Africa - West
 
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I. INTRODUCTION
II. RECOMMANDATIONS


Le conflit qui éclatait au Congo en août dernier en est aujourd'hui arrivé à son septième mois. La région d'Afrique centrale, peu à peu, s'est enfoncée dans un cycle apparemment sans fin d'abus, de violations des droits de l'homme et d'impunité pour les responsables. Le gouvernement congolais a violé les droits de ses citoyens par différents moyens, allant de l'incitation à la haine raciale, qui a eu pour résultat la mort de plusieurs centaines de personnes et l'internement de tutsis, aux arrestations et procès injustes, en passant par la suppression de toute vie politique, via la censure, les arrestations arbitraires, et l'interdiction faite aux congolais d'exercer leurs libertés d'association et de réunion. Les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), dont les troupes opèrent en conjonction avec des militaires ruandais et ougandais, ont eux commis des crimes de guerre, notamment des massacres de civils, des "disparitions" et des arrestations arbitraires et injustes. L'inertie internationale face à ces violations des droits de l'homme, copie conforme de la réaction aux massacres de 1996-97 au Congo, a eu pour effet de convaincre les dirigeants politiques et les chefs de milices qu'ils pouvaient commettre des abus de ce type en toute impunité.

A la fin du mois de juillet 1998, le Président congolais Laurent-Désiré Kabila renvoya chez eux tous les soldats ruandais mettant ainsi fin officiellement à toute relation avec un des alliés qui, avec l'Ouganda, lui avait permis de prendre le pouvoir dans le pays quatorze mois plus tôt. Le Ruanda et l'Ouganda réagissaient en envahissant le Congo et en s'alliant avec une branche rebelle des Forces armées congolaises (FAC) basée à Goma et Bukavu.

Le RCD, composé notamment d'anciens membres tutsis du gouvernement Kabila, d'anciens mobutistes et d'un certain nombre d'intellectuels devint rapidement le leader politique de cette coalition. Le conflit prit de l'ampleur tout au long des mois d'août et de septembre et l'on vit d'autres états de la région y prendre une part active. Ainsi, l'Angola, le Zimbabwe, la Namibie et le Tchad s'engageaient aux côtés du gouvernement, tandis que le Burundi s'alliait lui à la coalition composée du Ruanda, de l'Ouganda, du RCD et des dissidents des FAC. Le Ruanda et l'Ouganda affirmèrent avoir envoyé des troupes au Congo afin de se protéger des attaques dont ils faisaient l'objet, attaques menées selon eux par plusieurs groupes armés basés dans l'est du Congo et agissant sans être le moins du monde gênés par les autorités congolaises. Le Burundi nia lui à plusieurs reprises son implication dans le conflit, malgré le fait que des soldats burundais aient été régulièrement vus au sud Kivu. Le RCD déclara avoir pour objectif de déposer Kabila, les alliés de celui-ci affirmant eux vouloir protéger un gouvernement légitime, victime d'une agression étrangère. Les observateurs étrangers estimèrent eux que la possibilité de pouvoir, par la suite, exploiter les énormes richesses minérales du Congo avait sans doute pesé lourd dans la décision prise par ces pays d'intervenir chez leur voisin. Un certain nombre de milices et de groupes rebelles s'ajoutèrent aux acteurs déjà présents, les alliances entre les différentes parties en présence n'étant d'ailleurs pas toujours des plus claires. Dans le présent rapport, Human Rights Watch, comme à son habitude, ne prend pas position sur les mérites des uns et des autres mais examine la conduite des différentes parties impliquées dans le conflit, en mettant l'accent sur les violations du droit humanitaire international susceptibles d'avoir été commises.

Les deux parties impliquées dans le conflit, obnubilées par la prise du pouvoir ou leur maintien aux commandes de l'état, se montrèrent incapables de protéger les civils des abus et se rendirent parfois coupables de graves violations de leurs droits. Lorsque le gouvernement congolais fut attaqué en août, certains officiels de haut rang encouragèrent les comportements de haine raciale et firent naître parmi la population un sentiment de peur vis-à-vis des congolais d'origine tutsie, qu'ils relièrent aux ruandais, aux burundais et même aux ougandais, membres selon eux de la famille ethnique plus large tutsi-hima. En appelant à ce qu'ils appelèrent "l'autodéfense populaire", ils encouragèrent en fait les congolais à s'attaquer aux tutsis ou à ceux qui, simplement, "avaient l'air" d'être des tutsis. Des centaines de tutsis placés en détention ou internés dans des territoires sous contrôle gouvernemental, simplement à cause de leur origine ethnique, sont ainsi aujourd'hui des cibles à la merci de possibles représailles du gouvernement ou de mouvements de colère de foules excitées par les messages incitant à la haine raciale. Le gouvernement Kabila a en effet pris l'option d'interner les tutsis, selon lui pour les protéger, au lieu de prendre les mesures qui auraient permis d'assurer leur protection.

Kabila continua à affirmer sa volonté de démocratiser le pays et d'organiser des élections en avril 1999. Cependant, au même moment, son gouvernement proclamait l'état d'urgence sur une grande partie du territoire, accordant de ce fait à l'armée toute une série de pouvoirs, notamment en matière de justice et de gestion de l'administration civile. Plusieurs procès furent tenus devant la Cour d'ordre militaire, hiérarchiquement supérieure aux tribunaux civils, sans que les règles de justice ne soient respectées. Divers criminels et prisonniers politiques furent ainsi condamnés à mort et exécutés immédiatement, sans avoir eu la moindre possibilité de faire appel de l'arrêt du tribunal. Malgré un décret-loi du 29 Janvier garantissant le pluralisme politique , les procédures requises pour l'enregistrement des partis politiques allaient effectivement barrer un bon nombre parmi eux de participer au processus politique. Les arrestations de civils et d'hommes politiques de premier plan augmentaient au début de 1999.

Le conflit se poursuivit et la situation dans l'est du pays devint de plus en plus explosive. Les troupes alliées au RCD massacrèrent de nombreux civils, de différentes origines ethniques, provoquant ainsi une réaction de ressentiment à l'encontre du RCD, de ses alliés militaires et des tutsis en général. Les tueries étaient souvent des actes de représailles visant des villageois suspectés de soutenir des membres de milices locales connues sous le nom de "mai-mai" ou encore des membres des anciennes Forces Armées ruandaises (ex-FAR) ou miliciens Ruandais appelés les Interahamwe. Les soldats du RCD arrêtèrent de nombreux individus suspectés d'être des opposants, les détenant souvent dans des prisons non-officielles auxquelles les familles ou agences humanitaires n'avaient pas accès. Plusieurs des individus ainsi arrêtés ne furent plus jamais revus par la suite.

Le terme "mai-mai", jusqu'à récemment, a été utilisé pour décrire des milices indigènes qui, depuis l'ère coloniale, ont participé à plusieurs mouvements de révolte dans la Région des Grands Lacs. Les combattants mai-mai passent souvent par des rites traditionnels d'initiation destinés à les rendre invulnérables au balles et autres armes utilisées par leurs ennemis. Aujourd'hui, ce terme couvre en fait de nombreux groupes et milices ethniques différentes, actifs dans l'est du Congo et opposés au RCD et à ses alliés. Il semble que de tels groupes ne soient pas bien organisés et que ce soient les difficultés économiques qui encouragent de nombreux jeunes hommes à rejoindre leurs rangs. Certains soldats des Forces Armées Congolaises (FAC) qui, dans l'est, ne s'allièrent pas aux forces du RCD, ainsi que certains anciens membres des Forces Armées Zaïroises (ex-FAZ) feraient aujourd'hui partie des certaines milices Mai-Mai.

Le mouvement Interahamwe était lui composé de diverses milices et créé à l'origine par le parti politique de l'ancien président ruandais Juvenal Habyarimana. Pendant le génocide ruandais, ces milices furent transformées en bandes d'assassins. Après le génocide, beaucoup des Interahamwes fuirent le pays pour se réfugier au Congo. Les autorités congolaises ont aujourd'hui pris l'habitude d'appeler Interahamwe tous les combattants hutus de l'est du Congo, y compris les hutus qui vivent dans le pays depuis plusieurs générations. Beaucoup des résidents de l'est du Congo affirment que les Interahamwes ont conclu une alliance avec les mai-mai, et luttent ensemble contre la coalition composée du RCD, du Ruanda, de l'Ouganda et du Burundi, confondant ce faisant la véritable nature de ces milices.

Les deux parties au conflit ont déclaré s'engager à garantir le respect des droits de l'homme dans les territoires sous leur contrôle, et à prendre des mesures limitées afin de protéger certaines populations. Le RCD, en plus des déclarations publiques dans lesquelles il affirmait adhérer aux normes humanitaires inscrites dans les principaux traités internationaux, a également créé une branche "droits de l'homme" au sein de son Département de la Justice et des Droits de l'homme. Ce département enquêta sur les violations des droits de l'homme commises par les forces de Kabila -des programmes télévisés furent même produits sur ce sujet-, mais sa promesse d'enquêter sur les abus commis par les troupes du RCD, tels que ceux ayant eu lieu à Kasika, dans le sud Kivu, ne se matérialisa jamais. Au début de l'année 1999, le gouvernement congolais, après avoir empêché l'ONU d'enquêter pendant une grande partie des deux années précédentes, invitait le rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Congo à enquêter sur le massacre de réfugiés hutus, dont se seraient rendues coupables les forces ruandaises, et sur d'autres violations des droits de l'homme. Nul ne sait encore aujourd'hui si les déclarations faites de part et d'autre se concrétiseront et donneront lieu à des poursuites et des enquêtes sérieuses à l'encontre des propres agents des deux parties qui auraient commis de tels actes.

La communauté internationale, avec à sa tête l'OUA et la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), a elle tenté de promouvoir une solution négociée au conflit, mais sans succès jusqu'à présent. Les droits de l'homme et la responsabilité des individus coupables d'avoir commis des violations furent totalement absentes des négociations. Bien que les pays donneurs d'aide ait appelé de manière publique et avec vigueur au respect des droits de l'homme, et que ces appels aient donné des résultats limités, tels que la fin apparente des massacres de tutsis en août, la communauté internationale a surtout agi par le biais de la diplomatie silencieuse et en grande partie limité son intervention à l'envoi de missions d'évaluation ou à de vagues condamnations des abus, sans jamais insister sur la nécessité de poursuivre en justice les responsables de ceux-ci. Il apparaît aujourd'hui que le gouvernement congolais aurait participé au recrutement de combattants dans les camps de réfugiés des pays voisins, y compris dans ceux hébergeant des membres des anciennes Forces armées ruandaises (ex-FAR) et des milices Interahamwe, responsables du génocide ruandais de 1994 et en exil depuis lors. Certains de ceux qui ont été recrutés dans ces camps et ont ensuite apparemment été envoyés au front pourraient avoir participé au génocide.

Avec la désintégration générale de l'autorité de la loi, tant au Congo qu'ailleurs dans la région, le Congo est devenu le champ de bataille où s'affrontent tant les pays voisins que l'élite politico-militaire du pays, tout cela se faisant aux dépens de la population civile. Dans ce contexte, ni le gouvernement congolais, ni le RCD et ses alliés, ni les myriades de milices et de groupes rebelles n'ont fait du respect des droits de l'homme une priorité. Si les protagonistes de stature internationale, qu'il s'agisse d'états ou d'institutions de la région et d'ailleurs, ne prennent pas des mesures fermes, il est plus que probable que la situation au Congo se dégradera encore davantage et que le nombre d'abus ne cessera d'augmenter.

Le présent rapport est le fruit de missions réalisées en Novembre et Décembre 1998 à l'est comme a l'ouest du Congo, ainsi que dans d'autres pays de la région. Nous gardons l'anonymat de nos sources d'information afin de leur épargner les dangers réels qui pèsent sur les témoins et les défenseurs des droits de l'homme au Congo.
 

II. RECOMMANDATIONS

Aux Forces Actives dans l'Ouest du Congo : Human Rights Watch appelle le gouvernement congolais à :
  • Ordonner à tous les soldats congolais de protéger les populations civiles et de respecter les dispositions du droit humanitaire international. Enquêter sur les accusations d'exécutions délibérées de civils par les soldats de l'armée congolaise et poursuivre les coupables de tels actes.
  • Enquêter sur et poursuivre les individus qui, tant au sein du gouvernement qu'en dehors de celui-ci, utilisent les médias pour promouvoir la haine et inciter à la violence. Le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité de tous les civils -y compris ceux en détention-, sur l'ensemble du territoire qu'il contrôle.
  • Libérer immédiatement les individus ayant fait l'objet d'une détention arbitraire et basée uniquement sur des critères ethniques ou politiques. Tous les détenus doivent être inculpés d'un crime ou délit reconnaissable ou remis en liberté.
  • Garantir le droit au retour chez eux des congolais vivant actuellement en dehors du pays. Le gouvernement doit également continuer à faciliter le départ en toute sécurité des tutsis ou autres civils désireux de quitter le territoire congolais.
  • Abolir la Cour d'ordre militaire spéciale et mettre en place un système judiciaire indépendant qui respecte les normes ayant cours en matière d'administration de la justice. Les tribunaux militaires classiques doivent juger les cas de militaires en détention, dans le respect des normes internationales établies et du code congolais de justice militaire, notamment le droit de faire appel d'une décision de justice et le droit de disposer d'un défenseur. Le gouvernement doit garantir l'indépendance des tribunaux tant civils que militaires et s'assurer qu'aucun civil ne soit jugé par un tribunal militaire. Les juges, les procureurs et tous les autres intervenants du monde judiciaire, tant dans les tribunaux civils que militaires, ne peuvent en aucun cas et à cause de la nature de leur activité être la cible d'actes d'intimidation ou de harcèlement.
  • Cesser d'enrôler des enfants soldats âgés de moins de dix-huit ans et procéder à la démobilisation de ceux qui sont déjà engagés.
  • Ne pas recruter des réfugiés dans les camps situés dans les états voisins; respecter la nature strictement civile et humanitaire des camps ou lieux abritant des réfugiés.
  • Examiner avec soin les candidatures des possibles nouvelles recrues et exclure tous les candidats susceptibles d'avoir été impliqués dans des crimes de guerre ou contre l'humanité, y compris le génocide ruandais. Si des éléments d'information prouvant qu'un individu s'est rendu coupable de tels crimes sont recueillis, celui-ci doit faire l'objet de poursuites ou être déféré devant le Tribunal Pénal International d'Arusha.
  • Garantir la liberté d'expression et d'association de tous les congolais. Ceci inclut la levée de la réglementation restrictive des activités politiques et l'abandon de tous les actes de harcèlement et d'intimidation dont sont la cible les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes.
  • Respecter sa promesse d'autoriser les agences humanitaires à accéder et à fournir une assistance neutre à toutes les populations dans le besoin situées sur le territoire qu'il contrôle.
  • Respecter l'obligation qui lui incombe de réaliser une enquête impartiale sur les massacres et autres crimes contre l'humanité commis pendant la guerre au Congo de 1996-1997. Le gouvernement congolais doit ensuite rendre public les conclusions d'une telle enquête et, dans la mesure du possible, poursuivre les responsables, même si certains sont des membres de l'ADFL. D'autre part, le gouvernement doit également concrétiser sa décision du 11 janvier d'autoriser Roberto Garretón, rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Congo, à revenir au Congo afin d'enquêter à la fois sur les massacres de 1996-97 et sur la crise actuelle. Monsieur Garretón doit bénéficier de la coopération des autorités et d'une liberté totale dans le cadre de cette enquête indépendante.
  • Accorder aux enquêteurs indépendants un accès non limités pour leur permettre d'enquêter sur les abus des droits de l'homme et des violations du droit humanitaire international.

Human Rights Watch appelle les gouvernements du Zimbabwe, de l'Angola et des autres états soutenant le gouvernement congolais à :

  • Respecter les dispositions du droit humanitaire international et garantir la mise en œuvre de procédures d'enquête en cas de violation de ces règles, notamment en cas d'assassinat de non-combattants, de viol, de pillage et de destruction d'infrastructures essentielles au bien-être public. Toutes les opérations militaires, y compris les tirs d'artillerie et les bombardements aériens, doivent être réalisées de manière à limiter leur impact sur les civils et les infrastructures civiles conformément aux règles de la guerre. Les informations permettant de vérifier le bon respect des normes internationales doivent être rendues publiques. Des instructions claires et précises doivent être données aux soldats afin d'éviter que des abus ne soient commis.
  • Faire pression sur le gouvernement congolais afin que celui-ci respecte davantage les principes des droits de l'homme et de la démocratie. Parmi ces principes, citons la protection de tous les citoyens contre les exécutions sommaires, les arrestations et les détentions arbitraires; la garantie des libertés d'expression et d'association; la levée de l'interdiction des activités politiques; la garantie à donner aux organisations de la société civile de pouvoir opérer sans faire l'objet d'actes de harcèlement ou d'intimidation; l'établissement d'un système judiciaire indépendant qui respecte les normes ayant cours en matière d'administration de la justice; et la mise en œuvre d'un processus transparent et global de transition démocratique.
Aux Forces Actives dans l'Est du Congo :
Human Rights Watch appelle le Rassemblement Congolais pour la Démocratie, le gouvernement du Ruanda, le gouvernement de l'Ouganda et le gouvernement du Burundi à :
  • Mettre fin aux massacres de civils dans les territoires contrôlés par le RCD. Les autorités du RCD, ainsi que les gouvernements ruandais, ougandais et burundais doivent donner à leurs troupes l'instruction claire de ne plus provoquer la mort de civils et de respecter les dispositions du droit humanitaire international. Les individus suspectés d'avoir commis des abus doivent être faire l'objet d'une procédure d'enquête, arrêtés et sanctionnés lorsque cela s'avère possible.
  • Enquêter sur les allégations de violations graves des droits de l'homme, notamment les massacres à grande échelle, les exécutions sommaires, viols et "disparitions" forcées de civils. Le RCD n'ayant pas jusqu'à présent enquêté sur les massacres du mois d'août à Kasika, il doit mettre en œuvre des mesures concrètes afin de renforcer les prérogatives de son Ministère de la justice et des Droits de l'homme ou établir une commission d'enquête indépendante habilitée à enquêter et à rendre public les conclusions de ses travaux. Outre les événements de Kasika, d'autres massacres doivent ainsi être soumis à enquête, notamment les massacres qui ont eu lieu dans la région de Makobola, au sud Kivu. Les autorités du RCD et les gouvernements ruandais, ougandais et burundais doivent donner à leurs forces militaires présentes au Congo l'ordre de coopérer avec les organismes chargés de telles enquêtes et de sanctionner les coupables lorsque cela s'avère possible.
  • Mettre fin aux arrestations arbitraires, détentions illégales et "disparitions" forcées, fermer définitivement les centres de détention privés et illégaux. Les individus arrêtés doivent être détenus dans des conditions humaines, placés dans des centres de détention reconnus, nourris de manière correcte et avoir accès aux soins médicaux. Garantir que les prisonniers soient détenus dans des lieux de détention publiquement reconnus, et que des registres d'entrée soient maintenus à jour dans chaque centre et au niveau central également. De telles informations doivent être librement accessibles aux membres de la famille et aux avocats des prisonniers, et à d'autres ayant un intérêt légitime au cas.
  • Assurer aux prisonniers de guerre en détention la protection à laquelle ils ont droit, conformément aux dispositions des Conventions de Genève.
  • Cesser d'enrôler des enfants soldats âgés de moins de dix-huit ans et procéder à la démobilisation de ceux qui sont déjà engagés.
  • Garantir la liberté d'expression et d'association dans les territoires contrôlés par le RCD.
  • Agir afin que les membres des organisations de la société civile, notamment les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et autres, ne fassent l'objet d'aucun acte de harcèlement ou d'intimidation.
  • Autoriser les agences humanitaires à accéder et à fournir une assistance neutre à toutes les populations dans le besoin situées sur le territoire sous leur contrôle. Agir pour éviter le pillage de l'aide humanitaire ou son utilisation à des fins militaires.
  • Assurer la protection et fournir assistance aux populations ruandaises et burundaises réfugiées dans l'est du Congo et dont la présence sur place peut parfois remonter jusqu'à 1994. Les autorités du RCD et leurs alliés militaires doivent coopérer étroitement avec les organisations humanitaires internationales afin de protéger et d'aider ces populations.
A la Communauté Internationale :
Human Rights Watch appelle l'Organisation des Nations unies (ONU), l'Organisation de l'unité africaine (OUA), la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et les autres parties impliquées dans les négociations portant sur la situation au Congo à :
  • Garantir que les négociations de paix entre les parties en guerre ne provoquent pas une situation d'impunité encore plus grande, dans la région des Grands Lacs. Toute solution négociée doit inclure des dispositions visant à placer face à leurs responsabilités les dirigeants politiques et membres des armées et milices qui se seraient rendus coupables de violations des droits de l'homme pendant le conflit.
  • Insister auprès des parties au conflit pour que celles-ci ordonnent à leurs troupes de respecter les dispositions du droit humanitaire international et ordonnent que des procédures d'enquête soient mises en œuvre lorsque des violations semblent avoir eu lieu. Appeler en particulier le RCD à respecter sa promesse d'enquêter sur les massacres de Kasika et de Makobola et de punir les responsables. Appeler le gouvernement congolais à mettre fin aux abus envers les civils -notamment les arrestations arbitraires-, tel que la récente rafle de civils, principalement des tutsis, organisée au Centre Béthanie à Kinshasa.
  • Soutenir le Bureau au Congo du Bureau du haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU et développer davantage les programmes d'assistance technique et de suivi. En particulier, le Bureau des Nations unies doit bénéficier du soutien nécessaire afin de pouvoir envoyer des agents sur le terrain, à la fois dans les zones contrôlées par le RCD et dans celles sous contrôle gouvernemental. Ces agents seraient chargés du suivi et devraient, entre autres prérogatives, être habilités à contrôler et à enregistrer les programmes de radio incitant à la haine raciale et à la violence.
  • Le Conseil de Sécurité de l'ONU doit assurer le suivi de sa demande de juillet 1998, invitant le Congo et le Ruanda à enquêter sur les crimes de guerre et contre l'humanité commis au Congo pendant la guerre de 1996-97 et à poursuivre les individus s'étant rendus coupables de violations des droits de l'homme.

Human Rights Watch appelle le Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU, les pays hôtes et la communauté internationale à :

  • Prendre des mesures afin de préserver la nature exclusivement civile et humanitaire des camps de réfugiés, notamment par le biais de mécanismes visant à désarmer et à séparer les éléments armés des réfugiés civils, particulièrement ceux qui quittent les camps pour rejoindre des unités combattantes. Prendre également des mesures afin d'exclure du régime de protection internationale des réfugiés tous les individus suspectés d'avoir participé à des crimes de guerre ou contre l'humanité, enquêter sur ces crimes et poursuivre les responsables, lorsque cela s'avère possible, conformément aux normes internationales.

Human Rights Watch appelle les États-Unis, l'Union Européenne, les institutions financières internationales et les autres donneurs d'aide à :

  • Subordonner la fourniture de l'aide bilatérale ou multilatérale à un meilleur respect des droits de l'homme, de l'autorité de la loi et des principes démocratiques.
  • Dénoncer publiquement et avec vigueur les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international commises par l'ensemble des parties au conflit. Ceci suppose la condamnation d'actes spécifiques, commis par n'importe quelle partie au conflit, et non le simple fait d'insister de manière générale sur l'importance des droits de l'homme.
  • Appeler avec insistance au lancement de procédures d'enquête approfondies sur les différentes violations des droits de l'homme commises par les parties au conflit, y compris les militaires étrangers impliqués au Congo. Appeler en particulier le RCD à respecter sa promesse d'enquêter sur les massacres de Kasika et de Makobola et de punir les responsables. Appeler le gouvernement congolais à mettre fin aux abus envers les civils.
  • Conditionner la fourniture de toute aide militaire ou programme de formation militaire aux différentes parties au lancement d'enquêtes portant sur les abus commis par les militaires à leur service.
  • Le gouvernement américain doit respecter les dispositions de la Section 570 de la Loi d'Autorisation des Opérations Étrangères, connue sous le nom d'amendement Leahy, en s'assurant qu'aucune assistance américaine ne sera fournie à des unités de forces de sécurité s'il existe des preuves crédibles démontrant que ces unités ont commis de graves violations des droits de l'homme, sauf si les responsables de tels actes ont été remis à la justice. De manière plus générale, les États-Unis doivent renforcer leur suivi des forces militaires qui bénéficient de l'aide américaine.
  • Soutenir le Bureau au Congo du Bureau du haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU et développer davantage les programmes d'assistance technique et de suivi. En particulier, le Bureau des Nations unies doit bénéficier du soutien nécessaire afin de pouvoir envoyer des agents sur le terrain, à la fois dans les zones contrôlées par le RCD et dans celles sous contrôle gouvernemental. Ces agents seraient chargés du suivi et devraient, entre autres prérogatives, être habilités à contrôler et à enregistrer les programmes de radio incitant à la haine raciale et à la violence.
  • Apporter une aide morale, financière et technique aux organisations de la société civile. Mettre l'accent en particulier sur les besoins humanitaires et les projets de développement, ainsi que sur les initiatives mises en œuvre dans le domaine des droits de l'homme et de la promotion de la démocratie.
  • Appeler avec insistance les différentes parties au conflit à protéger les organisations de la société civile, notamment les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et autres individus, de toutes les tentatives de harcèlement et d'intimidation dont ils peuvent faire l'objet. Les libertés d'expression et d'association doivent être garanties; la communauté internationale doit également insister pour que les restrictions sur les activités politiques soient levées et pour que des représentants de la société civile et de l'opposition politique puisses prendre part au processus de transition démocratique.