Africa - West

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I. RÉSUMÉ

Le 21 mai 2001, des soldats de l'armée gouvernementale rwandaise (Armée Patriotique Rwandaise, APR) ont engagé environ soixante-dix combattants de l'Armée rebelle pour la Libération du Rwanda (ALIR I) dans les premières hostilités déclenchées au Rwanda depuis 1999. De mai à juillet 2001, les forces du gouvernement rwandais ont livré une série d'autres petites batailles et d'escarmouches plus limitées, dans le nord-ouest du Rwanda alors que les combattants de l'ALIR continuaient d'arriver en provenance de leurs bases situées de l'autre côté de la frontière, dans la partie est de la République Démocratique du Congo (RDC). La reprise de l'activité militaire dans le nord-ouest du Rwanda, les combats actuels dans l'est du Congo et la menace actuelle de guerre entre le Rwanda et l'Ouganda donnent à penser que la paix dans cette région du monde n'est encore qu'un espoir lointain.

Les combattants rwandais, hostiles à l'actuel gouvernement rwandais, qui sont basés au Congo sont souvent appelés "les ex-FAR ou Interahamwe", en référence aux forces impliquées dans le génocide des Tutsi qui s'est produit au Rwanda, en 1994. De nombreux officiers placés à des postes de commandement, dans l'ALIR ont en effet servi dans l'ancienne armée rwandaise (Forces Armées Rwandaises, FAR). Cependant, la majorité des combattants de l'ALIR n'étaient pas, à l'époque, membres des FAR, ni des milices génocidaires Interahamwe.

Les récents combats diffèrent de la violence antérieure, dans le nord-ouest du Rwanda et du génocide de 1994 de par le nombre relativement faible de morts civils. Contrairement au passé, les deux parties en présence ont apparemment ordonné à leurs troupes de faire preuve d'un plus grand respect pour la vie des populations civiles. Les combattants de l'ALIR ont tué au moins dix civils, principalement lors de pillages mais il ne semble pas que ces combattants s'en soient délibérément pris aux civils en général, ni aux Tutsi en particulier. Lors de combats, les troupes du gouvernement rwandais ont tué, au moins plusieurs douzaines de personnes qui voyageaient aux côtés des combattants de l'ALIR et qui semblaient être des civils. Mais ces troupes n'ont apparemment pas organisé d'attaques de représailles contre les populations du nord-ouest.

Cet apparent respect plus scrupuleux des droits humains et du droit international en matière de droits humains, déployé à la fois par le gouvernement et les forces rebelles, au nord-ouest du Rwanda semble cependant n'avoir plus cours à la frontière. Au Congo, les deux parties continuent apparemment à se livrer à des tueries et autres agressions contre des civils. Il est possible que les deux parties limitent les tueries au Rwanda dans l'espoir de voir les habitants leur accorder un appui politique plus grand, dans une région qui est importante à cause de ses précédents de révoltes et à cause aussi de son rôle dans la production, par le passé, d'élites politiques et militaires. Les deux parties sont peut-être aussi plus soucieuses qu'auparavant d'éviter la censure internationale pour violations des droits humains. Elles savent aussi qu'il est plus aisé pour les diplomates et autres observateurs étrangers de se déplacer vers le nord-ouest du Rwanda afin d'y évaluer la situation qu'il ne l'est de se rendre dans les régions du Congo ravagées par la guerre.

L'ALIR aurait aussi donné l'ordre à ses combattants de ne pas dépouiller les populations locales de leurs biens personnels de valeur. L'ALIR permet cependant à ses combattants de prendre et parfois même, de piller la nourriture et d'autres biens que ceux-ci jugent essentiels à leur survie. Les combattants de l'ALIR ont également pillé trois centres de santé, réduisant ainsi considérablement l'accès des populations locales aux soins médicaux.

Les parties en présence n'ont pas modifié leurs positions quant à l'utilisation d'enfants dans des activités militaires. L'ALIR, tout comme d'autres impliqués dans cette longue et violente guerre en Afrique centrale, a intégré des enfants dans ses rangs. Désignés par le terme général de kadogo, ou enfant soldat en swahili, ces enfants sont à la fois utilisés dans les combats ou pour beaucoup, dans des activités de porteurs, cuisiniers ou travailleurs affectés à des tâches de toute sorte. Les combattants de l'ALIR ont enlevé certains de ces enfants et en ont incorporé d'autres qui ont rejoint les troupes de l'ALIR de leur plein gré, à la recherche de protection et nourriture. Quels que soient leurs rôles ou la façon dont ils ont été recrutés, les enfants de l'ALIR ont tous souffert de privations et des risques de la vie militaire. Les soldats du gouvernement rwandais ont aidé leurs alliés du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) à enlever des enfants et à les contraindre à devenir soldats.1 Certains des enfants recrutés par les militaires rwandais et les autorités civiles n'ont pas plus de quinze ans. Ils servent dans les rangs de la Force Rwandaise de Défense Locale (FDL) qui s'est également engagée dans des combats contre l'ALIR.2

280 enfants environ ont été capturés par des soldats rwandais ou du RCD ou se sont rendus à eux ou à des autorités civiles. Initialement logés dans un camp militaire en compagnie d'adultes qui s'étaient rendus ou avaient été capturés, les enfants ont ensuite passé plus d'un mois à être "rééduqués", avec des adultes, dans "un camp de solidarité". Mi-août, les autorités rwandaises ont transféré les enfants dans un centre, au sud du Rwanda. Ils sont supposés y suivre un programme spécialement élaboré pour répondre à leurs besoins avant qu'ils ne retournent à une vie civile normale.

Ce rapport est basé sur des douzaines d'entretiens avec des combattants de l'ALIR, des enfants soldats et des auxiliaires civils maintenant aux mains des Rwandais. Les enquêteurs de Human Rights Watch ont mené ces entretiens, de façon générale, sur une base individuelle, dans plusieurs sites militaires du gouvernement rwandais, un hôpital et le centre pour enfants de Gitagata. Ces entretiens ont eu lieu entre juin et août 2001. Les autorités rwandaises n'assistaient pas à ces entretiens. Ce rapport s'appuie aussi sur des entretiens avec des autorités militaires et civiles rwandaises, des habitants du nord-ouest du Rwanda et des diplomates étrangers en poste à Kigali.

1 Voir les brefs rapports de Human Rights Watch (Human Rights Watch Short Reports) sur la République Démocratique du Congo, "Soldats malgré eux : recrutement forcé d'enfants et d'adultes au Nord Kivu", vol. 13, no.3(A), mai 2001. Concernant des abus similaires en Ouganda, "L'Ouganda dans l'est de la RDC: une présence qui attise les conflits politiques et ethniques", vol. 13, no. 2(A), mars 2001.

2 Voir Human Rights Watch, "Rwanda : de la recherche de sécurité aux abus des droits de l'homme", vol. 12, no. 1, avril 2000.

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