rapports

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RESUME


Bien qu'il ait déclaré qu'il s'engageait à rétablir un gouvernement civil élu au Nigéria pour le 1 octobre 1998, le gouvernement militaire continue de violer les droits des Nigérians aux libertés politiques, notamment la liberté d'expression, de réunion et d'association, le droit de circuler librement et le droit de ne pas être arrêté et jugé arbitrairement. En pays ogoni et ailleurs, les violations des droits de l'homme par les forces de sécurité sont une pratique courante instaurée depuis longtemps déjà. Le Chef de l'Etat, le Général Sani Abacha, maintient toujours en détention arbitraire le vainqueur présumé des élections du 12 juin 1993, le Chef M.K.O. Abiola. Les Nigérians ne croient pas beaucoup que ce gouvernement militaire, après avoir annulé les élections les plus régulières jamais tenues dans leur pays, passera le pouvoir à un gouvernement civil à la date promise. Le Nigéria semble se trouver dans un état de transition permanente, encore gouverné par les forces armées dix ans après qu'un programme pour restaurer la démocratie ait été annoncé pour la première fois par le Général Ibrahim Babangida.


Les récentes réformes annoncées par le gouvernement - notamment la restauration du droit à se pourvoir en appel dans certains cas où ce droit avait été refusé, l'abrogation d'un décret empêchant les tribunaux d'accorder des ordres d'habeas corpus en faveur du Chef Moshood K.O. Abiola détenu sans inculpation, et la création d'une commission des droits de l'homme - n'ont pas eu d'effet dans la pratique et sont même loin de répondre en quoi que soit au besoin de réforme fondamentale et de renouveau. Le programme de transition annoncé le 1 octobre 1995 accuse déjà du retard, tandis que les conditions qui ont été fixées pour la participation politique semblent vouloir exclure la grande majorité des militants crédibles engagés en faveur de la démocratie. Mais surtout, le programme n'aborde pas la question des élections du 12 juin 1993, ignorant de ce fait le problème politique essentiel du Nigéria depuis que les élections ont été annulées.


Le présent rapport expose en détail le programme de transition ainsi que les mesures qui ont été prises à ce jour pour sa mise en oeuvre, notamment une évaluation des élections locales non libres et non régulières de mars 1996. Le rapport décrit les obstacles à la liberté d'activité politique qui ruinent la crédibilité du programme de transition, dont la détention et l'emprisonnement d'opposants politiques, de personnes militant pour les droits de l'homme et la démocratie, de syndicalistes et de journalistes, ainsi que d'autres restrictions à la liberté d'expression, de réunion, d'association et au droit de circuler librement. Pendant ce temps, des citoyens nigérians ordinaires sont régulièrement soumis par la police à des détentions arbitraires et à la torture, les conditions d'emprisonnement sont effroyables et les expulsions des vendeurs du marché de Lagos ont été menées sans autre forme de procès, faisant ainsi grossir les rangs des déshérités du Nigéria. La législation répressive reste en vigueur, notamment les nombreux décrets qui empêchent les tribunaux de statuer sur la légalité des actes réalisés par le gouvernement militaire.


En pays ogoni, berceau de Ken Saro-Wiwa, militant des droits des minorités qui a été exécuté, la répression continue. Dix-neuf Ogoni doivent encore comparaître devant le Tribunal Spécial chargé des Troubles Sociaux, celui-là même qui a jugé Saro-Wiwa et huit autres personnes et les a condamnés à mort en octobre 1995 - exécutions décrites plus tard par le Premier Ministre britannique John Major comme étant des "meurtres judiciaires". D'autres soupçonnés d'être des sympathisants de l'organisation de Saro-Wiwa, le Mouvement pour la Survie du Peuple Ogoni (MOSOP - Movement for the Survival of the Ogoni People), ont été arrêtés après les manifestations du 4 janvier 1996 organisées par les Ogoni à l'occasion de la "Journée Ogoni" instaurée depuis 1993; d'autres encore ont été arrêtés en mars et avril 1996, avant et pendant la visite de la mission d'enquête envoyée par le secrétaire général de l'ONU - en dépit des assurances données à l'ONU par le gouvernement nigérian qu'aucune représaille ne serait exercée contre les personnes qui essaieraient de parler aux enquêteurs. Pour les personnes extérieures, il est virtuellement impossible de se rendre en pays ogoni où l'armée et les unités mobiles de police maintiennent une présence importante sans l'accord du gouvernement. Bien que le gouvernement nigérian ait consenti des efforts symboliques pour la "réconciliation" en pays ogoni, il n'a pris aucune disposition pour verser des indemnités aux familles des militants exécutés, ce qu'avait recommandé la mission d'enquête de l'ONU.


Après la vague de protestations qui avait suivi l'exécution des neuf Ogoni en novembre 1995, l'attention internationale s'est détournée du Nigéria en 1996. Bien que les sanctions imposées suite aux exécutions restent en vigueur, tout comme celles mises en place en 1993, aucune autre mesure n'a été adoptée, malgré le manque de progrès véritable accompli pour le retour d'un gouvernement civil élu à la tête du pays. Le Commonwealth, qui a suspendu l'adhésion du Nigéria en novembre 1995, a interrompu l'application des nouvelles sanctions recommandées en avril 1996 en attendant de nouvelles discussions avec le gouvernement nigérian. L'Organisation de l'Unité Africaine n'a pris aucune mesure contre le Nigéria et la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, qui a tenu une session extraordinaire sur le Nigéria en décembre 1995, doit encore faire suivre cette session par des actions ou des recommandations. Les Etats-Unis et l'Union Européenne, qui ont imposé diverses mesures en novembre et décembre 1995, notamment un embargo sur les armes et des restrictions en matière de visas, ont déclaré qu'ils préféraient agir de concert en ce qui concernait toute nouvelle mesure à prendre et ils n'ont donc rien fait de concret depuis l'année dernière - tout en assurant que toutes les mesures sont encore à l'examen. Chez les principaux partenaires commerciaux du Nigéria, les considérations économiques semblent avoir pris le pas sur l'indignation politique et morale qui s'était exprimée lors de l'exécution des neuf Ogoni en dépit des appels internationaux à la clémence.


Bien qu'il ait accepté la mission d'enquête envoyée par le secrétaire général de l'ONU, le gouvernement nigérian doit encore accorder un permis de visite aux représentants d'un bon nombre d'autres organisations internationales qui ont demandé d'examiner la situation au Nigéria. Il a, en théorie, promis d'autoriser les missions des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur l'indépendance des juges et des avocats et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ainsi que les missions de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Cependant, les dates n'ont été fixées pour aucune de ces missions, et les diverses dates proposées ont été rejetées sous prétexte qu'elles ne convenaient pas. Le Groupe d'Action Ministériel du Commonwealth (GAMC), mis sur pied en Nouvelle-Zélande en novembre 1995 au moment où le Nigéria a été suspendu du Commonwealth, a également proposé d'envoyer une mission au Nigéria. Après un refus initial, le gouvernement nigérian a annoncé en août 1996 qu'il invitait le GAMC à se rendre dans le pays, mais les conditions de visite de la mission en sont encore au stade des négociations.


La pression internationale doit être maintenue et accrue afin de veiller à ce que le gouvernement nigérian permette à ces missions d'aller de l'avant et -plus important encore- qu'il prenne des mesures pour améliorer la situation des droits de l'homme. Les détenus doivent être libérés, les libertés politiques restaurées, l'autorité de la loi respectée, et les droits de l'homme fondamentaux garantis. Et surtout, de nouvelles sanctions sont nécessaires pour s'assurer que le Nigéria soit à nouveau dirigé par un gouvernement civil élu le plus tôt possible, et certainement bien avant la date proposée actuellement, c'est-à-dire le 1 octobre 1998.



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