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LISTE DES SIGLES UTILISES

ADF: Forces Démocratiques Alliées (Allied Democratic Forces) (Ouganda)
APC: Armée Populaire Congolaise, bras armé du RCD-ML
APR : Armée Patriotique Rwandaise
FAC: Forces Armées Congolaises
FAZ: Forces Armées Zaïroises
FLC: Front de Libération du Congo
HCDH: Haut Commissariat aux Droits de l'Homme
MLC: Mouvement pour la Libération du Congo
MONUC: Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo
NALU: Armée Nationale de Libération de l'Ouganda (National Army for the Liberation of Uganda)
RCD: Rassemblement Congolais pour la Démocratie
RCD-ML: Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération
RCD-N Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National
UNICEF: Fonds des Nations Unies pour l'Enfance
UPDF: Forces de Défense du Peuple Ougandais (Ugandan People's Defence Forces)

REMERCIEMENTS

Le présent rapport, qui se base sur les résultats d'une mission effectuée au Congo et dans d'autres Etats de la région en décembre 2000, a été rédigé par Suliman Baldo, chargé de recherche à la Division Afrique de Human Rights Watch, et par Trish Hiddelston, consultante à la Division Afrique, pour ce qui concerne la partie témoignages du rapport. Alison Des Forges, consultante à la Division Afrique de Human Rights Watch, Janet Fleischman, directrice de la Division Afrique à Washington, Wilder Taylor, conseiller général et Michael McClintock, directeur adjoint des programmes se sont chargés de la révision. Ont participé à la production Ethel Higonnet, adjointe à la Division Afrique, Patrick Minges, directeur des publications et Fitzroy Hepkins, responsable du courrier. Nous voudrions remercier les nombreux Congolais que nous ne nommerons pas ici pour préserver leur sécurité et qui nous ont consacré du temps lors de notre mission dans l'est de la RDC à la fin 2000.

I. RESUME

Dans le nord-est du Congo, l'Ouganda joue à la fois le rôle du pyromane et du pompier, avec des conséquences désastreuses pour la population locale. En entretenant les dissensions politiques entre responsables de partis congolais, en s'impliquant dans les conflits ethniques locaux et en extrayant les richesses du pays, les protagonistes ougandais servent leurs seuls intérêts au détriment des Congolais dont ils occupent le territoire.

L'Ouganda n'est que l'un des nombreux acteurs étrangers impliqués dans la guerre qui a éclaté en République Démocratique du Congo (RDC) en août 1998. Aujourd'hui, le conflit oppose le gouvernement congolais, appuyé par les troupes angolaises, zimbabwéennes et namibiennes, aux rebelles soutenus par les gouvernements ougandais, rwandais et burundais. Les belligérants ont signé un accord de paix dans la capitale zambienne, Lusaka, en juillet-août 1999. Les parties au conflit n'ayant pas respecté les engagements stipulés dans l'accord, les Nations Unies n'ont pu déployer les forces de maintien de la paix prévues aux termes de l'accord. La guerre a, directement ou indirectement, causé la mort de plus d'un million de Congolais, déplacé à l'intérieur du pays 1,6 million de personnes et forcé près d'un demi million de personnes à chercher refuge dans les pays voisins.

La guerre qui semble s'enliser et le processus de paix qui piétine ont conduit le pays à une partition de fait entre quatre régimes, chacun dépendant de troupes étrangères pour sa survie. Le gouvernement est retranché dans la moitié occidentale du pays mais sa longue dépendance vis-à-vis d'alliés étrangers est devenue très perceptible suite à l'assassinat du Président Laurent Kabila à la mi-janvier 2001 et à son remplacement par son fils Joseph Kabila. L'un des groupes rebelles, le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), dirigé par Jean-Pierre Bemba, contrôle une grande partie de la province de l'Equateur située dans le nord. Au début 2001, il avait réussi à asseoir son emprise sur un autre groupe rebelle, moins bien organisé, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML), lequel affirmait contrôler en partie le Nord-Kivu et la Province Orientale situés à l'est du Congo. Cette fusion a regroupé plusieurs responsables du RCD-ML et conduit à la création du Front de Libération du Congo (FLC). Néanmoins, Wamba dia Wamba, l'un des premiers dirigeants du mouvement rebelle et fondateur du RCD-ML, a continué à s'opposer à ce regroupement mais apparemment sans grand succès. Un troisième groupe rebelle, la plus grande partie du RCD, connu actuellement sous le nom de RCD-Goma, contrôle certaines parties du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema, de la Province Orientale et du Katanga, des provinces situées à l'est et au sud-est du pays.

L'Ouganda, le Rwanda et le Burundi prétendent que leurs troupes se trouvent en RDC pour protéger leur sécurité nationale, en particulier pour contenir et éliminer les groupes d'insurgés qui utilisent l'Est du Congo comme base pour lancer des attaques contre leurs gouvernements. Les Ougandais ont soutenu tant le MLC que le RCD-ML jusqu'à ce qu'ils échafaudent la création du FLC, maintenant devenu leur client congolais privilégié. Les Rwandais appuient le RCD-Goma. Les troupes burundaises opèrent également dans la partie sud de la zone contrôlée par le RCD-Goma mais elles jouent un rôle moins important que le Rwanda et l'Ouganda dans les décisions politiques et militaires des groupes rebelles congolais.

Outre la partition virtuelle du pays, la guerre a entraîné d'autres divisions dans les zones dominées par l'Ouganda et le Rwanda. Les dirigeants locaux, veillant aux intérêts de leurs partis politiques ou pensant à leurs propres intérêts, ont manipulé les allégeances ethniques et exploité le soutien extérieur afin d'établir leurs propres zones d'influence. L'interaction entre les dirigeants locaux et les acteurs impliqués dans la guerre à plus grande échelle a exacerbé les tensions ethniques locales et créé un mélange explosif de conflits interethniques qui continue à avoir des effets dévastateurs tant sur le plan des droits humains qui sont bafoués que pour l'ensemble de la population civile qui souffre amèrement. Parallèlement à la guerre menée à plus grande échelle et aux conflits politiques permanents, un conflit agraire limité qui avait éclaté entre les peuples hema et lendu dans le nord-est de la RDC, un des nombreux conflits qui semblaient avoir été réglés pacifiquement, a fini par s'intensifier et par s'étendre. Les Hema bénéficieraient généralement du soutien des Ougandais, attribué à un supposé lien ethnique entre les Hema de RDC et ceux d'Ouganda. Depuis les premières violences de juin 1999 jusqu'au début 2000, 7.000 personnes auraient été tuées et 150.000 déplacées. Au cours des derniers incidents violents survenus en janvier 2001, 400 personnes ont été tuées en une seule journée de violence à Bunia et au moins 30.000 personnes ont dû fuir la région.

La guerre et la confusion administrative qui en a découlé ont permis à ceux qui sont soutenus par des forces armées d'exploiter sans entrave les ressources locales, exportant les minéraux ou imposant des taxes sur le commerce, surtout au profit des officiers et des civils rwandais et ougandais, tant à titre officiel que privé.

En décembre 2000, Human Rights Watch a entrepris une mission d'enquête dans une zone contrôlée par l'Ouganda dans le nord-est du Congo, zone qui se situe à la fois sur les territoires de Beni et de Lubero au Nord-Kivu et sur le district d'Ituri dans la Province Orientale, qui jouxte la frontière entre l'Ouganda et le Congo. Ce rapport est basé sur les résultats de cette mission et d'autres recherches et couvre la période s'étendant de juin 1999 à début mars 2001.

Ces recherches ont abouti aux conclusions suivantes:

· Les forces militaires ougandaises ont joué un rôle déterminant dans les affaires locales, allant même jusqu'à modifier les frontières administratives et à désigner les responsables provinciaux, profitant du vide administratif résultant des conflits continuels entre les diverses ramifications du RCD-ML parrainé par l'Ouganda.

· Le sentiment que les Ougandais appuyaient les Hema est devenu une certitude dans bon nombre de communautés lorsque les soldats ougandais ont aidé les Hema à défendre leurs vastes exploitations agricoles contre les attaques des Lendu et lorsqu'ils ont aidé les milices hema à attaquer des villages lendu. Dans certains cas, ces soldats ont apporté leur soutien en échange d'argent qui leur était versé à eux ou à leurs officiers supérieurs.

· Sous prétexte qu'ils mettaient sur pied une armée pour le mouvement rebelle, les responsables politiques congolais ont développé leurs propres groupes de partisans armés, unis à eux par des liens d'allégeance personnelle et/ou ethnique. A diverses reprises pendant ces deux dernières années, ces partisans armés ont été impliqués dans des opérations au cours desquelles des civils ont été tués. · Toutes les parties, y compris les Ougandais, ont recruté et entraîné des enfants soldats.1 En août 2000, les Ougandais ont transporté en Ouganda quelque 163 enfants qui faisaient partie d'un groupe plus large de 700 recrues, pour leur dispenser un entraînement militaire. Ce n'est qu'en février 2001 que le gouvernement ougandais a autorisé plusieurs agences internationales à rendre visite à ces enfants en vue de leur démobilisation et de leur réinstallation.

· Les dirigeants politiques rivaux du RCD-ML, Wamba dia Wamba et Mbusa Nyamwisi, ainsi que les soldats de l'UPDF (force de défense du peuple ougandais) ont arrêté illégalement des leaders politiques considérés comme des opposants et les ont soumis à des conditions inhumaines. Dans certains cas, les forces de l'UPDF et du RCD-ML ont torturé les opposants politiques en détention.

· Le "premier ministre" du RCD-ML, Mbusa Nyamwisi, un dirigeant congolais appartenant à un troisième groupe ethnique puissant, les Nande, a cherché à accroître son pouvoir en s'alliant aux forces maï-maï, des groupes de milices locales qui luttent surtout pour expulser les occupants étrangers de leur territoire et qui utilisent souvent des rituels traditionnels pour être plus forts au combat.

· Les soldats ougandais ont également formé et appuyé une organisation appelée RCD-National, qui semble être davantage une opération visant à extraire et à commercialiser les riches ressources en minerais de la région de Bafwasende que le parti politique qu'elle prétend être. Cette exploitation flagrante des richesses congolaises au profit des officiers de l'armée ougandaise opérant au Congo ou en plus haut lieu, symbolise l'exploitation à plus grande échelle de toute la région au profit des acteurs extérieurs.

1 Dans le présent rapport, le mot « enfant » se réfère à toute personne âgée de moins de dix-huit ans. Human Rights Watch suit la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant pour qui un enfant s'entend de « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable.» Convention relative aux droits de l'enfant, Article 1, A.G. Rés.44/25, Doc. ONU A/RES/44/25.

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