Africa - West

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X. REPONSE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

La réponse internationale à la catastrophique situation des droits humains au Congo a été globalement insuffisante par rapport à l'ampleur d'un problème qui aurait coûté la vie à plus de 2,5 millions de personnes. Il y a eu des efforts importants vers la paix et un engagement rhétorique en faveur de la recherche des responsabilités mais de telles initiatives ont été entravées par la violence en cours ainsi que par les politiques contradictoires et parfois malencontreuses des gouvernements bailleurs et des Nations Unies. Il n'y a pas eu d'efforts efficaces pour traiter la question des graves violations des droits humains, y compris la violence sexuelle contre les femmes et les filles. L'impact profond de tels crimes sur les victimes et sur leur communauté au sens large, combiné à la menace rapidement plus aiguë du VIH/SIDA dans la région, exigent une réponse internationale rapide et ciblée.

Les acteurs internationaux considèrent l'Accord de Lusaka comme essentiel au Congo, y compris les trois éléments fortement liés, 1) désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration (DDRRR) des groupes armés, 2) retrait des forces étrangères et 3) Dialogue inter-congolais. L'approche selon laquelle le désarmement doit précéder le retrait des troupes a conduit à des pressions accrues sur toutes les parties afin qu'elles procèdent au désarmement des groupes rebelles malgré de considérables difficultés associées à ce processus.

Les Etats Unis

Depuis le début de la guerre, les Etats Unis ont professé un engagement à maintenir l'intégrité territoriale du Congo. Mais en même temps, les Etats Unis ont accordé un soutien politique au Rwanda et à l'Ouganda, deux pays qui ont stationné des troupes appartenant à leur armée gouvernementale sur le terrain, dans l'est du Congo, et qui donc menacent cette intégrité. A la suite du génocide de 1994 et de leur incapacité à y répondre, les Etats Unis n'ont pas remis en question les affirmations du Rwanda selon lesquelles sa sécurité exigeait que des troupes rwandaises mènent la guerre au Congo contre ce qui subsistait des forces génocidaires. Les Etats Unis ont également laissé le champ libre au gouvernement ougandais, en partie parce qu'une alliance avec l'Ouganda servait les intérêts politiques américains au Soudan et dans la Corne de l'Afrique. Même confrontés à des preuves de plus en plus nombreuses que les troupes rwandaises et ougandaises et leurs alliés congolais avaient commis des crimes de guerre, les Etats Unis sont restés largement silencieux. A la fin de l'administration Clinton et au début de l'administration Bush, les Etats Unis ont commencé à suivre une politique plus critique à l'égard du Rwanda et de l'Ouganda, exerçant des pressions plus ouvertes pour que ces deux pays mettent un terme aux abus. Mais après les attaques du 11 septembre contre les Etats Unis, le gouvernement américain a subordonné certaines autres considérations politiques, y compris la fin des violations des droits humains, à la "guerre contre le terrorisme". Les Etats Unis ont qualifié le groupe rebelle hutu rwandais de l'ALIR d'organisation terroriste, une mesure qui a encouragé le gouvernement rwandais à réaffirmer vigoureusement son intention de rester au Congo, jusqu'à ce que l'ALIR soit vaincue.5

Inefficaces dans leur gestion de la guerre et des abus qui l'accompagnent en matière d'atteintes aux droits humains, les Etats Unis ont essayé d'alléger une partie de la misère résultant de cette situation. Au cours de l'année fiscale 2001, les Etats Unis ont dépensé environ 98 millions USD en aide humanitaire, incluant environ 5 millions USD pour l'Initiative en faveur de la Justice dans la région des Grands Lacs. Les Etats Unis considèrent maintenant le financement d'un programme d'aide humanitaire pour les victimes de violence sexuelle dans l'est du Congo. Au cours de l'année fiscale 2001, les Etats Unis ont consacré certaines ressources au problème du VIH/SIDA, dépensant 3,4 millions USD pour un programme de formation aux techniques de prévention au sein de la police à Bukavu. Dans l'année à venir, les Etats Unis étendront leurs financements à un programme de prévention, de contrôle et d'amélioration des services de santé. En janvier 2002, une équipe de l'Agence américaine pour le Développement International s'est rendue au Congo afin d'évaluer les possibilités d'expansion de l'aide sur le problème du VIH/SIDA.6

L'Union Européenne

L'Union Européenne s'est montrée largement inefficace pour influencer les développements au Congo parce que le Royaume Uni - généralement soutenu par l'Allemagne et les Pays Bas - a soutenu le Rwanda et l'Ouganda alors que la France - souvent associée à la Belgique - a apporté son appui au gouvernement rwandais.7 En 2001, l'Allemagne et les Pays Bas se sont dirigés vers une politique plus critique à l'égard du Rwanda, répondant à des préoccupations relatives au maintien de son occupation de l'est du Congo et à l'exploitation des ressources congolaises.

Les ministres des Affaires Etrangères français et britannique ont réalisé, en janvier 2002, une mission conjointe dans la région des Grands Lacs censée promouvoir la paix dans la région ainsi que renforcer l'impression d'une politique européenne unifiée dans cette zone.

En février 2002, le Ministre belge des Affaires Etrangères, Louis Michel, a visité l'est du Congo et exprimé ses inquiétudes sur la situation des droits humains, y compris sur la violence contre les femmes.

En décembre 2001, l'Union Européenne a décidé de reprendre son aide au Congo, à l'issue de discussions considérables entre la Grande-Bretagne, la France et la Belgique. Le Fonds Européen de Développement va fournir 108 millions USD d'aide au Congo pour des projets de développement. Fin janvier 2002, la Commission européenne a adopté un nouveau Plan global pour le Congo assorti de 32 millions d'euros en assistance humanitaire centrée sur la santé, la nutrition, la sécurité alimentaire ainsi que sur une assistance aux régions les moins accessibles.8

Les Nations Unies

Le Conseil de Sécurité, le Secrétaire Général et la MONUC

A la fois le Secrétaire Général, Kofi Annan et le Conseil de Sécurité ont consacré beaucoup d'attention à mettre un terme à la guerre du Congo et ont fréquemment dénoncé les abus contre les droits humains et la crise humanitaire découlant de cette guerre. Ils ont également insisté, de façon répétée, sur l'importance de la protection des femmes, dans un conflit armé. Mais le discours ferme des résolutions a, dans l'ensemble, souffert d'un manque de mécanismes efficaces pour sa mise en _uvre.

En octobre 2000, le Conseil de Sécurité a tenu une séance ouverte sur les femmes dans les conflits armés au cours de laquelle des ONGs de femmes ont joué un rôle décisif. Le Conseil de Sécurité a adopté une résolution appelant à la documentation de l'impact du conflit armé sur les femmes et du rôle des femmes dans la construction de la paix. Depuis lors, le Fonds de Développement des Nations Unies pour les femmes (UNIFEM) a entrepris une importante étude sur l'impact d'un conflit armé sur les femmes, dans plus de dix pays du monde, y compris le Congo. En septembre 2001, une équipe de trois femmes s'est rendue au Congo dans le cadre de cette étude.

Le Conseil a été incapable de mobiliser la volonté politique nécessaire au lancement d'une importante mission de maintien de la paix au Congo. En février 2001, le Conseil de Sécurité a décidé de déployer 2 300 soldats de la MONUC, soit environ la moitié du total initialement envisagé et sans mandat explicite relatif à la protection des civils. A la mi-juin 2001, le Conseil a étendu le mandat de la MONUC pour un an et a lui-même affirmé, dans la résolution 1355, l'importance de la recherche des responsabilités. Mais la MONUC n'est pas chargée de faire cesser les violations du droit humanitaire et restreint ses activités à la surveillance de la mise en _uvre de l'Accord de paix de Lusaka9. La MONUC ne peut agir qu'en accord avec les autorités locales - que ce soit le gouvernement congolais ou les forces rebelles respectives - ce qui rend extrêmement difficile une vérification indépendante des violations.

Agressions sexuelles et forces de maintien de paix

Fin décembre 2001, une Congolaise aurait remis une fillette de onze ans à un soldat marocain de la force de maintien de la paix de la MONUC basée à Goma. Celui-ci a ensuite sexuellement agressé l'enfant. Les autorités ont par la suite arrêté la femme mais le soldat de la MONUC est resté à son poste.10 Le Département des Nations Unies sur les opérations de maintien de la paix a déclaré à Human Rights Watch que plusieurs investigations internes étaient actuellement en cours et a confirmé que le soldat était resté dans la zone de la mission pendant la durée de ces enquêtes. Il a également insisté pour dire que les Nations Unies avaient "une politique de tolérance zéro" concernant les agressions commises par des forces de maintien de la paix des Nations Unies sur les femmes et les filles.11

Le Conseil de Sécurité a affirmé à plusieurs reprises son engagement à inclure une composante droits des femmes dans le travail des forces de maintien de la paix. Bien que le programme d'installation des officiers militaires des Nations Unies comporte une formation de sensibilisation aux questions de genre et qu'un conseiller genre ait été récemment nommé par la MONUC, il ne semble pas y avoir de formation spécifique sur la violence sexuelle, pour les forces de maintien de la paix. Le cas récent d'un viol qui aurait été commis par un soldat de la MONUC illustre la nécessité de programmes efficaces sur les droits des femmes et le VIH/SIDA, au sein de la force de maintien de la paix.

La Commission des droits de l'homme des Nations Unies

Bien qu'elle ait été sérieusement sous financée, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a attiré l'attention sur la grave situation du Congo. Roberto Garretón, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Congo jusqu'en octobre 2001, a publié des rapports accablants sur les abus commis tant par le gouvernement que par les rebelles. Il a plusieurs fois transmis des informations au Conseil de Sécurité sur les atteintes aux droits humains au Congo et dans le discours marquant la fin de son mandat, il a, lui aussi, appelé à la recherche des responsabilités pour les crimes commis par le passé au Congo. La personne qui lui a succédé, Iulia-Antoanella Motoc, originaire de Roumanie, s'est rendue au Congo, début 2002. Le Bureau du Haut-Commissaire des droits de l'homme au Congo (HRFOC) a effectivement surveillé les conditions relatives aux droits humains dans la capitale et dans plusieurs autres endroits du pays, a aidé le gouvernement à mettre en _uvre des réformes et a soutenu des groupes locaux de défense des droits. Mais le travail de cet important bureau est entravé par de graves manques de fonds et de personnel.

Action internationale sur le VIH/SIDA
La réponse internationale au VIH/SIDA, sous la forme de dons et prêts bilatéraux et multilatéraux pour des programmes SIDA, en Afrique, est loin d'être à la hauteur de l'effort nécessaire pour traiter la pandémie qui a coûté la vie de plus de 22 millions de jeunes adultes. En fait, le soutien des bailleurs internationaux, en matière d'assistance aux personnes infectées par le VIH, a en réalité baissé de plus de 50 pour cent entre 1988 et 1997.12 Ce déclin reflète une baisse générale et considérable de l'aide officielle au développement de la part de la plupart des bailleurs bilatéraux, dans tous les secteurs (et pas seulement la santé).13 Dans un effort pour mobiliser un soutien accru des bailleurs en faveur de la lutte contre le VIH/SIDA, le Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan a établi, en 2000, un Fonds Mondial que les bailleurs étatiques et privés sont encouragés à alimenter de larges dons pour combattre le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose. Le Secrétariat Général a fixé comme objectif au Fonds un total de 7 à 10 milliards USD par an.14 Au moment où nous rédigions ce rapport, les promesses de dons pour alimenter le Fonds atteignaient environ 1,6 milliard USD. Le Fonds envisage de soutenir des pays disposant de plans nationaux bien développés de lutte contre le VIH/SIDA et de par ce fait, il est très peu probable que le Congo soit une priorité. Les organisations des Nations Unies et les ONG travaillant dans le domaine de la santé sur le terrain, dans l'est du Congo sont intéressées par l'idée de faire plus pour combattre le VIH/SIDA mais elles ont des ressources très limitées pour s'attaquer à un éventail très large de problèmes menaçant la vie même des personnes.

En juillet 2000, le Conseil de Sécurité a adopté la Résolution 1308 qui appelle les pays à traiter du VIH/SIDA dans le contexte de la sécurité humaine. La résolution vise les forces armées et les forces de maintien de la paix pour des efforts d'éducation, de formation et de prévention et encourage l'appui psychologique et le dépistage du VIH/SIDA, sur une base volontaire et confidentielle pour toutes les forces nationales en uniformes, en particulier celles déployées internationalement. Suite à l'adoption de cette résolution, le Département des Nations Unies pour les opérations de maintien de la paix (DPKO) a commencé à examiner comment les situations de conflit augmentaient le risque d'infection par le VIH.15 Reconnaissant ultérieurement l'importance de garantir des mesures de prévention parmi les forces de maintien de la paix, l'Assemblée Générale réunie en juin 2001, en séance spéciale sur le VIH/SIDA, a appelé à ce que soient incorporées, dans les directives pour le personnel de maintien de la paix, une sensibilisation et une formation au VIH/SIDA.16

La Banque Mondiale

En décembre 2001, la Banque Mondiale a proposé d'établir un programme multi-pays de démobilisation et réintégration (MDRP) ainsi qu'un Fonds fiduciaire régional multi-bailleurs (RMDTF) qui lui soit associé afin de promouvoir la paix et la stabilité régionale et pour faciliter le financement de ce programme17. Des plans préliminaires pour la phase de démobilisation comportent tests, conseils et appui psychologique en matière de VIH/SIDA et les plans pour la phase réconciliation comportent informations, conseils et appui psychologique en matière de VIH/SIDA. Au moment où nous rédigions ce rapport, le plan n'abordait pas la violence fondée sur le genre ni les effets humanitaires plus larges du conflit ainsi que ceux en matière de droits humains.

5 Terrorism Exclusion List Designees: December 5, 2001. Voir le site web du Département d'Etat américain : Department http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2001/index.cfm?docid=6695 (consulté le 23 mai 2002). La liste nomme "L'Armée pour la libération du Rwanda (ALIR)- AKA : Interahamwe, Ex Forces Armées (EX-FAR)". Elle nomme aussi la force rebelle ougandaise, Forces Alliées Démocratiques (ADF) qui combat le gouvernement ougandais.

6 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Mikaela Meredith, Desk Officer pour le Congo, le Rwanda et le Burundi, U.S. AID, Washington, D.C., 24 janvier 2002.

7 Il existe des différences considérables entre l'approche des deux ministères concernés, le Foreign and Commonwealth Office et le Département pour les Relations Internationales. Le Groupe parlementaire tous partis confondus de la House of Commons sur les Grands Lacs et la prévention du génocide a récemment achevé une mission au Congo et a poursuivi celle-ci par une série de recommandations au gouvernement britannique.

8 Commission européenne, "Aid package for the Democratic Republic of the Congo," 24 janvier 2002, ref : ECHO02-0005EN.

9 Ceci est également en contradiction avec le Rapport du Panel sur les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ou Rapport Brahimi qui suggère que "les agents de maintien de la paix des Nations Unies - troupes ou police - qui sont témoins de violence contre les civils devraient être perçus comme étant autorisés à les stopper, dans la mesure de leurs moyens, selon les principes fondamentaux des Nations Unies." Voir www.un.org/peace/reports/peace_operations. (consulté le 23 mai 2002).

10 Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch avec une organisation de défense des droits humains à Goma, 15 janvier 2001 ; IRIN report, 11 janvier 2001.

11 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel du Département des opérations de maintien de la paix, 28 janvier 2001.

12 Amir Attaran et Jeffrey Sachs, "Defining and refining international donor support for combating the AIDS pandemic ", The Lancet 357 (2001): 57-61.

13 "Aid to poor countries falls again," Monday Developments 16, 12 , 6 juillet, 1998.

14 Associated Press, "African leaders back less costly AIDS drugs, more spending," 27 avril 2001.

15 UNAIDS press release, "AIDS now core issue at UN Security Council," New York, 19 janvier 2001.

16 UNAIDS press release, "UN Security Council welcomes Declaration," New York, 28 juin 2001.

17 The World Bank press release, "Greater Great Lakes Demobilization and Reintegration Program and Trust Fund," Bruxelles, 19 décembre 2001.

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