours du premier semestre de l’année 2009, selon l’Anafé, la Croix-Rouge a bloqué deux de ces démarches.[172] Les représentants de la Croix-Rouge nous ont dit qu’ils avaient empêché le dépôt de ces recours parce qu’ils n’étaient pas justifiées, ou n’étaient pas dans l’intérêt de l’enfant. Ils ont ajouté qu’ils n’étaient pas par principe contre les recours, mais qu’ils avaient pris ces décisions dans le cadre de leur mandat, qui est de représenter les intérêts d’un mineur privé de la capacité juridique de décider lui-même ou de faire appel à un avocat. La Croix-Rouge française semble être la seule à suivre cette pratique : les administrateurs ad hoc qui travaillent pour l’organisation Famille Assistance déclarent qu’ils ne bloquent jamais  un recours contre une décision négative.[173]

A notre avis, bloquer un recours contre une décision négative est une mauvaise interprétation de leur mandat par les administrateurs ad hoc, et une violation du droit de l’enfant à faire appel. Bien que cette pratique se soit limitée à quelques cas, les administrateurs ad hoc à notre avis ont agi en dehors de leur autorité comme représentant de ces mineurs, et ont assumé le rôle des juges. Le droit de contester une décision négative est une protection fondamentale contre les risques de mauvais traitements, d’atteintes physiques, de dangers et de traitements inhumains et dégradants qui peuvent attendre le mineur à son retour.

Le fait que le récit d’un enfant ne soit pas convaincant lors d’une première audience peut être dû à des facteurs divers, notamment le traumatisme des violences subies, l’environnement stressant de la zone d’attente, l’influence tenace des passeurs et des membres des réseaux de traite des personnes, le manque de confiance envers les autorités ou les administrateurs ad hoc, ou simplement le manque de préparation à l’entretien de demande d’asile. Compte tenu de la formation limitée que reçoivent les administrateurs ad hoc, de leur compréhension erronée du droit d’asile comme constaté lors des entretiens avec Human Rights Watch, et des échanges limités qu’ils peuvent avoir avec les mineurs dont ils ont la charge, ils ne sont pas en situation de comprendre les raisons qui ont poussé l’enfant à émigrer, ou de déterminer si un éventuel retour servirait vraiment l’intérêt supérieur de l’enfant.[174] Le Comité des droits de l’enfant rappelle que la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant demande une évaluation claire et complète qui s’appuie sur des éléments solides, avant de prendre une décision susceptible de bouleverser fondamentalement la vie d’un mineur isolé. Le comité ajoute qu’avant de prendre une telle décision, il est indispensable de permettre à un enfant de pénétrer sur le territoire.[175]

Il faut aussi noter que former un recours est un exercice laborieux, soumis à des délais stricts, et représente une tâche supplémentaire venant s’ajouter à la charge de travail déjà très lourde des administrateurs ad hoc.[176] Le fait que les recours puissent être rejetés pour des raisons procédurales à moins qu’ils soient fondés, et que les administrateurs ad hoc sont souvent surchargés de travail, parfois sous-qualifiés, fréquemment désignés pour de périodes limitées, peut aussi les dissuader de faire appel.

En vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, les gouvernements sont tenus d’offrir protection et aide humanitaire aux enfants réfugiés et demandeurs d’asile.[177] Le Haut Commissariat pour les réfugiés (UNHCR) a appelé les gouvernements à donner accès à leur territoire aux mineurs étrangers isolés, à étudier leur demande d’asile selon la procédure normale, à leur fournir un avocat et à ne pas placer ces enfants en détention.[178] Le Comité des droits de l’enfant a ajouté que les personnels impliqués dans la détermination du statut concernant des enfants devraient recevoir une formation appropriée, et qu’il convenait d’accorder à l’enfant le « ‘bénéfice du doute’, en cas de contestation de la véracité de son histoire,   ainsi qu’à la possibilité de former un recours pour un réexamen officiel de la décision. » Pour assurer une sauvegarde procédurale, un enfant demandeur d’asile devrait être représenté par un adulte connaissant bien son passé et qui ait la capacité de représenter ses intérêts supérieurs. Dans tous les cas, l’enfant devrait avoir accès à un avocat agréé.[179]

VI. Expulsions sans garanties

En 2008, sur environ 1 000 mineurs étrangers isolés arrivés à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, 341 ont été expulsés de France ou ont poursuivi leur voyage vers une destination ultérieure, tous les autres ont reçu l’autorisation d’accéder au territoire français.[180] D’après la Croix-Rouge française, entre 25 et 30 mineurs qu’elle représentait ont été réacheminés vers des pays dans lesquels ils n'avaient fait que transiter, bien que le directeur de la police aux frontières de l'aéroport nous ait assuré que la police renvoyait les mineurs toujours vers leurs pays d’origine.[181] De janvier à mai 2009, sur 265 mineurs isolés maintenus en zone d’attente, 51 (soit 19 %) ont été éloigné et 200 ont été admis sur le territoire français.[182] Le sort des 14 autres mineurs nous est resté inconnu et nous ne savons pas non plus combien de ces mineurs ont été renvoyés vers des pays par lesquels ils avaient transité.

En ce qui concerne le renvoi, le droit français ne fait pas de distinction entre les adultes et les mineurs isolés : les enfants comme les adultes peuvent être renvoyés dans des pays par lesquels ils n’ont fait que transiter et sans garanties qu'ils seront protégés des dangers qui peuvent les menacer.[183] La police aux frontières de l’aéroport nous a déclaré que bien que l’intérêt de l’enfant soit une de ses préoccupations, il arrive que des mineurs soient expulsés « pour faire signal aux réseaux de passeurs » et « pour montrer une volonté ferme contre d'autres arrivées ». Et nos interlocuteurs ont ajouté que leurs mesures de contrôle des migrations ne servaient pas seulement les intérêts de la France mais aussi ceux de l’Union européenne.[184]

Dans un cas particulièrement flagrant, en novembre 2008, la police aux frontières voulait expulser un Comorien isolé âgé de cinq ans à destination du Yémen, sa dernière escale, et le livrer à la police locale. D’après des documents du tribunal, il n’existait aucun accord de prise en charge avec la police yéménite et il n’y avait aucune garantie que le jeune garçon serait en sécurité une fois à la charge des fonctionnaires yéménites ou que les fonctionnaires locaux feraient le nécessaire pour le réunir avec sa famille, dont on ignorait les coordonnées à ce moment-là. Le juge des libertés et de la détention l’a remis en liberté après que la police eut expliqué comment il allait être expulsé et il a été placé auprès des services de protection à l’enfance.[185]

En mai 2009, la police aux frontières a essayé à plusieurs reprises d'expulser un jeune Tchadien de 16 ans vers l’Égypte, sa dernière escale. Elle a également tenté d’expulser un jeune Egyptien de 17 ans en lui faisant prendre un avion pour Antananarivo, Madagascar, là encore son dernier pays de transit. A cette époque, mi-mars 2009, Madagascar était au bord de la guerre civile. Le gouvernement a également reconnu pendant une audience devant le tribunal en mai 2009 qu'il avait l'intention d'expulser deux jeunes Libanais de 14 et 16 ans vers l'Algérie, leur dernier pays de transit.[186]

Les fonctionnaires du ministère de l’Immigration nous ont dit que des officiers de liaison français chargés de contrôle d’immigration et de sécurité (en poste dans divers pays) étaient contactés avant qu’un mineur soit renvoyé afin qu’il soit accueilli à son arrivée. Ils ont expliqué, cependant, que ces officiers allaient remettre les enfants aux fonctionnaires de la police locale.[187] Le transfert d’un mineur isolé au personnel de sécurité, que ce soit dans le pays d’origine de l’enfant ou bien dans un pays où il n’a fait que transiter, n’est accompagné d’aucune garantie sur sa sécurité. Au contraire, Human Rights Watch et d’autres organisations ont réuni des documents de façon régulière sur, par exemple, la façon dont des mineurs isolés renvoyés au Maroc et remis aux forces de sécurité sont systématiquement victimes d’abus et mis en détention.[188] En outre, compte tenu du fait que ces officiers de liaison ne sont pas présents dans tous les pays et que des mineurs isolés peuvent être renvoyés quelques heures seulement après leur arrivée, il semble peu probable, dans ces conditions, que tout les mineurs bénéficient d’un accueil.

Tant la Croix-Rouge française que l’Anafé ont exprimé leurs préoccupations concernant le traitement des mineurs étrangers isolés qui essaient d’entrer en France pendant qu’ils sont en transit à Charles de Gaulle et en possession d’un billet pour une destination ultérieure. Beaucoup de ces mineurs sont d’origine chinoise et munis de billets pour aller dans des pays d’Amérique latine, comme le Mexique et Cuba. Nos interlocuteurs de la police aux frontières de l’aéroport nous ont expliqué que, bien que conscients de l’objectif de certains de ces mineurs d’entrer en France pendant leur transit, ils font en sorte que ces mineurs arrivent à leur destination finale et les empêchent de pénétrer en France.[189] Ce choix, bien que présenté comme un moyen d’aider les enfants en transit, correspond dans la plupart des cas à une expulsion vers un pays tiers, sans que soient prises auparavant des mesures visant à assurer leur prise en charge et leur protection. Comme les administrateurs ad hoc ne peuvent pas être présents pour représenter les intérêts des mineurs dans cette situation, ces mineurs sont laissés sans garanties et sans accès à la moindre protection.

La loi autorise que des poursuites judiciaires soient engagées contre des migrants qui refusent leur embarquement, y compris contre les mineurs étrangers.[190] En 2008, 11 mineurs isolés ont été placés en garde à vue pour avoir refusé de monter à bord d’un avion. Un garçon de 16 ans qui avait à plusieurs reprises refusé de monter à bord d’un avion a été placé en détention au printemps 2009. Il a été remis en liberté plus tard et placé dans un foyer.[191]

Les mineurs ne semblent pas avoir échappé aux violences policières lors des tentatives d'expulsion et des allégations nous ont été rapportées selon lesquelles la police aux frontières, dans des cas isolés, aurait usé, sans motif valable, de la force ou de l’intimidation pour expulser des mineurs. Le personnel de l’Anafé nous a relaté qu’un garçon qui avait subi six tentatives d’expulsion avait déclaré que la police serait devenue violente lors de sa troisième tentative d’expulsion et il leur avait montré des blessures aux poignets causées par les menottes.[192] Un administrateur ad hoc nous a également dit que la police aux frontières avait menacé un garçon de 14 ans d’annuler le permis de séjour de sa mère à moins qu’il n’accepte de monter dans l’avion.[193] Dans la plupart des cas de tels comptes rendus ne risquent pas de nous parvenir parce qu’une fois qu’une personne est expulsée, en général tout contact avec elle est perdu.

Obligations internationales en cas de renvoi de mineurs étrangers isolés

Lors du renvoi d’un mineur étranger non accompagné, les obligations légales de la France aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant de l’ONU, la Convention européenne des Droits de l'Homme, la Convention relative au statut de réfugié et la Convention contre la torture des Nations-Unies restent valides. Ces conventions sont applicables partout où l'Etat exerce sa juridiction, ce qui inclut la zone d'attente de l'aéroport.

Dans le cadre de la Convention relative au statut de réfugié, la France est liée par le principe de non-refoulement, ce qui interdit le renvoi d’une personne dans un endroit où elle-même ou sa liberté serait menacée du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.[194] Le principe du non-refoulement est repris par la Convention européenne des Droits de l'Homme et la Convention contre la torture. Cette dernière interdit à la France de renvoyer une personne dans un lieu où elle risque d’être torturée ; la première interdit également le renvoi vers un lieu où une personne risque d’être soumise à des traitements inhumains ou dégradants.[195]

Aux termes de la Convention européenne des Droits de l'Homme, le gouvernement doit non seulement s’abstenir de renvoyer des mineurs vers des traitements inhumains et dégradants, mais en plus il doit prendre des mesures pour exclure le risque de tels traitements avant de prendre la décision de renvoyer un mineur isolé. Ainsi la Cour européenne des droits de l'homme a décidé que la Belgique avait violé ces obligations en expulsant une fillette isolée de cinq ans au Congo : « Les autorités belges n'ont pas veillé à ce qu'une prise en charge effective [du mineur] ait lieu et n'ont pas tenu compte de la situation réelle que risquait d'affronter l'enfant lors de son retour dans son pays d'origine ».[196]

La Cour oblige le gouvernement à prendre « les mesures et précautions requises » contre les traitements inhumains et dégradants quand il renvoie un mineur isolé.[197] Les circonstances de ce qui constitue des traitements inhumains ou dégradants pour un mineur isolé peuvent être très différentes de celles concernant des adultes. Comme nous l’avons montré dans le cas de la fillette congolaise de cinq ans, son expulsion sans aucune certitude préalable qu'elle serait prise en charge a été considérée comme un traitement inhumain et dégradant.[198] Les autres situations qui peuvent être qualifiées de traitement inhumain et dégradant et devraient être envisagées avant de renvoyer un mineur, comprennent notamment : le risque que des victimes de traite des personnes retombent aux mains des réseaux criminels, et le risque pour les mineurs qui se sont enfuis de leur famille pour cause de violences domestiques, qu’ils retombent dans une situation d’abus.

Dans l’Affaire Nsona contre Les Pays-Bas, où il s’agit aussi de l’éloignement forcé d’un mineur isolé, la Cour européenne de droits de l’homme a expliqué la responsabilité des États signataires aux termes de la Convention européenne des Droits de l'Homme avant d’éloigner un mineur :

Dans une telle affaire, un Etat contractant assume une responsabilité au titre de l'article 3 (art. 3) pour avoir exposé quelqu'un au risque de mauvais traitements. Pour contrôler l'existence de ce risque, il faut donc se référer par priorité aux circonstances dont l'Etat en cause avait ou devait avoir connaissance au moment de l'expulsion.[199]

Le renvoi d'un mineur aux forces de sécurité d'un pays tiers ou de son pays d'origine, sans garantie qu’il sera pris en charge ou réuni avec sa famille en toute sécurité, peut mettre le mineur en danger ou lui faire encourir le risque de traitements inhumains ou dégradants. En raison de la rapidité des procédures d'éloignement à l’aéroport de Roissy et des difficultés à établir une relation de confiance avec l’enfant dans le cadre de son maintien en détention, les conditions ne sont pas réunies pour évaluer le risque en cas de renvoi, et la sécurité du mineur à son retour ne peut donc pas être garantie.

Aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant, les Etats contractants sont dans l’obligation de fournir une protection et des soins aux mineurs isolés et de considérer l'intérêt supérieur du mineur dans toutes les actions le concernant.[200] Avant de renvoyer un mineur isolé dans un pays de transit ou dans son pays d'origine, les autorités devraient chercher à s'informer sur ce qui l'attend, à savoir s’il risque des abus ou des violations de ses droits fondamentaux et si son accueil est prévu, et prendre en compte ces informations pour faire une évaluation complète de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Comité des droits de l'enfant a établi une liste de critères destinés à guider l’évaluation de sa situation par les autorités. Y figurent des considérations sur la sécurité et la sûreté de l'enfant à son retour, sur ses conditions socio-économiques ainsi que l'opinion de l’enfant lui-même.[201]

Lorsqu’ils sont confrontés à décision d’éloignement, les mineurs bénéficient de garanties procédurales. Aux termes de la Convention européenne des Droits de l'Homme ils doivent avoir accès à un recours effectif si l’expulsion risque de violer un de leurs droits dans le cadre de cette convention.[202] Les mineurs qui n'ont pas de représentation légale ou ceux pour lesquels un administrateur ad hoc a été désigné, mais qui ont été expulsés avant d’avoir pu le rencontrer, sont, au nom de la loi ou de fait, privés d'un accès à un recours effectif. Les mineurs qui sont arbitrairement empêchés par leur administrateur ad hoc de faire appel d'une décision d'asile négative sont aussi privés d'accès à un recours effectif.

Au bout du compte, les autorités devraient trouver pour le mineur une solution à long terme qui tienne compte de son intérêt supérieur et de son opinion. Le regroupement familial dans le pays d’origine ou dans un pays tiers peut être une solution durable. Cependant, quand le regroupement familial ou le renvoi dans le pays d’origine ne sont pas possibles en raison d’obstacles juridiques ou parce que ce n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant, les Etats doivent favoriser l’intégration du mineur dans le pays d’accueil en lui accordant une protection, sous statut de réfugié ou d’autres formes de protection.[203]

VII. Recommandations

Au ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

  • Abolir le statut juridique arbitraire de la zone d'attente pour les mineurs étrangers isolés et admettre tous les mineurs isolés qui arrivent aux frontières sur le territoire français où leurs besoins de protection, leur vulnérabilité, leurs opinions, et leur intérêt supérieur peuvent faire l’objet d’une évaluation sérieuse et servir de base pour toute décision concernant leur avenir.
  • Entre-temps, suspendre immédiatement le renvoi des mineurs étrangers isolés vers des pays de transit et adopter des procédures formelles qui garantissent leur sécurité en cas de retour dans leur pays d'origine ou en cas de regroupement avec la personne assumant la charge parentale dans un pays tiers. Avant toute décision d’éloignement, déterminer si l’éloignement est dans l’intérêt supérieur de l'enfant, en prenant en compte les risques d’abus ou les dangers auxquels il peut se trouver confronté à son arrivée.
  • Publier immédiatement des directives claires à l’intention de la police aux frontières indiquant qu’aucune expulsion ne peut avoir lieu tant qu’un enfant n’a pas rencontré son administrateur ad hoc et qu’il n’a pas eu la possibilité de demander conseil à un avocat.
  • Cesser, avec effet immédiat, de détenir des mineurs étrangers isolés avec des adultes ou en mélangeant filles et garçons. En règle générale, un mineur étranger isolé doit être remis aux soins des autorités locales et ne doit pas être placé en détention. Si, exceptionnellement, des enfants sont détenus, ils doivent bénéficier de l’assistance d’un avocat et d’un administrateur ad hoc afin de pouvoir contester leur détention.
  • Adopter des directives officielles et mettre en place un système permettant d’identifier  les victimes de la traite des personnes afin qu’elles puissent bénéficier d’une protection, y compris contre l'expulsion. Former la police aux frontières à l’application de ces directives et lui fournir une assistance par le biais de personnel spécialisé présent à l'aéroport. Faire en sorte que tous les administrateurs ad hoc soient informés et en possession des coordonnées de toute personne rendant visite à un mineur en détention à l'aéroport. Les mineurs étrangers isolés identifiés comme victimes possibles de traite des personnes doivent être placés dans un hébergement spécial et sécurisé à l’écart de Paris.
  • Fournir à toutes les personnes à la frontière des informations écrites et orales sur leurs droits, y compris leur droit de demander l'asile, et ce, dans une langue qu’elles comprennent.
  • Soutenir des changements législatifs en vue d’abolir les procédures accélérées  d’asile  a la frontière pour les mineurs isolés et d’accorder automatiquement à tous les mineurs demandeurs d’asile l'autorisation d’entrer en France pour déposer une demande d’asile dans le cadre de la procédure normale.
  • Garantir la présence immédiate d’administrateurs ad hoc à l’aéroport pour que les mineurs puissent exercer leurs droits dès qu’ils sont en contact avec les autorités. Une connaissance prouvée des droits des mineurs étrangers et des demandeurs d’asile devrait être un critère essentiel pour leur désignation. Soutenir les changements législatifs en vue de professionnaliser le service des administrateurs ad hoc et de renforcer leur mandat afin qu’ils puissent avoir accès à toute information pertinente et qu’ils aient l’autorité de protéger l'intérêt supérieur des mineurs et leurs besoins de protection à tout moment, y compris lors des décisions prises par la police aux frontières.
  • Désigner pour chaque mineur isolé un administrateur ad hoc qui puisse être présent  immédiatement à l’aéroport dès qu’un mineur étranger isolé entre en contact avec les autorités,  et qui représente le mineur pendant tout son maintien dans la zone d’attente. S’abstenir d'interroger un mineur tant que son administrateur ad hoc n’est pas présent.
  • Faire en sorte que les administrateurs ad hoc puissent accéder sans entraves à tous les documents de police pertinents pour l’exercice de leur mandat et rencontrer les mineurs maintenus dans des hôtels, en isolement, en garde à vue, et dans les aérogares.
  • En plus de la représentation par des administrateurs ad hoc, assurer la présence rapide d’avocats commis d’office dans la zone d’attente aéroportuaire afin que les mineurs puissent bénéficier de leur droit à l’aide judiciaire gratuite aussi rapidement que possible après leur arrivée et soient en mesure de déposer un recours contre les décisions administratives et juridictionnelles.
  • Adopter des procédures de détermination de l’âge qui ne reposent pas exclusivement sur des tests physiques mais qui prennent aussi en compte la maturité psychologique du mineur et sa biographie, conformément aux recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Ces procédures devraient fournir des mécanismes efficaces pour contester des résultats erronés ; un examen de l’âge ne devrait être pratiqué qu’après avoir informé et avec le consentement du mineur et de son administrateur ad hoc. Adopter des directives pour interdire que des examens de l’âge ne soient pratiqués dans des circonstances où il est évident que la personne n’a pas atteint 18 ans et pour empêcher qu’ils ne soient pratiqués de façon dégradante.

A la police aux frontières de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

  • Ne pas expulser des mineurs avant l’arrivée de leur administrateur ad hoc à l’aéroport et accorder à ces derniers l’accès à tous les mineurs dans les aérogares, y compris ceux qui sont détenus pendant qu’ils sont en transit à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. S’abstenir d’interroger des mineurs ou de demander de tests de détermination de l’âge pour des mineurs isolés en l’absence de leur administrateur ad hoc.
  • Toujours accorder à tous les mineurs isolés leur droit à un jour franc, à savoir une protection de 24 heures contre l’éloignement.
  • Mettre fin immédiatement à toutes les tentatives de la part des policiers de menacer les enfants d’expulsion après leur arrivée ; traiter tous les enfants dans le respect de leur dignité et d’une façon adaptée à leur âge et à leur maturité.
  • Mettre fin à la pratique  à faire signer aux enfants des documents qu’ils ne comprennent pas. S’assurer que les mineurs comprennent entièrement les implications des décisions administratives et que l'administrateur ad hoc est présent au moment où ils doivent signer des documents.
  • Mettre fin aux mesures d'intimidation exercées par les policiers sur les mineurs étrangers isolés, notamment l'usage de menottes ou la fouille à nu. Ne recourir à de telles pratiques que dans des cas qui les justifient. En coopération avec les administrateurs ad hoc, fournir des informations écrites concernant les risques de traite et d'exploitation encourus par les mineurs étrangers isolés à leur arrivée à l'aéroport. Ces informations devraient comprendre l’adresse, les moyens d’accès et les numéros de téléphones des organisations et services auprès desquels ils peuvent demander de l’assistance et de la protection.
  • Accorder aux administrateurs ad hoc l’accès à toute information pertinente et leur laisser rencontrer les mineurs qu’ils représentent sans entrave et sans exception, où qu’ils soient retenus.
  • S’abstenir de mettre des mineurs en cellule d’isolement et d'engager des poursuites judiciaires contre ceux qui résistent à l’expulsion.
  • S’abstenir d’exiger un test de détermination de l’âge pour les enfants qui sont manifestement mineurs. En cas de doute, et lorsqu’il existe une possibilité qu’une personne soit mineure, elle doit être traitée comme telle.

A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

  • En coopération avec les organisations spécialisées, former tous les fonctionnaires chargés de la protection qui mènent des entretiens avec les enfants, à l’examen de leurs demandes, et aux formes de persécution encourues par les enfants. Prévoir une formation spécifique sur l'impact possible des traumatismes, des abus, du stress, du placement en détention, et de l'anxiété sur la façon dont les enfants racontent leur histoire.
  • Soutenir les changements législatifs destinés à abolir la procédure accélérée de demande d’asile à la frontière pour les mineurs étrangers isolés et leur permettre de déposer une demande d’asile par la procédure normale. S’abstenir de conduire des entretiens avec les mineurs par téléphone.

A la Croix-Rouge française

  • Cesser immédiatement toutes les initiatives visant à empêcher des avocats de former des recours contre le placement en zone d’attente ou en cas de décisions négatives à une demande d’asile de mineurs.
  • En cas de rejet de leur demande d’asile, faire en sorte que tous les mineurs reçoivent des informations sur leur droit à introduire un recours et faciliter ce recours si les mineurs souhaitent de l’engager.
  • Adopter des procédures claires afin que les administrateurs ad hoc comprennent qu’il est de leur devoir de garantir la protection des mineurs étrangers isolés dont ils représentent les intérêts.
  • Soutenir les administrateurs ad hoc pour introduire des recours au nom des enfants, notamment en leur accordant un appui et des ressources suffisantes pour qu'ils puissent effectuer des tâches supplémentaires quand ils ont des délais très serrés.
  • Adopter des procédures standards et fournir des directives claires à tous les administrateurs ad hoc sur la façon de procéder lorsque des enfants sont victimes de la traite des personnes.

A la Croix-Rouge française et Famille Assistance

  • En coopération avec des organisations spécialisées, former tous les administrateurs ad hoc aux droits des enfants dans le cadre de la Convention relative aux droits de l'enfant de l’ONU et des autres instruments des droits humains afin d’utiliser et de respecter ces dispositions dans leurs actions. Cette formation devrait inclure des informations détaillées sur les directives et sur les normes obligatoires qui gouvernent le renvoi des mineurs étrangers isolés et leurs droits à une aide spéciale et à une protection. Fournir aussi des directives à tous les administrateurs ad hoc sur la façon d’appliquer des normes obligatoires et des bonnes pratiques dans ce domaine dans leur travail.
  • En commun avec le Haut Commissaire aux Réfugiés et d’autres organisations spécialisées, former tous les administrateurs ad hoc au droit d’asile et à la protection subsidiaire.
  • Déposer systématiquement des demandes d’aide judiciaire pour tous les mineurs placés en zone d’attente à l’aéroport. Travailler en coordination avec les avocats qui introduisent des recours au nom des enfants et leur prêter assistance.

Au juge des enfants et au procureur

  • Exercer votre mandat de protection conformément aux droits des mineurs étrangers isolés, tels qu'ils sont stipulés dans la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies et dans la Convention européenne des Droits de l'Homme. Et en particulier, tenir en compte le droit à une protection et aide spéciale des mineurs étrangers isolés et aux risques qu'ils encourent en cas d'expulsion.
  • Réviser régulièrement la façon dont les administrateurs ad hoc exercent leur mandat. Examiner minutieusement et mettre en question les cas dans lesquels les administrateurs ad hoc ont rejeté une intervention légale au nom des mineurs étrangers isolés.

A la Commission européenne

  • Présenter des propositions concrètes visant à renforcer la protection des mineurs étrangers isolés lors de la prochaine révision des directives de l’Union européenne pour les demandeurs d’asile ; ces propositions garantiront que les tuteurs ont le pouvoir de représenter l’intérêt supérieur des mineurs et d’assurer leurs besoins en matière de protection ; elles établiront des critères de qualifications clairs pour les tuteurs appelés à représenter des mineurs étrangers isolés, notamment une expérience reconnue dans le domaine des droits des enfants, des migrants et des demandeurs d'asile ; elles mettront en avant la désignation d’un avocat qualifié à titre gratuit pour les mineurs étrangers isolés soumis à des procédures administratives et juridictionnelles.

Au Conseil de l’Union européenne

  • Renforcer la protection des mineurs étrangers isolés lors de la révision des directives concernant l’asile en faisant en sorte que toutes les dispositions relatives aux mineurs isolés soient conformes au droit international applicable dans les Etats membres de l'UE.
  • Poursuivre une approche basée sur les droits dans toute action de l’UE relative à la situation des mineurs étrangers isolés et faire en sorte que ces mineurs soient avant tout traités comme tels et que leurs droits et besoins de protection soient prioritaires dans toutes les politiques migratoires.

 

Remerciements

Ce rapport a été rédigé par Simone Troller, chercheuse à la division Droits de l’enfant ; il est basé sur son propre travail ainsi que sur celui de Lélia Tawfik, stagiaire à la division Droits de l’enfant.

Le rapport a été revu par Zama Coursen-Neff, directrice adjointe de la division Droits de l’enfant ; Benjamin Ward, directeur associé de la division Europe et Asie centrale ; Judith Sunderland, chercheuse senior de la division Europe et Asie centrale ; Gauri van Gulik, chercheuse à la division Droits des femmes ; Bill Frelick, directeur du Programme Politique des réfugiés ; Aisling Reidy, conseillère juridique principale ; Andrew Mawson, directeur adjoint du programme. Le bureau de Paris de Human Rights Watch nous a apporté un soutien supplémentaire très précieux.

Cassandra Mikicic et Kyle Knight, associées à la division Droits de l’enfant ; Anna Lopriore, directrice artistique ; Grace Choi, directrice des publications ; et Fitzroy Hepkins, chargé de la gestion du courrier, ont apporté leur concours à l’élaboration de ce rapport. Le rapport a été traduit en français par Marie-Hélène Corréard et la traduction a été revue par Cassandra Mikicic et Simone Troller.

Nous aimerions remercier les mineurs qui ont partagé leur histoire et leurs expériences avec nous. Nous exprimons également notre gratitude aux administrateurs ad hoc qui ont accepté de s’entretenir avec nous ; à toutes les organisations non gouvernementales, y compris l’Anafé, la Cimade, le Comité contre l’esclavage moderne, Défense des enfants international, Famille Assistance, France Terre d’Asile, la Croix-Rouge française, le Gisti, et le Réseau Education sans frontières ; les organismes des droits humains français, notamment la défenseure des enfants, le barreau de Paris et la Commission nationale consultative des droits de l'homme ; au personnel du UNHCR pour avoir partagé leur savoir-faire avec nous et pour leur soutien au cours de ce travail. Nous adressons également nos remerciements aux fonctionnaires du gouvernement français et du système judiciaire qui ont généreusement pris sur leur temps pour nous parler et répondre à nos demandes d’informations.

[1]Dans ce rapport, Human Rights Watch choisit le terme « détention » pour décrire la privation de liberté en zone d’attente ; le terme « placement » qui serait correcte du point de vue juridique signifie pour la plupart des lecteurs une mise sous protection de l’individu et pas forcement une privation de liberté. L’usage tu terme « détention » dans ce rapport ne se réfère donc pas à un régime pénitentiaire.

[2]Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, Rés AG. 44/25, annexe, 44 U.N. Supp AGDO. (N° 49) à 167, U.N.Doc. A/44/49 (1989), entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par la France le 7 août 1990, article 1. Code Civil, http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20091011 (consulté le 11 octobre 2009), article 388.

[3]Comité des droits de l'enfant de l'ONU, « Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine », Observation générale N° 6, UN Doc. CRC/GC/2005/6 (2005), paragraphes 7-8.

[4]Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, CESEDA, http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070158&dateTexte=20090805 (consulté le 5 août 2009), article L221-1. En France, on parle souvent de Roissy pour désigner l’aéroport Charles de Gaulle à Roissy.

[5] CESEDA, article L221-2. LoiN° 2003-1119 du 26 Novembre 2003 Relative à la Maîtrise de l'Immigration, au Séjour des Étrangers en France et à la Nationalité),Journal officiel de la République française N° 274, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000795635&fastPos=1&fastReqId=1793093296&categorieLien=id&oldAction=rechTexte (consulté le 5 août 2009), article 50. Loi N° 92-625 du 6 Juillet 1992 sur la Zone d’attente des ports et des aéroports et portant modification de l’ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux Conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, Journal officiel de la République française, N° 158, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000175480&fastPos=1&fastReqId=1979423956&categorieLien=id&oldAction=rechTexte (consulté le 5 août 2009), article 1. LoiN° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la Maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité,Journal officiel de la République française N° 274, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000795635&fastPos=1&fastReqId=1793093296&categorieLien=id&oldAction=rechTexte (consulté le 5 août 2009), article 50.

[6]Aux termes de la loi, pour entrer [en France] tout étranger doit être muni d’une pièce d’identité et d’un visa en cours de validité, d’un justificatif d’hébergement, des documents supplémentaires qui justifient le but du voyage, des moyens financiers suffisants, une assurance médicale et la garantie de rapatriement. CESEDA, article L211-1 - L211-10. Olivier Clochard, AntoineDecourcelle, ChloéIntrand, « Zones d’attente et demande d’asile à la frontière : le renforcement des contrôles migratoires ? », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 19 (2003), http://remi.revues.org/index2948.html (consulté le 5 août 2009).

[7] L’Office Française de Protection des Réfugiés et Apatrides, OFPRA, se contente de déterminer si une demande d’asile faite à la frontière est « manifestement infondée ». Si une demande est acceptée, le demandeur d’asile a le droit de demeurer sur le territoire français afin de déposer une demande d'asile dans le cadre de la procédure normale. Si la demande faite à la frontière est jugée « manifestement infondée », le demandeur se voit refuser l’entrée en France et peut être expulsé. Voir le chapitre V pour une discussion plus complète de la procédure d’asile à la frontière. CESEDA, articles L213-9, L221-1.

[8]CESEDA, articles L213-1 - L224-4.

[9]CESEDA, articles L511-4, L521-4.

[10]CESEDA, articles L213-1 - L213-9.

[11] A deux reprise, la France a résisté à des réformes de la loi fournissant des garanties aux étrangers placés en zone d’attente de l’aéroport jusqu’à l’intervention de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans l’Affaire Gebremedhin contre France, la cour a arrêté que les demandeurs d’asile n’avaient pas accès à un recours de plein droit suspensif parce que leur appel d’une décision de refus à une demande d’asile ne suspendait pas la possibilité de leur expulsion. La France a amendé sa législation suite à l’arrêt garantissant une procédure d’appel qui suspend l’expulsion d’une personne. De même, dans l’Affaire Amuur contre France, contrairement au raisonnement tenu par la gouvernement, la cour a décidé en 1996 qu’une personne placée en zone d’attente de l’aéroport est soumise à une privation de liberté et doit donc pouvoir disposer des garanties qui vont avec sa détention. Cour européenne des droits de l'homme, Affaire Amuur c. France, jugement du 25 juin 1996, 17/1995/523/609, disponible sur le site www.echr.coe.int. Cour européenne des droits de l'homme, Affaire Gebremedhin c. France, (Requête N° 25389/05), 26 avril 2007, disponible sur le site www.echr.coe.int

[12]Affaire Amuur c. France, paragraphe 52.

[13] Cour de Cassation, Chambre Civile 1, Décision 08-14.125, 25 mars 2009, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000020453300&fastReqId=247656239&fastPos=21 (consulté le 5 août 2009).

[14]Affaire Amuur c. France, paragraphe 20. CESEDA, article L221-4.

[15]Entretien de Human Rights Watch avec Francis Etienne, directeur de l'immigration, Eric Darras, sous-directeur de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l'éloignement, et Philippe Garabiol, sous-directeur adjoint du séjour et du travail, ministère de l’Immigration, Paris, le 30 juin 2009, et avec Nadine Joly, directeur, et Lydie Aragnouet-Brugnano, commissaire divisionnaire, Police aux frontières des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget, Paris, le 13 août 2009.

[16]Affaire Amuur c. France, paragraphes 39, 49.

[17]Entretien de Human Rights Watch avec Azem C., mai 2009.

[18] Entretien de Human Rights Watch avec Thomas N., mai 2009.

[19]Convention relative aux droits de l’enfant, articles 3, 20, 21.

[20] Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 12.

[21] Ibid., paragraphe 86.

[22]Aéroports de Paris, « Document de Référence 2008 », http://www.aeroportsdeparis.fr/ADP/Resources/34af5885-311b-47fb-9866-c6a941c67b3d-DocRef2008.pdf (consulté le 5 août 2009), p. 33; Airports Council International, “Statistics: World Airport Traffic,” juillet 2008, http://www.aci.aero/aci/aci/file/Press%20Releases/2008/Interesting%20Stats_2007.pdf (consulté le 5 août 2009); Airports Council International, “Statistics: Top 30 World Airports by Passengers,” juillet 2008, http://www.aci.aero/aci/aci/file/Press%20Releases/2008/TOP30_Passengers_2007.pdf (consulté le 5 août 2009); Airports Council International, “Statistics: Top 30 World Airports by Aircraft Movements,” juillet 2008, http://www.aci.aero/aci/aci/file/Press%20Releases/2008/TOP30_Aircraft%20Movements_2007.pdf (consulté le 5 août 2009).

[23]Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, Anafé), « Inhumanité en Zone d’Attente », mai 2009, http://www.anafe.org/download/rapports/BilanANAFE-roissy-inhumanite-2008.pdf (consulté le 5 août 2009), p. 5. Pour obtenir une vue d’ensemble des zones d’attente en France et dans ses territoires d’outre-mer, voir Anafé, « Liste des zones d’attente », http://www.anafe.org/download/rapports/liste-za-juillet2009.pdf (consulté le 30 juillet 2009). Anafé, « Statistiques relatives aux étrangers à la frontière », novembre 2008, http://www.anafe.org/download/generalites/stats-za-nov2008.pdf (consulté le 30 juillet 2009), p. 9.

[24]Conseil d’Etat, section du contentieux, requête en référé-suspension, http://www.gisti.org/IMG/pdf/recours_20080226_rs-vta-1fev.pdf (consulté le 30 juillet 2009), p. 2.

[25]CESEDA, articles L213-1 - L213-9, L221-1.

[26] CESEDA, article L221-5.

[27] Voir chapitre V pour une discussion de la procédure d’asile et des critères qui permettent de déterminer si une demande est « manifestement infondée ».

[28]CESEDA, articles L213-9, L221-1.

[29]CESEDA, article L213-9.

[30]Code Civil, article 375. Cour de Cassation, Chambre Civile 1, ordonnance 08-14.125, 25 mars 2009.

[31]CESEDA, articles L221-1 - L222-6.

[32]CESEDA, article L222-3.

[33]CESEDA, articles L222-5, L222-6.

[34]CESEDA, articles L222-1 - L222-2.

[35]Entretien de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009. La pratique consistant à effectuer une fouille à nu systématique des mineurs paraît excessive et a récemment fait l’objet de critiques de la part d’une commission de surveillance. Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, « Rapport 2008 », http://www.la-cnds.eu/rapports/ra_pdf/Rapport_CNDS_2008.pdf (consulté le 5 août 2009), p. 16.

[36] Entretien de Human Rights Watch avec Paco M., juin 2009.

[37] Entretien de Human Rights Watch avec Lilian A., avril et mai 2009.

[38] La Croix Rouge française a fait savoir à Human Rights Watch qu’elle soulevait régulièrement le problème des allégations de traitements inhumains, de refus d’accès au téléphone ou de placement prolongé dans des aérogares auprès de la police aux frontières. Lettre de Didier Piard, directeur de l’action sociale, Croix-Rouge française, à Human Rights Watch, 14 septembre 2009.

[39] Entretien de Human Rights Watch avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[40] Entretiens de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009, avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009, avec Juliette H., mai 2009, avec Hélène S., mai 2009, avec Irène M., mai 2009, avec Catherine S., mai 2009, avec Juliette H., mai 2009, avec Thomas N., mai 2009, avec Ousmane R., mai 2009, avec Azem C., mai 2009, avec Jean P., mai 2009, avec Paco M., juin, 2009, avec Shing S., juillet 2009, et avec Omar F., juillet 2009.

[41]Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, le 13 mai 2009 et le 9 juin 2009. Entretien de Human Rights Watch avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[42]CESEDA, article 213-2.

[43] Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, le 20 mars 2009, le 14 mai 2009 et le 29 mai 2009. La Croix-Rouge française a informé Human Rights Watch qu’elle avait demandé à la police de l’aéroport d’accorder systématiquement aux mineurs leur droit au jour franc. Lettre de Didier Piard, Croix-Rouge française, 14 septembre 2009.

[44] Human Rights Watch conserve une copie du refus d’entrée du jeune garçon dans ses dossiers. Il n’a pas été expulsé et le juge des libertés et de la détention a ordonné sa mise en liberté après quatre jours. Son cas est discuté plus en détail dans le chapitre concernant les expulsions.

[45] Ces chiffres ont été fournis par l’Anafé et ils sont basés sur des données collectées par la police.

[46]Entretien de Human Rights Watch avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, police aux frontières pour les aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et du Bourget, Paris, le 13 août 2009.

[47]Entretien de Human Rights Watch avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[48] Entretien de Human Rights Watch avec Juliette H., mai 2009.

[49]Entretien de Human Rights Watch avec Vikram A., juillet 2009.

[50]Entretien de Human Rights Watch avec Juliette H., mai 2009.

[51]Entretien de Human Rights Watch avec Jean P., mai 2009, Daniel S., Hélène S., Azem C. et Ousmane R., font aussi état de menaces d’expulsion de la part de la police. Entretiens de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009, avec Hélène S., mai 2009, avec Azem C., mai 2009 et avec Ousmane R., mai 2009.

[52] Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 31.

[53]« La détermination de l’âge est une science inexacte et la marge d’erreur peut parfois atteindre 5 ans dans les deux sens ». Royal College of Paediatrics and Child Health, The Health of Refugee Children: Guidelines for Practitioners (Londres : 1999), p.13

[54] Entretien de Human Rights Watch avec Patrick Chariot, responsable de l’Unité médico-judiciaire, Hôpital Jean Verdier, 11 mai 2009.

[55]Code de la Santé Publique, articles L1111-2, L.1111-4 ; Directive du Conseil 2005/85/EC, du 1er décembre 2005, relative aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, Journal officiel de l’Union européenne, article 17.5.

[56]Entretien de Human Rights Watch avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[57]Royal College of Paediatrics and Child Health, The Health of Refugee Children: Guidelines for Practitioners (Londres : 1999), pp.13-14.

[58] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Patrick Poirret, procureur de la République au tribunal de Bobigny, 18 août 2009.

[59]Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 31(i). Jacqueline Bhabha, Nadine Finch, “Seeking Asylum Alone: United Kingdom,” http://www.ilpa.org.uk/seeking%20asylum%20alone.pdf (consulté le 8 juillet 2009), p. 61.

[60]Entretiens de Human Rights Watch avec Juliette H., mai 2009 et avec Jean P., mai 2009. Les deux enfants étaient âgés de 12 ans quand ils sont arrivés à l’aéroport de Roissy et étaient visiblement mineurs.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mai 2009. Human Rights Watch ne sait pas pourquoi la police demande des tests de détermination de l’âge dans des cas aussi évidents, et les fonctionnaires du ministère de l’Immigration ont affirmé que ces examens ne servaient à rien dans ce genre de cas. L’administrateur ad hoc de la fillette pensait que la police voulait vérifier si le test de détermination de l’âge permettrait de lui donner 13 ans, afin de pouvoir la placer avec des adultes.

[62]CESEDA, article L221-3.

[63] La période en question s’étend du 30 avril au 21 mai 2009.

[64]Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Paco M., juin 2009. Paco M. arrivait à Paris pour visiter de la famille dans un autre pays de l’UE et il nous a dit qu’il n’avait pas été autorisé à entrer en France pour la seule raison qu’il n’avait pas son billet de retour avec lui.

[65] Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, le 29 avril 2009

[66] Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, le 7 mai 2009

[67] Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, le 21 mai 2009. Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mai 2009.

[68] Anafé, Bilan 2007, septembre 2008, http://www.anafe.org/download/rapports/anafe-bilan-2007-sept2008.pdf (consulté le 4 août 2009), p. 20.

[69] Convention relative aux droits de l’enfant, article 37(b), (c). Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), conclu le 16 décembre 1966, Rés. AG 2200A (XXI), 21 U.N. Supp. AGDO (N° 16) à 52, U. N. Doc. A/6313 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la France le 4 février 1981, article 10.2 (b). U.N. Doc. A/6313 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la France le 4 février 1981, article 10.2 (b).

[70] Cette pratique n’est pas exigée par la loi mais basée sur une décision de police. Entretien de Human Rights Watch avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, Paris, le 13 août 2009.

[71]Entretiens de Human Rights Watch avec Jean P., mai 2009 et avec son administrateur ad hoc, mai 2009.

[72]Entretien de Human Rights Watch avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, Paris, le 13 août 2009.

[73]Paulo Sérgio Pinheiro, World Report on Violence against Children, (Geneva: United Nations

Secretary-General’s Study on Violence against Children, octobre 2006), www.violencestudy.org/a553 (consulté le 30 août 2008) p. 199.

[74] Entretiens de Human Rights Watch avec Paco M., juin 2009, avec Shing S., juillet 2009, et avec Wen C., juillet 2009.

[75] Cour d’Appel de Paris, ordonnance du 27 octobre 2008, N° Q 08/00989.

[76]Convention relative aux droits de l’enfant, article 37(b), (c).

[77]Affaire Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique (RequêteN° 13178/03), 12 octobre 2006, disponible sur le site www.echr.coe.int, paragraphes 50-59.

[78]CESEDA article L221-5, Loi N° 2002-305 relative à l’Autorité Parentale, Journal officiel de la République française,http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000776352&fastPos=1&fastReqId=1711435895&categorieLien=id&oldAction=rechTexte (consulté le 5 août 2009).

[79]Code civil, articles. 388-2, 389-3. Loi N° 2002-305, article. 17. Le code civil, qui fait référence aux administrateurs ad hoc dans d’autres cadres que la zone d’attente, ne mentionne que de façon implicite le fait qu’ils doivent agir dans l’intérêt de l’enfant. Aucun des textes juridiques qui définissent spécifiquement le mandat de l’administrateur ad hoc en ce qui concerne les mineurs en zone d’attente, toutefois, ne mentionne l’obligation d’agir dans l’intérêt supérieur du mineur. Circulaire N° CIV/01/05 prise en application du Décret N° 2003-841 du 2 septembre 2003 relatif aux Modalités de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc institués par l’Article 17 de la Loi N° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale), Bulletin officiel du ministère de la Justice, N° 98, 2005, paragraphe 3.2.

[80] Voir l’ordonnance de la Cour d’appel de Paris qui soutient que la demande du gouvernement à la Croix-Rouge française d’un administrateur ad hoc était suffisante pour que la détention (et l’expulsion) du mineur soit légale bien que la Croix-Rouge française a dû décliner la demande par manque de personnel. Ordonnance de la Cour d’appel de Paris, 24 juillet 2008.

[81]Les administrateurs ad hoc doivent s’être signalés depuis un temps suffisant par l’ intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et par leur compétence, être âgés au minimum de 30 ans et au maximum de 70 ans, et ne pas avoir été condamnés à une sanction pénale ou disciplinaire. Décret N° 2003-841, du 2 septembre 2003 relatif aux Modalités de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc institués par l’Article 17 de la Loi N° 2002-305 du 4 mars 2002), article 2.

[82]Les administrateurs ad hoc n’ont été introduits dans la loi qu’après que des juges ont, à maintes reprises, décrété que soumettre des mineurs à des procédures administratives et juridictionnelles dans la zone d’attente sans représentant adulte était une pratique irrégulière, et systématiquement remis en liberté les mineurs. Ces procédures comprennent le refus d’entrée  sur le territoire français, le placement en zone d’attente, le dépôt d’une demande d'asile, l’entretien de demande d’asile, des entretiens avec la police, et l’audience devant le juge des libertés et de la détention. Les administrateurs ad hoc ont fait l’objet de critiques répétées pour avoir validé l’action du gouvernement au détriment de la protection des mineurs. Voir Nadia Allouche, « L’Administrateur ad hoc aurait-il oublié qu’il a pour mission de défendre les intérêts du mineur qu’il représente ? », Journal du Droit des Jeunes, N° 254, avril 2006, pp. 23-25; et Anafé, « Mineurs isolés en zone d’attente : avec ou sans administrateur ad hoc, les droits des Enfants constamment bafoués”), 4 octobre 2006, http://www.anafe.org/download/mineurs/note-anafe-aah-04-10-06.pdf (consulté le 5 août 2009).

[83] Entretien de Human Rights Watch avec Nasrine Tamine et Claire Lainé, Croix-Rouge française, Paris, le 17 septembre 2009.

[84] Allocution de M. Eric Besson : Installation du groupe de travail sur les mineurs isolés, ministère de l’Immigration, 11 mai 2009. Le procureur de la République du tribunal de grande instance de Bobigny nous a déclaré que la représentation avait fait des progrès depuis. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Patrick Poirret, le 18 août 2009.

[85]CRC, article 3.

[86]Entretien de Human Rights Watch avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, Paris, le 13 août 2009.

[87]La Croix-Rouge française a dit à Human Rights Watch reconnaître et regretter les lacunes juridiques et les incohérences dans les textes qui gouvernent le mandat des administrateurs ad hoc mais faire tout son possible pour protéger au mieux l’intérêt de l’enfant dans le cadre de ce mandat. La Croix-Rouge française, par exemple, a porté une affaire devant la cour de cassation qui a abouti à donner un mandat sans ambiguïté au le juge des enfants qui peut maintenant intervenir dans la zone d’attente de l’aéroport. Elle regrette également que la police aux frontières ne partage pas ses informations avec les administrateurs ad hoc. Lettre de Didier Piard, Croix-Rouge française, le 14 septembre 2009.

[88]Entretien de Human Rights Watch avec Omar F., juillet 2009.

[89] Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mars 2009.

[90] La formation des administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française consiste en trois jours de formation théorique suivis de missions avec des collègues plus expérimentés pendant plusieurs semaines ou mois. Récemment, la Croix-Rouge française a décidé de porter la formation de base à cinq jours. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Croix-Rouge française, le 30 juin 2009.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec Stéphanie Kretowicz, vice-présidente, tribunal de Bobigny, le 14 mai 2009. Observations faites par Human Rights Watch observations lors de la comparution de mineurs devant juge des libertés et de la détention, les 20 mars, 17 mai et 25 mai 2009.

[92] Observations effectuées par Human Rights Watch lors de l’audience d’un mineur devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 20 mars 2009. En réponse à l’intervention de l’administrateur ad hoc, l’avocat du mineur a fait remarquer que celui-ci était de nationalité palestinienne mais résidait en Egypte, ce qui pouvait expliquer l’apparente contradiction.

[93] Observations effectuées par Human Rights Watch lors de la comparution d’un mineur devant le juge des libertés et de la détention, le 27 mai 2009.

[94] Entretiens de Human Rights Watch avec des administrateurs ad hoc, mars, mai et juillet 2009. Trois administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française, dont deux venaient juste de terminer leur formation juridique avec la Croix-Rouge française, nous ont avoué ne jamais avoir entendu parler de protection subsidiaire et ne pas savoir que les victimes de traite des êtres humains avaient droit à une protection internationale. Ils pensaient que déposer une demande d’asile pour une victime de traite serait une tentative de détourner les procédures afin de contrecarrer l’expulsion. Quand nous avons demandé à la Croix-Rouge française pourquoi plusieurs de ses administrateurs ad hoc n’avaient pas connaissance de la protection subsidiaire, il nous a d’abord été répondu que les administrateurs ad hoc ne recevaient pas une formation spécifique mais que les juristes qui les aidaient à prendre leurs décisions appliqueraient ces critères de protection. Ensuite, les représentants de la Croix-Rouge française nous ont déclaré que les administrateurs recevaient bien une formation sur la protection subsidiaire  mais que le terme « protection subsidiaire » n’était pas employé, ce qui expliquait pourquoi ils n’en avaient jamais entendu parler. Human Rights Watch a observé que les administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française ne connaissaient pas non seulement le terme mais aussi son contenu. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Croix-Rouge française, le 30 juin 2009. Entretien de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Nasrine Tamine, Emmanuelle Soublin, co-directrice, Didier Piard, directeur de l’Action sociale, Croix-Rouge française, le 17 septembre 2009.

[95] Entretiens de Human Rights Watch avec des administrateurs ad hoc, Paris, mars, mai et juillet 2009.

[96] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Patrick Poirret, le 18 août 2009.

[97] Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 35.

[98] La Croix-Rouge française nous a informé qu’elle faisait régulièrement remarquer les incohérences juridiques selon lesquelles la présence immédiate d’un administrateur ad hoc n’est pas exigée dès l’arrivée du mineur. Elle souhaiterait la présence permanente d’administrateurs ad hoc mais insiste sur le fait que ce n’est pas une solution réaliste compte tenu des rémunérations pratiquées actuellement. Lettre de Didier Piard, Croix-Rouge française, 14 septembre 2009.

[99]Courriel de Nasrine Tamine, Croix-Rouge française, à Human Rights Watch, 21 septembre 2009.

[100] Défenseure des Enfants, Colloque : Mineurs étrangers isolés--vers une harmonisation des pratiques dans l’intérêt supérieur de l’enfant, http://www.defenseurdesenfants.com/pdf/Actes_MEI.pdf (consulté le 7 juillet 2009), p. 19 ; Croix-Rouge française, « Rapport statistique de la mission Administrateur ad hoc en 2007 », août 2008, p. 7.

[101] Circulaire N° CIV/01/05, paragraphe 3.2. Bien que la loi 2002-305 stipule qu’un administrateur ad hoc doit pouvoir se rendre dans la zone d’attente, cette circulaire interministérielle déclare que l’absence de l’administrateur ad hoc n’est pas en soi une raison pour annuler une procédure administrative. Voir également l’ordonnance de la cour d’appel de Paris qui soutient que la demande d’un administrateur ad hoc faite par le gouvernement à la Croix-Rouge française suffisait à rendre légale la détention (et l’expulsion) d’un mineur alors même quand la Croix-Rouge française a dû décliner la demande par manque de personnel. Ordonnance de la Cour d’appel de Paris, 24 juillet 2008.

[102]Croix-Rouge française, « Rapport statistique de la Mission administrateur ad hoc en 2007 », août 2008, p. 7. Entretien de Human Rights Watch avec Nasrine Tamine et Claire Lainé, direction de l’action sociale, Croix-Rouge française, Paris, septembre 2009.

[103]Allocution de M. Eric Besson : Installation du groupe de travail sur les mineurs isolés, ministère de l’Immigration, 11 mai 2009.

[104] CESEDA, article L221-5. Voir l’exemple de mineurs qui n’ont pas pu contester leur placement en zone d’attente en raison de l’absence ou de l’opposition de leur administrateur ad hoc et un extrait d’une ordonnance de la Cour d’appel indiquant que la demande d’appel provenant de l’avocat d’un mineur n’était pas valide parce qu’elle n’était pas signée par l’administrateur ad hoc du mineur. Anafé, « La zone des enfants perdus », novembre 2004, http://www.coe.int/t/dg3/migration/Source/MalagaRegConf/Anaf_Rapport_mineurs_nov_04_fr.pdf (consulté le 3 août 2009), p. 24.

[105]Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), 213 U.N.T.S. 222, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, amendée par les Protocoles N° 3, 5, 8 et 11 qui sont entrés en vigueur le 21 septembre 1970, le 20 décembre 1971, le 1er janvier 1990 et le 1er novembre 1998 respectivement, ratifiée par la France le 3 mai 1974, article 5.4. CRC, article 37(d).

[106]Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 33.

[107] Convention relative aux droits de l’enfant, article 3.

[108]Convention relative aux droits de l’enfant, article 3. Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphes 21, 33.

[109] Une fois arrivé au centre de détention, le garçon s’est allongé sur le sol et a enlevé ses vêtements. Observations effectuées par Human Rights Watch lors de l’audience d’un mineur devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 13 mai 2009.

[110] Observations effectuées par Human Rights Watch lors de l’audience d’un mineur devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 13 mai 2009.

[111] Entretiens de Human Rights Watch avec des administrateurs ad hoc, mai et juillet 2009.

[112] CRC, articles 3, 20. Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 33.

[113] Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur ad hoc, juillet 2009.

[114] L’OFPRA procède à des entretiens avec les demandeurs d’asile dans la zone d’attente, ensuite il émet an avis pour le ministère de l’Immigration qui prend la décision en première instance. La police communique le résultat de la demande d’asile aux personnes maintenues en zone d’attente. Il nous a été dit que le ministère de l’Immigration suivait toujours l’avis de l’OFPRA. Entretien de Human Rights Watch avec Daniel Le Madec, chef de la division de l’asile aux frontières, OFPRA, ministère de l’Immigration, le 15 mai 2009.

[115] Entretien de Human Rights Watch avec Claire Lainé et Nasrine Tamine, Croix-Rouge française, Paris, le 17 septembre 2009.

[116]Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mars 2009.

[117]Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, juillet 2009.

[118]Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, juillet 2009.

[119]Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mai 2009.

[120] Loi N° 91-647 du 10 Juillet 1991 relative à l’aide juridique, Journal officiel de la République française, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000537611&fastPos=1&fastReqId=1172082595&categorieLien=id&oldAction=rechTexte (site consulté le 5 août 2009).

[121] Entretien de Human Rights Watch avec Stéphanie Kretowicz, Bobigny, le 14 mai 2009.

[122] Observations effectuées lors des audiences des mineurs devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, 19 mars-11 août 2009. Un avocat commis d’office avait l’intention de mentionner l’intérêt supérieur de l’enfant aux termes de la CRC parce que le mineur placé en zone d’attente qu’elle représentait avait de la famille en France.Toutefois, au lieu de renvoyer à la CRC, elle a renvoyé à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 7 août 2009, et entretien téléphonique de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc de ce mineur, 12 août 2009.

[123] Entretien de Human Rights Watch avec Dominique Attias, Barreau de Paris, et plusieurs avocats du Barreau de Paris et de Seine-Saint-Denis, Paris, le 6 mai 2009.

[124] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat commis d’office, Bobigny, 19 mai 2009. Entretien de Human Rights Watch avec Freddy Mahon, Famille Assistance, 27 juin 2009.

[125] Observations faites par Human Rights Watch lors de l’audience de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 17 mai 2009.

[126]Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 17 mai 2009.

[127] Entretien de Human Rights Watch avec Hugues Feltesse, délégué général, Défenseur des enfants, Paris, 13 mai 2009. Les services du Défenseur des enfants évaluent actuellement dans quelle mesure les autorités suivent les recommandations de cette institution.

[128] Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Pierre Rosenczveig, juge des enfants, Bobigny, 15 mai 2009. Rencontre de Human Rights Watch avec Anafé, Paris, 4 mai 2009.

[129] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Patrick Poirret, le 18 août 2009.

[130] a) L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie ou abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l‘exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes;

(b) Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé;

(c) Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une "traite des personnes", même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a) du présent article;

(d) Le terme "enfant" désigne toute personne âgée de moins de 18 ans.

Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (ci-après, Protocole sur la traite des personnes), adopté le 15 novembre 2000, Rés. A.G. 55/25, annexe II, 55 U.N. A.G.D.O. Supp. (N° 49), 60, U.N. Doc. A/45/49 (Vol.I) (2001), ratifié par la France le 29 octobre 2002, article 3.

[131] Entretien de Human Rights Watch avec Eric Panloup, chef d’escadron, ministère de l’Intérieur, Paris, le 22 mai 2009. Le ministère a constitué un groupe de travail qui élabore, parmi d’autres mécanismes de protection, des procédures pour identifier les victimes de la traite. La Croix-Rouge française nous a fait savoir qu’elle alertait régulièrement les autorités sur la nécessité d’assister plus efficacement les enfants visiblement victimes de traite, de demander l’intervention d’un juge dans de tels cas et de fournir aux victimes des informations écrites sur les endroits où elles peuvent trouver de l’aide. Lettre de Didier Piard, Croix-Rouge française, 14 septembre 2009.

[132] La police aux frontières soupçonnait la jeune fille de mentir quand elle affirmait qu’elle allait rejoindre ses parents à Budapest pour les vacances, parce que, quelques jours plus tôt, une douzaine de jeunes femmes nigérianes étaient arrivées avec, comme cette jeune fille, un visa Schengen en bonne et due forme délivré par le même consulat hongrois au Nigeria. Déclaration de l’avocat de l’État lors de la comparution de la jeune fille devant le juge des libertés et de la détention, tribunal de grande instance de Bobigny, 29 avril 2009.

[133] Entretiens de Human Rights Watch avec l’administratrice ad hoc et avec Lilian A., avril 2009.

[134] La jeune fille a raconté à sa nouvelle administratrice ad hoc qu’un compatriote, qu’elle avait d’abord présenté comme son cousin, lui avait rendu visite pendant sa détention et lui avait réclamé 1 000 euros. Cette personne était également présente dans la salle du tribunal, au moment de la comparution de la jeune fille. Celle-ci devait avouer un peu plus tard à son administratrice qu’en fait, elle ne connaissait pas cet homme. Déclarations de l’administratrice ad hoc lors de la comparution de la jeune fille devant le juge des libertés et de la détention, tribunal de Bobigny, 7 mai 2009. Constatations de Human Rights Watch lors de la comparution des mineurs devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, les 29 avril et 7 mai 2009.

[135] Constatations de Human Rights Watch lors de la comparution de la jeune fille devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 7 mai 2009.

[136]La jeune fille a refusé de monter dans l’avion. Dans les deux cas, des avocats privés se sont présentés au tribunal le jour de l’audience. Dans les deux cas, les administrateurs ad hoc, en raison des circonstances douteuses de l’arrivée de ces jeunes filles et de l’ignorance dans laquelle ils se trouvaient sur l’origine des honoraires de ces avocats (estimés par eux-mêmes et par un juge entre 1 500 et 3 000 euros), ont refusé ces avocats et demandé à ce que les jeunes filles soient assistées par un avocat commis d’office. Constatations de Human Rights Watch lors de la comparution des enfants devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, les 29 avril et les 7 et 14 mai 2009.

[137]Entretiens de Human Rights Watch avec Francis Etienne, Eric Darras et Philippe Garabiol, ministère de l’Immigration, Paris, 30 juin 2009, et avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, police aux frontières pour les aéroports du Bourget et de Roissy-Charles de Gaulle, Paris, 13 août 2009.

[138] Protocole sur la traite des personnes, articles 1-8. Le Comité des droits de l’enfant considère que la traite d’enfants à des fins de prostitution peut constituer une forme de persécution spécifique, et entraîner des droits à protection en vertu de la Convention sur les réfugiés. Comité des droits de l’enfant, Observation générale N° 6, paragraphe 74.

Code pénal, articles 225-4-1 et 225-4-2. CESEDA, article L316-1, Décret n° 2007-1352 du 13 septembre 2007 relatif à l’admission, au séjour, à la protection, à l’accueil et à l’hébergement des étrangers victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme et modifiant le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Dispositions réglementaires), Journal officiel de la République française, n° 214.

[139]Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, modifiant la Loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, Journal officiel de la République française, n° 286, article 1. Entretien de Human Rights Watch avec Daniel Le Madec, chef de la division de l’asile aux frontières, ministère de l’Immigration, le 15 mai 2009.

[140] Entretien de Human Rights Watch avec Daniel Le Madec, OFPRA, Paris, le 15 mai 2009.

[141] Entretiens de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009, et avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[142] Entretien de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009.

[143] Entretien de Human Rights Watch avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[144] Entretiens de Human Rights Watch avec Omar F. et Vikram A., juillet 2009.

[145] Entretiens de Human Rights Watch avec des administrateurs ad hoc, mars 2009 et mai 2009.

[146] Comité des droits de l’enfant, Observation générale N° 6, paragraphe 67.

[147] L’organisation Famille Assistance ne cherche pas à vérifier si les motifs qui ont poussé l’enfant à immigrer lui donnent le droit d’être protégé en vertu de la Convention sur les Réfugiés. En revanche, elle cherche toujours à faciliter l’accès à la procédure de demande d’asile, notamment lorsqu’un enfant risque d’être renvoyé dans un pays de transit.

[148] Les critères qui permettent de décider si une demande est « manifestement infondée » sont : motifs d’émigration qui ne relèvent pas du droit d’asile; refus délibéré de décliner son identité ou fausses déclarations; déclarations dépourvues de substance; référence à une situation d’insécurité générale, mais sans éléments personnalisés; déclarations incohérentes, peu plausibles, ou contenant des contradictions majeures, qui enlèvent au récit toute crédibilité. Entretien de Human Rights Watch avec Daniel Le Madec, OFPRA, ministère de l’Immigration, Paris, le 15 mai 2009.

[149] Loi N° 92-625 du 6 juillet 1992, article 35(quater).

[150] Les entretiens à la frontière durent environ 45 minutes. Entretien de Human Rights Watch avec Daniel Le Madec, OFPRA, Paris, le15 mai 2009.

[151] Entretiens de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009, et avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009, avec Lilian A., avril et mai 2009, avec Ousmane R., mai 2009, et avec Omar F., juillet 2009.

[152] Entretien de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009

[153] Entretien de Human Rights Watch avec Omar F., juillet 2009.

[154] Entretien de Human Rights Watch avec Najib B. et Mohamed A., avril 2009.

[155] Nous avons demandé au responsable de la division de l’asile aux frontières si les officiers de protection qui s’entretiennent avec des mineurs étrangers isolés appliquaient des critères différents de ceux des adultes pour déterminer si une demande était manifestement infondée. Il nous a été répondu que les officiers de protection avaient accès à cet égard aux directives du Haut commissariat pour les réfugiés (UNHCR) et qu’ils étaient priés de prendre des précautions particulières avec les enfants, et de leur accorder le bénéfice du doute. L’OFPRA, toutefois, n’a pas publié d’instructions sur la façon d’incorporer ces directives à ses propres critères et procédures pour évaluer les demandes des mineurs étrangers isolés. Courriel à Human Rights Watch de Daniel Le Madec, OFPRA, 22 juillet 2009.

[156] Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mars 2009. Bien que l’OFPRA affirme que les mineurs étrangers isolés ne sont pas interrogés par téléphone, cet entretien avec la jeune fille a été réalisé par téléphone à l’aérogare d’Orly, où l’OFPRA ne dispose pas d’une permanence.

[157] Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mars 2009.

[158] Ibid.         

[159] Ibid.

[160] Entretien de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009.

[161]Courriel de l’avocat (dont nous tairons le nom) de Daniel S. à Human Rights Watch, 22 septembre 2009.

[162] Entretien de Human Rights Watch avec Daniel S., avril 2009.

[163] Entretien de Human Rights Watch avec Ousmane R., mai 2009.

[164] Entretien de Human Rights Watch avec Ousmane R., mai 2009.

[165] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Ibrahim F., mai 2009. Le bureau 38 est celui de l’Anafé. Le personnel de l’Anafé a déclaré ne pas se rappeler les circonstances de la demande de ce garçon. Entretien de Human Rights Watch avec le personnel de l’Anafé, Paris, le 29 juin 2009.

[166] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Croix-Rouge française, le 30 juin 2009. Entretien de Human Rights Watch avec les administrateurs ad hoc, mars 2009. Entretien de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Nasrine Tamine, Emmanuelle Soublin, co-directrice, Didier Piard, directeur, Direction de l’action sociale, Croix-Rouge française, Paris, le 17 septembre 2009. Human Rights Watch a présenté ses conclusions et ses critiques à l’égard des pratiques de la Croix-Rouge française lorsqu’il s’agit de faire un recours contre une décision négative d’une demande d’asile dans une lettre à l’organisation datée du 27 août. La Croix-Rouge française a donné ses réponses par écrit le 14 septembre et à l’occasion d’une réunion tenue à Paris le 17 septembre.

[167] Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur ad hoc, mars 2009.

[168] Entretien de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Croix-Rouge française, Paris, les 12 mars et 30 juin 2009. Lettre de Didier Piard, Croix-Rouge française, 14 septembre 2009.

[169]En 2008, 222 mineurs étrangers isolés représentés par des administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française ont déposé une demande d’asile. Parmi ces enfants, 48 (soit environ 22%) ont reçu une réponse positive, contre 174 réponses négatives. Deux d’entre eux on fait l’objet d’un recours. Courriel de Nasrine Tamine, Croix-Rouge française, à Human Rights Watch, 21 septembre 2009.

[170]Constatations de Human Rights Watch lors de l’audience des enfants devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, les 17 et 25 mai 2009.

[171] Les représentants de la Croix-Rouge française nous ont déclaré qu’ils s’assuraient que leur stratégie choisie ne mettait pas l’enfant en danger d’expulsion, ajoutant que 92% des enfants demandeurs d’asile représentés par la Croix Rouge avaient été admis en France à la suite de diverses décisions et interventions, y compris des signalements de danger au juge des enfants, l’ordonnance par le juge des libertés et de la détention de, ou des avis favorable de l’OFPRA. Entretien de Human Rights Watch avec Claire Lainé, Nasrine Tamine, Emmanuelle Soublin et Didier Piard, Croix-Rouge française, Paris, le 17 septembre 2009.

[172]Entretien de Human Rights Watch avec l’Anafé, Paris, le 29 juin 2009. L’Anafé a déclaré ne pas connaître le nombre exact d’appels concernant le refus d’entrée  ou les demandes d’asile bloqués par les administrateurs ad hoc de la Croix-Rouge française en 2008, mais nous ont affirmé qu’il était inférieur à cinq.

[173] Entretien de Human Rights Watch avec Freddy Mahon, Famille Assistance, le 16 mars 2009.

[174] Voir pp. 32-33.

[175]Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Observation générale N° 6, paragraphes 19-20.

[176] CESEDA, article L213-9.

[177]Convention relative aux droits de l’enfant, article 22.

[178] Haut Commissariat pour les Réfugiés, « Directives sur les politiques et procédures à appliquer dans le cas des enfants non accompagnés demandeurs d’asile », février 1997, sections 4, 7.

[179] Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Observation générale N° 6, paragraphes 68-77.

[180]Environ 1/3 de ces 1000 mineurs n’a pas bénéficié d’une représentation par un administrateur ad hoc mais tous les enfants qui n’étaient pas représentés n’ont pas nécessairement été expulsés. La Croix-Rouge française, par exemple, nous a déclaré que 39 % des 607 mineurs représentés par leurs administrateurs ad hoc étaient expulsés ou poursuivaient leur voyage, un chiffre légèrement plus élevé que le pourcentage global des mineurs expulsés qui tourne autour de 34 %. Entretien de Human Rights Watch avec Claire Lainé et Nasrine Tamine, Croix-Rouge française, Paris, le 17 septembre 2009 et courriel de Nasrine Tamine à Human Rights Watch du 21 septembre 2009. En 2007, sur 822 mineurs étrangers isolés non admis sur le territoire français à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, 680 ont vu leur minorité confirmée après un test de détermination de l’âge. Parmi eux, 38 %, soit 256 mineurs isolés, ont été expulsés. Allocution de M. Eric Besson : Installation du groupe de travail sur les mineurs isolés, ministère de l’Immigration, 11 mai 2009. Une minorité de ceux qui n’avaient pas été autorisés à pénétrer sur le territoire français était en transit par l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et en possession d’un billet pour une destination ultérieure dans l’Union européenne ou en dehors.

[181] Entretiens Human Rights Watch avec Claire Lainé, Croix-Rouge française, le 12 mars 2009, et avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, police aux frontières à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et celui du Bourget, Paris, 13 août 2009. Voir aussi Anafé, « Inhumanité en zone d’attente », mai 2009, pp. 44-45.

[182]Ces chiffres ont été fournis par l’Anafé et ils sont basés sur des données assemblées par l’administration.

[183] CESEDA, article L221-1.

[184]Entretien de Human Rights Watch avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, police aux frontières pour les aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et du Bourget, Paris, le 13 août 2009. Des administrateurs ad hoc nous ont dit que la police aux frontières de l’aéroport programmait systématiquement le renvoi des enfants dans le pays de provenance de leur dernier vol. Lorsque la police a connaissance du vol sur lequel un mineur isolé est arrivé, elle note le vol de renvoi programmé sur le document de refus d’entrée que l’enfant conserve avec lui. Dans ce cas, les administrateurs ad hoc ont connaissance de la destination et de l’échéance de l’expulsion du mineur. Entretiens de Human Rights Watch avec des administrateurs ad hoc, Paris, mars, mai et juillet 2009.

[185]Tribunal de grande instance de Bobigny, ordonnance sur le maintien en zone d’attente, 21 novembre 2008. Une copie de l’ordonnance est conservée dans les archives de Human Rights Watch.

[186] Observations faites par Human Rights Watch lors de la comparution de mineurs devant le juge des libertés et de la détention, Bobigny, le 20 mars, le 17 et le 27 mai 2009.

[187] Entretien de Human Rights Watch avec Francis Etienne, Eric Darras et Philippe Garabiol, ministère de l’Immigration, Paris, le 30 juin 2009.

[188] Human Rights Watch, Vers qui se tourner : Abus des États espagnol et marocain contre les enfants migrants non accompagnés, vol.14, N° 4(D), mai 2002, http://www.hrw.org/french/reports/spnmorc/; Human Rights Watch, Retours à tout prix - L’Espagne pousse au rapatriement de mineurs non accompagnés en l’absence de garanties, octobre 2008, http://www.hrw.org/fr/reports/2008/10/17/retours-tout-prix, note N° 5.

[189]Entretien de Human Rights Watch avec Nadine Joly et Lydie Aragnouet-Brugnano, police aux frontières pour les aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et du Bourget, Paris, le 13 août 2009.

[190] CESEDA,  article L624-1.

[191]Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur ad hoc, mai 2009.

[192] Courriel de l’Anafé à Human Rights Watch, 6 juillet 2009. L’Anafé a rendu public un autre cas de violences policières pendant une expulsion en 2008. Anafé, « Inhumanité en zone d’attente », mai 2009, p. 20.

[193]Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur ad hoc, mars 2009.

[194]Convention relative au statut des réfugiés, 189 U.N.T.S. 150, entrée en vigueur le 22 avril 1954, ratifiée par la France le 23 juin 1954,  article1(2).

[195] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, résolution 39/46 de l’AG,  AGDO Supp. UN 39 (N° 51) à 197, Doc. UNA/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, ratifiée par la France le 26 juin 1987,  article 3. CEDH,  article 3.

[196]Affaire Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique (Requête N° 13178/03 ) 12 octobre 2006, disponible sur le site www.echr.coe.int, paragraphe 68.

[197]Affaire Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, 12 octobre 2006, disponible sur le site www.echr.coe.int, paragraphe 69.

[198] Ibid., paragraphes 66-71.

[199]Affaire Nsona c. Pays-Bas, (23366/94), jugement du 26 juin et du 26 octobre 1996 ; 63/1995/569/655, disponible sur le site http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=nsona%20|%20c.%20|%20pays-bas&sessionid=32668725&skin=hudoc-en, paragraphe 92(c) (C’est nous qui soulignons).

[200]Convention relative aux droits de l’enfant,  article 20, 3.

[201]Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 84.

[202]CEDH,  article 13.

[203]Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, Observation générale N° 6, paragraphe 79.