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Human Rights Watch Moyen-Orient Violations des droits de l'homme en Algérie (Janvier 1994) Introduction Le gouvernement algérien et l'opposition islamique armée qu'il combat sont responsables de la grave détérioration de la situation des droits de l'homme. Alors qu'il y a seulement trois ans, l'Algérie semblait passer d'un Etat autoritaire à parti unique à un système démocratique et pluraliste avec une société civile active, elle se débat maintenant dans ce qui s'apparente fort à une guerre civile où aucun droit n'est préservé et où le processus démocratique a pour le moins été mis à l'écart. Les islamistes présumés ont été soumis à la torture et aux mauvais traitements au cours de leur détention préventive. Les procès expéditifs devant les "tribunaux spéciaux" constituent une violation de leurs droits à un procès équitable. Depuis le 10 décembre, 26 Algériens ont été exécutés pour leur participation présumée à des actes de violence islamique. Entre-temps, la violence politique s'est gravement intensifiée en 1993, faisant un millier de victimes depuis le mois de janvier. La résistance islamique qui en est responsable, du moins en partie, a visé de plus en plus des civils de tous les secteurs de la société dans sa guerre contre le régime. Plus de 250 civils sont morts du fait de la violence politique dans le courant 1993, dont d'éminents intellectuels, des personnalités politiques, des personnages publics, des journalistes et des étrangers. Le 12 janvier marque le deuxième anniversaire de l'annulation des dernières élections en Algérie. Deux semaines avant leur annulation, le Front islamique de salut (FIS), formation d'opposition, avait remporté une victoire surprise au cours du premier tour du scrutin législatif, et semblait assuré d'obtenir une solide majorité au deuxième tour. Le 11 janvier 1992, un groupe soutenu par les militaires dans l'entourage du gouvernement a mis le Président Chadli Benjedid à l'écart et le jour suivant, annulé les élections. Son intervention était, de toute évidence, destinée à empêcher le FIS de remporter un triomphe imminent. Le nouveau régime a justifié cette action en prétendant qu'il défendait les droits de l'homme et les perspectives démocratiques du pays contre les extrémistes islamistes qui, selon eux, bafoueraient les droits et supprimeraient toute forme de démocratie une fois au pouvoir. Malheureusement, le régime n'a pas défendu les droits de l'homme, ce qui lui aurait permis de se distinguer des actions désastreuses du FIS. Deux ans plus tard, le régime n'a montré aucune volonté de reprendre le processus démocratique. A la fin du mois de décembre 1993, le Haut Comité d'Etat (HCE), composé de cinq membres et créé en janvier 1992 pour prendre en charge les pouvoirs exécutifs après la démission forcée du président, a été dissous au terme du mandat présidentiel de cinq ans. Le nom de l'organisme qui devait le remplacer n'était pas encore divulgué lorsque ce rapport était imprimé, mais comme le HCE, ses membres n'allaient certainement pas être choisis par les électeurs du pays. Le HCE avait déclaré précédemment que les élections parlementaires et présidentielles ne seraient possibles qu'au terme d'une période de transition débutant en 1994 et durant au moins deux ans. (1) Ce rapport ne constitue pas un examen complet des droits de l'homme en Algérie. Cependant les sujets abordés mettent en lumière les aspects principaux de la situation générale dans le pays : des procès injustes devant les tribunaux spéciaux qui, depuis le mois de février 1993, ont prononcé environ 400 peines de mort contre des militants islamistes présumés ; la réduction de la liberté d'expression pour la presse d'une manière générale ; et l'assassinat délibéré de civils par la résistance armée. CONCERNANT CE RAPPORT Ce rapport se base sur des interviews d'avocats, de militants des droits de l'homme, de diplomates et de journalistes ; sur des rapports de la presse et sur une mission de quatre semaines effectuée en Algérie en juin 1992. A la suite de cette visite, le gouvernement a empêché Middle East Watch d'en effectuer d'autres. De nombreuses lettres et démarches entreprises auprès des autorités en 1993 pour obtenir l'autorisation d'effecteur d'autres visites sont demeurées sans réponse. La mission de 1992 a été conduite à l'invitation des autorités algériennes. Les participants étaient Lisa Anderson, professeur de sciences politiques à l'Université de Columbia et vice-présidente de Middle East Watch, et Eric Goldstein, directeur de recherches à Middle East Watch. En Algérie, ils ont rencontré un vaste éventail d'Algériens, notamment des responsables du gouvernement. La mission s'est heurtée à des obstacles dus aux refus des autorités de permettre à la délégation de visiter tous les lieux de détention. Middle East Watch avait présenté avant son arrivée de nombreuses demandes pour avoir accès aux centres de détention, et en avait également exprimé le souhait directement au ministre de l'Intérieur de l'époque, Larbi Belkheir. La recherche d'informations entreprise par Middle East Watch a également été entravée par la détention de l'un de ses chercheurs, à deux reprises. Dans chaque cas, le chercheur devait rencontrer des victimes présumées de la torture. Après chaque incident, le chercheur a renoncé aux rencontres prévues, les estimant trop risquées pour ses contacts. Dans l'un des cas, le chercheur a été arrêté à l'un des barrages routiers dans la banlieue d'Alger, à al-Baraqi, et conduit à un poste de police local avant d'être libéré. Le chercheur a également été détenu huit heures à Constantine, dont quatre dans un centre d'interrogatoire dirigé par la Sécurité Militaire. Des hommes en civil, procédant à l'interrogatoire, ont refusé de décliner leur identité ou celle de l'organisme pour lequel ils travaillaient. Ils ont confisqué le carnet de notes du chercheur, ne l'ont pas autorisé à entrer en contact avec l'ambassade américaine, et menacé de prolonger sa détention avec mise au secret jusqu'à ce qu'il révèle les noms de ses contacts locaux. Le prétexte avancé pour la détention était que le chercheur n'avait pas l'autorisation nécessaire pour travailler à Constantine. Il a été libéré par la suite, après avoir été forcé de signer une version écrite de sa déclaration orale. Le ministre de l'Intérieur s'est ensuite excusé en personne pour cette arrestation. Ce rapport a été édité par Andrew Whitley, directeur exécutif de Middle East Watch.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS Le gouvernement algérien et l'opposition islamique armée qu'il combat sont tous deux responsables de la grave détérioration de la situation des droits de l'homme. Le rapport met en lumière trois domaines de violations : les procès extrêmement injustes devant les tribunaux spéciaux au cours des dix derniers mois, qui ont abouti à 400 peines de mort prononcées à l'encontre de militants islamistes présumés ; l'assassinat délibéré de civils par la résistance armée ; et les atteintes à la liberté de la presse, qui provient des deux camps, au travers des lourdes restrictions gouvernementales et la violence de l'opposition armée. PROCES INJUSTES DEVANT LES TRIBUNAUX SPECIAUX Durant l'année 1993, l'un des principaux instruments de répression utilisé par le gouvernement a été un système de tribunaux spéciaux, créé par décret en septembre 1992, et chargé de juger des affaires de "terrorisme" et la "subversion". Ces tribunaux ont jugé des centaines de militants islamistes présumés, dont de nombreux procès "de masse", et ont prononcé environ 368 peines de morts (la plupart par défaut) et plus de cent peines de prison à perpétuité. Vingt condamnés à mort ont déjà été exécutés, en plus des six autres qui ont été condamnés par les tribunaux militaires. Depuis le 10 décembre, aucun autre pays du monde arabe, à l'exception de l'Irak, n'a exécuté en 1993 autant de personnes condamnées pour des délits politiques. Middle East Watch s'oppose par principe à la peine de mort. Middle East Watch considère le principe de la peine de mort particulièrement aberrant lorsque le verdict est prononcé à la suite de procès injustes, comme c'est le cas devant les tribunaux spéciaux en Algérie. Les exécutions à la suite des procès injustes sont des actes arbitraires qui constituent des violations flagrantes des droits de l'homme. Selon de nombreux avocats de la défense interrogés par Middle East Watch, les tribunaux spéciaux condamnent des suspects sur la base d'aveux extorqués sous la torture. De nombreux suspects sont détenus au delà de la limite légale de douze jours avant d'être déférés devant un juge d'instruction. Lorsqu'ils sont interrogés par le juge d'instruction, les accusés se voient souvent refuser le droit à un conseil juridique. Même si un avocat est présent, les efforts déployés par la défense pour réfuter les aveux extorqués sous la torture sont systématiquement ignorés ou rejetés par les juges d'instruction ou les juges des tribunaux. Ces aveux deviennent même la principale, sinon la seule base de condamnation. Middle East Watch nŽa connaissance dŽaucun procès devant un tribunal spécial où le juge ait accepté les requêtes de la défense demandant un examen médical de l'accusé lorsque celui-ci a prétendu avoir fait des aveux sous la torture.
En outre, les règles de procédure des tribunaux spéciaux constituent une violation du droits des accusés à bénéficier d'un procès en bonne et due forme en: - étendant à 12 jours la limite légale de la garde à vue (avec mise au secret) pour les cas de "terrorisme" et de "subversion", ce qui est une violation du droit des suspects à bénéficier rapidement d'un avocat et à des auditions devant un juge, - limitant les possibilités pour les accusés de faire appel, - imposant des échéances sur la durée des étapes du procès, sans aucune considération pour la complexité des cas et le nombre des accusés, - maintenant le strict anonymat des juges qui président les affaires, ce qui diminue leur responsabilité et augmente les risques que les conflits d'intérêt ne soient pas connus, - limitant les droits de la défense en donnant aux tribunaux spéciaux une très large autorité pour rappeler à l'ordre les avocats ou les suspendre pour avoir causé des "troubles". Les tribunaux spéciaux accordent aux accusés de bien plus faibles garanties de procédure qu'ils ne pourraient en avoir dans les tribunaux ordinaires en Algérie. Il est troublant que les tribunaux spéciaux jugent des délits commis avant leur création, soumettant les prévenus à des procédures moins protectrices que celles des tribunaux en vigueur au moment où leurs délits auraient été commis. Enfin, le décret instituant les tribunaux spéciaux menace les droits des Algériens en définissant le terme "acte terroriste ou subversif" très largement et vaguement, en y incluant une série d'actions non-violentes, notamment les discours et les associations. En vertu de ce décret, les personnes qui rendent hommage ou encouragent les actes "subversifs" ou "terroristes", ou ceux qui reproduisent en connaissance de cause ou distribuent des documents valorisant de tels actes sont passibles d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à dix ans. LIBERTE DE LA PRESSE LIMITEE La presse algérienne, présentée il y a seulement trois ans comme l'une des plus dynamiques du monde arabe, est en état de siège depuis le coup d'Etat de 1992. Au cours des quelques derniers mois, la pression est venue non seulement du régime, mais aussi de ceux qui cherchent à le renverser. Bien qu'ils continuent de rendre compte des autres sujets de manière critique, les médias algériens ne reflètent pas la brutalité de la campagne des autorités contre les islamistes et leurs partisans présumés. C'est particulièrement la règle à la télévision et à la radio, qui depuis 1992, font largement office de porte-paroles du gouvernement. Celui-ci a empêché les médias locaux et étrangers de couvrir librement la violence politique qui ravage le pays, par la suspension des journaux (des quotidiens ont été suspendus au moins huit fois depuis le mois de juillet 1992), par l'intimidations des journalistes et les poursuites légales, par la menace de leur retirer la publicité du secteur public, et par le refus de délivrer des visas et des autorisations de travail à de nombreux correspondants étrangers. La plupart des rapports concernant la situation de la sécurité proviennent des communiqués laconiques de l'Algérie Presse Service. Toutefois la couverture médiatique biaisée du conflit ne peut être entièrement mise sur le compte du gouvernement. La plupart des journalistes algérien ont peu de sympathie pour la cause islamiste. De nombreuses publications favorables aux islamistes dans le passé, comme les organes officiels du FIS et le journal satirique Es-Sahafa, ont été interdites. Sept journalistes ont été assassinés depuis le mois de mai 1993 dans des attaques dont la responsabilité a été rejetée par les autorités sur les groupes islamistes. Quelques autres ont échappé à des attentats. Les journalistes continuent à recevoir des menaces anonymes par la poste et par téléphone. Bien qu'aucun groupe n'ait assumé la responsabilité des assassinats, un leader du FIS à l'étranger a implicitement justifié, en octobre 1993, le fait de prendre pour cible les journalistes en raison de leurs écrits. La violence a poussé certains journalistes à se réfugier à l'étranger et d'autres à changer leurs habitudes quotidiennes. Un grand nombre ne signent plus leurs articles pour se protéger. L'ASSASSINAT DE CIVILS PAR LES GROUPES D'OPPOSITION Le nombre de victimes de la violence politique a plus que doublé en 1993 par rapport à 1992. De nombreuses personnes ont été victimes des combats entre les forces de sécurité et les groupes islamistes. Mais, de plus en plus, la violence a consisté à enlever et tuer des civils ou leur tendre des embuscades. Les victimes appartiennent à tous les secteurs de la société et comprennent également des écrivains connus, des professeurs, des personnalités publiques et des étrangers travaillant ou vivant en Algérie. Des civils autant que des membres des forces de sécurité ont été retrouvés après avoir été enlevés et assassinés lors de leur séquestration. Il n'existe pas de source indépendante précise donnant le nombre des victimes en Algérie. Les décomptes des rapports officiels indiquent que, depuis l'annulation des élections en janvier 1992, environ 400 civils sont morts de la violence politique. (2) Pour Middle East Watch, les normes du droit international interdisent de maltraiter ou de tuer un détenu, que ce soit par les forces gouvernementales ou par les groupes d'opposition armés. Nous considérons que les atteintes aux droits de l'homme par l'une des parties, même flagrantes, ne justifient pas les violations commises par une autre partie. Il n'y a pas de doute que les groupes islamistes sont responsables de certains assassinats, en dépit de l'absence de revendication de la quasi-totalité des actes de violence qui ne sont pas commis par les forces de sécurité en uniforme ou identifiables. Middle East Watch déplore le fait qu'à sa connaissance, les chefs du FIS parlant au nom du parti n'aient pas fait de déclaration condamnant en termes clairs les assassinats de civils ou de personnes détenues, et dans certains cas aient cherché à justifier ces assassinats. LES ETATS-UNIS, LA FRANCE ET L'UNION EUROPEENNE Les créanciers de l'Algérie et leurs partenaires n'ont pas réussi à exercer publiquement une pression pour améliorer la situation des droits de l'homme en Algérie et favoriser la reprise du processus démocratique. La position du gouvernement français, le plus important partenaire de l'Algérie, a été particulièrement partiale, dénonçant la violence extrémiste et restant silencieux sur la répression brutale du gouvernement. Au moment où le gouvernement algérien cherche ardemment à restructurer sa dette extérieure pour en alléger le service, les Etats-Unis, la France et l'Union Européenne ont continué à allouer des crédits, des prêts et des garanties de prêts à l'Algérie pour alléger le service de sa dette, sans lier explicitement le montant, la poursuite ou les conditions de ces programmes au respect des droits de l'homme par le gouvernement ou à la reprise du processus démocratique. RECOMMANDATIONS Au gouvernement algérien : Middle East Watch appelle le gouvernement algérien à autoriser l'accès du pays à toutes les organisations internationales des droits de l'homme souhaitant effectuer des missions de recherche en Algérie. Concernant les tribunaux spéciaux, Middle East Watch appelle le gouvernement algérien à: Arrêter toutes les exécutions; Annuler toutes les peines prononcées par les tribunaux spéciaux, et libérer les détenus condamnés par les tribunaux spéciaux ou leur garantir des procès justes; Mettre en pratique des mesures efficaces pour arrêter tous les mauvais traitements ou la torture au cours de l'interrogatoire. Pour cela, les tribunaux doivent ordonner des enquêtes sérieuses et impartiales sur les allégations de mauvais traitements subis en cours de détention et écarter tous les aveux obtenus dans des conditions abusives; Supprimer des dispositions comme celles contenues dans le Décret Législatif 92-03 incriminant les discours et les associations, qui sont des actes non-violents; Assurer le droit de défense de l'accusé que ce soit avant ou durant le procès; Faire en sorte que les accusés puissent faire appel du verdict et de la condamnation. Pour ce qui est de la presse, Middle East Watch appelle le gouvernement algérien à : Mettre un terme à l'arrestation et aux poursuites des journalistes, pour leurs écrits, ou leurs publications, sauf lorsqu'il paraît indéniable que leurs articles ou commentaires constituent une menace de violence imminente ou un danger à l'ordre public; Mettre un terme aux pratiques de suspension ou d'interdiction des publications et lever les ordres de suspension actuellement en vigueur; Permettre aux journalistes qui souhaitent faire des reportages en Algérie d'avoir accès à toutes les zones du pays. Au Front de Salut Islamique et aux autres groupes islamiques d'opposition : Tout en reconnaissant que la violence politique en Algérie ne relève pas de la seule responsabilité de l'opposition islamique, Middle East Watch appelle les autres groupes d'opposition en Algérie à : Utiliser tous les moyens nécessaires à leur disposition pour mettre un terme aux violentes attaques contre les civils et contre toutes les personnes qui sont détenues par les groupes d'opposition - ceci nécessite une dénonciation publique des attaques et l'appel en faveur de leur arrêt inconditionnel - et la dénonçiation des déclarations faites par le passé par des leaders de l'opposition islamique pour justifier l'attaque de certains civils.
Aux Etats-Unis, à la France et à l'Union Européenne Middle East Watch appelle les Etats-Unis, la France et l'Union Européenne à exercer publiquement une pression sur le gouvernement algérien pour mettre un terme aux violations des droits de l'homme et reprendre le processus démocratique. Ils doivent, en priorité, appeler à l'arrêt des exécutions et à l'annulation des peines de mort prononcées à la suite des procès injustes devant les tribunaux spéciaux. L'Union Européenne doit exprimer sa préoccupation en envoyant une délégation de haut niveau en Algérie pour faire une enquête impartiale sur les violations des droits de l'homme, par le gouvernement ou par d'autres. Les résultats de l'enquête doivent être publiquement diffusés et influencer la formulation de la politique de l'Union Européenne en Algérie. Les principaux créanciers de l'Algérie doivent informer le gouvernement que les futurs prêts, crédits et garanties de prêts seront liés aux progrès tangibles réalisés par le gouvernement pour mettre un terme aux violations des droits de l'homme et favoriser la reprise du processus démocratique. En même temps, les gouvernements doivent condamner, publiquement et à travers les contacts qu'ils maintiennent avec les représentants du FIS, la campagne violente contre les civils entreprise par les groupes d'opposition algériens. Ils doivent exhorter ses représentants à utiliser tous les moyens dont ils disposent pour mettre un terme à ces assassinats. *** L'Administration Clinton doit aviser le gouvernement algérien de son intention de lier le programme algérien du Commodity Credit Corporation (organisme de crédit pour les produits de base) et de la Banque pour l'Exportation et l'Importation à la réalisation d'un progrès tangible dans la reprise du processus démocratique et la fin des atteintes aux droits de l'homme. Pour ce qui est de la CCC, la législation prévue par la Loi sur l'Assistance Etrangère interdit de fournir une assistance à tout gouvernement qui s'engage dans des "violations systématiques et flagrantes des droits de l'homme internationalement reconnus." Les Etats-Unis doivent également soulever la question des droits de l'homme devant la Banque Mondiale. La Loi des Institutions Financières Internationales de 1977 engage les USA à utiliser "leur voix et leur scrutin" à la Banque Mondiale pour fournir l'assistance aux gouvernements qui ne sont pas engagés dans des modes de "violations systématiques des droits de l'homme internationalement reconnus". Les Etats-Unis doivent se conformer à cette disposition dans leur action, et cela en suspendant les prêts qui ne sont pas destinés à satisfaire des besoins premiers, accordés par la Banque Mondiale à l'Algérie. APERÇU HISTORIQUE Il y a trois ans seulement, les 26 millions d'Algériens semblaient être en bonne voie pour atteindre la vie politique la plus libre du monde arabe. La libéralisation politique a suivi les émeutes d'octobre 1988, causées par la frustration populaire face aux politiques économiques ratées, à la corruption et à trois décennies de régime répressifs sous les gouvernements du Front de libération nationale (FLN). Les émeutes étaient la première explosion de mécontentement populaire depuis que le pays a accédé à son indépendance en 1962, après 132 ans d'autorité coloniale française. Le président Chadli Benjedid a réprimé les troubles en déclarant l'état de siège et en faisant intervenir l'armée. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur plusieurs centaines de civils et en ont arrêté des milliers. Les comptes-rendus d'information à l'époque ont estimé le nombre des victimes de la répression entre 500 et 2.000, bien au dessus du chiffre officiel de 176. Le gouvernement a reconnu néanmoins l'étendue du mécontentement public. Dans un communiqué diffusé au niveau national le 10 octobre 1988, le président Chadli a appelé à l'arrêt des émeutes et a promis des réformes économiques et politiques, notamment un référendum sur la révision de la Constitution. Il a rencontré le même jour une délégation de leaders islamistes, dont faisait partie Abassi Madani et Ali Belhadj, les futurs leaders du FIS. Le gouvernement Chadli a toléré la plupart du militantisme de base et les protestations publiques qui ont proliféré après les
émeutes, et qui se concentraient surtout sur la question des droits de l'homme. Les informations selon lesquelles, au cours
des troubles, des centaines de personnes auraient été battues et torturées ont poussé les Algériens à se révolter par dégoût.
Elevés dans la conviction que la torture était le seul fait des autorités françaises coloniales à l'encontre des combattants
algériens pour l'indépendance (moudjahidines) il y a trois décennies, un grand nombre d'Algériens a été outragé d'apprendre
que des Algériens torturaient d'autres Algériens (3)
. La révolte engendrée par cette découverte est décrite dans un livre
intituté "Livre noir d'octobre", publié un an après les émeutes par le Comité national contre la torture, nouvellement
constitué. L'introduction de ce livre donne le ton : "Des centaines, et peut-être un millier de personnes ont été arrêtées et battues, mises au supplice, torturées, et la plupart en
gardent les cicatrices sur leur corps et dans leur mémoire (...) Ceci s'est produit en Algérie. Oui, dans un pays blessé par les
exactions du colonialisme et de la guerre, dans ce pays qui est éternellement symbolisé par le mot "martyre". L'horreur de
ce retournement de l'histoire devient à peu près insupportable lorsqu'une victime de la torture raconte que l'un de ses
bourreaux lui a dit avoir lui-même été soumis à la gégène (application d'électrodes sur différentes parties du corps,
notamment du pénis) sous l'armée coloniale." (4) Tout comme le soulèvement populaire qui a ébranlé l'Europe de l'Est communiste l'année suivante, les émeutes de 1988 ont
été le début d'une période incertaine durant laquelle des réformes inégales venant du haut, et la colère de ceux qui sont
privés du droit de vote ont fait naître à la fois l'espoir en une démocratie et la crainte de troubles politiques. (5) En février 1989, les électeurs ont approuvé une nouvelle Constitution élaboré par le gouvernement à parti unique. Celle-ci a
établi la base juridique d'une vie politique plus libre. Elle proclame la liberté de conscience et d'opinion (Article 35), de la
vie privée et de la confidentialité du courrier et de la communication (Article 37), et les droits d'expression, d'association et
d'organisation (Article 39). Et, pour la première fois, elle précise le droit de constituter des associations de nature politique"
(Article 40) et des syndicats. Un grand nombre de droits civils prévus par la Constitution a nécessité des législations conséquentes. Sur les dix-huit mois
qui suivirent, l'Assemblée nationale a promulgué une loi sur les associations politiques (juillet 1989), sur le code de
l'information (avril 1990) et une loi de juin 1990 a autorisé les syndicats libres, mettant un terme au monopole du FLN sur
la vie politique, les médias et le travail organisé. Dans le domaine des droits civils et des droits de l'homme, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures positives
en vue de l'adoption d'une nouvelle Constitution. Il a libéré la plupart des prisonniers politiques et ratifié la Convention
internationale sur les droits civils et politiques et la Convention contre la torture et les autres traitements ou sanctions à
caractère cruel, inhumain ou dégradant. En 1989, le gouvernement a aboli les tribunaux de sécurité de l'Etat qui étaient des
tribunaux spéciaux chargés de juger la majorité des affaires touchant à la sécurité depuis leur création en 1975. En
septembre 1990, le président Benjedid a annoncé l'abolition de la Direction générale pour la documentation et la sécurité
(DGDS) une agence de renseignements interne très redoutée. Dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi sur les associations politiques, environ trente partis politiques ont déposé
une demande de reconnaissance officielle et l'ont obtenue, y compris le FIS, le premier parti islamique légalement reconnu
et officiellement constitué dans le monde arabe. Deux autres partis islamques importants, Hamas et an-Nahda, ont été créés
vers la fin 1990. (Ces deux partis, dont le score était peu important dans les élections pour l'Assemblée nationale en
décembre 1991, remportées par le FIS, continuent de fonctionner légalement). La Loi sur les associations politiques a ouvert le système politique, mais a imposé des contraintes sur les partis qui
pourraient être constitués. Au moins un parti, le Parti populaire algérien (PPA), successeur du principal rival du FLN, le
Mouvement national algérien (MNA), durant la lutte pour l'indépendance n'a pas été reconnu. A Alger, un tribunal a rejeté
la demande du parti en s'appuyant sur des dispositions de la Loi sur les associations politiques, qui interdit aux partis de se
fonder sur une conduite contraire à la morale islamique et les valeur de la révolution du 1er novembre 1954. La loi a
également interdit les partis fondés sur la religion. (L'ordre prononçant la dissoluton du FIS en février 1992 se reférait aux
articles 33 et 34 de la loi sur les associations politiques, donnant au ministère de l'Intérieur le pouvoir d'interdire une
organisation en cas d'urgence ou de danger à l'ordre public, ou en cas de violation flagrante des lois. (voir ci-dessous). LES ELECTIONS MUNICIPALES DE 1990 En juin 1990, les élections municipales ont été très largement considérées comme les plus libres dans l'histoire récente du
monde arabe. Le FIS les a remporté, qui avait promis de supprimer la corruption et d'introduire des valeurs islamiques dans
le gouvernement et les institutions locales. Quelques cinquante partis ont pris part aux élections, bien que peu d'entre-eux
aient présenté des candidats dans tout le pays. Le résultat des élections a été un choc pour l'establishment politique en Algérie en confirmant le FIS dans une position de
force et en discréditant le FLN, et par extension, le gouvernement. Le FIS a remporté 54 % du scrutin populaire (le taux de
participation est estimé entre 65 et 75% des inscrits) et pris le contrôle de 854 conseils municipaux sur un total de 1541,
bien qu'il n'ait pas eu de candidats dans 276 communes. Le FIS a gagné 32 des 48 assemblées dans les wilayas (provinces)
et remporté toutes les grandes villes. La victoire du FIS a accéléré sa lutte pour le pouvoir. Le parti a demandé que de nouvelles élections légilatives aient lieu
pour renouveler l'Assemblée nationale, élue 1987 et constituée par le parti unique. Au début 1991, le gouvernement a
annoncé deux tours d'élections législatives pour le 27 juin et le 18 juillet 1991. Mais cinq semaines avant la première date
du scrutin, le FIS a déclaré une grève nationale illimitée pour protester contre ce qu'il considèrait comme une loi électorale
injuste. Les partisans du FIS ont organisé des manifestations à grande échelle et occupé quatre des principaux squares de la
capitale. Au début du mois de juin, la violence a fait rage après que la police anti-émeute ait donné l'ordre de vider les rues.
Le président Chadli a reporté les élections et décrété l'état de siège. Le décret de l'état de siège N91-196 du 4 juin a donné aux militaires le pouvoir d'assumer les fonctions de la police, de
placer les suspects en détention administrative, d'interdire les publications, les réunions et les rassemblements et de
suspendre les associations. Le décret a également prévu que les civils soupçonnés de délits contre la sécurité de l'Etat
pouvaient comparaître devant des tribunaux militaires. La plupart des dispositions du décret étaient renouvellées dans le
décret de février 1992 sur l'état d'urgence qui demeure en vigueur à ce jour. Tout au long du mois de juin, les forces de sécurité se sont battues contre les sympathisants du FIS. Le 30 juin, Madani et
Belhadj ont été arrêtés et accusés de "conspiration armée contre l'Etat". Ils ont été emprisonnés et un an plus tard
condamnés par un tribunal militaire à douze ans de prison pour conspiration contre l'autorité de l'Etat, causant un préjudice
à l'économie et distribuant des tracts séditieux. Le tribunal les a acquitté de toutes les accusations les liant directement aux
actes de violence. Les deux hommes purgent toujours leur peine. Le chiffre officiel des victimes des événements de juin 1991 est de 55 morts et 326 blessés, mais des estimations de source
indépendantes font état d'un chiffre plus élevé. Les autorités ont arrêté au moins 5.000 islamistes préumés pour
interrogatoire (6) et en ont placé 300 en détention administrative dans les camps de détention dans le pays. En septembre, le gouvernement a levé l'état de siège et annoncé le mois suivant que le deuxième tour des élections
législatives se tiendrait en décembre 1991 et janvier 1992. Quelque cinquante partis ont commencé à se préparer pour les
élections. Mais le FIS, avec ses leaders toujours sous les verrous, n'a annoncé que début décembre sa participation aux
élections. Le premier tour des premières élections législatives multipartites algériennes s'est tenu le 26 décembre dans une atmosphère
de calme relatif. Ce soir là, le Premier ministre Sid Ahmed Ghozali s'est dit "très satisfait de la conduite, du climat et du
taux de participation (7)
". Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Larbi Belkheir, s'est également déclaré "très satisfait", tout en
remarquant que les conditions des élections étaient en générale "parfaites", en dehors de quelques incidents "sans
conséquences" (8). Bien que certains partis d'opposition et responsables du gouvernement aient par la suite fait état
d'incidents, de falsification et d'intimidation à l'encontre des électeurs par les partisans du FIS près des centres de vote,
aucune preuve attestant que de tels actes se soient produits à grande échelle n'a été apportée. Le vote du 26 décembre s'est révélé également être en faveur du FIS. (Cependant les détracteurs du parti ont relevé le faible
taux de participation - 59 % des 13,2 millions d'Algériens inscrits sur les listes électorales ont pris part au vote - et le
nombre de voix moins élevé en valeur absolu obtenu par le FIS). Selon le décompte officiel, le FIS a remporté 47,54 % des
voix et 186 des 231 sièges attribués dès le premier tour. Le FLN a remporté 23,52 % des voix et 15 sièges seulement, et le
parti laïc du Front des forces socialistes (FFS) a remporté 7,45 % des voix et 25 sièges. Aucun des 46 partis ayant participé
n'a gagné de siège ni pu participer au second tour. La large victoire du FIS a pratiquement assuré au parti de remporter au second tour la majorité à l'Assemblée, composée de
430 sièges. Cette perspective a suscité la panique parmi les responsables gouvernementaux, les partisans de partis
d'opposition laïcs, et ceux qui affirment que le FIS, une fois au gouvernement, serait intenable, détruirait la démocratie,
bafouerait les droits de l'homme, et constituerait un désastre financier pour le pays. Les tenants de cette opinion sont
descendus dans la rue pour demander l'arrêt du processus électoral. Le président Chadli a renouvelé son engagement en faveur du processus démocratique et sa disposition à coopérer avec une
Assemblée dominée par le FIS. Mais la pression a continué à croître, et avec elle, les rumeurs d'une intervention imminente
de l'armée. Les responsables gouvernementaux ont retiré leur soutien initial à la tenue des élections et mis en avant les
rapports concernant la fraude électorale. Les plaintes pour irrégularité dans 145 provinces, dont la plupart ont été gagnées
par le FIS, ont été soumises au Conseil Constitutionnel, organisme nommé par l'Etat, pour étudier les accusations de fraude
électorale. Le 11 janvier, avant la décision du Conseil Constitutionnel sur les accusations de fraude, un groupe au sein du
gouvernement, soutenu par les militaires, a forcé le président Chadli a démissionner. L'armée a immédiatement pris position
dans la capitale. Le 12 janvier, le Haut conseil de sécurité (HCS), organisme consultatif présidentiel, a annoncé qu'il "se
chargeait temporairement de toutes les questions pouvant affecter l'ordre public et la sécurité de l'Etat." Les délibérations de
ce conseil, constitué de cinq membres, auraient été largement dominées par l'avis de ses membres militaires, notamment le
ministre de la Défense, le Général Khaled Nezzar. Le Conseil a commencé par procéder à l'annulation du deuxième tour des élections législatives, mentionnant "l'impossibilité
de poursuivre le processus électoral." Le prétexte de fraude durant le premier tour avait été abandonné. Apparemment, le
Conseil Constitutionnel n'a jamais publié les résultats de son enquête sur les fraudes. La démission du président Chadli a créé une situation extraordinaire, particulièrement lorsqu'il révéla avoir dissous
l'Assemblée nationale une semaine auparavant par un décret secret (9). L'article 85 de la Constitution de 1989 stipule que
dans ces circonstances, le président du Conseil Constitutionnel assume le rôle de chef de l'Etat pendant une période ne
dépassant pas 45 jours, durant laquelle des élections présidenteilles doivent être organisées. Mais ce processus a été rejeté
par le HCS. Celui-ci a annoncé qu'il allait entrer en session permanente et prendre "provisoirement en charge toutes les
questions pouvant mettre en danger l'ordre public et la sécurité de l'Etat." Le 14 janvier, le HCS a annoncé la création d'un nouvel organisme appelé Haut conseil d'Etat ou HCE, "parce qu'il est
nécessaire de pourvoir à la fonction présidentielle laissée vacante pour assurer la continuité de l'Etat, avec la formation d'un
dispositif temporaire qui jouira de tous les pouvoirs et de toutes les prérogatives qu'offre la Constitution au président de la
République. (10)" Le HCS n'a pas annoncé de plan pour les élections présidentielles. Il a simplement déclaré que le HCE
assumera les fonctions présidentielles jusqu'en décembre 1993 au plus tard, lorsque le mandat de Chadli aura expiré. Le HCS a terminé sa session permanente par le serment des cinq membres choisis pour le HCE. Dans sa quête de légitimité,
le HCS a désigné Mohamed Boudiaf, héros de la guerre d'indépendance d'Algérie, en exil depuis les années soixante,
comme président du HCE. Les autres membres sont Khaled Nezzar, ministre de la Défense, Ali Kafi, chef de l'organisation
des vétérans de la lutte pour l'indépendance, Tejini Khaddam, recteur de la mosquée de Paris, et le ministre des Droits de
l'homme Ali Haroun (11). Ali Kafi est devenu président du HCE après l'assassinat de Boudiaf en juin 1992. A ce moment-là,
le diplomate Redha Malek a rejoint le HCE et, en août 1993, est devenu Premier ministre. Khaled Nezzar, qui serait
l'homme fort du HCE, en est demeuré membre après avoir cédé son poste de ministre de la Défense à Liamine Zeroual en
juillet 1993. Le HCE nouvellement installé a fait quelques tentatives pour masquer le but du coup d'Etat, qui était d'empêcher le FIS
d'être en position de force au sein du gouvernement. Ali Haroun, membre du HCE, n'a pas mâché ses mots pour décrire le
coup d'Etat comme une initiative anti-FIS. Le 15 janvier, il a déclaré à Antenne 2 : "En tant que ministre des Droits de l'homme, je pense que lorsqu'une situation exceptionnelle se produit dans la vie d'une
nation, il est alors question de défendre la nation entière parce que la menace qui a pesé sur nous après le 15 janvier était
celle d'un Etat islamique comme il en existe dans certains pays que je ne nommerai pas ici. J'affirme que je défends les
droits de l'homme en faisant ce qui est nécessaire, pour que mon pays ne subisse pas la situation qui est vécue dans certains
pays du Moyen-Orient et de l'Afrique Orientale." (12) D'autres déclarations de cette trempe de Haroun ont été diffusées le jour suivant : "Le FIS, qui a au moins fait preuve de quelque honnêteté et franchise dans ce domaine, a déclaré qu'il n'était pas
démocratique et qu'il ne voulait pas de la démocratie. Il a déclaré qu'une fois qu'il prendrait le pouvoir, il n'y aurait plus
d'élections. Il y aurait la Choura. Les religieux se réuniront et décideront pour vous. Le FIS a dit qu'il n'y aura pas de
démocratie et qu'il n'y aura plus d'élections. Il a dit qu'il utilisera les élections pour prendre le pouvoir. Après cela, il n'y
aura plus d'élections." "En tant que ministre des Droits de l'homme, ma question est : qui donc défendra les droits de l'homme ? Devrais-je tolérer
une situation qui aboutira dans un mois ou deux à la perte des droits des personnes ? Je ne peux pas faire cela. Il y a
actuellement en Algérie des hommes qui assument leur responsabilité. Il y a une grande partie de la population qui se sent
rassurée. Nous allons prendre le temps de bâtir de véritables institutions pour mener ce pays vers une véritable démocratie,
sans recourir à quelque prétexte de processus démocratique qui finira par anéantir la démocratie." (13) La tension est montée dans les rues parmi les partisans du FIS qui se sont sentis spoliés de leur victoire aux élections. La
direction par intérim du parti a maintenu un ton véhément contre le régime, dénonçant son inconstitutionalité et appelant
les civils et les soldats à ne pas reconnaître son autorité. Au même moment, ces leaders ont exhorté leurs sympathisants à
éviter la violence. Mais à la fois le régime et des éléments au sein du FIS ont apparemment opté pour la confrontation. Des affrontements
dispersés avec les forces de sécurité se sont produits deux jours après l'annulation des élections, ainsi que des arrestations en
masse des partisans du FIS. De graves heurts ont eut lieu plus tard dans la semaine et ont continué jusqu'à début février.
Certains islamistes ont opté pour la lutte armée : des attaques au couteau et au revolver ont coûté la vie à neuf membres des
forces de sécurité le 8 février. Entre-temps, quelque quarante manifestants ont été tués par la police. (14) Le 9 février, le HCE a proclamé l'état d'urgence pour douze mois. (Il a été renouvelé pour une période illlimitée en février
1993 et reste en vigueur). Les autorités ont aussi investi les quartiers généraux du FIS et proclamé le parti hors-la-loi, citant
des dispositions de la loi sur les associations politiques qui autorisent le ministre de l'Intérieur à dissoudre une organisation
en cas d'urgence, de danger à l'ordre public ou en cas de violation flagrante de ces lois. En défendant sa dissolution devant
les tribunaux, le gouvernement a accusé le FIS d'organiser un mouvement de rébellion dans le but de déstabiliser le pays,
d'appeler à la rébellion au sein de l'armée, d'appeler à la guerre sainte (djihad), d'appeler à rejeter les institutions de l'Etat et
d'appeler les pays étrangers à adopter une position contre l'Etat algérien. La Cour suprême du pays a confirmé la dissolution
du FIS le 29 avril 1992. L'état d'urgence de février 1992 était le troisième état d'exception décrété depuis 1988, après l'état de siège de six jours en
octobre 1988 et un état de siège de quatre mois à partir de juin 1991. L'état d'exception actuel est le plus long et le plus dur
pour ce qui est du pouvoir qu'il confère aux autorités dans sa lutte contre la rébellion. En accord avec l'article 4(3) de la Convention internationale sur les droits civils et politiques, le gouvernement a avisé le
secrétaire général des Nations unies qu'il imposait un état d'urgence et qu'il dérogeait aux articles de la convention. Cet avis,
daté du 13 février 1992, stipulait que cette mesure, qui vise essentiellement à rétablir l'ordre public et protéger la sécurité
des individus et la propriété en assurant le fonctionnement normal des institutions et des services publics, n'intervient pas
dans le processus démocratique pour ce qui est de l'exercice des droits fondamentaux et des libertés, qui restent garantis. Le gouvernement a spécifié que les sections de la convention qui constituent une dérogation sont les articles 9(3), 12, 17 et
21. (15) Le décret de l'état d'urgence de 1992 contient un grand nombre des dispositions du décret de l'état de siège de juin 1991,
mais octroie les pouvoirs découlant de l'état d'urgence au ministre de l'Intérieur plutôt qu'à celui de la Défense. Le décret
autorise le ministre à : - ordonner la détention de tout adulte dont il est prouvé que "l'activité est dangereuse à l'ordre public, à la sécurité publique,
ou au bon fonctionnement des services publics" (article 5), - restreindre ou interdire le mouvement des personnes et des véhicules (article 6.1), - interdire la présence ou ordonner l'arrestation de tout adulte dont il est démontré que l'activité est dangereuse pour l'ordre
public ou au fonctionnement des services publics (article 6.4), - ordonner dans des circonstances exceptionnelles des perquisitions de jour ou de nuit (article 6.6), - ordonner la fermeture temporaire des salles de spectacle ou de réunions et interdire toute démonstration susceptible de
mettre en danger l'ordre et la sécurité (article 7), - suspendre ou dissoudre les conseils exécutifs locaux si ces organismes, par leur conduite ou leur déclaration, font
obstruction ou entravent les actions légales des autorités publiques, et nommer des responsables pour assumer leurs
fonctions jusqu'à la tenue de nouvelles élections (article 8). Le décret autorise aussi les tribunaux militaires à juger des civils accusés de crimes contre la sécurité de l'Etat (article 10). En mars 1992, le gouvernement a commencé à utiliser les pouvoirs que lui confère l'état d'urgence pour dissoudre de
nombreux conseils municipaux et assemblées provinciales contrôlés par le FIS, arguant que leur fonctionnement était
entravé par le comportement délibéré de leurs membres, cherchant à contrarier la politique gouvernementale. A la fin de
1992, le gouvernement avait écarté la grande majorité des membres élus au cours des élections de 1990 à des mandats
locaux. Les personnes nommées par le gouvernement pour les remplacer ont fait partie des principaux civils ciblés par les
groupes islamistes armés (voir ci-dessous, la section sur l'assassinat de civils). Tout au long de 1992, le pouvoir le plus largement utilisé dans le cadre de l'état d'urgence a été celui de détention. D'après
le propre décompte du gouvernement, quelque 9.000 sympathisants présumés du FIS auraient été arrêtés et envoyés dans les
camps de détention, la plupart dans le désert. La plupart ont été arrêtés en février et mars 1992. Le processus de détention
n'a tenu aucun compte des droits des détenus à un procès en bonne et due forme. Les détenus n'ont pas été informés des
raisons de leur détention, de sa durée ou des critères déterminant leur mise en liberté. Les détenus se situaient dans un large éventail, comprenant des activistes connus qui avaient été élus ou des sympathisants
présumés arrêtés dans la rue sur la base de leur apparence physique (beaucoup d'islamistes portent la barbe et de larges
tuniques blanches). La grande majorité n'a pas de casier judiciaire et, après leur détention, n'a jamais été accusée ni jugée. Tout en n'étant pas exhaustives - certains activistes connus sont toujours libres - les arrestations étaient clairement des actes
arbitraires et aveugles, dont le but était de paralyser le FIS dans le pays, sans que cela implique nécessairement que les
personnes arrêtées aient trempé dans des actes illicites. La plupart des personnes détenues pendant plusieurs mois ont
affirmé que leur seul crime était d'avoir soutenu un parti politique qui était légal jusqu'en février 1992. Les autorités ont continué à procéder à la détention administrative des islamistes présumés dans des camps du désert dans le
courant de 1993, bien que la pratique de cette mesure ait apparemment décliné. L'information sur les camps reste difficile à
obtenir : le gouvernement a cessé de divulguer périodiquement des chiffres sur la population des camps de détention; il n'a
pas non plus permis aux organisations indépendantes ou aux journalistes de leur rendre visite. La Ligue algérienne pour la
défense des droits de l'homme, indépendante, a affirmé le 28 octobre 1993 avoir reçu des informations indiquant que mille
personnes étaient détenues dans deux camps de détention, Oued Namous et Ain M'guel. (16) PROCES INJUSTES DANS DES TRIBUNAUX SPECIAUX Depuis le mois de février 1993, des tribunaux spécialement constitués en Algérie ont prononcé au moins 368
condamnations à mort, plus d'une centaine de détentions à perpétuité, et plusieurs centaines de peines allant jusqu'à vingt
ans contre des militants islamistes présumés accusés d'être impliqués dans la violence politique à grande échelle qui ravage
le pays. Vingt-six militants présumés ont été exécutés en 1993, dont vingt jugés par les "tribunaux spéciaux", et six par les
tribunaux militaires. C'étaient les premières exécutions en Algérie depuis 1989. Human Rights Watch / Middle East Watch, condamne à la fois les exécutions et les violations des droits des accusés qui se
sont produites systématiquement dans les tribunaux spéciaux. Ceux-ci sont loin de se conformer aux normes
internationalement reconnues de procès équitables, que ce soit dans leurs procédures ou leurs pratiques. Des centaines
d'accusés ont été condamnés à mort ou à la prison à perpétuité dans les procès collectifs qui se concluent parfois en deux ou
trois sessions de pas plus de quelques heures chacune. Middle East Watch s'oppose par principe à la peine de mort. Les exécutions sont particulièrement aberrantes lorsqu'elles se
produisent dans des procès qui ne sont pas conformes aux normes internationales. Les "précautions garantissant la
protection des droits de ceux qui font face à la peine de mort", approuvées en mai 1994, par le conseil économique et social
des Nations unies (résolution 1984/50 de l'ECOSOC), précisent dans l'article 4 : "la peine capitale ne peut être imposée que
lorsque la culpabilité d'une personne accusée est basée sur une preuve claire et convaincante ne laissant aucune place à une
explication alternative des faits." Les précautions exigent également un processus légal donnant toutes les garanties
possibles à un procès équitable, au moins égales à celles qui sont stipulées par l'article 14 de la convention internationale sur
les droits civils et politiques, y compris le droit à l'assistance légale à toutes les étapes de la procédure" (article 5). Ces
directives ont été suivies d'autres résolutions des Nations unies, notamment le congrès des Nations unies sur la prévention
du crime (septembre 1985), ECOSOC 1986/10 (mai 1986) et ECOSOC 1989/64 (mai 1989). Le décret législatif 92-03 établissant les tribunaux spéciaux a doublé les sanctions prévues par le code pénal de l'Algérie
pour des délits comparables, a prévu des peines de prison à perpétuité pour des délits passibles par le passé de dix à vingt
ans de prison, et la peine de mort pour les condamnations à perpétuité. Il ne peut y avoir de recours en appel contre les
verdicts des tribunaux spéciaux sauf pour des motifs de procédure. A ce jour, la cour suprême en Algérie n'a annulé aucune
peine prononcée par les tribunaux spéciaux. Le décret législatif 92-03 facilite les excès au cours des interrogatoires en prolongeant à douze jours le délai de la garde à
vue (détention avec mise au secret aux mains d'enquêteurs des forces de sécurité), dans les cas de "terrorisme" ou de
"subversion". Middle East Watch est opposé à la création d'organismes judiciaires spécialisés avec juridiction limitée lorsque ces
organismes ne fonctionnent pas selon des procédures établies (17) ou ne garantissent pas le droit à un procès en bonne et due
forme, conforme à un minimum de normes internationales établies. Pour ces raisons, nous exhortons les autorités
algériennes à arrêter les procès devant les tribunaux spéciaux et à libérer ou rejuger les personnes jugées par des tribunaux
spéciaux devant des tribunaux qui assurent les garanties nécessaires à un procès équitable. Au cours de l'enquête sur ce sujet, Middle East Watch a voulu se rendre en Algérie pour assister aux procès devant les
tribunaux spéciaux. Cependant, les autorités ont ignoré les nombreuses requêtes présentées dans le courant de 1993 pour
permettre à une délégation de Middle East Watch de se rendre en Algérie. Parce que Middle East Watch s'est vue refuser
l'accès aux procès, elle a préparé ce rapport en se basant sur des interviews d'avocats, de militants des droits de l'homme, de
journalistes et sur des articles de presse. (18)
Les tribunaux spéciaux d'Algérie ont été créés par décret législatif 92-03 du 30 septembre 1992, pour "faire face à la
violence et au terrorisme avec efficacité," selon le président du HCE, Ali Kafi (19). Lorsque ce décret a été proclamé, des
milliers d'islamistes présumés ont été retenus en garde à vue, dont 2.800 dans des camps de détention, sans avoir été
inculpés, selon le semi-officiel Obervatoire national des droits de l'homme (ONDH). La plupart des 2.800 personnes ont été
détenues depuis les arrestations massives de février et de mars 1992. En outre, les autorités ont arrêté de très nombreux
suspects pour des actes de violence politique qui sont devenus quasi-quotidiens, tels les embuscades contre des membres
des forces de sécurité, les actes de sabotage contre la propriété publique, et les attaques occasionnelles contre des civils. Les dispositions du décret législatif visaient principalement à accélerer les procès des prévenus soupçonnés d'avoir participé
ou soutenu la violence politique ou d'infliger des peines dures à ceux qui étaient accusés. Prenant la défense des tribunaux
spéciaux un an après leur création, le ministre de la justice Mohamed Teguia a déclaré aux journalistes que leur objectif
était d'éviter les retards dans le traitement d'affaires qui auraient pris plus d'un an et demi dans les tribunaux ordinaires. Il a
ajouté que plus de 5.000 Algériens étaient actuellement détenus pour des cas de terrorisme. Il n'a pas précisé si ce nombre
prenait en compte à la fois les prévenus dans l'attente d'un procès et les prisonniers déjà jugés. (20) A ce jour, et autant que l'on sache, tous les prévenus déférés devant les tribunaux spéciaux étaient soupçonnés de prendre
part à la résistance islamique. (Une exception possible est le cas de trois rédacteurs qui ont été informés qu'ils ne seront pas
jugés par un tribunal spécial pour avoir publié en janvier 1992, un appel du FIS. L'affaire est toujours sous enquête
judiciaire et n'a pas encore été jugée. Voir ci-dessous.) La création des tribunaux spéciaux s'est accompagnée de l'annonce d'une nouvelle stratégie militaire pour lutter contre la
résistance armée. Le HCE a créé une importante brigade anti-terroriste, composée de policiers, de gendarmes (la police
opérant à l'extérieur des juridictions urbaines) et de personnel de l'armée. Le 5 décembre 1992, un couvre-feu illimité est
entré en vigueur dans les provinces centrales du nord du pays, où vit la majorité de la population, et les forces de sécurité
ont commencé des opérations intensives de ratissage de militants. Quelques 4.000 militants présumés ont été arrêtés dans
les sept mois suivant l'annonce de la création de tribunaux spéciaux et de la brigade anti-terroriste, selon un communiqué de
l'Agence France Presse du 9 mai 1993. Alors que ce rapport était sous presse, le couvre-feu demeurait en vigueur et les
forces de sécurité continuaient à s'en prendre aux bastions islamistes. Jusquà présent, la majorité des condamnés à mort par les tribunaux spéciaux ont été jugé par défaut, et cela en violation de
leur droit (article 14(3)(d) de la convention interna-tionale sur les droits civils et politiques) à ne pas être jugé par défaut.
Alors qu'un prévenu peut renoncer au droit d'être présent à son propre procès, son absence ne peut être considéré comme
une renonciation à ce droit, à moins que le procès à venir ne lui ait été notifié comme il se doit. Middle East Watch s'inquiète de la fréquence des condamnations par défaut, même si un prévenu qui se rend, ou qui est
arrêté, après une condamnation par défaut a le droit à un nouveau procès, selon l'article 326 du code de procédure pénale.
Ces condamnations à mort en vrac, même si la plupart ne sont pas exécutées par la suite, habituent les gens à ce qui devrait
au pire être une sentence exceptionnelle s'appliquant aux délits les plus graves, en accord avec l'article 6 de la convention
internationale des droits civils et politiques. (21)
En outre, il y a des raisons de craindre que les premières condamnations des prévenus par défaut auront une influence
négative sur les seconds procès. Les juges qui président aux deuxièmes procès, que ce soit sous la pression des politiques ou
par respect pour leurs collègues, peuvent hésiter à acquitter des prévenus qui ont déjà été condamnés. Etant donné le
nombre élevé des condamnations par défaut, une forte proportion d'acquittement dans les deuxièmes procès pourrait susciter
des doutes sur l'équité des premièrs procès. En outre, la faiblesse des garanties de procédures devant les tribunaux spéciaux
semblent rendre les deuxièmes procès beaucoup plus sensibles aux pressions. DECRET LEGISLATIF 92-03 Le décret législatif 92-03 "relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme" est daté du 30 septembre 1992 et a été
rendu public le 4 octobre 1992. Outre l'établissement des procédures des tribunaux spéciaux, le décret établit les peines pour
les crimes de "terrorisme" et de "subversion" qu'il définit (voir ci-dessous). Aucun tribunal d'exception n'avait officiellement été mis en place depuis l'abolition des Cours de sûreté de l'Etat, mesure
annoncée à l'époque comme étant une importante réforme. Cependant les tribunaux militaires ont fonctionné de facto
comme des tribunaux d'exception depuis 1991, afin de juger un grand nombre d'islamistes pour des délits à motivation
politique, violents et non-violents (22)
. Comme les tribunaux spéciaux, les tribunaux militaires offrent aux prévenus moins de
garanties de procédure pour un procès équitable et moins de possibilités de faire appel que dans les tribunaux ordinaires. Le décret législatif 92-03 a spécifié que le pouvoir conféré au HCE pour la création de tribunaux provient des pouvoirs
législatifs qu'il s'est lui même attribué dans une déclaration le 14 avril 1992. (L'Assemblée nationale a été dissoute en
janvier 1992 par décret présidentiel, une semaine avant que le président lui-même soit forcé de démissionner.) Le décret a défini trois juridictions pour les tribunaux spéciaux, basées dans les plus grandes villes d'Algérie : la capitale,
Oran à l'Ouest, et Constantine à l'Est (23). La Cour est composée de cinq magistrats, un président et cinq assesseurs,
conformément à l'article 12. Les juges sont nommés par décrets présidentiels classifiés sur la base de nomination du ministère de la Justice. Le décret
législatif 92-03 ne précise pas les qualifications professionnelles nécessaires pour être nommé à un tribunal spécial, ou les
directives pour la composition du tribunal. Les tribunaux spéciaux n'ont pas de jury composé de citoyens ordinaires, comme
c'est le cas pour les tribunaux militaires en Algérie (24). Selon les avocats, les juges qui ont eu une fonction au sein des
tribunaux spéciaux ont, jusqu'à présent, été pris au sein du corps des magistrats civils en Algérie. Lorsque le décret 92-03 a été promulgé, les observateurs, notamment les deux organisatons des droits de l'homme en
Algérie, ont exprimé leurs inquiétudes sur les dispositions de ce décret qui constituent une réelle menace pour les droits de
l'homme. Abdennour Ali Yahia, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), a
déclaré que le décret "constituait une violation de la Constitution ainsi que des conventions et des pactes internationaux que
l'Algérie a ratifié". Le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), moins franche que la LADDH, a
estimé que le décret est "fondamentalement répréhensible" bien qu'il ait ajouté en excuse que "c'est une mesure
exceptionnelle qui répond à une situation exceptionnelle." (25)
Les inquiétudes concernant les droits de l'homme sont suscitées par les cinq premiers articles du décret qui définit "l'action
subversive ou terroriste" d'une manière très vaste et imprécise qui pourrait comprendre une série d'actions non-violentes y
compris le discours et l'association. L'article 1 précise : Un acte subversif ou terroriste tel que prévu par le décret législatif actuel est constitué par tout délit dirigé contre la sécurité
de l'Etat, l'intégrité territoriale, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions à travers toute action dont le but est
de : - semer la terreur parmi la population et créer un climat d'insécurité en causant du tort aux personnes ou en mettant leur vie,
leur liberté ou leur sécurité en danger, ou en causant des dégâts à leur propriété, - faire obstruction à la circulation ou à la liberté de mouvement dans les lieux de passage public, - causer des dégâts à l'environnement, aux moyens de communication ou de transport, à la propriété publique ou privée ; en
prendre possession ou les occuper d'une manière indue, profaner les tombes ou attaquer les symboles de la République, - faire obstruction aux actions des autorités publiques, ou au libre exercice du culte et des libertés publiques, ou au
fonctionnement des établissement qui font partie des services publics, - faire obstruction au fonctionnement des institutions publiques ou nuire à la vie ou à la propriété de leurs agents, ou
entraver l'application des lois et règlementations. L'article 2 comprend dans la définition "d'actes subversifs ou terroristes" tous les délits définis dans les articles suivants.
L'article 3 punit l'association avec des groupes "subversifs ou terrorites" par des peines à perpétuité pour les fondateurs et
leaders de ces groupes et des peines de dix à vingt ans de prison pour y avoir adhéré ou participé. Un amendement à ce
décret le 7 avril 1993, rattache le délit de création de groupes "terroristes" à la juridiction des tribunaux spéciaux. A ce jour, le HCE n'a pas publié les noms de toutes les organisations qui tombent sous le coup du décret. En théorie,
l'adhésion au FIS, que le gouvernement considère terroriste (26)
, peut constituer un motif pour une peine de vingt ans.
Cependant, les avocats interviewés par Middle East Watch ne connaissaient aucun cas de condamnation par le tribunal
spécial d'un prévenu en vertu de l'article 3 sur la base de son appartenance au FIS. Les articles 4 et 5 contiennent les dispositions les plus inquiétantes en définissant la "subversion" et le "terrorisme", donnant
aux autorités une vaste latitude de poursuivre ceux qui sont accusés de soutien verbal. L'article 4 précise : - Toute personne prônant ou encourageant par quelque moyen que ce soit des actes définis dans l'article 1 est passible d'une
peine de prison de cinq à dix ans et d'une amende de 10.000 à 500.000 dinars algériens. (450 à 23.000 dollars au taux de
change officiel). Le décret législatif 92-03 ne renferme aucune définition de ce qu'il appelle prôner ou encourager, et peut facilement
comprendre la couverture médiatique, un commentaire ou un sermon critiquant le gouvernement. L'article 4 ne limite pas le
délit au discours prononcé en public, et on peut également invoquer le discours ou la correspondance privée. L'article 5 vise les discours écrits et enregistrés. Il déclare : - Toute personne qui, en connaissance de cause, reproduit ou distribue des documents, des publications ou des
enregistrements prônant des actes mentionnés par l'article 1 sera passible d'une peine de cinq à dix ans de prison et d'une
amende de 10.000 à 500.000 dinars algériens. A ce jour, de nombreux prévenus ont été condamnés en vertu de l'article 5 pour avoir fabriqué et distribué des tracts
clandestins. Mais les craintes de voir les articles 4 ou 5 utilisés pour des poursuites contre des journalistes ne se sont pas
concrétisées. La seule affaire impliquant des journalistes qui ait été portée à l'attention de Middle East Watch est celle des
trois rédacteurs du quotidien arable El-Khabar qui ont été informés en juin 1993 d'un procès à leur encontre datant de 1992,
avec des accusations tombant sous le coup du code pénal et du code d'information algériens. Cette affaire concerne la
publication le 22 janvier 1992 par El-Khabar d'un appel aux soldats lancé par un responsable du FIS, les incitant à désobéir
aux ordres de mater les manifestations contre l'annulation des élections. Les trois rédacteurs sont libres sous caution (voir
section ci-dessous sur la presse). Le décret législatif 92-03 donne également aux tribunaux spéciaux une compétence pour traiter les affaires de mineurs âgés
de seize ans ou plus (article 38) Les tribunaux peuvent imposer des peines de mort aux mineurs, tout en étant tenus de se
conformer à l'article 50 du code de procédure pénale qui stipule qu'un mineur condamné à la peine de mort ne sera pas
exécuté mais purgera une peine de prison de dix à vingt ans. VIOLATIONS DU DROIT DURANT LA DETENTION L'extension du délai de garde à vue à douze jours (article 22) est l'une des dispositions inquiétantes du décret législatif 92-03. Ce qui est encore plus inquiétant est que ce délai incroyablement long a été souvent dépassé dans des affaires
impliquant des militants islamistes présumés. Les avocats de la défense interviewés par Middle East Watch ont déclaré que
les suspects étaient souvent placés en garde à vue pendant trois semaines et parfois pendant deux mois (27). La pratique de
détention avec mise au secret pour de longues périodes au cours d'interrogatoires a facilité la propagation de la torture et les
mauvais traitements dans les centres de détention en Algérie. En imposant une limite légale à la durée de la détention avec mise au secret, la période initiale durant laquelle le prévenu est
entre les mains de la police ou des forces de sécurité, et où il sera probablement soumis à un interrogatoire, est susceptible
de limiter les excès, et ce pour plusieurs raisons. C'est pendant cette première période d'interrogatoire que la possibilité
d'abus s'est toujours avérée être la plus forte dans beaucoup de pays, et notamment l'Algérie. Par conséquent, réduire la
limite autorisée pour une telle détention diminue la possibilité d'abus et permet que les traces de violence n'aient pas disparu
lorsque la victime rencontre le juge, ses parents, un avocat ou un médecin. Bien que les normes internationales ne donnent pas de durée pour la détention en garde à vue, les instruments traitant cette
question précisent clairement que le délai maximum est considérablement plus court que les douze jours autorisés par le
décret législatif 92-03 (28)
. Le délai de douze jours ne peut être justifié sur la base de la dérogation, annoncée par l'Algérie au
moment de la déclaration de l'état d'urgence, à l'article 9(3), entre autres, de la convention internationale sur les droits civils
et politiques (voir ci-dessus). (29)
Avant même que le décret législatif 92-03 n'entre en vigueur, la torture et le mauvais traitement des militants islamistes
présumés durant la période de garde à vue sont devenus monnaie courante en Algérie, comme l'a observé Middle East
Watch durant sa mission de 1992 (30)
. Les abus se produisent lorsque les prévenus sont détenus et mis au secret par les
forces de sécurité et interrogés dans le but de fournir des informations ou de signer des aveux. Les avocats ont déclaré à
Middle East Watch que quand ils ont rempli des motions de la part de leurs clients pour protester contre la prolongation
illégale de la garde à vue, les juges ont rarement répondu par une enquête sérieus e. Les avocats ont ajouté que, dans
certains cas, la police a falsifié la date réelle de l'arrestation pour déguiser le fait qu'elle avait détenu le suspect au delà de la
limite légale. Bien que n'ayant pas été autorisée à se rendre en Algérie en 1993, Middle East Watch a continué à recevoir des rapports
d'avocats dans le domaine des droits de l'homme, de médecins et autres laissant penser que ce mode de torture a continué en
1993. Ces rapports font état de coups violents et décrivent des modes de torture : interrogateur battant les prévenus avec des
chiffons mouillés placés sur leur visage, utilisation de chocs électriques ainsi que d'autres instruments de torture (31)
. Le Code de Procédure Pénale algérien limite la détention en garde à vue à 48 heures mais permet son renouvellement pour
48 heures dans des conditions spécifiques (Article 65). Dans les cas impliquant des délits contre la sécurité de l'Etat, la
période initiale ainsi que la prolongation autorisée a doublé. Si la police souhaite prolonger la détention, elle doit déférer le
détenu avant l'expiration de la période initiale devant le procureur de la République. Après une audition, le procureur de la
République peut autoriser par écrit une prolongation de la garde à vue de la même durée que la période initiale. Dans des
circonstances exceptionnelles, le procureur de la République peut établir la prolongation sans audition. L'article 18 du décret législatif 92-03 déclare que les dispositions du code de procédure pénale s'appliqueront aux
procédures des tribunaux spéciaux avant le procès, sauf indication contraire. Donc les prévenus, à l'issue de leur détention
en garde à vue, sont déférés devant un juge d'instruction qui examine les preuves, interroge le suspect sur sa déclaration à la
police et établit un procès-verbal. Les avocats de la défense ont déclaré à Middle East Watch que les garanties contre les méthodes coercitives utilisées pour
extorquer des aveux ne fonctionnent pas devant les tribunaux spéciaux. Selon le code de procédure pénale, les prévenus ont
droit à un avocat lorsqu'ils sont déférés devant le juge d'instruction après une garde à vue. Durant cette phase du processus
judiciaire, ils ont le droit de nier les aveux faits à la police et noter toute violation en matière de procédure. En outre, l'article 51 du code de procédure pénale stipule qu'à la fin de la garde à vue un examen médical du détenu doit être
pratiqué, si lui, son conseil ou sa famille le demande. Cet examen sera effectué par un médecin qui sera choisi par le
prévenu. Le détenu doit être informé de son droit par le juge d'instruction. Tout prévenu qui pense avoir été victime d'un
abus peut déposer une plainte formelle devant le juge d'instruction (article 72). Le code pénal prévoit de sanctionner les
officiers de police ayant violé les droits des détenus en garde à vue (article 110 et 110 bis). Les avocats ont déclaré à Middle East Watch que les prévenus jugés devant les tribunaux spéciaux comparaissent souvent
devant les juges d'instruction sans la présence de leur avocat. Ces derniers ne sont simplement pas informés des auditions et
ne reçoivent pas de notification écrite de l'audition avant qu'elle ne se produise réellement. Les avocats ont déclaré à
Middle East Watch que les juges d'instruction n'informent souvent pas les prévenus de leur droit à un examen médical.
Lorsque les prévenus exigent d'être examinés par un médecin, leur demande est souvent ignorée et n'est pas inscrite dans le
dossier. Ensuite, lorsque les prévenus affirment, durant leur procès, que leurs aveux ont été arrachés sous la torture, les
juges refusent souvent de prendre en compte leurs allégations en avançant qu'il fallait soulever cette question devant le juge
d'instruction. En outre, au moment où le procès débute, les traces de violence physique, encore apparentes peu de temps
après la garde à vue, peuvent ne plus être visibles. Les avocats de la défense ont déclaré à Middle East Watch qu'ils ne connaissent aucune affaire où un juge d'un tribunal
spécial a ordonné un examen médical ou explicitement invalidé une confession pour cause d'irrégularité ou de violence en
garde à vue. Les juges ont parfois permis aux prévenus de donner des détails sur leurs allégations devant la cour, mais n'ont
pas agi en conséquence. (Cependant, comme l'a affirmé l'un des avocats, les allégations de violence auraient pu persuader
les juges d'acquitter les prévenus dans certaines affaires, mais puisque les sentences sont prononcées sans opinion écrite, il
n'est pas possible de le vérifier). Le manquement des tribunaux spéciaux à vérifier que les allégations des prévenus selon lesquelles leurs aveux ont été
extraits sous la torture est une violation claire des obligations internationales de l'Algérie. L'article 14(3)(g) de l'ICCPR
garantit que l'accusé ne sera pas obligé de témoigner contre lui-même ou de confesser sa culpabilité." L'article 15 de la
convention des Nations unies contre la torture et d'autres traitements ou sanctions à caractère inhumain ou dégradant, que
l'Algérie a ratifiée en 1989, souligne que : - Chaque Etat qui est partie prenante dans une affaire s'assurera que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été extraite
par la torture ne sera pas citée comme preuve dans les procès, sauf contre la personne accusée de torture. L'article 13 de la convention contre la torture impose à l'Etat le devoir de "s'assurer que tout individu qui prétend avoir été
soumis à la torture dans un territoire placé sous sa juridiction jouit du droit de porter plainte et de voir son cas rapidement et
impartialement examiné par les autorités compétentes." PROCES PAR DES JUGES ANONYMES Le décret législatif 92-03 soulève de nombreuses questions sur la responsabilité des juges dans les tribunaux spéciaux.
L'article 17 stipule que l'identité du président et des juges dans les tribunaux spéciaux sera gardée secrète sous réserve
d'une peine allant jusqu'à cinq ans. L'Algérie n'est pas le premier pays à déférer les cas de "terrorisme" devant des juges anonymes pour les protéger de
représailles violentes. Le gouvernement du Pérou a, par exemple, mis en place un système de tribunaux "sans visage" en
1993. L'anonymat du juge rend difficile la vérification de ses compétences professionnelles et la mise à jour de potentiels
conflits d'intérêts qui disqualifieraient le juge. Ceci peut se produire sous la forme d'une relation entre le juge et le prévenu,
le procureur ou toute autre personne à qui le prévenu aurait nui. L'exigence du secret met en danger le droit des prévenus à
être jugés par un "tribunal compétent, indépendant et impartial", comme le garantit l'article 14(1) de la convention
internationale sur les droits civils et politiques. L'article 35 du décret législatif 92-03 stipule que lorsque la Cour suprême annule un verdict du tribunal spécial, le cas doit
être rejugé devant un tribunal spécial composé de juges différents de ceux qui ont à l'origine jugé l'affaire. Cependant si
l'identité des juges demeure secrète, il est impossible de démontrer que le nouveau tribunal a une composition différente. Ce
problème reste cependant fictif, puisque la Cour suprême n'a encore jamais cassé la sentence d'un tribunal spécial. ACCES LIMITE AUX SALLES D'AUDIENCE Le décret législatif 92-03 prévoit que, bien que les séances des tribunaux spéciaux soient normalement publiques, le juge
peut décider d'auditionner la totalité ou une partie du procès à huis clos (article 32). L'article 14(1) du ICCPR permet
d'exclure la presse et le public des procès dans certaines circonstances exceptionnelles. Cependant le décret ne précise pas
quels sont les critères qui déterminent l'exception. Cette large discrétion accordée au tribunal est troublante puisque la
transparence est un moyen important pour assurer un procès équitable. Les avocats et les journalistes algériens ont déclaré à Middle East Watch que les journalistes ont généralement été autorisés
à assister aux procès des tribunaux spéciaux. A quelques exceptions près, à la fois les journalistes étrangers et Algériens,
notamment ceux des journaux indépendants, ont été autorisés à pénétrer dans l'enceinte des tribunaux. Cependant, les
familles des détenus ont rencontré plus de contraintes ; elles ont été exclues à plusieurs reprises. En dépit de la possibilité d'accès de la presse, la couverture médiatique des procès est limitée par les dispositions du code de
l'information algérien et du code pénal, qui prévoient des peines de prison en cas de manquement au respect dû au pouvoir
judiciaire ou aux sentences prononcées par les tribunaux (voir ci-dessous la section sur la presse). Par exemple, en octobre,
le rédacteur du quotidien francophone El-Watan a été condamné sur cette base à un an de prison pour avoir écrit un article
décrivant la colère du public devant l'acquittement d'un poseur de bombe présumé (voir section sur la liberté de la presse.)
Au même moment, les journaux algériens et les agences de presse étrangères ont pu faire état des allégations de torture que
beaucoup de prévenus avaient avancé durant les procès. RETROACTIVITE DE LA JURIDICTION DES TRIBUNAUX SPECIAUX Le décret législatif 92-03 donne compétence aux tribunaux spéciaux pour les délits commis avant leur création. L'article 42
du décret autorise le procureur du tribunal spécial à leur transférer tous les cas instruits ou en procès devant les tribunaux
ordinaires, lorsqu'ils impliquent des délits qui tombent sous le coup du décret. Les tribunaux spéciaux ont déjà jugé des cas
remontant à 1990, et ont prononcé de nombreuses peines de mort pour des délits commis avant la promulgation du décret et
avant l'instauration de l'état d'urgence. Cependant, les avocats ont précisé à Middle East Watch que bien que les tribunaux spéciaux appliquent la rétroactivité
prévue par le décret, ils n'ont jugé que des délits tombant sous le coup de la loi au moment où ils ont été commis, et n'ont
prononcé que des attendus qui auraient été prononcés à l'époque. Ainsi, selon ces avocats, il y a eu rétroactivité de
procédure mais pas de délit ou de sanctions (32) . Les normes juridiques internationales interdisent plus explicitement la
rétroactivité de la sanction ou du délit que celle de la procédure. (Voir pour exemple l'article 15 du ICCPR). Néanmoins
l'intention qui sous-tend le principe de non-rétroactivité est bafouée lorsque les prévenus se retrouvent dans des procès qui
les privent de nombreuses mesures procédurières de protection que les tribunaux assuraient à l'époque où le délit a été
commis. RESTRICTION DU DROIT A FAIRE APPEL Les tribunaux spéciaux limitent le droit de faire appel. Après la prononciation des verdicts et des sentences par le juge du
procès, la seule voie d'appel des prévenus consiste à présenter une demande à la Cour suprême pour casser le verdict (article
352). La Cour suprême ne peut acquitter un prévenu ; elle peut seulement casser le verdict et renvoyer l'affaire devant un
tribunal spécial composé de juges différent. La Cour suprême ne peut réexaminer les faits d'un procès ou décider de la
compétence des tribunaux spéciaux à auditionner un procès en première instance. Elle peut uniquement revoir les aspects de
procédure de ce procès. Alors que cette procédure s'applique pour les procès devant les tribunaux ordinaires algériens, l'absence d'un recours
possible à l'appel contre le verdict ou les sentences prononcés par les tribunaux spéciaux est particulièrement troublant à
cause de la fréquence avec laquelle ces tribunaux ont prononcé des peines de prison à perpétuité ou des condamnations à
mort. A ce jour, la Cour suprême n'a cassé aucune des centaines de condamnations prononcées par les tribunaux spéciaux, selon
les avocats interviewés par Middle East Watch. La Cour suprême n'a pas non plus fourni d'explication écrite pour
accompagner ses décisions sur les appels suite à des verdicts de tribunaux spéciaux. Alors que les appels sont limités, les prévenus peuvent demander la grâce de l'exécutif. Le président du HCE, qui est en fait
le chef de l'Etat, a réduit les peines de certains prévenus ayant comparu devant des tribunaux spéciaux et transformé en
prison à perpétuité certaines condamnations à mort. Cette option cependant ne peut compenser les restrictions aux droits des
prévenus de faire appel. Il est un autre domaine où le droit est inférieur dans les tribunaux spéciaux par rapport aux tribunaux ordinaires. Après
l'instruction et avant le procès, les affaires en Algérie sont réexaminées et les accusations formelles ratifiées par un
organisme de supervision. Alors qu'il est possible de faire appel des décisions de la chambre d'accusation devant les
tribunaux ordinaires auprès de la Cour suprême (article 495 (a) du code de procédure pénale), les décisions de la chambre
de contrôle des tribunaux spéciaux ne peuvent être renvoyées en appel, sauf dans le cadre du pourvoi général du procès en
appel après la conclusion du procès (article 28 du décret). LES ECHEANCES DES PROCES Tout en prolongeant la période de détention en garde à vue, le décret législatif 92-03 accélère le reste de la procédure
judiciaire en imposant des limites spécifiques aux différentes étapes. Les tribunaux spéciaux ont été conçus pour éviter les
retards dans les cas qui pourraient s'éterniser devant les tribunaux ordinaires, comme l'a ouvertement reconnu le ministre de
la Justice. L'article 14 du ICCPR garantit au suspect le droit à un procès à la fois rapide (33) et "juste". Mais la rapidité ne doit pas être
réalisée aux dépens de l'équité. Les délais imposés sur des affaires portées devant les tribunaux spéciaux suscitent des
inquiétudes sur leur capacité à faire un effort ferme et impartial pour rechercher la vérité. Ceci est particulièrement vrai des
différents procès qui se sont tenus devant les tribunaux spéciaux impliquant des groupes de quinze prévenus et plus. Il est
peu probable qu'un tribunal puisse déterminer équitablement la culpabilié ou l'innocence d'un grand nombre d'individus
dans des délais aussi brefs, surtout quand - et c'est souvent le cas - les aveux constituent les principales preuves du procès et
lorsqu'ils ont été reniés par les accusés. Pour assurer un procès équitable, le tribunal doit arrêter les procès après un tel
désaveu et mener une enquête impartiale pour s'assurer que les prévenus ont fait leurs déclarations de leur plein gré durant
l'instruction, et si leur droit à bénéficier des services d'un avocat et à demander un examen médical a été respecté par le juge
d'instruction. Les délais établis par le décret sont : trois mois pour l'enquête (article 26), un mois pour la chambre de contrôle qui
réexamine l'enquête et élabore le dernier procès-verbal (article 27), un mois pour les tribunaux qui prononcent leur sentence
(article 29), et deux mois pour la Cour suprême qui se prononce sur l'appel (article 35). En pratique, la phase du procès est souvent achevée beaucoup plus rapidement, après deux ou trois sessions ne durant pas
plus d'une heure chacune, même lorsque de nombreux prévenus sont impliqués. Le tout premier procès devant un tribunal spécial s'est déroulé à Oran, et a prononcé cinq condamnations à mort, trois
peines de cinq ans et quatre acquittements. Le procès n'a duré que deux jours, malgré la contestation des charges par les
accusés qui ont affirmé que leurs aveux avaient été extrorqués sous la torture (34)
. Ils étaient accusés de conspiration contre
la sécurité de l'Etat, d'assassinat d'un gendarme et d'un policier, et de tentative d'assassinat d'autres membres des forces de
sécurité. VIOLATIONS DU DROIT DE LA DEFENSE Les protestations des avocats de la défense sur la conduite des procès des tribunaux spéciaux ont débuté dès que la cour
spéciale d'Alger est entrée en fonction en mars 1993. Les avocats représentant le groupe "Emir Noh", le premier groupe
d'accusés à être jugé par ce tribunal, se sont retirés trois fois du procès (voir ci-dessous). Le mécontentement des avocats de
la défense s'est transformé en boycott massif des tribunaux spéciaux après l'annonce, le 7 avril, d'un amendement du décret
législatif 92-03 donnant aux tribunaux un pouvoir considérable sur les avocats. Cet amendement étant nécessaire, selon le
porte-parole du gouvernement, parce que certains avocats de la défense faisaient obstruction aux procès en utilisant les
"techniques de retard". Selon le porte-parole, cet amendement permettrait aux tribunaux spéciaux de remplir efficacement
leur mission. (35) Cet amendement prévoit que tous les avocats de la défense doivent être approuvés par le tribunal spécial. Il a également
élargi les pouvoirs du président de la Cour, comme le précise l'article 31 du décret législatif 92-03, permettant au président
d'expulser n'importe quelle partie de la salle d'audience, temporairement ou de manière permanente, "en cas de troubles". En
outre, l'amendement prévoit que toute infraction aux obligations professionnelles par un avocat de la défense pourrait
aboutir à une expulsion temporaire ou permanente de la salle d'audience, ou la radiation du barreau pour une période allant
de trois mois à un an. L'Organisation nationale des avocats (ONAA) a demandé au gouverment d'abroger les dispositions de l'amendement en
raison du "dangereux précédent" qu'elles constituent pour la profession juridique. Le 7 mai, les avocats de la ville orientale
d'Annaba ont annoncé un boycott des tribunaux spéciaux. Au cours des jours suivants, les barreaux de Constantine, d'Alger
et de la plupart des autres grandes villes ont annoncé des boycotts. Les procès déjà commencés, comme celui de "l'aéroport"
(voir ci-dessous), ont continué en l'abscence de ceux qui étaient à l'origine les avocats de la défense, et de leurs remplaçants
nommés par le tribunal, qui ont eux aussi décidé de suivre le boycott. Le boycott a pris fin vers la mi-mai à la suite de réunions entre les représentants du barreau et du ministre de la Justice. Bien
qu'aucun n'accord n'ait été confirmé par les responsables, le ministre de la Justice aurait promis que les dispositions de
l'amendement ne seraient pas appliqués si les avocats acceptaient de mettre un terme à leur boycott des tribunaux spéciaux.
Les autorités ont nié avoir passé un tel accord (36). Cependant, selon les avocats de la défense, les tribunaux ont en grande
partie refusé d'user des pouvoirs que leur octroyait l'amendement. De nombreux avocats qui avaient été temporairement
suspendus pour avoir pris part au boycott ont repris leur travail. Un certain nombre d'avocats refusent toujours de plaider devant les tribunaux spéciaux, qui n'offrent toujours pas, selon
eux, aux accusés des garanties de procès équitables. Les avocats affiliés à la Ligue algérienne de défense des droits de
l'homme (LADDH) par exemple ont refusé pour ces motifs de plaider devant les tribunaux spéciaux. Les pouvoirs octroyés au président du tribunal spécial par l'amendement du décret constituent une violation des normes
internationales. Par exemple, les principes de base des Nations unies concernant le rôle des avocats stipulent dans l'article
19 : - Qu'aucun tribunal ou autorité administrative devant laquelle le droit à un conseil est reconnu ne refusera de reconnaître le
droit d'un avocat à apparaître devant ce tribunal pour le compte de son client, à moins que cet avocat n'ait été disqualifié
conformément à la loi et à la pratique nationale et conformément à ces principes. Cette stipulation est réaffirmée par le projet de déclaration des Nations unies sur l'indépendance et l'impartialité du
judiciaire, des jurés et des assesseurs et l'indépendance des avocats. Le projet de déclaration exige que l'exclusion, la
suspension, la disqualification ou la radiation d'un avocat soit soumise à un examen judiciaire indépendant (article 86). Il
précise également que si un procès est entamé contre un avocat pour manquement au respect dû à une cour, aucune sanction
ne peut être imposée par un juge qui a participé au procès ayant donné lieu aux accusations contre l'avocat, mais le ou les
juges concernés peuvent suspendre le c procès et refuser de poursuivre l'audience (article 88). JUGEMENT DU GROUPE "EMIR NOH" Le jugement d'Allam Abdennour, leader militant islamiste connu sous le nom d'"Emir Noh", et de cinquante co-prévenus
illustre certaines des violations commises par les tribunaux spéciaux. Le procès a commencé le 3 mars 1993. Les prévenus, dont certains étaient en garde à vue depuis 1990, étaient accusés entre
autres d'avoir dynamité des immeubles, tué un gendarme, été en possession illégale d'armes à feu, volé des explosifs et
constitué des groupes armés. Onze des prévenus ont été jugés par défaut. Durant le procès, les avocats de la défense se sont retirés trois fois pour protester contre les violations du droit. Le premier
retrait a fait suite à l'annonce selon laquelle le procès se tiendrait à huis-clos. Lorsque la session a repris quelques jours plus
tard, les avocats de la défense se sont plaints d'avoir reçu certains dossiers un jour avant le procès, et de s'être vu refuser le
droit de voir leurs clients. Ils ont également protesté contre le manquement de la cour à enregistrer les objections sus-mentionnées avant la lecture des charges retenues contre les prévenus. Ces violations de procédure ont incité les avocats à
se retirer une deuxième fois. (37) Les avocats de la défense se sont retirés une troisième fois après que de nombreux prévenus aient été blessés dans ce que
les gendarmes ont décrit comme étant des troubles provoqués lors du transport des prisonners entre le tribunal et la prison. Les avocats sont retournés au tribunal à la suite d'un ordre de la cour, mais se sont rétractés peu après, dans un geste de
solidarité avec un avocat qui s'est retiré après un échange enflammé avec un juge sur un point de procédure. Le juge a
continué le procès en l'absence des avocats de la défense, bien que ces derniers soient retournés par la suite au procès. Allam a nié toutes les accusations portées contre lui et a contesté ses propres aveux. Le juge a rejeté sa protestation, sous
prétexte qu'il ne l'avait pas soulevée plus tôt. Le 20 mars, le verdict a été prononcé : neuf peines de mort, dont trois par défaut, deux condamnation à perpétuité, deux
peines de quinze ans, de nombreuses peines de prison plus courtes et un acquittement. Le 11 octobre, il a été annoncé que la
Cour suprême avait confirmé sept condamnations à mort. Le 11 octobre, sept des accusés ont été exécutés. LE PROCES DE L'AEROPORT Le procès le plus médiatique jugé par un tribunal spécial jusqu'à ce jour est celui des cinquante-cinq prévenus accusés
d'avoir participé à l'attentat à la bombe contre l'aéroport international de Houari Boumediene, à Alger, le 26 août 1992. La
bombe a tué neuf personnes et en a blessé plus d'une centaine. Le procès s'est ouvert devant le tribunal spécial d'Alger le 6 mai, avec 26 personnes jugées par défaut. En plus des charges
portant sur l'explosion de la bombe, les prévenus étaient accusés d'avoir incité les citoyens à prendre les armes contre les
autorités et dirigé des gangs armés, de vol aggravé et de possession ou de mise en circulation de cassettes provocantes. Les avocats de la défense ont avancé, au début du procès, que le parquet avait mélangé plusieurs affaires sans aucun lien
entre elles dans le même procès. Le tribunal a convenu de séparer le procès d'Ali Zouita, avocat et élu parlementaire du FIS,
et de trois autres co-prévenus. Cependant, le tribunal a refusé de séparer les cas de Rabah Kébir, le porte-parole du FIS en
exil, et des trois fils d'Abassi Madani, le leader emprisonné du FIS. Tous les quatre ont été jugés par défaut et condamnés à
mort. L'un des fils de Madani a été arrêté aux alentours du 1er septembre, en Algérie même, et doit être jugé sous peu. Avant le jugement, tous les prévenus présents ont nié les aveux faits à la police. Beaucoup ont décrit en détail la torture
qu'ils affirment avoir subie durant l'interrogatoire. L'un des principaux prévenus, Saïd Soussene, le vice-président élu d'un
conseil municipal d'Alger, a prétendu avoir été arrêté six jours avant l'attentat et détenu par la police pendant cinquante-cinq
jours. Il a affirmé que la torture l'a poussé "à dire n'importe quoi pour échapper à la violence." La date de son arrestation
serait absente de son dossier. Le 1er octobre 1992, sept mois avant le procès, Soussene et trois des autres principaux prévenus dans l'affaire, Hocine
Abderrahim, Rachid Hechaichi et Mohammed Rouabhi sont apparus à la télévision d'Etat en confessant être les instigateurs
de l'attentat de l'aéroport. Leurs aveux ont été diffusés le jour même où le gouvernement annonçait leur arrestation dans le
cadre de l'enquête sur l'attentat, qui a duré cinq semaines. La diffusion de leurs aveux dans ce cas très grave constitue une
violation de leur droit à être présumé innocent, un droit garanti par la Constitution algérienne ainsi que par l'article 14(2) de
la Convention internationale sur les droits civils et politiques. Au cours du procès même, Soussene et les trois autres ont renié leurs aveux, affirmant qu'ils avaient été extraits sous la
torture. Un autre chef présumé, Mohamed Imat, a affirmé que la police l'avait menacé de représailles s'il se rétractait devant
les juges. Les téléspectateurs des aveux d'octobre 1992 ont remarqué des bleus sur la tête de Hocine Abderrahim. Au cours du procès,
le procureur a refusé de les prendre en compte, prétextant que ces bleus étaient le résultat d'une tentative de suicide par
Abderrahim lorsqu'il a découvert qu'il était filmé. Un autre prévenu a affirmé que la police avait "détruit" ses organes
génitaux durant trente-trois jours de torture. Seul un des prévenus, Mansouri Meliani, a reconnu durant le procès, avoir
participé à la résistance armée, mais a nié tout rôle dans l'attentat de l'aéroport. Meliani, Imat et les quatre hommes dont les
aveux ont été télévisés appartiennent au groupe des condamnés à mort exécutés le 31 août. Le parquet a avancé peu de preuves en dehors des aveux des prévenus. La défense a demandé que les confessions ne soient
pas prises en compte parce qu'elles auraient été extraites sous la torture. Le juge a répondu que de telles allégations auraient
dû être mentionnées devant le juge d'instruction. Certains des avocats de la défense ont affirmé que cela avait été fait, mais
que le juge d'instruction n'avait pas donné suite à leurs plaintes. En définitive, le juge a refusé les demandes de la défense
réclamant les examens médicaux des prévenus. Pendant certaines parties du procès, qui a duré trois semaines, les prévenus étaient absents. Le 11 mai, les avocats de la
défense se sont retirés lorsque l'Association du barreau algérien a décider de boycotter les tribunaux spéciaux pour protester
contre l'amendement au décret législatif 92-03. Le procès s'est poursuivi, mais c'est le juge qui lisait à la cour les
déclarations des prévenus à la police et aux juges d'instruction. Dans son réquisitoire, le procureur a requis la peine de mort pour quinze prévenus. Le 26 mai, la cour a prononcé trente-huit
peines de mort, dont vingt-six par défaut. La plupart étaient accusés de participation indirecte à l'attentat ou de délits tels
que l'incitation à prendre les armes contre les autorités et l'adhésion à des groupes armés. Le reste des prévenus a été
condamné à des peines de un à vingt ans de prison et seulement trois ont été acquittés. Sept des personnes condamnées à
mort ont été exécutées le 31 août, les peines de mort prononcées à l'encontre des autres ayant été commuées par le président
du HCE. LIBERTE DE LA PRESSE LIMITEE La presse algérienne, considérée il y a trois ans seulement comme l'une des plus libres du monde arabe, est sous état de
siège depuis le coup d'Etat de 1992. Durant les dernières années, la pression est non seulement venue du régime mais
également de ceux qui cherchent à le renverser. Le gouvernement a fortement limité la possibilité pour les média locaux et étrangers d'assurer une couverture indépendante
de l'actualité brûlante : la violence politique ravageant le pays. Pour cela, il a suspendu des journaux, intimidé et poursuivi
des journalistes et a exploité son contrôle des entreprises du secteur public dont dépendent pratiquement tous les média : les
imprimeries, les agences de distribution, les fournisseurs de papier, les annonceurs et les banques d'Etat qui octroient les
crédits. Par ailleurs, sept journalistes ont été assassinés depuis mai 1993 dans des attaques que beaucoup estiment être l'oeuvre des
groupes islamiques armés. Bien que la responsabilité d'aucune des attaques n'ait jamais été explicitement revendiquée, des
groupes non-identifiés ont lancé des avertissements aux journalistes dont les articles sont critiques du mouvement
islamique, et un porte-parole du FIS en exil, Anouar Haddam, a implicitement justifié la vengeance contre ceux qui écrivent
des "éditoriaux meurtriers". (38) Les pressions exercées sur la presse trouvent leur meilleur exemple dans la personne de Omar Belhouchet, directeur d'El-Watan, quotidien indépendant de langue française respecté, lancé en 1990 par d'anciens membres du quotidien du parti au
pouvoir El-Moujahid. Après plusieurs menaces de mort depuis 1991, Belhouchet est le premier journaliste à avoir été la
cible d'une tentative d'assassinat au cours du cycle de violence actuel. Le 17 mai 1993, alors qu'il conduisait ses enfants à
l'école à Bab Ezzouar, dans la banlieue d'Alger, sa voiture a été touchée par trois balles. Belhouchet a également du faire face aux pressions du gouvernement qui, selon lui, l'a traîné au moins vingt fois devant les
tribunaux depuis 1992 pour ses articles. En octobre 1993, il a été condamné à un an de prison, actuellement en appel, pour
diffamation du pouvoir judiciaire, dans un article décrivant comment le public avait été scandalisé de l'acquittement par un
tribunal spécial d'un terroriste présumé. En janvier 1993, lui-même et certains de ses collègues ont été emprisonnés pendant
une semaine pour avoir publié un article sur l'assassinat de cinq policiers avant que l'information ne soit diffusée par
l'agence d'information de l'Etat. Parmi les membres de l'intelligentsia d'Alger qui ont été assassinés l'année dernière par des groupes armés, la profession de
journaliste a fourni le plus grand nombre de victimes. En fait, durant les onze mois de 1993, les journalistes assassinés sont
plus nombreux en Algérie que dans n'importe quel autre pays (à l'exception de la fédération de Russie, où sept journalistes
sont morts dans la violence qui faisait rage autour du siège du Kremlin en octobre). Certaines victimes travaillaient pour les
médias gouvernementaux, d'autres pour les groupes indépendants. Les organismes d'information pour lequels ils
travaillaient comprenaient aussi bien, par ordre de notoriété, la chaîne de télévision nationale que d'obscures hebdomadaires
régionaux. Certains écrivaient en français, d'autres en arabe, certains étaient au chômage lorsqu'ils ont été tués. Beaucoup
d'entre eux avaient écrit ou fait des commentaires critiques sur les islamistes, mais dans d'autres cas, les motifs de leur
assassinat semblent moins clairs. Terrorisés par la violence, de nombreux journalistes ont modifié leurs habitudes de travail et de déplacement et ont
demandé à ne pas signer leurs articles. Ahmed Ancer d'El-Watan a récemment écrit :"Vivant dans les quartiers de la classe
ouvrière, les journalistes sont facilement localisés. Nombreux sont ceux qui ont choisi la clandestinité, ne rentrant plus chez
eux et changeant perpétuellement leur lieu de résidence." Certains directeurs ont choisi de vivre en France d'où il leur est
possible de communiquer avec leur journal par téléphone ou fax. Les menaces de mort anonymes contre les journalistes se
sont multipliées. Selon Ancer : "Le harcèlement par téléphone, dans les salles de rédaction et à la maison, est maintenant monnaie courante. Parfois, le
journaliste sent qu'il y a quelqu'un au bout du fil lorsqu'il décroche, mais personne ne parle. Le téléphone sonne encore peu
après, et c'est la même chose. Ou parfois, il y a quelqu'un en ligne qui demande une personne spécifique et qui profère des
menaces de mort et des insultes. Le courrier en est plein. El-Watan en a reçu des centaines. D'autres journaux connaissent le même phénomène. Les
terroristes et leurs réseaux utilisent le courrier pour essayer de créer l'angoisse et la terreur. Les listes des "condamnés à
mort" se multiplient de mois en mois. Elles sont parfois accompagnées de photos des victimes et des journalistes ciblés au
cours de précédentes attaques, (39) découpées dans les journaux." Le premier journaliste à avoir été tué en Algérie par la violence politique est Tahar Djaout, co-fondateur de l'hebdomadaire
Ruptures. Djaout a été abattu le 26 mai devant sa maison dans la banlieue d'Alger alors qu'il s'apprêtait à se rendre à son
travail. Il est mort des suites de ses blessures sept jours plus tard. Djaout, qui avait dénoncé l'intolérance islamique dans ses
écrits, avait reçu plusieurs menaces de mort par le passé. Depuis l'assassinat de Djaout, six autres journalistes ont été tués en 1993, il s'agit de : Rabah Zenati, reporter à l'Entreprise Nationale de Télévision (ENTV), tué d'une balle dans la tête le 4 août à Chérarba, Abdlehamid Benmeni, de Algérie Actualité, tué le 9 août par trois hommes armés portant des cagoules, à son domicile à
Chérarba, Saad Bakhtaoui, ancien journaliste du bimensuel El-Manbar (La Tribune), enlevé par quatre hommes dans un véhicule le
10 septembre. Son corps a été découvert le jour suivant à Larbaa, dans le sud-est d'Alger, Djamel Bouhidel, un photographe de Nouveau-Tell, hebdomadaire régional franophone, tué à Blida le 5 octobre, Mustapha Abada, directeur de l'ENTV jusqu'au mois d'août, tué le 14 octobre à Ain Taya, Smial Yefsah, directeur adjoint de l'information à l'ENTV, poignardé à l'extérieur de son domicile à Bab Ezzouar le 18
octobre. Un autre journaliste, Merzak Bagtache a survécu après avoir reçu une balle dans la nuque le 31 juillet dans le quartier Bab
el-Oued, à Alger. D'autres ont depuis échappé de peu à la mort. Il est difficile de désigner les responsables de ces attaques. Dans le cas de Tahar Djaout, la police a annoncé avoir tué deux
militants islamistes et arrêté un troisième impliqué dans le meurtre. Selon une dépêche de l'Agence France-Presse du 2 juin,
ce dernier a confessé devant les caméras de télévision qu'un leader d'un groupe armé, du nom de Abdelhak Layada, avait
ordonné l'assassinat de Tahar Djaout parce qu'il "était un communiste et qu'il avait un crayon redoutable qui exerçaient une
influence sur les cercles islamiques." Il n'a pas été possible de s'assurer que ces aveux aient été faits en toute bonne foi, les
aveux, en Algérie, étant des sources suspectes d'information, parce qu'ils sont fréquemment extraits par la torture ou par
d'autres mauvais traitements. La campagne de violence contre les journalistes est présente dans les esprits d'un grand nombre d'entre-eux. Mais le
gouvernement a une grande part de responsablité dans l'érosion de la liberté de la presse depuis le coup de 1992. Les
différentes mesures contre la presse ont été dénoncées dans la déclaration de l'Association des journalistes algériens le 3 mai
1993, qui l'accuse de vouloir "retourner à une presse unique, restituant la censure, matant les journaux indépendants et
transformant la presse publique en outil d'information à la seule dispositon de l'exécutif". En dépit de la répression à son actif, le régime continue à proclamer son respect pour la liberté de la presse et à affirmer que
c'est l'une des raisons qui l'ont poussé à annuler les élections. "La démocratie c'est plus que des élections", a déclaré
Noureddine Zerhouni, ambassadeur d'Algérie à Washington en mai 1993. "C'est la liberté de parole, d'association, de culte
et la liberté de la presse. Nous protégeons tout ceci de ceux qui utiliseront le système électoral pour les supprimer". (40) Ce thème a été repris par le Premier ministre Redha Malek, peu après sa prise de fonction. En rencontrant les directeurs des
établissements publics et privés de presse, le 16 septembre 1993, Redha Malek a déclaré : "Si nous voulons faire un progrès
et continuer la marche de la démocratie, nous devons préserver la liberté de parole ". (41) Il est difficile d'accorder une crédibilité à ces engagements à respecter la liberté de la presse. Depuis l'annulation des
élections en janvier 1992, le régime a suspendu des quotidiens au moins huit fois et arrêté plus de trente journalistes
travaillant pour des publications laïques (42), rétréci les champs de couverture et de commentaire dans les médias publics,
limité l'entrée des journalistes étrangers, et fortement restreint la capacité des journaux à faire des articles et des
commentaires sur la sécurité interieure. Alors que le Premier ministre Malek n'a suspendu aucun journal durant les trois
premiers mois de son mandat, il n'a pas non plus autorisé la reprise de certaines publications suspendues avant son arrivée,
comme le quotidien, Al-Djezaïr al-Youm. Le lecteur des journaux algériens indépendants ou sous le contrôle du parti ne peut avoir une vision ne serait-ce que
vaguement précise de l'étendue ou de la brutalité de la répression des forces de sécurité contre les islamistes. La faute n'en
revient pas seulement aux restrictions et aux pressions imposées par le gouvernement à la presse. Les articles des
journalistes reflètent également l'hostilité évidente de la plupart des journalistes algériens envers l'islam militant. La
violence attribuée aux islamistes est largement couverte, contrairement aux abus commis contre les islamistes par les
autorités. La presse, par exemple, fait souvent état des opérations des forces de sécurité dans les quartiers urbains dans
lesquels plusieurs "terroristes" sont tués sans désigner le nom des victimes ni préciser s'ils étaient armés et comment ils sont
morts. La presse n'a jamais fait cas de la torture en détention sauf en parlant des témoignages des prévenus aux procès. Mise à part la question de la sécurité, des journaux indépendants et affiliés aux partis continuent à commenter d'une manière
vivante et critique les problèmes de l'Algérie et la politique du gouvernement. Et alors que certains journalistes ont été
brièvement mis en prison et des journaux suspendus, aucun journaliste n'a purgé de peine de prison en 1993 pour le contenu
de ses articles, et la plupart des journaux suspendus ont été autorisés par la suite à reprendre leur publication. (voir ci-dessous). Néanmoins, pour Middle East Watch, les restrictions en Algérie sur la couverture par la presse dépassent de loin ce que les
lois internationales autorisent. La convention internationale sur les droits civils et politiques précise dans l'article 19 (2) : - Tout individu a droit à la liberté d'expression ; ce droit implique la liberté de chercher, de recevoir et de répandre les
informations, sans considérations de frontières, oralement, par écrit ou par impression, sous la forme d'un art ou à travers un
média de son choix. Le gouvernement place certaines restrictions à ce droit, notamment pour la protection de la sécurité nationale ou l'ordre
public (article 19(3)(b)). Les dérogations sont également autorisées en cas d'urgence publique menaçant la vie de la nation
et son existence officiellement proclamée. Mais l'étendue de ces dérogations ne doit en aucun cas dépasser ce que la
situation exige." (Article 4(1)). Le gouvernement algérien s'est conformé aux procédures soulignées dans l'article 4(3) sur les dérogations en informant le
secrétaire général des Nations unies de l'imposition de l'état d'urgence. La notification datée du 13 février 1992, déclare que
le décret d'urgence visant à rétablir l'ordre public, à protéger la liberté des individus et de la propriété et à assurer le
fonctionnement normal des institutions et des services publics, n'entrave pas le processus démocratique tant que l'exercice
des droits fondamentaux continue à être garanti. Mais la juriprudence internationale suggère que même lorsqu'on fait face à une urgence publique qui menace la vie de la
nation, "un gouvernement ne peut simplement assimiler sa propre survie à la "vie de la nation". La commission européenne
des droits de l'homme, donnant sa propre interprétation de l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme
(43) , a conclu que la menace sur "la vie de la nation" doit inclure la nation entière (44). Cette spécification peut également
indiquer l'application de l'article 4 de la Convention internationale sur les droits civils et politiques. (45) Dans ce cadre, la plupart des actions du gouvernement contre la presse depuis 1992 semblent principalement conçues pour
étouffer les critiques contre les responsables et les institutions gouvernementales, et pour museler les articles et les
commentaires indépendants sur la situation de la sécurité intérieure. Ces actions vont bien au-delà des "besoins strictement
imposés par les exigences de la situation". Contrairement à ce que cette action porte à croire, la plupart - mais pas toutes -
des publications que le gouvernement a sanctionnées ne montrent que peu de sympathie pour l'opposition islamiste. La répression depuis 1992 est bien plus regrettable lorsqu'on la compare à la période d'espoir qui l'a précédée. A la suite
des émeutes d'octobre 1988, l'Etat et le parti au pouvoir ont mis un terme à leur monopole sur les médias, et des douzaines
de quotidiens, d'hebdomadaires indépendants et publications des partis d'opposition ont commencé à exister. L'explosion de
la presse s'est accompagnée d'une offre de trois ans de salaire faite par les autorités aux journalistes qui travaillaient dans les
médias du secteur public - c'est-à-dire pratiquement tous - s'ils acceptaient de travailler dans des journaux indépendants. (46)
La radio, la télévision et les principales agences de presse sont demeurées dans les mains de l'Etat, mais elles ont étendu
leur couverture pour y inclure des sujets tabous comme le nationalisme berbère, et se sont ouvertes aux politiciens de
l'opposition, dont les leaders du FIS. (47)
L'état d'urgence imposé en 1992 a commencé par affecter l'ouverture des chaînes de radiodiffusion. Deux semaines après
son instauration, le syndicat des employés a dénoncé le "retour de la censure" dans la seule station de télévision contrôlée
par l'Etat. (48) La situation ne s'est pas améliorée depuis : la télévision, la radio et l'agence d'information gouvernementale
sont en grande partie redevenues les porte-paroles du gouvernement. Les partis d'opposition n'ont pas accès à ces médias et
la couverture des conflits est restreinte à l'arrestation des "terroristes" et au décompte officiel, accompagnés du récit officiel
des incidents et de commentaires tendancieux comme ce communiqué datant de décembre 1992 : "Le crime qui a causé la mort de cinq policiers à Kouba hier n'est pas resté sans punition... En un délai très court, les
personnes qui ont commis le crime ont été durement punies. Les forces de sécurité ont complètement éliminé les
planificateurs et les exécutants de ce vil crime avec l'aide de loyaux citoyens. Aucun bouleversement à la sécurité publique
ne se fera sans une action de dissuassion." (49) Ce type de reportage est contraire au code de l'information de 1990 qui, en prônant le contrôle par l'Etat des médias de
radiodiffusion et de l'agence Algérie Presse Service, leur demande d'assurer un accès égal aux expressions d'opinion et de
pensée courantes et "ne prendre compte en aucune circonstance" les influences et les considérations qui compromettraient
la précision de l'information". (article 10) La propagande gouvernementale a accru la popularité des chaînes de télévision européennes et françaises en particulier,
captées par satellite par la population. Dans le nord de l'Algérie, les résidents des immeubles collectifs et parfois de
quartiers entiers achètent collectivement les équipements satellites. Selon une étude (50), quelques 15 millions d'Algériens
regardent la télé. Le code de l'information de 1990 a été en grande partie la cause des pressions exercées sur la presse écrite depuis 1992.
Baptisé "Code pénal-bis" par les journalistes, ce code renferme un certain nombre de dispositions qui sont contraires à la
garantie de liberté d'expression de la constitution de 1989 (51). Par exemple, l'article 86 prévoit des peines de prison de cinq à
dix ans et des amendes pour la publication et la diffusion délibérées "d'informations erronées et fallacieuses susceptibles de
nuire à l'ordre public et à la sécurité nationale." L'article 87 stipule : L'incitation par les médias à des crimes ou des délits contre l'ordre public ou l'unité nationale ayant des conséquences rendra
le directeur de la publication et l'auteur de l'article délictueux passibles de sanctions pénales en tant que complices des
crimes et délits commis. Si la provocation n'a pas de conséquences réelles, le directeur et l'auteur seront passibles d'une
peine de prison allant de un an à cinq ans et d'une amende de 10.000 à 100.000 dinars, ou de l'une des deux peines. L'article 88 sanctionne toute personne qui publie des informations sur les "secrets de défense nationale". L'article 89
sanctionne toute personne publiant des informations de nature à "mettre en danger la confidentialité d'une enquête ou d'une
enquête judiciaire sur un crime ou un délit". Le Code prévoit également dans l'article 43 que, lorsque des accusations sont
portées contre un journaliste pour une infraction, le directeur ou le rédacteur de la publication coupable sera également tenu
pour responsable en tant que complice. Le Code Pénal a souvent été utilisé pour poursuivre des journalistes pour diffamation contre les institutions et agences de
l'Etat. L'article 96 stipule que toute personne qui publie dans un but de persuasion, des documents susceptibles de "nuire à
l'intérêt national" est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à
36.000 dinars algériens (environ 1.800 dollars au taux officiel). L'article 144 prévoit que toute personne qui cause
délibérément des torts graves aux employés du gouvernement, notamment des fonctionnaires de justice, de nature à entraver
l'exercice de leurs fonctions, sera passible d'un peine allant jusqu'à deux ans de prison et d'une amende de 5.000 dinars
algériens (environ 250 dollars). L'article 146 prévoit les mêmes sanctions pour des actes ou des mots qui "visent à
discréditer les décisions judiciaires et qui peuvent nuire aux autorités et à l'indépendance du judiciaire." Plusieurs
journalistes qui ont critiqué le régime ou les tribunaux ont été accusés en vertu de ces articles. Le décret législatif 92-03 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme renferme également un certain nombre de
dispositions qui peuvent servir de base dans la poursuite des journalistes. Le décret commence par donner une vaste
définition du"terrorisme" et de la "subversion" pour inclure, entre autres, des actes "dirigés contre la sécurité de l'Etat,
l'intégrité territoriale, et le fonctionnement normal des institutions" dont le but est d'empêcher le fonctionnement des
institutions publiques ou de nuire à la vie ou à la propriété de leurs agents, ou d'empêcher l'application des lois et
règlementations." L'article 4 du décret prévoit que : - Toute personne qui exprime une sympathie ou qui encourage des actes décrits dans l'article 1, par quelque moyen que ce
soit, est passible d'une peine de cinq à dix ans de prison et d'une amende entre 10.000 et 500.000 dinars algériens. Cet article va bien plus loin que l'article 87 du code de l'information, en sanctionnant non seulement "l'incitation", mais
également les "expressions de sympathie" et "l'encouragement" des actes proscrits". L'article 5 stipule que : - Toute personne qui reproduit ou distribue en connaissance de cause des documents, du matériel imprimé ou des
enregistrements exprimant une sympathie pour les actes décrits dans l'article 1 est passible d'une peine de cinq à dix ans de
prison et d'une amende de 10.000 à 500.000 dinars. Bien qu'aucun journaliste n'ait été jugé devant un tribunal spécial pour des articles qu'il a écrits ou publiés, trois rédacteurs
du quotidien indépendant El-Khabar ont été informés que des accusations contre eux, datant de janvier 1992, ont été
transférées à un juge d'instruction attaché au tribunal spécial d'Alger. Le directeur d'El-Khabar Mohamed Sellami, le
rédacteur en chef Zaïdi Sekia et le rédacteur en chef adjoint, Abdelhakim Belbatti ont été accusés de violation des articles
86 et 87 du code de l'information pour avoir publié une annonce publique, le 22 janvier 1992, du leader du FIS Abdelkader
Hachani appelant les soldats à désobéïr aux ordres de réprimer les manifestations contre l'annulation des élections (52). Les
trois rédacteurs sont libres sous caution et attendent leur jugement. En janvier 1993, le gouvernement a annoncé l'instauration de la censure préalable. Bien qu'aucune procédure formelle n'ait
jamais été mise en pratique, la déclaration a, de toute évidence, augmenté la pression et l'autocensure. L'annonce a été faite
juste après que le gouvernement ait suspendu El-Watan et arrêté six des journalistes pour avoir fait état "prématurément"
d'un incident de sécurité. Même en l'absence d'une censure officielle, les journaux indépendants et gouvernementaux dépendent largement des envois
succincts d'Algérie Presse Service (APS) pour les nouvelles concernant les incidents de sécurité. Les rapports de l'APS sur
les confrontations entre les forces de sécurité et les islamistes armés donnent des détails sur la manière dont la confrontation
s'est produite mais citent rarement des témoins oculaires et ne donnent que peu d'informations sur la manière dont les
individus auraient été tués ou blessés. L'incident qui a provoqué l'annonce d'une censure préalabre a découlé d'un article dans El-Watan, le 2 janvier 1993, faisant
état d'une opération, le 31 décembre, contre des barraquements de l'armée à Laghouat, au cours duquel cinq gendarmes ont
été tués et des armes volées (53). Les autorités ont rapidement arrêté le rédacteur d'El-Watan, Omar Belhouchet, et cinq de
ses collègues. Le porte-parole du gouvernement Messaoud Aït Chalaal a annoncé la suspension illimitée du quotidien pour
avoir "prématurément révélé une information qui fait sérieusement obstruction à l'enquête sur un acte criminel perpétré au
sein d'un bâtiment protégé par le secret défense". Il a déclaré que toutes les informations sur la sécurité de l'Algérie seraient
soumises à "embargo" et ne pourront être publiées qu'après "l'accord des services compétents". Les six journalistes ont été libérés une semaine plus tard et le journal a pu reprendre sa parution deux semaines après.
Cependant, les journalistes ont été accusés de violation des articles 86, 88 et 89 du code de l'information, et des article 60 et
75 du code pénal (54). Le procès contre les journalistes est toujours sous enquête judiciaire et certaines des accusations
portées contre eux restent en suspens. Alors que le système de censure préalable n'était pas en vigueur, les journalistes qui font une enquête et qui publiaient des
détails sur des incidents de sécurité, ou sur la violence concernant les droits de l'homme, risquaient d'avoir des démêlés avec
la justice sur la base des diverses lois citées ci-dessus sur les questions de sécurité et les institutions de l'Etat. Même le
simple fait de vérifier des rumeurs menace les journalistes d'être accusés de "propager de fausses nouvelles". En décembre
1992, Djamel Fahassi, un reporter de Radio Alger Chaîne 3 a été renvoyé pour avoir téléphoné à l'agence Reuter pour
vérifier le récit de l'assassinat d'un membre de la commission d'enquête sur l'assassinat du président Boudiaf. Fahassi, un
reporter bien connu pour ses sympathies islamistes, n'a pas retrouvé du travail. En mars 1993, le chef du bureau de Reuter
John Baggaley a été lui-même détenu pendant dix-huit heures après avoir rédigé un article montrant que les affirmations du
gouvernement concernant l'assassinat d'un responsable étaient fausses. De tels incidents et l'affaire El-Watan en janvier ont dissuadé la plupart des journalistes de prendre des initiatives pour ce
qui est de leur écrits sur les questions de sécurité. Depuis le printemps 1993, la plupart des actions du gouvernement contre
la presse se sont concentrées non sur les récits des incidents de sécurité, mais plutôt sur des articles qui renferments des
critiques du régime. Le 7 avril, Abdelhamid Benzine, le directeur d'Alger Républicain, publication laïque de gauche, a été arrêté pour avoir écrit
que les tribunaux étaient beaucoup trop souples avec les prévenus "terroristes". Il a été relâché après avoir été accusé
d'attaque contre les institutions de l'Etat." L'arrestation de Benzine a eu des répercussions également pour El-Watan, qui a publié le 24 avril une critique sur
l'arrestation de Hachemi Cherif, leader du parti de gauche Ettahadi. Hachemi aurait dit que "l'arrestation de Benzine n'est
pas un acte judiciaire innocent, mais plutôt un acte politique. La seule explication concevable est qu'il soit assassiné en
prison." Après la publication de cette interview dans El-Watan, Hachemi a été arrêté avec le directeur d'El-Watan, Omar
Belhouchet et le journaliste Cherif Ouazani. Ils ont été accusés par le juge d'instruction de "menacer la sécurité de l'Etat",
"de menacer l'unité nationale", et "d'incitation au crime" - accusations basées sur les articles 86 et 87 du code de
l'information et de l'article 96 du code pénal. Le procureur a exigé une peine de six mois pour les trois prévenus. Devant le tribunal d'Alger, Hachemi a justifié sa remarque en disant qu'il ne voulait pas dire que le régime cherchait à
assassiner Benzine. Il a dit qu'il voulait simplement souligner les dangers physiques qui pourraient menacer Benzine s'il
était emprisonné avec des extrémistes islamistes. Belhouchet a affirmé que son journal était ouvert à toutes les opinions
politiques. "Je ne tolèrerai pas la censure d'un parti politique qui exprime une opinion". (55) Le 8 juin 1993, le tribunal a condamné les prévenus pour avoir insulté des membres de l'appareil judiciaire et attaqué les
institutions de l'Etat, et a prononcé contre eux des peines de deux mois avec sursis. Le tribunal a laissé tomber les
accusations plus graves relatives à l'incitation et à la menace de la sécurité nationale. Au cours du mois qui a précédé le
verdict, un ordre du tribunal a interdit aux deux journalistes d'El-Watan d'écrire, de travailler dans leur profession, et de
faire des déclarations à d'autres organes de presse. Ils ont été également tenus de se présenter une fois par semaine devant
les autorités. Le pouvoir du tribunal d'interdire aux prévenus de pratiquer leur profession découle de l'article 125 bis du code de
procédure pénal. Cet article autorise le juge a ordonner aux prévenus sous son autorité de "s'abstenir de certaines activités
professionnelles lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice du travail, s'il y a une raison de craindre qu'une nouvelle
infraction soit commise." Le 28 avril un autre journaliste, le direteur général de l'Hebdo-Libéré, Abderrahmane Mahmoudi, s'est vu interdire de
pratiquer sa profession. Critiquant ouvertement la politique du premier ministre de l'époque, Belaïd Abdesslam, Mahmoudi
a été accusé de mettre en danger l'unité nationale, la sécurité de l'Etat et d'attaquer les institutions. Une même interdiction a frappé le directeur-général du quotidien arabe El-Djezaïr el-Youm, Ali Draa, et ses deux rédacteurs
en chef, Bachir Hammadi et Abdallah Bechim, en septembre. Ils ont été accusés d'attaquer les institutions de l'Etat et les
décisions du pouvoir judiciaire dans leur journal. Les trois ont également été tenus de se présenter toutes les semaines aux
autorités et se sont vus interdire de quitter le pays. Draa a de nouveau été frappé par cette interdicton en mai. Le journal El-Djezaïr el-Youm a été interdit de publication après sa suspension vers la fin de juillet 1993. Bien que le
gouvernement n'ait pas donné de raison pour la suspension, les observateurs ont fait état d'une annonce publiée par le
journal pour le compte d'une organisation appelée "Solidarité Islamique Algérienne" qui lançait un avertissement contre les
exécutions d'autres islamistes. El Djezaïr El-Youm avait également été suspendu deux fois en 1992. Les autorités l'ont suspendu pour une courte période,
en décembre, pour avoir "publié des articles visant à discréditer les symboles de l'Etat et à permettre à ceux qui cherchent à
déstabiliser l'Etat à s'exprimer". Les articles incriminés n'ont pas été précisés. Le quotidien avait également été suspendu du
9 août jusqu'en novembre 1992 pour ce que le gouvernement a appelé la "publication systématique d'informations
malveillantes et sans fondement, dont le but est de semer délibérément le doute et la confusion dans l'opinion publique,
ébranlant ainsi l'unité nationale et provoquant la fitna (guerre civile)." Les articles incriminés n'ont pas été désignés au
moment de la suspension. Les deux quotidiens de langue française, Le Matin et La Nation, ont été suspendus de même qu'El-Djezaïr el-Youm le 9
août 1992. Le gouvernement les a accusés de publier des informations erronées constituant une menace à "la stabilité de
l'Etat et à sa crédibilité." (56) La Nation a été accusée de mettre en danger la sécurité de l'Etat en publiant le 26 juillet un
article qui relatait de manière erronée que le gouvernement avait arrêté le leader de la minorité Touareg dans le sud de
l'Algérie. Selon les autorités, l'article publié dans La Nation a créé une tension chez les Touaregs. Le Matin a été accusé (1)
d'avoir écrit, le 8 août, que l'Italie avait gelé ses prêts à l'Algérie à la suite des déclarations faites par le Premier ministre et
(2) d'avoir publié, le 6 août, des informations sur l'adresse des responsables du gouvernement qui auraient du être attaqués
par les militants présumés qui venaient d'être arrêtés. D'après le gouvernement, en divulguant leur adresse, le journal mettait
en danger la sécurité personnelle de ces responsables. Vers la fin de juillet, le directeur du Matin, Mohamed Benchicou, a passé deux jours en prison pour un article affirmant que
l'un des leaders de la résistance armée islamiste, Abdlekader Chebouti, avait été arrêté. Les autorités ont nié l'information.
En novembre, Benchicou a été condamné avec sursis pour propagation de "fausses informations". Au départ, la suspension d'El-Djezaïr el-Youm, du Matin et de La Nation en août 1992 semble être en violation avec la loi
algérienne, puisque le code de l'information, selon son article 99, offre aux seuls tribunaux l'autorité de suspendre des
publications temporairement ou de façon permanente, pour infractions au code. Rien dans le décret de l'état d'urgence de
février 1992 ne permet à l'exécutif de fermer ces publications. Le 15 août, après que les trois quotidiens aient été suspendus
par l'exécutif pendant une semaine, un nouveau décret présidentiel a été rendu public, autorisant les fermetures pour des
périodes allant jusqu'à six mois, dans le cadre de l'état d'urgence. Le décret 92-320 daté du 11 août a déclaré que : Des mesures pour suspendre l'activité ou pour y mettre un terme, peuvent être prises à l'encontre de tout organe,
établissement ou entreprise, quelle que soit sa nature ou sa fonction, lorsque ces activités menacent l'ordre public, le
fonctionnement normal des institutions ou les intérêts du pays. Expliquant la fermeture de ces trois quotidiens, un communiqué officiel a déclaré : La liberté de l'information et le pluralisme démocratique ne peuvent en aucun cas être utilisés pour manipuler l'information
ou pour désinformer d'une manière susceptible de nuire à l'ordre et à la sécurité publics, à la stabilité des institutions et aux
intérêts de l'Algérie... En l'absence d'un code de conduite professionnel, les règles qui ont gouverné les relations entre les
organes de presse et le gouvernement tournent autour d'une seule et unique exigence : les intérêts de l'Algérie avant toute
chose. (57) Les fermetures d'août 1992 ont marqué le début d'une nouvelle phase de répression contre les médias. Jusqu'à cette date, les
autorités n'avaient pas suspendu de publication durant l'état d'urgence, mis à part les organes du FIS qui ont été forcés à
entrer dans la clandestinité lorsque le parti a été interdit. Après la promulgation du nouveau décret, de nombreuses
publications ont été suspendues pour différentes périodes, toutes pour avoir publié des articles que les autorités
considéraient répréhensibles. Parmi ces publications, l'hebdomadaire satirique Essah-Afa, l'hebdomadaire Barid ech-Charq
basé à Sétif, le quotidien Liberté, l'hebdomadaire de langue française L'Observateur et En-Nour, publication pro-islamiste
en langue arabe. Essah-Afa, accusé d'être devenue le porte-parole du FIS (58), est toujours interdit. En plus des suspensions et des arrestations, le gouvernement a exercé des pressions sur les médias grâce à son contrôle sur
les entreprises du secteur public. Celles-ci représenteent 75 % de tous les annonces dans les journaux algériens. En mai
1992, le gouvernement a explicitement menacé de retirer de telles annonces des journaux qui "déstabilisaient" l'Etat (59). En
octobre 1992, le Premier ministre, Belaïd Abdesslam, visé par une critique d'El-Watan, a ordonné à l'agence de pub ANEP,
appartenant à l'Etat, de ne plus passer de publicité dans le quotidien. Les annonces ont cependant repris quelques mois plus
tard. Vers la fin de juillet 1993, les quotidiens indépendants Le Matin, Liberté, le quotidien arabe gouvernemental Essalem ainsi
que quatre magazines indépendants ont dû suspendre leur parution parce que la Société d'Impression d'Alger (SIA) a refusé
d'imprimer leurs journaux jusqu'à ce qu'ils paient leurs dettes. La société a prétendu que les journaux n'avaient pas payé
leurs précédentes factures, mais les journaux ont répondu que la responsabilité en revenait à la société de distribution qu'ils
utilisent et qui appartient au secteur public, l'Entreprise Nationale des Messageries de Presse (ENAMEP). Celle-ci a
manqué à un accord conclu en décembre 1992, selon lequel elle était censée payer les factures d'impression de chaque
publication, à partir des recettes de ventes. Les journaux ont affirmé que l'impasse dans laquelle ils se trouvaient était en fait
une autre forme de pression exercée par l'Etat contre la presse indépendante. Ceci semble être au moins le cas pour Le
Matin et Liberté, qui de l'avis même du gouvernement, sont rentables. (60) En septembre 1993, après le changement de gouvernement, Le Matin et Liberté ont pu reprendre leur parution. Cependant,
les autres publications prises dans le conflit ENAMEPT-SIA n'ont plus réparu. Au moins dans le cas de l'hebdomadaire
Ruptures, le gouvernement n'était pas entièrement le seul à blâmer. Tahar Djaout, l'un des deux fondateurs du magazine, a
été assassiné en mai. L'autre, Abdelkrim Djaad, craignant pour sa vie, s'est réfugié en France où il a annoncé en novembre
que la publication ne reparaîtrait pas. Les correspondants étrangers ont également été soumis à une pression accrue. Ceux basés à Alger ont déclaré à Middle East
Watch qu'ils pensaient que leurs lignes téléphoniques étaient surveillées et qu'ils exerçaient une autocensure pour être
autorisés à continuer à travailler. En mai 1992, George Marion, le correspondant du Monde basé à Alger depuis 1990, a été
expulsé du pays après que les autorités aient refusé, sans donner de raisons, de renouveller son permis de travail. La
correspondante de Radio France Internationale, Anne Dissez, a été forcée de quitter le pays en janvier 1993, lorsque les
autorités lui ont aussi refusé le renouvellement de son permis de travail sans autre explication. (Le Monde et RFI ont été par
la suite autorisés à envoyer de nouveaux correspondants à Alger). Les journalistes basés à l'étranger demandant l'autorisation d'entrer en Algérie ont souvent fait face à des retards dans
l'obtention de leurs visas, ou n'ont simplement reçu aucune réponse à leurs demandes. Parmi ceux qui ont rencontré cet
obstacle en 1993, deux des journalistes les plus connues de France, Mireille Duteil du Point et José Garçon de Libération. ASSASSINATS DE CIVILS PAR LES GROUPES D'OPPOSITION ARMES Dans le courant de 1993, les actes de violence commis par les groupes islamiques se sont intensifiés ainsi que les efforts
déployés par les forces de sécurité pour écraser la rebellion. Les dégâts résultant de la violence politique ont plus que
doublé en comparaison de 1992. Le mois de novembre a été l'un des mois les plus sanglants jusqu'à ce jour avec plus de
cent islamistes, au moins vingt-cinq membres des forces de sécurité et vingt-cinq civils tués, selon des rapports officiels. (61) Les décomptes des rapports officiels sur la violence indiquent que les deux années de violence ont déjà fait 2.000 morts.
Selon un décompte au 10 novembre de l'Agence France-Presse, basé sur les rapports officiels, 324 civils, 1017 islamistes et
427 membres des forces de sécurité ont été tués dans la violence politique depuis que les élections parlementaires ont été
annulées le 12 janvier 1992. Les batailles armées entre les forces de sécurité et des groupes islamistes armés ont également fait un grand nombre de
victimes. Mais de plus en plus en 1993, les actes de violence ont impliqué également des enlèvements suivis d'asssassinats
et des embuscades contre des civils qui viennent de tous les secteurs de la société, notamment des écrivains connus, des
professeurs, des personnalités publiques et des étrangers qui travaillent en Algérie (62). A la fois des civils et des membres
des forces de sécurité ont été trouvés mort après avoir été enlevés. Alors qu'il ne fait aucun doute que les groupes islamistes sont responsables d'une partie des actes de violence politique, de
nombreux Algériens, y compris ceux qui n'ont aucune sympathie pour la cause islamiste, soupçonnent d'autres forces de
commettre une partie des assassinats, exploitant le climat de violence et de terreur pour des règlements de compte d'ordre
politique ou personnel, pour éliminer des islamistes présumés au sein des membres des forces de sécurité et pour protéger
des intérêts financiers. Par exemple, de nombreux Algériens croient que les personnes qui ont commandité l'assassinat du
président du HCE, Mohamed Boudiaf, en juin 1992 n'étaient pas des islamistes, comme l'ont prétendu les autorités, mais
plutôt des ennemis de Boudiaf au sein du pouvoir, et qui s'opposaient à ses efforts de réforme économique et à sa campagne
contre la corruption. (63) Middle East Watch condamne le mauvais traitement ou l'assassinat de toute personne en détention ainsi que les assassinats
visant les civils, que ce soit du fait du gouvernement ou de tout groupe d'oppositon armé. Nous sommes convaincus que les
violations des droits de l'homme par une partie, même si elles sont graves, ne justifient jamais les violations commises par
une autre partie. Notre opposition à la violence contre les civils comprend également les informateurs présumés et les employés du
gouvernement qui ne dirigent pas des opérations des forces de sécurité impliquant la force et n'y participent pas. De tout
temps, nous sommes guidés par notre opposition à la peine de mort, avec ou sans procès, et par notre conviction que le droit
à la vie est primordial. Notre position est guidée par les principes de la loi humanitaire. Les lois coutumières du conflit armé international exigent
que toutes les parties prennent toutes les précautions possibles pour éviter les dégâts physiques et interdire l'assassinat ou le
mauvais traitement de toute personne en garde à vue. Ces principes sont soulignés également dans l'article 3 des
conventions de Genève de 1949, qui sont contraignantes pour toutes les parties prenantes dans un conflit armé non-international se produisant dans le territoire de l'une des parties contractantes (64) (L'Algérie est signataire des conventions). Middle East Watch appliquerait par analogie les mêmes principes si l'article 3 était inapplicable sous prétexte que la
violence en Algérie ne se situe pas au niveau d'un conflit armé, mais s'apparente à une guerre civile. Alors que ce n'est pas
une convention légalement contraignante, la déclaration des normes humanitaires minima, un document de travail des
Nations unies sur les situations de guerre civile (65), confirme la prohibition de la violence contre les civils. L'article 5 stipule
que "l'usage de la force directe contre les personnes ne prenant pas part à des actes de violence sera interdite en toute
circonstance." L'article 2 énonce les normes minima à respecter par "toutes les personnes, groupes ou autorités, quel que
soit leur statut légal." En l'absence de revendication de responsabilité pour la plupart des actes de violence non commis par des forces de sécurité
en uniforme ou identifiables, en raison des obstacles aux enquêtes sur les assassinats, les auteurs d'actes spécifiques sont
souvent difficiles à identifier. Le FIS, pour sa part, n'a revendiqué la responsabilité d'aucun assassinat (66)
et a même
explicitement nié sa responsabilité dans certains d'entre eux. (67) L'un des membres de l'autorité exécutive du FIS en exil, Kamreddine Kherbane, a récemment insisté devant un reporter sur
le fait que le FIS et ses partisans n'ont pris pour cible que des membres des forces de sécurité. L'assassinat d'intellectuels et
d'étrangers, a-t-il dit, "ne peut qu'être l'uvre de la sécurité militaire ou de "vengeances personnelles". Kherbane a nié que
les groupes soutenant le FIS mais qui ne sont pas sous son contrôle aient pu être responsables. "Nous avons récemment uni
les groupes armés au sein de l'"Armée islamique du salut", dont les leaders sont Saïd Mekhloufi, Merzoug Bara et
Abdelkader Chebouti." Il a exprimé son doute quant à l'existence du Groupe islamique armé ou GIA, qui a revendiqué la
responsabilité de l'enlevement de trois responsables consulaires français, disant que si le GIA "existe réellement, il est
manipulé. Nous sommes en train de voir jusqu'à quel point ce groupe est infiltré par la police." (68) En dépit des affirmations de Kherbane, il est clair que les groupes islamistes armés sont responsables de nombreux
assassinats de civils et de membres des forces de sécurité dont les autorités leur attribuent la responsabilité. Il n'est pas
possible de désigner une responsabilité sur la base des informations rapportées par la presse ou des condamnations des
tribunaux spéciaux ; comme on l'a montré ci-dessous, les articles de presse sur les incidents de sécurité ne sont pas libres, et
on peut douter des faits établis par les tribunaux spéciaux, puisqu'ils ne respectent pas les normes de justice et d'impartialité.
Cependant, la responsabilité des groupes islamiques peut être étayée par d'autres preuves, comme les nombreux appels à
punir ou tuer les civils collaborant avec le régime, qui auraient été signés par les islamistes en clandestinité à l'intérieur
d'Alger, et les déclarations du porte-parole du FIS tentant de justifier certains de ces assassinats. D'éminentes personnalités du FIS, parlant au nom du parti, ont revendiqué plus explicitement et ouvertement la résitance
armée en 1993 que dans le passé. A la lumière de ces déclarations, et à la lumière de la propagation de la violence contre les
civils et les assassinats des personnes détenues par les groupes d'opposition, Middle East Watch déplore le fait que les
porte-parole du FIS ont cherché à justifier ces actes contre des civils et, à notre connaissance, n'ont fait aucune déclaration
condamnant les attaques contre des civils. Middle East Watch croit qu'il incombe moralement au FIS de condamner les attaques contre les civils et les assassinats des
prisonniers et d'appeler à les faire cesser, même si le FIS est interdit et que les chefs sont en prison et ne peuvent
communiquer avec l'extérieur (69)
, et que les autres leaders du parti sont soit en prison, soit en exil. Middle East Watch est
consciente que les porte-parole du FIS en exil peuvent ne pas avoir l'autorité de parler au nom du parti interdit, et que le
rapport entre le FIS et les groupes commettant des actes de violence reste nébuleux (70). Certains groupes militants, comme
le Groupe islamique armé, auraient revendiqué l'indépendance de leurs actes par rapport au FIS, et ont même dénoncé et
menacé des leaders du FIS en exil. (71) Mais parce que le FIS apparemment demeure une voix éminente du mouvement islamiste en Algérie et continue à réclamer
le pouvoir politique, fort de son score aux élections de décembre 1991, le parti a l'obligation de promouvoir le respect des
principes humanitaires, qu'il y ait ou non un lien clair entre le FIS et ceux qui commettent les actes de violence. Les
personnes parlant au nom du parti doivent publiquement condamner et s'opposer à tous les actes de violence dirigés contre
les civils et les personnes détenues. ***** Parmi les victimes de la violence, il y a les responsables du gouvernement et les fonctionnaires, les Algériens ordinaires,
tels que les fermiers, les chauffeurs de taxi et les commerçants, et les membres de l'intelligentsia du pays. Les
fonctionnaires du gouvernement qui ont été assassinés viennent de tous les secteurs d'activité. Ils comprennent Hafid
Senhdri, secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle, mort le 18 mars 1993 de ses blessures par balle
reçues quatre jours plus tôt, ainsi que plusieurs procureurs, juges (72) et greffiers. Plusieurs imams nommés par le
gouvernement ont également été tués (73). Les responsables locaux représentent le plus grand nombre de fonctionnaires tués.
Les victimes sont pour la plupart des personnes que le HCE a nommé depuis 1992 pour remplacer les maires et les
membres de conseils élus en 1990 et affiliés au FIS dissous. En 1992, et au cours de la première moitié de 1993, au moins la
moitié des personnes localement nommées ont été tuées. Ces responsables désignés par le gouvernement avaient été
condamnés par des communiqués du FIS clandestin, datés du 19 avril 1992 et signés par le porte-parole du parti dans la
clandestinité, Abderrazak Redjam, pour "avoir participé à un complot contre le peuple et pris la place de ses représentants
élus." Les menaces de mort auraient été proférées à l'encontre de certains de ces responsables avant qu'ils n'aient été tués. Parlant de ces assassinats, Rabah Kébir, chef de l'autorité exécutif du FIS en exil, a déclaré le 8 novembre 1993 à Middle
East Watch : "Les personnes désignées par le gouvernement ont été directement avisées après qu'elles aient remplacé les élus, qu'elles
devaient démissionner du gouvernement parce que leur action était une usurpation. Malgré cela, il n'y a pas eu d'application
arbitraire d'ordre d'exécution contre eux. La question a toujours été décidée après avoir fait une étude locale, et on a
déterminé si le responsable désigné travaillait contre le peuple, c'est-à-dire en informant la police ou en facilitant le travail
des forces de sécurité qui tuaient les gens. S'il faisait ces choses, il devenait notre cible. Mais pas s'il ne faisait qu'un travail
administratif. Parce qu'une décision avait été prise au niveau national pour dissoudre les municipalités, il fallait s'occuper
des affaires des gens. Ceux qui le faisaient n'ont pas eu de problèmes avec nous." Middle East Watch ne possède pas d'informations pour déterminer la véracité des affirmations de Kébir sur les cibles que
constituent les responsables locaux. Cependant, nous répétons notre opposition aux actes de violence contre les civils, y
compris les représentants du gouvernement qui ne dirigent pas ou ne prennent pas directement part aux opérations des
forces de sécurité faisant usage de la force, car ces actes sont des violations des principes humanitaires. Entre mars et novembre 1993, quelque vingt membres de l'intelligentsia ont été assassinés et plusieurs autres blessés dans
des attaques que le gouvernement a attribué aux islamistes. La plupart de ces attaques ont été commises au domicile de la
victime, ou près de celui-ci ou de son lieu de travail, par des assaillants avec des armes à feu et des couteaux. Parmi les
personnes tuées, on comptait sept journalistes (voir section ci-dessus sur la presse), l'ancien ministre de l'Enseignement
supérieur Djilali Liabes (16 mars), le médecin et écrivain Laadi Flici (17 mars), le professeur de psychiatrie Mahfoud
Boucebi (15 juin), le sociologue Mohamed Boukhobza (22 juin), le professeur de droit Hambli Ahmed (2 octobre), et
Djilali Belkenchir (10 octobre), médecin et militant des droits de l'homme. Ce dernier était un membre dirigeant du Comité
algérien contre la torture et d'une association s'occupant des droits des enfants. Lorsqu'il a été tué, Boukhobza était le
directeur de l'Institut national des études mondiales et stratégiques, un centre de réflexion soutenu par le gouvernement. Il
avait été nommé à ce poste pour remplacer Djilali Liabes, tué en mars. Trois des victimes, Senhadri, Flici et Boukhobza étaient des membres du Conseil consultatif national ou CNN, un
organisme consultatif de soixante membres, créé par le HCE au début de 1992 pour se substituer à l'Assemblée nationale,
qui ne pouvait prendre ses fonctions. Les publications islamistes clandestines ont dénoncé le CNN et l'ont qualifié
d'usurpateur dès sa création. Deux autres membres du CNN ont survécu à des tentatives d'assassinats : l'avocat Mohamed
Ferhat le 10 juillet et Merzak Bagtache le 31 juillet 1993. Ces attaques se sont produites malgré le fait que le CNN ne se soit
réuni que peu de fois après sa création et n'ait joué aucun rôle dans la vie nationale. Rabah Kébir a justifié le ciblage des membres du CNN : "Nous avons fait une déclaration tout de suite après le coup d'Etat, en déclarant que ce conseil était illégal. Il a été formé sur
les ruines de l'Assemblée nationale élue, et ses membres étaient donc visés. Ils ont usurpé une autorité qu'ils n'étaient pas en
droit d'usurper... Nous avons demandé à ces personnes de démissionner de leur poste. En leur disant que s'ils ne le faisaient
pas, on s'occuperait d'eux et on les liquiderait probablement... Quiconque usurpe une autorité légitime, qu'il soit président
ou autre (...), la loi islamique ordonne de tuer l'usurpateur pour que la paix soit maintenue (...) Particulièrement lorsque ces
personnes ont été averties par les moudjahidines (...) celles qui se sont accrochées sont définitivement considérées comme
des ennemis du peuple, et des usurpateurs de l'autorité légitime." (74)
Dans ses communiqués, le FIS a promis de combattre non seulement le régime mais également ses alliés laïco-communistes
(75). Cette phrase peut être une allusion aux membres du Parti communiste algérien, connu par le passé sous le nom du Parti
de l'Avant-Garde Socialiste (PAGS) et qui a resurgi en 1993, sous le nom de parti Ettahadi. Les membres de ce groupe
politique relativement restreint semblent avoir été pris pour cible. En janvier 1992, le PAGS avait demandé publiquement
l'annulation des élections. Les militants du PAGS / Ettahadi sont pour la plupart des laïcs déclarés dans leur politique et ont
exhorté le HCE à exclure le FIS du processus politique. Abderrahmane Belazhar, un syndicaliste et un ancien militant du PAGS, a été parmi les premières victimes civiles de la
violence politique en Algérie. Il a été abattu à Constantine le 9 septembre 1992. Hachemi Cherif, le chef du parti Ettahadi a
échappé à une tentative d'assassinat en avril 1993. L'ingénieur agricole Sahab Mohand Oubelaïd et sa femme Rachida ont
été tués le 7 juillet ; Mohand était un membre du bureau politique du PASG au début des années 90 (76). Abderrahmane
Chergou, un ancien chef du PAGS a été assassiné le 28 septembre. Guenzet Rabah, leader Ettahadi et professeur de
philosophie dans le secondaire, a été tué le 5 octobre. Les attaques contre les militants communistes, comme pratiquement toutes les attaques contre des civils, n'ont jamais été
revendiquées et, dans bien des cas, les motifs demeurent obscurs. Seule une partie des victimes civiles en Algérie étaient,
d'une manière ou d'une autre, associées au régime ou aux institutions de l'Etat, ou avait pris des positions claires contre le
mouvement islamiste du pays. Les porte-paroles du FIS ont à plusieurs reprises rendu hommage au conflit armé contre le régime. En janvier 1993, une
déclaration signée du chef adjoint du parti, Ali Belhadj, a été clandestinement rendue publique et a été largement diffusée
dans les mosquées en Algérie. Dans un document non daté, Belhadj appelait les Algériens à résister au régime déclarant : "Si j'étais hors des murs de prison, je rejoindrais les rangs de mes frères qui combattent pour débarrasser le peuple de cette
junte éhontée. Je vous promets, Ô Algériens, si j'étais libre, je m'enrôlerais comme soldat sous le commandement du frère
moudjahid Abdelkader Chebouti (77) (...) ou de tout autre fidèle qui combat ce régime qui refuse toute solution politique
pacifique, et qui défie la Révélation et les conventions internationales. Toute personne qui se conduit de la sorte doit être
pourchassée et vaincue jusqu'à ce que le peuple musulman algérien obtienne ses droits et choisisse librement ses
gouvernants." (78) Les porte-paroles du FIS ont, tout le long de l'année, à leur tour repris à cet appel à porter les armes contre le régime sans
prendre la peine de demander que les civils soient épargnés dans cette lutte. Lorsque des civils ont été assassinés par les
groupes armés sur une base quasi-quotidienne, les porte-paroles du FIS ont publiquement justifié certains assassinats et, au
mieux, se sont abstenus de condamner de tels actes ou d'en dissocier leur parti. Le soutien le plus évident, parmi les leaders du FIS en exil, de l'assassinat de civils est peut-être Anouar Haddam, qui avait
remporté un siège au Parlement dans les élections de décembre 1991, et qui s'est exilé peu après. Haddam a été le porte-parole le plus visible dans l'ouest. En septembre 1993, il a été désigné comme l'un des quatre membres connus de la
nouvelle autorité du FIS en exil, dont l'objectif déclaré est "d'unifier toutes les forces et les ressources du FIS" (79). La
désignation de Haddam à ce comité, conduit par Rabah Kébir, porte à croire que ses opinions s'alignent sur le principal
courant de pensée du parti. Le 17 juin 1993, Haddam a été cité par l'Agence France-Presse à Rome pour avoir appelé le coup de poignard fatal porté
deux jours plus tôt au professeur psychiatre Mahfoud Boucebci dans la banlieue d'Alger, un "verdict et non un crime. Un
verdict appliqué par les moujahidines." Lorsque, invité par Middle East Watch à faire des commentaires au cours d'une
réunion à Washington le 23 septembre, Haddam a soutenu que Boucebci avait été pris pour cible pour avoir conseillé les
forces de sécurité sur les méthodes d'extorsion d'aveux sous la torture. Il a déclaré que le FIS pouvait prouver cette
accusation, mais il ne l'a pas fait. Commentant l'assassinat des intellectuels algériens plus généralement, Haddam aurait, le 18 octobre, selon l'Agence France-Presse, à Paris posé la question, "qui sont ces soit-disant intellectuels ? Parmi eux se trouvent les membres du Conseil
Consultatif National, qui a usurpé la place des représentants élus du peuple, des personnes qui ont écrit des éditoriaux
assassins, et ceux qui à travers la psychiatrie ont conseillé les tortionnaires sur la manière d'obtenir des confessions".
Haddam a déclaré : "Le peuple algérien a choisi pour cible les individus sur lesquels repose le système militaire sécuritaire
en Algérie. Nous les connaissons un par un et ils ne sont pas innocents." En réaction aux premiers enlèvements et aux assassinats d'étrangers en Algérie par les groupes d'opposition armés, Kébir a
déclaré à Radio France Internationale (RFI), dans une interview diffusée le 22 octobre 1993, que "ce n'est pas la politique
du FIS de tuer des étrangers, mais il est très difficile de contrôler les actions de la masse du peuple" (80). Trois semaines plus
tard, un communiqué du FIS qui aurait été signé par Abderrezak Redjam, une éminente personnalité du FIS qui se cache en
Algérie, a implicitement justifié les attaques contre les étrangers déclarant : "ceux qui coopèrent avec un régime qui n'a pas
d'autre objectif que de rester au pouvoir seront considérés complices des crimes contre le peuple algérien." (81) Dans une interview à RFI, une question concernant l'assassinat des intellectuels a été posée à Kebir. Au lieu de condamner
ce phénomène, il a cherché à le justifier ou à le replacer dans son contexte : "Après les élections du 26 décembre, de nombreux soi-disant intellectuels ont demandé au régime d'intervenir contre le
peuple, d'exercer une répression contre le peuple. Normalement, un intellectuel doit se mettre aux côtés du peuple. Au
départ, le FIS a adopté une stratégie pour permettre au peuple, tout le peuple, de choisir librement ses leaders. Le régime a
déclaré la guerre au peuple (...) Donc une distinction doit être faite entre la politique du FIS et ce qui se produit en Algérie.
Ce qui se passe en Algérie est hors de notre contrôle." Kébir a affirmé, le 8 novembre dans une interview téléphonique à Middle East Watch, que le FIS considère les civils
comme des cibles justifiées seulement lorsqu'ils collaborent activement avec le régime : "Pour nous, les civils ne sont pas des cibles. Il n'est pas correct de cibler des civils. Mais (...) il y a ceux qui collaborent avec
le régime et qui l'informent sur nos frères. Ceux-là ont été la cible des moudjahidines. Ils ne participent peut-être pas
directement aux assassinats ou aux tueries, mais ils sont responsables de la même façon." "Le FIS ne cible pas des personnes à cause de leur éducation ou de leur tendance, tant qu'ils ne sont pas impliqués dans
l'assassinat des gens ou qu'ils n'informent pas la police. Il ne cible jamais les personnes à cause de leurs idées..." "Tant que l'opposition d'un journaliste au programme islamiste demeure intellectuelle, et sa critique aussi, il n'y a pas de
problème (...) Mais certains journalistes ont pris l'habitude d'informer sur nos jeunes. Si un journaliste est aussi un
informateur, il cesse d'être un journaliste et devient en fait un combattant." L'assassinat des personnes soupçonnées de collaboration avec le régime d'après Kébir est faite après une étude minutieuse
des cas : "Tous les groupes de djihad qui existent dans le pays ont des comités composés d'oulémas et de personnes qui ont une
grande connaissance politique. Avant qu'une décision ne soit appliquée, ils donnent leur opinion. Je ne parle pas des
confrontations entre gendarmes et moudjahidines. Je parle de la liquidation de personnalités respectables. Cela se passe de
la manière suivante : un rapport est présenté pour savoir si une personne est en fait impliquée dans la torture ou dans
d'autres délits (...) Une personne soupçonnée de collaboration est avertie personnellement que, si elle ne prend pas
l'avertissement en compte, avec la preuve contre lui, une décision sera prise par ces comités pour liquider cette personne sur
la base des mesures islamiques, dès que les preuves sont satisfaisantes (..) Nous pouvons donc dire que ces procédures
s'apparentent fort à celles d'un tribunal." Kébir a affirmé à Middle East Watch que tout assassinat de civil se produisant en violation de ces principes est "la
responsabilié d'autres personnes et n'est pas excusée par le FIS." Middle East Watch n'a pas d'information spécifique lui permettant de juger les activités des civils assassinés ou les mesures
légales dont ils ont pu bénéficier avant d'être exécutés. Cependant, nous soupçonnons fortement que les procédures ci-dessus mentionnées d'enquête sur les informateurs et d'avertissements qui leur sont donnés, même si et quand elles sont
suivies par des groupes armées, sont loin de garantir aux informateurs présumés l'occasion de se défendre devant un tribunal
juste et impartial avant d'être soumis à une punition sévère. Middle East Watch rappelle que les violations des droits de l'homme par une partie au conflit ne peuvent jamais être
invoquées pour justifier les abus commis par une autre partie. Nous sommes sans aucune équivoque opposés aux attaques
contre des civils, y compris ceux qui sont soupçonnés de donner des informations aux forces de sécurité. (82) Que le FIS soit directement responsable ou pas des assassinats de civils, il devient le complice de ces actions déplorables en
les justifiant sous certaines circonstances et en ne les condamnant pas sans équivoque. En tant que voix de l'opposition en
Algérie, et revendiquant le pouvoir politique, le FIS a le devoir d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour travailler à
mettre un terme aux assassinats délibérés de civils. LES ETATS-UNIS, LA FRANCE ET L'UNION EUROPEENNE : NECESSITE D'UNE POLITIQUE DES DROITS DE L'HOMME ENVERS L'ALGERIE Les Etats-Unis, l'Union Européenne et les gouvernements européens peuvent exercer des pressions pour améliorer la
situation dramatique des droits de l'homme au niveau du gouvernement algérien en conditionnant les futurs prêts et crédits à
un meilleur respect des droits de l'homme. En appelant des pays donateurs et l'Union Européenne à adopter un rôle plus actif dans la promotion des droits de l'homme
en Algérie, Middle East Watch pense qu'ils devraient exercer en particulier une pression pour l'arrêt des procès devant les
tribunaux spéciaux et les condamnations à mort prononcées par ces tribunaux. Ils doivent exiger que les individus déjà
inculpés et condamnés par les tribunaux spéciaux soient libérés ou rejugés conformément aux normes internationales d'un
procès équitable. Actuellement, le gouvernement algérien a désespérément besoin de maintenir le flot de prêts et d'investissements étrangers.
Les responsables se sont a plusieurs reprises rendus dans des capitales occidentales et dans les pays du Golfe pour
demander de aide, compréhension et l'effacement de la dette publique de l'Algérie (83), affirmant que la crise politique ne
peut être résolue sans le renforcement du pays. L'Algérie a pu, au cours des dernières années, obtenir des crédits avec une facilité relative grâce à ses importantes réserves
en pétrole et gaz naturel. C'est l'un des principaux fournisseurs de gaz naturel de l'Europe occidentale. Grâce à ces
ressources, la dette extérieure algérienne, d'environ 26 milliards de dollars, demeure relativement gérable selon les normes
du tiers monde. Cependant, l'Algérie est actuellement gênée par une forte proportion de prêts à court terme qui arrivent à échéance dans les
quelques prochaines années ; elle doit débourser environ 9 milliards de dollars en 1993. Le ratio de la dette extérieure
algérienne (le ratio du service de la dette sur les recettes des exportations) en 1993 s'élèverait à 83 % (84), ce qui représente
l'une des proportions les plus élevées du monde. Pour répartir la charge sur une plus longue période et par conséquent
augmenter les fonds disponibles pour les dépenses intérieures, le gouvernement cherche de nouveaux prêts et une aide pour
la balance des paiements. La France est le créancier le plus important de l'Algérie avec environ 6 milliards de dollars en encours. L'Italie, le plus gros
acheteur de gaz naturel parmi les pays européens, est le deuxième créancier. L'Algérie doit également des montants
importants à l'Espagne et au Japon. Les décisions d'octroyer des prêts par le biais du Fond Monétaire International (FMI) influencent largement la politique des
principaux créanciers et des institutions financières internationales envers l'Algérie. Les négociations entre le FMI et le
gouvernement algérien ont repris vers la fin 1993 sur les réformes économiques que le FMI impose comme condition
préalable à l'octroi de prêts. Le Premier ministre, Redha Malek, semble bien plus intéressé que son prédécesseur Belaïd
Abdessalam d'aboutir à un accord avec le FMI qui permettrait à l'Algérie de réduire le pourcentage de ses recettes à
l'exportation consacrées au paiement du service de la dette. Le 30 novembre, Redha Malek a rencontré les responsables du
FMI qui étaient en Algérie pour une visite de deux semaines. LES ETATS UNIS ET L'ALGERIE La plus grande partie de l'aide octroyée à l'Algérie est concentrée sur deux programmes : le crédit pour l'achat de produits
agricoles américains, à travers la "Commodity Credit Corporation" (CCC) du département de l'Agriculture, et les garanties
aux prêts accordées par la Banque Export-Import (Eximbank) aux entreprises américaines ayant des projets avec l'Algérie. Jusqu'en 1993, l'Algérie a été le troisième ou le quatrième plus gros client de la CCC. Au cours de l'année fiscale 1994,
débutant en octobre 1993, l'Algérie s'est placée en deuxième position avec une allocation de 550 millions de dollars en
crédits. Pour Eximbank, l'Algérie était en quatrième position, dès le 30 septembre, en terme de couverture financière, après le
Mexique, le Vénézuela et le Brésil. La banque couvre l'Algérie à hauteur de 2,2 milliards de dollars, pour la plupart sous
forme de garanties de prêts à moyen et long terme octroyés par les banques privées. La CCC, Eximbank et les autres agences gouvernementales américaines octroyant des crédits et des garanties aux crédits et
aux prêts aux gouvernements étrangers ont toujours ignoré ou dédramatisé les droits de l'homme dans leurs décisions. Alors
que les restrictions statutaires concernant les droits de l'homme chez Eximbank sont peu importantes (85), elles sont plus
sévères chez CCC. Cette dernière exige de suivre les dispositions de la loi de 1961 sur l'aide extérieure américaine, après
amendement, qui interdit de fournir une assistance à tout gouvernement qui commet des violations flagrantes des droits de
l'homme tels que définis internationalement, notamment la torture ou le traitement ou sanction à caractère cruel, inhumain
ou dégradant, la détention prolongée sans accusation, la disparition de personnes par leur enlèvement et leur détention
secrète, ou tout autre refus du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes", sauf si cette assistance va directement
aux bénéfices des nécessiteux dans ce pays. (86) Middle East Watch appelle l'administration Clinton a informer publiquement Alger de son intention de lier les programmes
futurs de la CCC et d'Eximbank à un progrès tangible dans la reprise du processus démocratique et la réduction des
violations des droits de l'homme. La seule aide annuelle du gouvernement américain à l'Algérie consiste en un modeste programme de 150.000 dollars
destiné à la participation au programme sur "International Military Education and Training" (programme international de
formation et d'entraînement militaire). La participation de l'Algérie est restreinte, par le département d'Etat, aux
programmes initialement conçus pour promouvoir la démocratisation et le respect des droits de l'homme dans les secteurs
civils et militaires. (87) En dépit de ces assurances, Middle East Watch pense que ce programme devrait être suspendu, étant donné la forte
implication des forces de sécurité dans les graves violations des droits de l'homme, notamment la torture, si l'Algérie ne fait
pas de progrès dans les mois à venir en faveur d'un plus grand respect des droits de l'homme et de la reprise du processus
démocratique. Dans son rapport officiel accompagnant la loi sur l'assistance étrangère pour le budget de l'exercice fiscal
1994, le Comité sénatorial des relations étrangères exhorte l'administration à prendre ceci en considération. (88) Les USA ont également les moyens de promouvoir les droits de l'homme à travers leur vote à la Banque Mondiale. Le
portefeuille algérien de la Banque est l'un des plus importants du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, avec des arriérés de
1 milliard de dollars sur des prêts. La Banque a également approuvé un prêt d'ajustement de 350 millions de dollars en 1991
et en débloqué à l'époque une partie. La deuxième tranche du prêt est conditionnée par l'acceptation par la Banque d'un plan
macroéconomique satisfaisant que doit présenter le gouvernement de l'Algérie. Dans la section 701(a) de la loi sur les institutions financières internationales de 1977, les USA se doivent d'utiliser "leur
voix et leur vote" à la Banque Mondiale et au FMI pour canaliser l'assistance uniquement aux gouvernements qui ne sont
pas engagés dans un mode de violation flagrante des droits de l'homme internationalement reconnus. "Les USA doivent
respecter cette loi par leurs actes en suspendant les projets de prêts à l'Algérie, à l'exception de ceux qui répondent à des
besoins humanitaires de base." A son crédit, l'administration Clinton a fait preuve d'une certaine volonté de critiquer le régime algérien pour n'avoir donné
aucune réponse au problème de la sécurité, si ce n'est par une répression accrue. La première déclaration politique majeure
de l'administration Clinton sur l'Algérie avait franchement mentionné les droits de l'homme. Dans une déclaration préparée
pour l'audition du 12 mai par le Comité intérieur des Affaires étrangères, le secrétaire d'Etat adjoint de l'époque pour les
affaires du Moyen-Orient, Edward P. Djeredjian, avait déclaré : "Depuis la suspension des élections parlementaires, peu de progrès ont été réalisés dans le rétablissement du processus
démocratique et l'amélioration de la situation des droits de l'homme. (...) Honnêtement, jusqu'à présent, nous avons vu peu
de choses sur la manière dont le gouvernement a l'intention de mettre en place de réelles réformes politiques et
économiques. (...) Nous ne pensons pas que les problèmes de l'Algérie peuvent se résoudre simplement par le recours aux
méthodes de sécurité. (...) Dans nos contacts avec le gouvernement algérien, nous l'exhortons à avoir une attitude mesurée
pour ce qui est des méthodes de sécurité, et à se concentrer sur ceux qui sont coupables de violence en évitant la répression
à grande échelle ou la multiplication des détentions avec mise au secret (...)". "Les USA soutiennent résolument la liberté de la presse et s'inquiètent des restrictions imposées à la presse et de la pression
contre les journalistes. De telles actions entravent le processus démocratique et le dialogue politique. Nous sommes
également préoccupés par des rapports venant d'organisations indépendantes des droits de l'homme faisant état de
l'utilisation de la torture à grande échelle et nous appelons le gouvernement algérien à autoriser une enquête à grande
échelle sur ces accusations." Après la prestation de Djerejian devant le Comité, les responsables américains n'ont plus fait de commentaire public sur les
droits de l'homme en Algérie. FRANCE ET ALGERIE L'Algérie entretient des liens étroits avec la France, bien plus qu'avec tout autre pays occidental. La France demeure de loin
son plus important créancier avec environ 6 milliards de dollars d'encours. En 1993, elle a accordé de nouveaux crédits, de
plus d'un milliard de dollars. Une grande partie de son aide à la balance des paiements a été assortie de conditions
favorables, et ses crédits sur les matières premières ont été garantis par la COFACE, organisme de crédit à l'export de l'Etat
en France. Le gouvernement conservateur présidé par le Premier ministre Edouard Balladur, qui a pris le pouvoir en mars, a accru le
soutien français au régime algérien. Mis à part les condamnations de la violence politique par les groupes d'opposition et les
déclarations prudentes en faveur du dialogue, le gouvernement Balladur a été publiquement silencieux sur la détérioration
des pratiques des droits de l'homme en Algérie. Cette politique a suivi la voie prise après quelques hésitations par le président Mitterrand et le gouvernement socialiste
sortant. Au début 1993, avant les élections françaises, les responsables français et algériens avaient effectué des visites de
haut niveau dans leurs capitales respectives et signé des accords pour une nouvelle assistance française. Le ministre des
Affaires étrangères de l'époque, Roland Dumas, avait qualifié de "courageuse" la politique d'Alger en faveur du
rétablissement de l'autorité de l'Etat et des réformes économiques. Le président Mitterrand, qui avait provoqué la colère
d'Alger en janvier 1992 en critiquant l'interruption du processus électoral, a changé d'orientation et fait une déclaration à
sens unique condamnant "l'intégrisme". En juin, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a offert son "aide pour la lutte du gouvernement algérien contre le
terrorisme et le fanatisme religieux", sans exprimer de réserves sur la manière dont cette lutte était menée. En décembre,
Paris a rendu service aux autorités algériennes en forçant des islamistes algériens à quitter le pays et interdisant Le Critère,
un magazine pro-FIS publié en France, de même que celui qui l'a remplacé, le magazine Résistance. (89) En novembre, les autorités françaises ont arrêté quelque quatre-vingt dix Algériens vivant en France, soupçonnés de liens
avec le mouvement islamique clandestin en Algérie. L'opération a été menée deux mois après que des ressortissants français
aient été tués en Algérie au cours d'une opération attribuée aux islamistes, et une semaine après que trois responsables du
consulat français en Algérie ait été libérés par leurs kidnappeurs, qui leur avaient remis un avertissement invitant tous les
étrangers à quitter l'Algérie, faute de quoi ils risquaient "une mort soudaine". Le Groupe islamique armé (GIA) avait
revendiqué l'enlèvement. Un mois après ces arrestations, la France a libéré tous les Algériens interpellés sauf un. Le ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, a clairement expliqué que l'objectif de l'opération était au moins partiellement
politique. Le 9 novembre, le jour des arrestations, il a prévenu les Algériens en France qui "s'identifiaient au FIS" qu'ils "ne
doivent pas exercer sur le sol français une activité politique contraire aux intérêts du gouvernement français" (90). Certains
observateurs ont reconnu dans cette opération un geste de soutien au gouvernement algérien dans sa bataille contre la
résistance islamiste. A une question sur ce sujet dans une interview publiée le 17 novembre dans le quotidien Le Monde,
Charles Pasqua a répondu que "cela est possible, mais que ce n'était pas le but de l'opération". Le journaliste a alors
demandé à Pasqua : "La décision de soutenir sans réserve le pouvoir en place à Alger n'est-elle pas contestable dans la mesure où, dans sa
réaction face aux islamistes, le gouvernement ne semble pas respecter les droits de l'homme ?" Pasqua a répondu : "Il n'y a pas de soutien "sans réserve", comme vous le dites. Mais ce qui est également "contestable" pour moi, c'est le sort
d'une nation, notamment des intellectuels qui sont assassinés en Algérie par les terroristes. Je voudrai que les esprits bien
intentionnés se donnent un peu plus de mal sur cette question." "Notre politique est cependant claire. L'intérêt de la France est de voir de l'autre côté de la Méditerranée des pays qui
s'occupent de leur développement économique et qui sont stables. Ceci n'est malheureusement pas le cas en Algérie. Nous
ne pouvons qu'espérer que le processus démocratique reprendra. Mais le gouvernement ne peut faire cela de lui-même." Dans la même logique que les déclarations des responsables français en Algérie, Pasqua a carrément condamné le
terrorisme, tout en ignorant la question de la répression brutale des islamistes par le gouvernement. Le soutien français au régime algérien est motivé en grande partie par sa préoccupation de voir un régime islamique au
pouvoir, ce qui grossirait le flux des immigrés en France, où vivent déjà plus d'un million d'Algériens, et une telle prise de
pouvoir déstabiliserait le reste de l'Afrique du Nord. En outre, les relations franco-algériennes sont déjà compliquées par
l'héritage du colonialisme français en Algérie et la guerre de huit ans pour l'indépendance du pays. L'évocation en public par
la France des préoccupations concernant les droits de l'homme en Algérie suscite une réaction dans les cercles officiels
algériens, en souvenir des atrocités commises à l'époque coloniale. Ces considérations cependant n'excusent pas la politique à sens unique de Paris. Tout en condamnant les menaces et la
violence des groupes armés en Algérie, le gouvernement français a toujours refusé de critiquer publiquement les graves
violations commises par le gouvernement algérien, les exécution après des procès injustes, les détentions massives sans
accusation et les autres violations graves qui continuent jusqu'à ce jour. L'UNION EUROPEENNE ET L'ALGERIE Le rôle de l'Union Européenne en Algérie est plus modeste sur le plan financier que celui de la France, mais il demeure
important. Il porte en lui le prestige des douze membres constitutifs qui travaillent de concert. Le quatrième protocole financier de l'Union Européenne avec les gouvernements du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord
qui est entré en vigueur en mai 1992 comprenait une aide de cinq ans pour l'Algérie, d'un montant de 400 millions d'écus
(452 millions de dollars). La majorité sous forme de prêts et une petite partie sous forme de dons. Les protocoles financiers n'ont pas de dispositions concernant le respect des droits de l'homme. Cependant, une résolution
adoptée par le Parlement européen le 15 janvier 1992, trois jours après l'annulation des élections parlementaires par le
régime, a appelé la Commission Européenne, lors de l'application d'accords de coopération, à s'assurer que les Etats
signataires respectent les droits de l'homme et les accords internationaux, et en particulier la Déclaration universelle des
droits de l'homme des Nations unies et des Conventions de Genève. "Concernant l'Algérie, la résolution appelle au report de
l'application du quatrième protocole jusqu'à ce qu'une solution politique dans ce pays ait vu le jour." (91) Le Parlement européen a rapidement interrompu l'aide du quatrième protocole au Maroc et à la Syrie pour des motifs liés
aux droits de l'homme, bien qu'il ait par la suite libéré l'aide au Maroc et une partie de l'aide à la Syrie en 1992. Le
Parlement n'a pas bloqué l'aide à l'Algérie. La première tranche a été libérée à l'automne 1992. Le paiement de la deuxième
tranche de 150 millions d'écus a ét é retardé pour des raisons financières en attendant l'accord de l'Algérie aux politiques
d'ajustements économiques demandés par le FMI. Au cours des derniers mois, le Parlement européen a montré une volonté louable de critiquer à la fois le gouvernement et
ses adversaires. Une résolution non-législative du 17 septembre à condamné "la poursuite des assassinats d'intellectuels, de
journalistes, des responsables de l'administration et d'autres," tout en notant "les milliers d'arrestations et d'internement dans
des camps de détention, la pratique de la torture, et le recours à la peine de mort". La résolution a stipulé qu'une politique de
répression qui inévitablement entraîne des atteintes aux droits de l'homme, ne pouvait servir l'objectif de démocratisation de
l'Algérie." Elle a exhorté le Conseil des ministres de l'Union Européenne à oeuvrer pour promouvoir les droits de l'homme
en négociant des accords de coopération avec l'Algérie. Plus récemment, le Parlement européen a soulevé la possibilité d'effacer ou de renégocier les termes de la dette algérienne
avec l'Union Européenne. Cette option a été soutenue par une résolution non-législative, adoptée le 28 octobre, portant
largement sur la condamnation de la violence par les groupes d'opposition en Algérie. Middle East Watch invite le Parlement Européen à mettre en pratique ses propres résolutions pour le soutien des droits de
l'homme et de la démocratie en Algérie, en liant les futurs prêts et l'effacement de la dette aux progrès effectués par le
gouvernement algérien pour la réduction des atteintes aux droits de l'homme et pour la reprise du processus démocratique.
Nous appelons également l'Union Européenne à dépêcher en Algérie une mission d'enquête sur les atteintes aux droits de
l'homme, comme elle l'a fait pour la Syrie lors de sa délibération sur l'aide du quatrième protocole. Une telle mission devrait
faire des rapports sur les atteintes aux droits de l'homme par le gouvernement et par d'autres, et faire des recommandations
sur la manière de promouvoir efficacement les droits de l'homme. Les résultats de la mission devraient jouer un rôle dans la
formulation d'une politique de l'Union Européenne envers l'Algérie. Les rapports officiels sur les victimes ne donnent pas les critères qui permettent de classifier les victimes parmi les civils. La désignation excluerait
les membres présumés des groupes d'opposition armés. La plupart des observateurs croient que les décomptes fondés sur les rapports officiels sous-estiment systématiquement le nombre de personnes tuées en Algérie.
Voir Alistair Horne , A Savage War of Peace, Algeria 1954-1962, (Harmondsworth : Penguin Books, 1977, 195-207) pour la pratique de la torture
par les Français sous la guerre d'indépendance algérienne Voir Africa Watch et Middle East Watch "Droits de l'Homme en Algérie un an après les émeutes," 4 octobre 1989.
Le chiffre de 5.000 officiellement reconnu a été contesté par la Ligue Algérienne des Droits de l'Homme qui fait état de 8.000 arrestations.
Agence France-Presse, 26 décembre 1991. Gilles Millet, "Algérie; un putsch à froid contre le FIS, "Libération, le 13 janvier 1992.
Réseau ENTV de télévision d'Alger, le 14 janvier 1993, diffusé dans Foreign Broadcast Information Service, ci-après FBIS le 15 janvier 1992.
Haroun a été nommé au poste de vice ministre des Droits de l'homme en juin 1991. Quatre mois plus tard le poste a été promu à un niveau
ministériel à part entière. Le poste a été supprimé au début de 1992 sous l'état d'urgence.
Diffusé par FBIS, le 17 janvier 1992.
Ibid
Sur les droits de l'homme après l'arrêt des élections, voir Middle East Watch, "Droits de l'homme en Algérie depuis l'arrêt du processus
électoral,"février 1992.
L'article 9(3) stipule que tout détenu sera rapidement déféré devant un juge et jugé ou libéré dans un délai raisonnable. L'article 9(3) stipule
également que les personnes attendant d'être jugées, ne seront pas en règle générale détenues entretemps. L'article 12 prévoit que ces personnes
jouiront de la liberté de mouvement et du choix de leur lieu de résidence. L'article 17 prévoit le droit à la protection contre l'intervention arbitraire
dans la vie privée, la famille, le domicile ou le courrier, et contre les attaques illégales sur l'honneur ou la réputation. L'article 21 prévoit le droit au
rassemblement pacifique.
Agence France-Presse, 28 octobre 1993.
Les principes de base de l'indépendance du judiciaire approuvés par l'assemblée générale des Nations unies en 1985, stipulent en principe dans
l'article 5: "Chacun aura le droit d'être jugé par des tribunaux ordinaires ou des tribunaux utilisant les procédures légales établies. Les tribunaux qui
n'utilisent pas les procédures dûment établies du processus légal ne seront pas créer pour transférer la juridiction appartenant aux tribunaux
ordinaires aux tribunaux judiciaires."
Voir également Amnesty Interntional, Algérie, Exécutions à la suite de procès injustes. Un simulacre de justice. Octobre 1993. Le Haut Conseil de l'Etat annoncera les quelques prochains jours de nouvelles lois qui permettront aux autorités compétentes de faire face à la
violence et au terrorisme avec efficacité... Ces lois, qui sont dirigés contre le terrorisme sous toutes ses formes, ne visent pas à limiter les activités
politiques, la liberté d'expression ou les libertés de base du citoyen dans une atmosphère d'ordre et de paix. (Réseau de télévision algérienne ENTV, diffusé par FBIS, le 24 septembre 1992.) Un mois plus tard, Kafi a réaffirmé que les tribunaux spéciaux sont compatibles avec le respect des droits fondamentaux : Notre détermination à combattre le terrorisme avec tous les moyens, y compris les lois et les tribunaux spéciaux ne voudra jamais dire que nous
avons abandonné nos choix fondamentaux de construire un état dans lequel règne la loi.-un état qui protège les libertés fondamentales et les droits de l'homme et qui s'engage à respecter l'indépendance du système judiciaire, qui doit
êtr au dessus de tous soupçons et de toute manoeuvre politique. (Réseau de radio d'Alger, 24 octobre, diffusé par FBIS le 27 octobre 1992).
Algérie Presse Service, publié par Mideast Mirror, 1 novembre 1993.
Voir également le deuxième protocole optionnel de la convention internationale des droits civils et politiques qui a pour but l'abolition de la peine
de mort. Depuis 1991, les tribunaux militaires ont jugé de nombreux islamistes pour des délits tels que l'incitation et la participation à des rassemblements
illégaux. Le procès le plus suivi parmi les procès de civils comparaissant devant un tribunal militaire était celui des sept leaders du FIS en 1992. Le
tribunal militaire de Blida a prononcé des condamnations à douze ans de prison contre les le chef du FIS Abassi Madani et le chef adjoint Ali
Belhadj pour motif de conspiration contre l'autorité de l'état, causant un préjudice à l'économie et distribution des tracts séditieux. Les cinq autres
prévenus ont encouru des peines moins importantes. Conformément au code de procédure pénal, articles 258 et 261-263.
Agence France-Presse, 6 octobre 1992. Ce groupe qui entreprend ces actions... est lié au parti dissout, le Front de Salut Islamique. Je pense que tout le monde sait ceci. Tous ces groupes
sont sous la tutelle de ce groupe précis. (Interview en arabe diffusé sur le réseau de télévision ENTV en Algérie, le 21 novembre 1992, repris par FBIS le 23 novembre 1992. Les règles des Nations unies concernant la norme minimale à respecter dans le traitement des prisonniers stipulent dans l'article 92 : Un prisonnier non-jugé sera autorisé à informer immédiatement sa famile de sa détention et aura les moyens nécessaires pour communiquer avec sa
famille et ses amis et pour recevoir leurs visites, sous réserve des seules restrictions et supervision nécessaires à l'administration de la justice et de la
sécurité et du bon ordre de l'institution. Les règles de norme minimum adoptées en 1955 par le premier congrès des Nations unies sur la prévention du crime et le traitement des
délinquants, et approuvé ensuite par le Conseil économique et social constitue l'argument international le plus compréhensif qui soit conçu pour
définir des normes pour les conditions dans les prisons. Les règles sont reconnues comme une norme par les gouvernements et les responsables de
prison dans de nombreux pays. (Voi Human Rights Watch Global Report on Prisons. New-York : juin 1993. P115 à 118). L'ensemble des principes des Nations unies pour la protection de toutes les personnes en détention ou en prison sous quelque forme que ce soit,
stipule que la communication d'un détenu ou d'un prisonnier avec l'extérieur et en particulier sa famille ou son conseil, ne lui sera refusée que pour
quelques jours seulement." La déclaration la plus spécifique sur le délai se trouve dans les "principes de base des Nations unies sur le rôle des avocats, dans son principe 7 : Les gouvernements s'assureront que toutes les personnes arrêtées ou détenues qu'elles soient ou non sous le coup d'une accusation seront autorisées
à pouvoir rapidement communiquer avec un avocat, et en tout cas, jamais plus de 48 heures à partir du moment de leur arrestation ou détention. L'article 9(3) stipule que toute personne arrêtée ou détenue pour motif criminel sera "rapidement" déférée devant le huge. L'article 4 stipule que les
dérogations des dispositions de la convention sont possibles seulement "dans les cas où la situation le requièrt". Le ICCPR garantit à chaque prévenu le droit d'être jugé "sans retard excessif" (article 14(3)(c). La loi internationale ne précise pas de calendrier
spécifique qui est raisonnable pour toutes les affaires. Ce qui est "un retard excessif" dépendrait plutôt de critères comme la libération de l'accusé
avant son procès.
Agence France-Presse, 22 Février 1993 Agence France-Presse, le 17 mai 1993.
Agence France-Presse, le 6 mars 1993.
Agence France-Presse, 18 octobre 1993, et dans une interview à Washington avec Middle East Watch, le 23 septembre 1993.
"La liste noire", 19 octobre 1993.
Thomas W. Lippman, "Arab Sates Battling Muslim Militants Counter US Stance on Rights," Washinton Post, le 30 mai 1993.
Réseau de télévision d'Alger ENTV en arabe le 16 septembre 1993, diffusé par FBIS le 17 septembre 1993.
Plusieurs journalistes ayant travaillé pour des publications islamiques ont été arrêtés en janvier 1992. Le nombre des personnes arrêtées depuis cette
date n'est pas connu.
Convention européenne pour la protecton des droits de l'homme et des libertés fondamentales 213 U.N.T.S. 221, E.T.S. 5 (1950).
Cas grec, 12 a Y.B. Conv. Eur. sur les Droits de l'Homme para. 153 (1969).
Buergenthal, "State Obligations and Permissible Derogations,"The International Bill of Rights, 80.
Bradford Dillman, "Transition to Democracy in Algeria" dans "State and Society in Algeria,publié par John Entelis (Boulder, CO: Westview Press
1992), 46.
Voir Anne Dissez, Still Under the Influence," Index on Censorship, mai 1992; et Geneviève Delaunot, "La presse algérienne et les fantômes de la
liberté," Le Monde Diplomatique, mai 1992. Le réseau de télévision ENTV d'Alger en langue arabe; le 15 décembre 1992, diffusé par FBIS le 16 décembre 1992.
Agence France-Presse, 15 novembre 1993.
La constitution qui demeure en vigueur en dépit de l'état d'urgence stipule dans l'article 35 "la liberté de la conscience et la liberté de l'opinion sont
inviolables" L'article 36 stipule ; "La liberté intellectuelle, artistique et scientifique du citoyen est garantie. Les droits d'auteurs sont protégés par la loi. La
confiscation de toute publication, enregistrement ou autres moyens de communication peut se faire sans ordre du tribunal." L'article 39 précise : La liberté du citoyen de s'exprimer, de s'associer et de se rassembler est garanti."
Karim Aït-Ouméziane, "une tournure inattendue"; Le Matin, (Alger), le 22 juin 1993, Hachani a été maintenant détenu pendant deux ans sans
procès depuis l'incident.
le 27 octobre, la radio de l'état a annoncé que le tribunal militaire d'Ouargla avait prononcé des peines de mort contre dix-huit islamistes pour leur
rôle dans l'assaut fatal.
L'article 69 prévoit des peines de prison allant jusqu'à cinq ans pour avoir révélé sans intention de traîtrise ou d'espionnage " des informations
militaires qui n'ont pas été rendues publiques par une autorité compétente et dont la divulgation causera de toute évidence un tort à la défense
nationale. L'article 75 prévoit des peines de prison allant jusqu'à dix ans à toute personne qui en temps de paix participe en connaissance de cause à
une action démoralisante pour l'armée et dont le but est de nuire à la défense nationale.
F. Métaoui, "Affaire Hachemi Cherif-El Watan : Deux mois avec sursis," El Watan, 9 juin 1993.
Lettre de l'ambassade d'Algérie à Washington au comité pour la protection des journalistes basé à New York, août 1992.
Agence France-Presse, 15 août 1992
Voir l'article 19, "Algérie : Liberté de la presse sous l'état d'urgence, 26 décembre 1992.
Interview avec Ghania Mouffok, rédactrice à jeudi d'Algérie (un hedomadaire de langue française défunt), Alger, le 6 juin 1992.
Selon Robert Ménard de RSF, les responsables du ministère des Communications ont dit en novembre à une délégation de l'organisation française
Reporters sans Frontières, en visite dans le pays, que les deux quotidiens faisaient des bénéfices.
De nombreux observateurs pensent que les chiffres réels sont plus élevés que ce qui est indiqué dans le rapport officiel. Cependant il n'y a pas de
source d'information cumulative indépendante sur la violence politique. Les seules sources de données régulièrement mises à jour sont officielles ou
semi-officielles, comme Algérie Presse Service ou l'Observatoire national des Droits de l'Homme, (ONDH). Les critères utilisés par ces sources
pour qualifier les victimes "d'islamistes" ou de "civils" ne sont pas connus.
Une organisation du nom de Groupe Islamique Armé (GIA) a menacé dans une déclaration faite au mois de novembre, de tuer des étrangers qui
resteraient en Algérie après le 30 novembre.
D'après le régime, l'assassin présumé de Boudiaf aurait confessé avoir agi de son propre chef et par conviction religieuse. Cependant une enquête
officielle achevée en décembre 1992 a conclu que le suspect n'a pu agir seul, bien qu'elle n'ait atteint aucune conclusion sur la personne qui a
ordonné l'opération. Le tireur présumé a été arrêté et détenu sans procès depuis le jour de son forfait il y a dix-huit mois.
L'article 3 stipule que : Les personnes ne prenant plus activement part aux hostilités, notamment les membres des forces armées qui ont déposé leurs armes et ceux qui sont
hors combat à cause de maladie, de blessures, de détention ou de toute autre cause, seront en toutes circonstances traitées humainement... Pour cela, les actes suivants sont et demeureront interdits en tous temps et en tout lieu pour ce qui est des personnes sus-mentionnées : (a) La violence contre la vie et la personne, en particulier les meurtres de tout genre, la mutilation, le traitement cruel ou la torture; (b) La prise d'otages; (c) Les outrages à la dignité personnelle, en particulier les traitements humiliants ou dégradants; (d) La condamnation à des peines et leurs exécutions sans jugement prononcé par un tribunal régulièrement constitué qui donnerait toutes les
garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.
Document U.N E:CN.4/1984/4 adopté par une réunion d'experts tenue par l'Institut des Droits de l'Homme, Université Abo Akademi, Turku/Abo,
Finlande, 1990.
Un éminent représentant du FIS en exil Anouar Haddam a fait dans une interview le 18 octobre 1993, la distinction entre les mujahidins (armés) et
le FIS qui, en tant que parti politique "ne revendique aucune responsabiité pour aucune action". Gilles Millet, "Le FIS plaide sa cause à Khartoum," Libération, le 7 décembre 1993.
Le chef du FIS Abassi Madani et son adjoint Ali Belhadj purgent une peine de douze ans de prison chacun, pour des motifs en rapport avec une
grève et des émeutes en mai et juin 1992 (voir la section sur l'aperçu historique). Parmi ceux qui ont réagi à la violence de l'état, il y a sans aucun doute les membres du FIS... des organisations et des groupes sont nés pour défendre la volonté du peuple et pour résister à la violence de l'Etat... on ne peut pas vraiment dire qu'il s'agit du FIS.. Ils ont dérivé du FIS.. Selon notre information, ces groupes ont des membres au plus haut niveau de responsabilité qui ont leur propre expérience et leurs propres compétences, qui... déterminent si un acte de violence quelconque est justifié du point de vue islamique ou du point de vue politique. Et ce sont eux qui décident quels sont les actes qui seront mis en pratique. Mais nous, leaders politiques, exprimons notre opinion et nos convictions à travers les média ou les organismes internationaux, et ces opinions sont transmises au peuple.. Je pense qu'à un certain degré nous avons la capacité (d'influencer la résistance armée) mais elle dépend de notre capacité à communiquer, qui est très difficile maintenant. Mais il y a beaucoup d'influence parce dans la résistance il y a des gens qui étaient auparavant dans le FIS. Dans une interview à Radio France Internationale diffusée le 22 octobre, Kébir a fait savoir que son influence sur les groupes de moudjahidin étaient limitée. A la question de savoir si la violence s'arrêterait s'il l'ordonnait il a répondu : Je pense que ce n'est pas si facile. Il y a les groupes de mujahidin, chaque groupe a son émir, son chef. Ces leaders sont des gens mûrs. Je pense qu'ils sont à la hauteur de la tâche. S'il y a des développements spécifiques, s'il y a un retour réel au choix populaire, je pense que les gens l'accepteraient. (Diffusé dans Summary of World Broadcasts, 25 octobre 1993). Dans un communiqué transmis le 20 novemre à l'Agence France-Presse, le Groupe Islamique Armé a menacé Anouar Haddam, Rabah Kébir et les leaders du Mouvement Armé Islamique en Algérie. Ce communiqué a déclaré que le Groupe Islamique Armé "ne représente pas l'aile armé du FIS, mais c'est plutôt un groupe indépendant." Agence France-Presse, 20 novembre 1993. Associated Press a fait état le 6 décembre 1993, de la mort de quatre magistrats tués les sept mois précédents. Après la dissolution du FIS en 1992, le gouvernement a imposé son contrôle sur plusieurs mosqués qu'il considérait être des bastions du FIS. Il en a fermé certaines et remplacé les imams dans d'autres. Le 8 novembre 1993, interview téléphonique avec Middle East Watch. 75. Voir par exemple, le communiqué numéro 7, FIS, Bureau exécutif provisoire national (Europe), 25 août 1993. Dans une interview ultérieure, Rabah Kébir a cependant nié que le FIS a justifié ses attaques sur des civils à cause de leurs opinions politiques (voir texte ci-dessous). Pour une enquête qui soulève plus de questions qu'elle ne donne de réponses sur ce qui est derrière l'assassinat des Mohand, voir "la vendetta de Beni-Khelil," Horizons, le 11 juillet 1993. Chebouti est commandant du Mouvement Islamiste Armé (MIA) son évasion lui a valu d'être considéré comme une légende par ses admirateurs. La signature par Belhadj de cette déclaration a été confirmée par Rabah Kébir dans une conversation téléphonique avec Middle East Watch le 14 février 1993. Au moins deux des avocats de Belhadj ont été questionnés par les autorités sur la diffusion de cette déclaration et l'un d'eux, Brahim Touati, a été arrêté et condamné par un tribunal militaire à trois ans de prison pour "diffusion de tracts subversifs". Sur l'emprisonnement de Taouti, voir le communiqué de presse conjointement publié par Middle East Watch et Le Comité des Avocats sur les Droits de l'Homme, 11 mai 1993. Agence France-Presse, 18 septembre 1993. Diffusé dans "summary of world broadcats, le 25 octobre 1993. Catherine Simon, "Les islamistes durcissent le ton contre les étrangers," Le Monde, le 17 novembre 1993. L'article 3 des conventions de Genève de 1949 interdit à toutes les parties à un conflit interne armé d'exécuter des personnes "sans jugement préalable prononcé par un tribunal régulièrement constitué, accordant toutes les garanties judiciaires qui sont reconnus comme indispensable par les peuples civilisés." Les conseils sur les garanties judiciaires nécessaires peuvent être trouvés dans l'article 14 de la convention internationale sur les droits civils et politiques et dans l'article 75(4) du Protocole I de la convention de Genève. Durant sa visite à Bruxelles en octobre, le ministre des Affaires étrangères Mohamed Saleh Dembri a insisté auprès des responsables de l'Union Européenne pour un effacement de la dette, selon un rapport de l'Agence France-Presse le 13 octobre 1993 Francis Ghiles, "IMF and Algeria to resume debt talks," Financial Times, 27-28 novembre 1993. Dans les seuls cas où le président décide que cette action sert l'intérêt national, et que cette action sert clairement à promouvoir la politique des Etats-Unis dans des domaines tels que le terrorisme international, la prolifération nucléaire, la protection de l'environnement et les droits de l'homme, Export-Import Bank refusera les demandes de crédit pour des considérations non-financières et non-commerciales." Export-Import Bank Act, 1945 § 2(b)(1)(B), 12 U.S.C. § 635(b)(1)(B) (1988). Section 116 (22 USC 2151n). La législation correspondante du CCC est la loi sur le développement et l'assistance de 1954 avec son amendement (Public Law 480), Section 112 (7USC 1712). La déclaration par le secrétaire d'état adjoint aux Affaires du Moyen-Orient de l'époque Edward P. Ddjerdjian en Afrique du Nord, devant le sous-comité sur l'Afrique du comité des Affaires étrangères, le 12 mai 1993. US Department of State Dispatch, 24 mai, 1993, Vol. 4, N21. (Comité des relations étrangères, rapport accompagnant S. 1467, le 16 septembre 1993, rapport 103-144). Le rapport du Comité énonce pour l'Algérie : Le Comité reconnait les menaces posées par l'extension de l'extrémisme islamique en Afrique du Nord. Mais le Comité considère que l'annulation des élections démocratiques, l'installation de facto de la junte militaire et la détérioration des conditions des droits de l'homme en Algérie ont sapé la stabilité et nuit aux efforts américains d'encourager la démocratie et le respect des droits de l'homme dans la région. Le Comité appelle donc l'administration à faire un plus grand effort pour convaincre l'Algérie de l'importance d'une sérieuse réforme économique, de l'initiation d'un dialogue national comprenant tout le spectre de la société algérienne, et la reprise rapide du processus démocratique. Si aucun progrès n'est fait avant la fin de l'année dans chacun de ces domaines, le Comité appelle l'administration à considérer l'arrêt du programme international de formation et d'entraînement militaire pour l'Algérie. (Comité des relation Le ministre de l'Intérieur a le pouvoir d'ordonner l'interdiction de tout livre ou périodique "d'origine étrangère" - un terme que le ministre peut appliquer même sur une publication publier en France par des Français. Le Journal Officiel a justifié l'interdiction de Résistance sous prétexte que ce magazine "pourrait mettre en danger l'ordre publique à cause de son langage anti-occidental et anti-français. La publication a fait rapidement surface sous le nom de l'Etendard, interdite elle aussi en automne. La prohibition par le gouvernement français de publications de l'opposition algérienne n'est pas une chose récente. Entre 1986 et 1988, le gouvernement français a interdit sept fois les organes du mouvement d'opposition algérienne proche de l'ancien président d'Algérie Ahmed Ben Bella, sous prétexte qu'elle "sape les intérêts diplomatiques de la France". Voir Eric Goldstein, "The Magazine that Wouldn't Die", Columbia Journalisme Review, juillet-août 1989 Agence France-Presse, le 9 novembre 1993. Le 11 juillet 1991, anticipant les élections parlementaires en Algérie, une résolution du Parlement européen a appelé les Algériens à "pousuivre une politique audacieuse d'ouverture et de liberté d'expression en permettant à des journalistes étrangers d'avoir un libre accès à l'information, et face aux tentatives de déstabilisation, de ne pas interrompre ses mesures de démocratisation et de ne pas permettre l'installation d'un ordre politique autoritaire basé sur la violation des droits de l'homme". |