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Rapport Mondial 2002

Soudan

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La situation des droits humains
Défendre les droits humains
Le rôle de la communauté internationale

LA SITUATION DES DROITS HUMAINS

En dépit d'ouvertures dans la vie politique, la situation des droits humains au Soudan est restée sombre. Le gouvernement a continué d'imposer l'état d'urgence afin d'en finir avec les islamistes et les autres forces d'opposition au Parti Islamiste au pouvoir. Il s'est montré de plus en plus agressif dans la guerre civile qu'il mène depuis dix-huit ans contre le Sud, surtout dans la région des champs de pétrole où ses milices et l'armée ont déplacé de force des milliers d'habitants. La guerre a illustré la division des Soudanais sur le rôle de la religion dans le gouvernement, la tolérance, la diversité et le partage des ressources entre la majorité, marginalisée et la minorité arabe et musulmane, politiquement dominante. Alors que le Soudan compte 35 millions d'habitants répartis en dix-neuf principaux groupes ethniques africains et arabes, musulmans à 70 %, les autres étant chrétiens et animistes, l'absence de tolérance encourage les dissensions.

Le parti du Congrès National (National Congress, NC) du Président Omar El Bashir a remporté les élections présidentielles et législatives de décembre 2000, boycottées par les principaux partis d'opposition à l'exclusion de ceux basés dans les régions sous contrôle rebelle. Ce mois-là, le gouvernement avait amendé le National Security Act, la loi sur la sécurité nationale, autorisant à détenir indéfiniment les suspects sans accusation et sans que leur cas puisse être revu avant six mois. Il avait aussi prorogé l'état d'urgence pour une deuxième année, jusqu'au 31 décembre 2001.

A la fin décembre 2000, les forces de sécurité ont arrêté sept civils, membres de l'Alliance nationale démocratique (NDA) d'opposition, alors qu'ils rencontraient un diplomate américain. La NDA ne s'était pas pliée à une forme d'enregistrement des partis politiques requérant un serment d'allégeance aux objectifs du parti au pouvoir. Les militants civils de la NDA à Khartoum sont liés à la branche militaire du parti en exil, mais leur présence et leurs réunions discrètes dans la capitale étaient généralement ignorées des autorités qui cherchaient surtout à attirer au pays la branche en exil. Les militants arrêtés ont été accusés de trahison - crime passible de la peine de mort - et de menace à l'encontre du gouvernement. Leurs avocats ont protesté contre les nombreuses violations de leurs droits à un procès équitable.

Les opposants du Congrès national populaire (People's National Congress, PNC), une branche dissidente du Congrès National fondée en 2000 par le leader islamiste Hassan Turabi, ont été également harcelés par le régime et jetés en prison sans aucun chef d'accusation. En février 2001, Turabi a signé un mémorandum d'accord avec les rebelles de l'Armée de libération des peuples du Soudan (Sudan People's Liberation Movement/Army (SPLA) et appelé les Soudanais à se soulever contre le Président El Bashir. Les forces de sécurité ont arrêté Hassan Turabi ainsi qu'au moins une vingtaine de dirigeants du PNC. Turabi a été accusé de crimes passibles de la peine de mort ou de prison à vie et les autorités se livrent régulièrement à des vagues d'arrestations parmi ses partisans.

Après les attaques du 11 septembre, le gouvernement soudanais a abandonné les accusations contre les membres de la NDA et contre ceux du PNC, dont Turabi, les libérant tous sauf Turabi qui reste assigné à résidence. Quelque trente-cinq militants du PNC ont été de nouveau arrêtés juste après la conférence de presse qui a suivi leur mise en liberté.

Des informations faisant état de tortures et de mauvais traitements continuent de nous parvenir. Un employé de la société Sudatel qui avait fui lors de la prise de Raga, par la SPLA, en juillet 2001, puis avait été détenu par les forces gouvernementales, aurait été battu chaque jour et aurait reçu très peu de nourriture et d'eau pendant sa détention. Les forces de sécurité auraient arraché les ongles d'un autre homme également détenu au cours de la même fuite. Celles de Juba auraient continué de se servir de gros conteneurs métalliques en guise de cellules de détention, pratique courante depuis plusieurs années mais qui expose les détenus à une chaleur mortelle.

Les deux journaux en langue anglaise de Khartoum, le Khartoum Monitor et le Nile Courier, fournissent une tribune aux populations du Sud. La parution du Khartoum Monitor a été régulièrement suspendue par les forces de sécurité ou par le Conseil national de la presse et le 12 avril 2001, les forces de sécurité ont brièvement arrêté son rédacteur en chef, Alfred Taban, lors d'une conférence de presse dans une église. En février, un tribunal soudanais a condamné le journal indépendant Al Rai Al Akhar à une amende ahurissante de 390 000 dollars et son rédacteur en chef et un journaliste à 5 800 dollars ou à trois mois de prison chacun, pour avoir critiqué les autorités locales. Un censeur du gouvernement est posté à demeure dans les bureaux de chacun des journaux. La censure des publications en anglais a été accrue pendant la visite de la mission UE-ACP (Union Européenne-Asie, Caraïbes, Pacifique) et les journaux se sont vus interdire de laisser les passages censurés en blanc.

Le gouvernement a poursuivi sa politique d'intimidation et de discrimination envers les chrétiens. En avril 2001, la police a blessé puis brièvement jeté en prison des chrétiens qui manifestaient contre le gouvernement et donné l'ordre qu'une messe de Pâques, qui devait être célébrée à l'occasion du passage d'un évangéliste allemand, soit déplacée de Khartoum vers sa banlieue. Le lendemain, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur des étudiants qui dénonçaient ces arrestations devant l'Eglise épiscopale de tous les Saints, puis elle a dispersé la réunion de protestation qui se tenait dans l'église même, abîmant les vitraux et les sièges, tirant de nouveau des gaz lacrymogènes à l'intérieur : trois personnes ont été grièvement blessées et cinquante-sept arrêtées au cours de cette deuxième journée de troubles. Aucune des personnes arrêtées ne disposait d'une représentation légale pour sa comparution devant un tribunal le lendemain des événements. Les six filles et plusieurs des garçons furent flagellés, les autres condamnés à chacun vingt jours de prison.

Plus de la moitié des locaux du siège de l'Eglise épiscopale du Soudan, dans la ville d'Omdurman, ont été illégalement occupés par le ministère de la Santé de l'Etat de Khartoum, engagé depuis deux ans dans une lutte pour s'approprier les terres appartenant à cette Eglise. Les Eglises se sont également plaintes de ce que les étudiants chrétiens soient obligés de suivre des entraînements militaires dans des camps près de Khartoum, où ils sont privés du droit de pratiquer leur religion, contrairement aux étudiants musulmans. La loi contre l'apostasie -- qui interdit aux musulmans de se convertir à une autre religion - a été appliquée à plusieurs reprises. En juin 2001, la sécurité a arrêté un prétendu converti au christianisme et l'a détenu au secret pendant plus de trois mois, pendant lesquels il aurait été torturé et sommé de revenir à l'Islam.

Des femmes pauvres ayant fui le sud pour s'installer au nord du pays ont distillé et vendu des alcools traditionnels de leurs régions, ce qui leur a valu d'être arrêtées. En décembre 2000, plus de neuf cents femmes étaient ainsi détenues dans de très mauvaises conditions à la prison pour femmes d'Omdurman, prévue pour 200. La prison abritait également des femmes du Sud condamnées à des peines de vingt ans de prison pour avoir vendu du cannabis et d'autres, condamnées à des peines parfois indéterminées pour des délits financiers.

Le 23 juin, les autorités sont intervenues pendant un séminaire sur le thème "Femmes et Démocratie", organisé par le Centre pour la parité (Gender Centre) à Khartoum. Quatre intervenants ont été arrêtés puis relâchés dans la nuit. Tous les participants au séminaire ont été interrogés sur leur appartenance politique et leurs coordonnées ont été relevées.

Les pires abus ont toutefois été commis dans les régions en proie à la guerre civile dans le sud, les Monts Nuba au centre et dans l'est du pays. Le gouvernement soudanais et ses milices ethniques ont continué de déplacer, affamer, enlever, violer et tuer des civils, tout en bombardant et incendiant leurs villages, leurs églises, les hôpitaux et les écoles.

Dans les Monts Nuba, sous contrôle des rebelles, la situation a été particulièrement difficile en 2001. En mai, le gouvernement a attaqué la région, bombardant intensivement et incendiant six villages, ce qui a entraîné le déplacement de plus de 15 000 personnes. Selon le Bureau de secours Nuba, quelque 400 000 personnes se trouvaient en territoire sous contrôle de la SPLA en juin, coupé des autres régions du Soudan tenues par les rebelles, parmi lesquelles plus de 50 000 étaient déplacées et 30 000 autres se trouvaient dans l'incapacité d'effectuer les moissons en raison du risque d'attaque gouvernementale. Le gouvernement n'a cessé d'empêcher l'accès humanitaire aux civils des Monts Nuba se trouvant sous contrôle de la SPLA, interdisant les vols et bombardant les pistes d'aviations utilisées pour l'aide non-autorisée. Après des années de négociations, les Nations Unies ont fini, en octobre, par pouvoir effectuer le premier approvisionnement de la région autorisé par le gouvernement. Ces livraisons devaient pouvoir se poursuivre le mois suivant, sans toutefois la moindre garantie des autorités sur un accès en fonction des besoins.

Après la brève prise de la ville de Kassala, dans l'est, par les forces de la NDA (essentiellement des SPLA) en novembre 2000, les forces de sécurité ont arrêté et ont été accusées d'avoir torturé des centaines d'habitants du sud vivant dans cette localité ; dans certains cas, elles se sont livrées à des exécutions sommaires, selon l'Organisation soudanaise pour les droits humains, en exil (Sudan Human Rights Organization).

L'exploration pétrolière et l'octroi de concessions dans la région du Haut Nil n'ont fait qu'attiser le conflit, entraînant sans cesse de nouveaux déplacements de civils. Selon deux sources différentes, quelque 40 000 à 55 000 Nuers ont été déplacés des champs pétrolifères au premier semestre 2001 par le gouvernement et ses milices Nuers qui combattent la SPLA et ses commandants Nuers. Souvent, les combats ont éclaté parce que le gouvernement réclamait le contrôle des terres et cherchait à se débarrasser de leurs habitants, recourrant pour ce faire aux miliciens Nuers chargés de chasser leurs frères. Les soldats gouvernementaux et les moudjahidines ont été chargés de veiller sur les installations et la construction des routes, pipelines, puits et autres infrastructures. Chaque installation bénéficie d'une garde 24 heures sur 24 ; près de quatre cents soldats se trouvaient ainsi à Timsa, un site attaqué par la SPLA au début de 2001. Le gouvernement a décrété une interdiction à long terme de tout vol humanitaire sur la plupart des zones pétrolières du Haut Nil, inaccessibles autrement que par avion (sauf pour les villes de garnison), rendant la situation des civils encore plus désespérée.

Le gouvernement a par ailleurs fait usage de nouvelles armes, plus lourdes, dont des missiles sol-sol, des hélicoptères de chasse et des bombardiers Antonov volant à haute altitude, rendant les opérations dans le sud et les Monts Nuba particulièrement meurtrières pour la population civile. Les bombardements aériens menés par le gouvernement ont détruit l'église épiscopale de Lui, dans la région d'Eastern Equatoria, le 29 décembre 2000. Malgré les promesses du gouvernement de mettre un terme à ces bombardements d'objectifs civils, populations et installations, les raids se sont poursuivis de plus belle : Tali, centre de l'aide alimentaire pour toute la région d'Eastern Equatoria, a été bombardé à trois reprises en décembre 2000 puis de nouveau, deux fois en janvier 2001 et encore en mai 2001. En juin, les Antonovs gouvernementaux ont bombardé trois villes du Bahr El Ghazal, dont une dans laquelle une opération du Programme alimentaire mondial (PAM) était en cours.
Ce type d'attaques, visant les distributions de nourriture, a tendu à se développer. Bien que les bombardements aient semblé devoir diminuer en septembre 2001, les avions gouvernementaux ont bombardé en octobre le petit village de Mangayat, situé 25 miles (36 km) hors du fief rebelle de Raga, au moment où le PAM était en train de distribuer des vivres à quelque 20 000 déplacés. Le PAM a été obligé de renoncer à son opération.

Bien que le gouvernement soudanais ait signé en 1997 le Traité sur l'interdiction des mines, il n'a pas ratifié le document ni n'a commencé à détruire ses stocks de mines anti-personnel. Il semble au contraire, selon de bonnes sources, que le gouvernement comme les forces rebelles continuent de faire usage de mines anti-personnel, même si le gouvernement le nie vigoureusement. En octobre 2001, lors d'une conférence d'organisations non gouvernementales à Genève, la SPLA a signé un accord interdisant l'usage, la production, le stockage ou le transfert de mines terrestres anti-personnel. De petites armes et des munitions sont produites dans trois nouvelles usines d'armement près de Khartoum, en partenariat avec des sociétés chinoises et grâce aux revenus pétroliers du gouvernement.

Le gouvernement a officialisé le recrutement de garçons de seize et dix-sept ans pour sa milice du parti Islamiste et parfois, des bandes enrôlent de force des enfants encore plus jeunes pour le service militaire. Les milices pro-gouvernementales à bases ethniques recrutent aussi des enfants-soldats dans le sud, parfois de force, comme le font les groupes rebelles. La SPLA a reconnu en 2000 qu'elle comptait environ 10 000 enfants-soldats dans ses rangs. A la suite d'un accord passé avec la SPLA, l'UNICEF a commencé en février 2001 à démobiliser quelque 3 000 d'entre eux dans le nord du Bahr El Ghazal. Les enfants ont été désarmés puis scolarisés dans des camps de transition et vers la fin août, ont regagné leurs villages d'origine. Certaines ONG se sont interrogées sur l'efficacité de ce programme faisant valoir que, sans emploi ni structures scolaires, les enfants démobilisés allaient se tourner de nouveau vers la SPLA pour survivre. En octobre, l'UNICEF a fait savoir qu'il était prêt à entamer une nouvelle phase de démobilisation concernant un millier d'enfants. La SPLA a indiqué qu'elle comptait encore 7 000 enfants-soldats dans ses rangs.

L'armée et les milices gouvernementales ont continué d'enlever des femmes et des enfants pendant leurs opérations dans le sud, surtout dans le nord de la région du Bahr El Ghazal et lors de manœuvres militaires effectuées dans la ville de garnison de Wau. La Commission pour en finir avec les enlèvements de femmes et d'enfants (Committee to Eradicate the Abduction of Women and Children, CEAWC), créée par le gouvernement, s'est avérée inefficace : le gouvernement a lui-même reconnu que les ravisseurs, souvent issus de ses propres forces, étaient rarement traduits en justice même s'il a annoncé en novembre dernier son intention de mettre en place un tribunal spécialement chargé de les poursuivre. Selon l'UNICEF, 670 enfants ont pu être réunis avec leur famille, 270 retrouvés se trouvaient dans les sites de transit de la CEAWC, mais les opérations pour la récupération des autres étaient au point mort. L'organisation caritative Solidarité chrétienne internationale (Christian Solidarity International, CSI), basée à Genève, a revendiqué la mise en liberté de plus de 56 000 Soudanais réduits en esclavage, entre 1995 et 2001, lors d'opérations ponctuelles qu'elle mène en territoire sous contrôle de la SPLA. Selon la CSI, il y aurait encore quelque 200 000 personnes réduites en esclavage dans le nord du Soudan (les estimations de l'organisation ont doublé sans explication depuis 2000).

Suite à un accord passé avec l'Ouganda en 2001, le gouvernement soudanais a cessé de soutenir l'Armée de résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army, LRA), un groupe rebelle ougandais au passé effroyable en termes de droits humains. La LRA a donc commencé à piller les réserves alimentaires des Soudanais du Sud du pays, dont des milliers ont trouvé refuge à Nimele et dans les camps de réfugiés installés dans le nord de l'Ouganda. Une embuscade tendue par la LRA à un véhicule d'une organisation humanitaire se rendant du Nord de l'Ouganda au sud du Soudan a tué six Soudanais.

La SPLA s'est ouvertement opposée à la société civile en empêchant la tenue sur les territoires qu'elle contrôle de deux conférences de paix et réconciliation du sud convoquées en 2001 par le Nouveau Conseil soudanais des Eglises (New Sudan Council of Churches, NSCC). Le NSCC et d'autres organisations ont condamné l'attitude de la SPLA violant la liberté de mouvement, d'association et de parole. La mission menée par l'Union Européenne et les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) a jugé que le bilan de la SPLA en matière de droits humains était " loin d"être acceptable " et le Rapporteur spécial des Nations Unies a également critiqué le mouvement rebelle.

A la fin février 2001, le commandant Nuer de la SPLA , Peter Gatdet, a attaqué et incendié la localité de Nyal, dans le Haut Nil occidental, base de la faction Nuer de Riek Machar et une plate-forme pour l'aide des Nations Unies. La SPLA avait parrainé l'attaque. Le gouvernement américain a été obligé de condamner cette opération. Mais les abus ont proliféré quand les forces du dirigeant Nuer Riek Machar, mal équipées, se sont alliées alternativement au gouvernement et à la SPLA pour récupérer leur territoire d'origine.

DÉFENDRE LES DROITS HUMAINS

Le gouvernement de Khartoum a persécuté les défenseurs des droits humains. Ghazi Suleiman et Ali Mahmoud Hassanein, avocats et militants des droits humains réputés, ont été emprisonnés sans charge par les forces de sécurité du 9 décembre 2000 au 17 février 2001 pour avoir dénoncé des arrestations. Suleiman aurait été torturé, blessé à la tête et hospitalisé à deux reprises pendant sa détention. Principal défenseur des accusés membres de la NDA, Mustafa Abdel Gadir a été arrêté et interrogé à la veille de leur procès en mai. Le 11 mars 2001, les forces de sécurité ont également arrêté le Dr. Nageed Nagmeldin el Toum et deux membres du Centre Ama, qui accorde gratuitement soins et soutien aux victimes de tortures et autres abus. Les employés ont été libérés le jour même, mais le Dr Nageed, ancien président du désormais interdit syndicat des médecins, ne l'a pas été avant le 29 mars, au terme d'une campagne internationale. Les équipements confisqués dans les locaux ont été rendus et le centre a pu rouvrir le 27 juin, juste une journée avant l'arrivée de la mission UE-ACP. Un autre membre du centre Amal, Faisal el Bagir Mohamed, journaliste et avocat des droits humains, a été détenu sans charge du 13 au 26 juin. Le 2 novembre 2001, quatre avocats et deux militants du Parti communiste soudanais (interdit) ont été emprisonnés puis relâchés dans les jours qui ont suivi, mais sommés de se présenter tous les jours dans les bureaux de la Sécurité. Membres de la coalition vacillante appelée " Alliance nationale pour la restauration de la démocratie", il semble que leur arrestation ait été liée à l'approche des élections à l'association du Barreau, prévue en décembre. Les dernières élections de ce type remontaient à 1997 et avaient été marquées par d'amples tricheries orchestrées par le parti au pouvoir. Un des avocats qui avait tardé à se présenter à la Sécurité a été battu à l'aide de tuyaux et de fils électriques tressés, forme courante de mauvais traitements au Soudan.

LE ROLE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

Les Nations Unies
A la fin du mois de septembre, le Conseil de Sécurité a levé les sanctions imposées en 1996 parce que le Soudan, à l'époque, ne s'était pas conformé à la demande d'extradition formulée par l'Ethiopie à l'encontre des trois suspects dans la tentative d'assassinat du Président égyptien, Hosni Moubarak, à Addis Abeba. Les Etats-Unis ne se sont pas opposés à cette mesure mais se sont abstenus. Les sanctions imposaient aux Etats membres de réduire le personnel diplomatique soudanais, de restreindre les voyages des responsables soudanais dans leurs pays respectifs, ce qui n'a pas toujours été appliqué.

Bien que le Soudan ait été élu à la Commission des droits de l'homme de l'ONU en avril 2001, les rapports du Rapporteur spécial sur le Soudan devant la Commission en avril et devant l'Assemblée générale en octobre ont prévenu que la situation des droits humains dans ce pays avait empiré sur bien des aspects et que l'exploitation des ressources pétrolières avait exacerbé le conflit.

Les Etats-Unis
Pétrole et religion se sont combinés pour inscrire le Soudan parmi les priorités à l'ordre du jour de la nouvelle administration américaine en 2001. C'est la principale question africaine pour laquelle le Président Bush ait manifesté de l'intérêt, le Secrétaire d'Etat Colin Powell estimant pour sa part qu'il n'y " a peut-être pas actuellement de pires tragédies à la surface du globe que celle qui frappe le Soudan ".

L'interdiction stricte faite aux citoyens américains d'avoir des relations d'affaires avec le Soudan, sous l'administration Clinton, est restée en vigueur avec son successeur. En mai 2001, l'administration Bush a désigné Andrew Natsios, nouveau directeur de l'Agence américaine pour le Développement international, comme Emissaire spécial de la présidence au Soudan chargé des affaires humanitaires. Début septembre, le Président a également choisi l'ancien sénateur John Danforth pour être son envoyé spécial pour la paix au Soudan.

Andrew Natsios a dirigé une délégation américaine à Khartoum en juillet 2001 et annoncé l'envoi d'une aide d'urgence aux victimes de la sécheresse dans l'ouest du Soudan, la première de ce type depuis des années dans une zone contrôlée par le gouvernement. Au total, l'assistance humanitaire américaine au Soudan pour l'année écoulée, entre octobre 2000 et septembre 2001, s'est élevée à 161 millions de dollars.

A la mi-2001, le Département d'Etat a passé un contrat avec une société américaine, Dyncorp, afin qu'elle aide la NDA -- branches politique et militaire -- à établir ses bureaux et à améliorer ses capacités de négociations. Le Département d'Etat a assuré qu'aucun des fonds alloués ne serait affecté à du matériel mortel au profit de la SPLA (l'équipement non-motel consistant, selon la définition officielle, en bottes, matériels de communication et tentes).

Avant le 11 septembre, la politique américaine au Soudan était l'objet de critiques internes de la part de certains membres du Congrès et de groupes conservateurs et religieux - qui prônaient l'isolement de Khartoum et le soutien à la SPLA - ainsi que de modérés au sein de l'administration américaine, du monde des affaires et de tous ceux pour qui la politique de la mise à l'écart n'a jamais fonctionné. Après le 11 septembre, la lutte contre le terrorisme a apporté de l'eau au moulin de ces détracteurs.

A la suite des attaques anti-américaines, le gouvernement du Soudan a fort opportunément annoncé sa coopération avec les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme. Selon le gouvernement américain, des unités anti-terroristes se trouvaient déjà au Soudan depuis plus d'un an et bénéficiaient d'une coopération "satisfaisante" de la part des autorités. Selon certaines informations, le gouvernement soudanais a extradé fin septembre plusieurs personnes recherchées par les Etats-Unis pour activités terroristes ou associations en vue de commettre des actes terroristes, mais les détails de ces extraditions n'ont pas été exposés publiquement et Khartoum a continué de nier toute forme de coopération dans la presse soudanaise et arabe.

Quoi qu'il en soit, l'administration Bush a prévenu qu'elle s'en tenait à ses exigences de voir le Soudan respecter totalement les droits humains avant de normaliser ses relations avec ce pays. Les Etats-Unis ont d'ailleurs fortement protesté contre les bombardements menés trois jours durant contre des distributions d'aides en octobre.

L'Union Européenne
L'Union Européenne (UE) a entamé un dialogue politique en novembre 1999 avec le gouvernement soudanais par le biais de réunions régulières entre ses ambassadeurs et les responsables soudanais. La mission parlementaire conjointe UE-ACP, en juin-juillet 2001, a exprimé sa déception face au manque de coopération dans ce dialogue, depuis la fin 2000. Elle a cité plusieurs questions relatives aux droits humains, discutées avec le gouvernement mais qui n'ont pas été corrigées, telles que la détention sans charge, la liberté de la presse, les enlèvements et le travail forcé ainsi que les bombardements.

L'UE a maintenu son embargo sur les armes à destination du Soudan mais sans se donner les moyens de le faire appliquer. Les membres de l'UE n'ont pas été limités dans leurs investissements pétroliers dans ce pays. En juin cependant, la Présidence de l'UE s'est inquiétée du regain d'activités militaires de la SPLA dans la région du Bahr El Ghazal - la prise de la Raga - et de la reprise des bombardements gouvernementaux en représailles. Un groupe de pays, essentiellement européens, a créé un groupe de travail du Forum des partenaires internationaux (International Partners' Forum Working Group) visant à fournir un appui financier et diplomatique aux efforts menés par l'Autorité inter-gouvernementale africaine pour le développement (IGAD). Les initiatives de l'IGAD, qui a lancé plusieurs séries de négociations de paix, ont néanmoins échoué.

En mai 2001, une large coalition d'ONG européennes a créé la Campagne européenne sur le pétrole au Soudan (European Campaign on Oil in Sudan) pour faire pression sur les gouvernements de l'UE et les compagnies pétrolières opérant au Soudan afin qu'ils se retirent de ce secteur en raison des multiples violations des droits humains.

Afrique
Le gouvernement soudanais a utilisé ses nouvelles ressources pétrolières -- plus de 400 millions de dollars de revenus supplémentaires -- pour renforcer sa position dans la Corne de l'Afrique. En juin 2001, le Soudan et l'Ethiopie ont ainsi annoncé un projet pour lequel Khartoum fournirait à l'Ethiopie 85 % de ses besoins en carburant et kérosène en 2002. L'Ethiopie, qui a longtemps soutenu les rebelles soudanais, avait alors déjà coupé tout lien avec eux.

Le Kenya s'apprêtait à importer sans taxe le pétrole soudanais dans son port de Mombasa avant que les églises kenyanes ne protestent avec virulence. En juillet 2001, les autorités kenyanes ont donc suspendu les livraisons de pétrole en provenance du Soudan et en représailles, Khartoum a menacé de cesser les importations de thé et de café kenyans. La situation est demeurée bloquée.

Enfin, la compagnie pétrolière nationale sud-africaine, Soekor, a démenti les informations selon lesquelles elle aurait tenté d'explorer des gisements pétroliers au Soudan après que les églises sud-africaines eurent protesté sur ce point.

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