III. Vie des filles domestiques en Basse GuinéeSelon une étude récente de lOIT sur le travail des enfants en Guinée, sappuyant sur des entretiens avec 6037 enfants, le travail domestique est de loin le plus vaste secteur demploi pour les enfants. 61,4 pour cent des enfants travailleurs sont employés comme domestiques. La majorité dentre eux sont des filles.93 Si lon sappuie sur les chiffres relatifs (pourcentages) donnés dans létude, environ 1,2 million de filles en Guinée font des travaux domestiques, y compris celles qui travaillent pour leurs propres parents. La grande majorité des enfants a indiqué que leur lieu de travail était leur maison ; il est probable que les enfants travaillant pour des membres de la famille ou autres tuteurs de facto ont également désigné leur lieu de travail comme leur maison.94 Ni le gouvernement ni les agences de lONU nont de chiffres absolus sur le nombre de filles domestiques en Guinée95. Une fois que les filles sont arrivées dans leur nouvelle famille daccueil, la dure vie dun enfant travailleur domestique commence. Cest particulièrement le cas pour celles qui vivent avec leurs employeurs, et cest la grande majorité. Beaucoup dentre elles font lexpérience de lexploitation par le travail ainsi que de la maltraitance et de la négligence envers les enfants. Les filles employées comme domestiques que Human Rights Watch a interrogées ont fait état dheures de travail excessives, transport de lourdes charges très jeunes, travail sans salaire, privation de nourriture alors que la famille daccueil mange, et insultes, isolement, coups, harcèlement sexuel et viol. Ce nest pas le cas de toutes les filles domestiques. Vivre et travailler loin de la famille peut être une expérience positive. Christine C., 10 ans, préfère vivre chez sa cousine à Conakry plutôt que de vivre avec sa mère au village. Elle a expliqué :
A dire vrai, le placement dans une famille daccueil peut être utile pour la survie économique, léducation et la socialisation. Ces systèmes peuvent bien fonctionner quand il existe un réseau social viable de personnes qui veillent au bien-être de lenfant. Certains facteurs augmentent la vulnérabilité dun enfant, et donc le risque de maltraitance. Les filles travaillant comme domestiques sont en général vulnérables à la maltraitance du fait de leur sexe, de labsence de leurs parents biologiques, et de leurs origines, essentiellement de familles rurales pauvres. Si elles nont pas à leur disposition des réseaux de soutien par exemple un contact suivi avec leurs parents et une intégration dans dautres réseaux sociaux elles sont davantage en danger dêtre maltraitées.97 Tandis que des études en Afrique ont montré que les enfants placés en famille daccueil et autres enfants non biologiques sont davantage susceptibles dêtre tenus à lécart de lécole et de subir de mauvais traitements,98 les enfants biologiques ne sont pas non plus forcément à labri de la négligence et des violences de la part de leurs parents.99 Le double rôle demployeur et de tuteurLes adultes qui emploient et accueillent une fille pour faire des travaux domestiques ont une double responsabilité, celle dun employeur et celle dune personne responsable dun enfant sous leur garde cest-à-dire de facto dun tuteur. En tant quemployeur, ils doivent respecter les droits du travail des filles. Les enfants de moins de 16 ans ne devraient pas travailler du tout ; ceux de plus de 16 ans ont droit à un salaire équitable, des heures de travail limitées, des conditions de travail décentes à savoir un logement, une alimentation et des soins médicaux convenables, des moments de repos pendant la journée, des jours de repos hebdomadaires et des congés.100 Mais le rôle de la famille daccueil va au-delà du respect des droits du travail de lenfant. Quand des adultes décident de prendre une fille comme employée domestique, elle est effectivement sous leur protection, et ils deviennent de facto des tuteurs avec la responsabilité de respecter ses droits. Cela peut sembler problématique de décrire des adultes qui maltraitent des enfants en tant que tuteurs, car ils peuvent prétendre que cela leur donne le droit davoir le contrôle sur les filles employées comme domestiques, et même de les traiter mal. Cependant, au regard du droit guinéen et international, lEtat a le devoir de soustraire les enfants à des situations de maltraitance, et le fait dêtre tuteur ne comporte aucun droit de contrôle ou de propriété sur un enfant. Exploitation par le travail des filles employées comme domestiquesCertaines filles deviennent employées domestiques si jeunes quelles ne peuvent pas se rappeler lâge auquel elles ont commencé. La plupart des 40 filles interrogées pour ce rapport ont commencé le travail domestique avant lâge de huit ans. Selon le droit guinéen, la règle générale est que des enfants de moins de 16 ans ne devraient pas être employés et donc ne peuvent pas légalement passer un contrat de travail. Cependant, le droit guinéen prévoit que les moins de 16 ans peuvent être employés légalement si leurs parents ou des tuteurs légaux donnent leur consentement. Pareille clause régressive dans la loi sape en fait toute protection significative pour les enfants de moins de 15 ans, en particulier les filles qui sont souvent envoyées par leurs parents pour travailler comme employées domestiques.101 Aussi quune fille ait plus de 16 ans, ou quelle ait moins de 16 ans et que ses parents aient consenti à ce quelle soit employée, quand on exige delle quelle travaille à plein temps dans une maison au-delà de ce que lon peut raisonnablement considérer comme des tâches ménagères légères, et même quand un tel travail nest pas forcé, une relation demploi existe de facto. Toutes les filles employées dans ces conditions doivent bénéficier de leurs pleins droits du travail. A lheure actuelle, des filles de touts âges subissent une exploitation par le travail, sapparentant parfois à du travail forcé. Exploitation pure et simple : travail peu ou pas payéUne étude récente sur le travail des enfants en Guinée par lOrganisation Internationale du Travail (OIT), basée sur des entretiens avec plus de 6000 enfants, a également constaté que « beaucoup denfants travaillent mais peu sont payés ». Létude a constaté que 6,8 pour cent des garçons et 5 pour cent des filles étaient payés. Les enfants vivant à Conakry, et ceux de plus de 15 ans avaient un peu plus de chances dêtre payés.102 La plupart des filles interrogées au cours de notre recherche ne recevaient pas de salaire. Même celles à qui on avait promis un salaire et fixé un montant nétaient souvent pas payées. Sur les 40 filles guinéennes et maliennes interrogées, dix seulement avaient perçu un salaire. Parmi celles-ci, cinq avaient occupé des emplois pour lesquels elles avaient perçu le salaire convenu de façon régulière ; les cinq autres sétaient vu promettre un salaire, mais avaient été payées seulement au début, ou irrégulièrement, ou une partie du montant convenu. Quatre des cinq qui avaient perçu un salaire régulier avaient aussi occupé des emplois dans lesquels elles nétaient pas payées, payées irrégulièrement, ou payées moins que ce qui avait été convenu, et même payées en nature. En général, les filles domestiques navaient pas de contrat écrit. Salaires de 40 filles employées comme domestiques en Guinée(1$ = environ 6000 GNF, en mai 2007103)
Dans de nombreux cas, il ny a eu aucune discussion à propos de salaire. Une fille était simplement envoyée pour travailler comme domestique, pour les raisons énoncées ci-dessus.105 Quand les filles étaient placées jeunes chez des membres de la famille ou chez dautres personnes, leur travail nétait pas considéré comme méritant dêtre payé ; il était juste considéré comme leur contribution à la vie familiale. Dans de nombreux cas, les filles elles-mêmes nont pas demandé de salaire et semblaient même surprises quon leur pose la question. Les parents et les employeurs quant à eux ont souvent défini la situation en termes daccueil denfant, ils ne considéraient pas cela comme du travail denfant. Même quand un salaire était payé, la fille nétait généralement pas impliquée dans les négociations de salaire, on lui disait plutôt quelle allait recevoir un certain montant. Cela a été le cas pour Liliane K., 14 ans, qui envoyait même à sa mère une partie de ses maigres revenus :
Les enfants travailleurs domestiques ne peuvent jamais être sûrs quils recevront le salaire promis. Justine K. a été envoyée jeune vivre chez sa tante à Conakry, mais elle a commencé à travailler pour une autre famille comme employée domestique pour échapper à sa situation :
Les filles plus âgées ont légèrement plus de chances dêtre payées. LOIT la constaté dans son étude plus globale, et cétait aussi le cas parmi les 40 filles interrogées par Human Rights Watch. Six filles interrogées avaient commencé à travailler comme employées domestiques à lâge de 15 ans ou plus ; cinq dentre elles avaient perçu des salaires. Par exemple, Francine B., qui avait trouvé du travail chez un couple libanais-guinéen, était payée 25 000 GNF (environ 4,16$) de façon régulière.108 Des filles maliennes ont aussi parfois réussi à obtenir des emplois où elles recevaient un salaire régulier. En 2002-2003, le Haut Conseil des Maliens a établi une liste de sept filles maliennes employées comme domestiques à Conakry ; elles recevaient toutes 7 500 GNF (environ 1,25$).109 Trois filles maliennes interrogées à moment donné recevaient entre 50 000 GNF et 75 000 GNF (environ 8,30$ et 12,50$) et étaient payées régulièrement.110 Toutefois, ces trois filles avaient seulement fini par obtenir ces emplois après avoir été exploitées sans salaires dans des emplois précédents, et avoir reçu de laide de compatriotes maliens pour quitter ces emplois et trouver de meilleures places. Nadine T., une fille malienne domestique de 18 ans, a expliqué :
La communauté malienne est consciente de ces problèmes, et elle est fréquemment intervenue pour aider les filles à obtenir leur salaire. Dans un de ces cas, une jeune femme dune vingtaine dannées a été aidée par des membres de la communauté malienne à obtenir son salaire pour les quelques huit années passées comme employée domestique sans être payée. Lemployeur a finalement payé environ 800 000 GNF à la jeune femme.112 Le Haut Conseil des Maliens a même réclamé des paiements de salaires lorsque les filles étaient employées au-dessous de lâge minimum légal. En 2004, le Haut Conseil des Maliens in Guinée a identifié deux filles dans ce cas, âgées de 12 et 13 ans, qui avaient travaillé comme employées domestiques sans être payées. Des membres importants du Haut Conseil sont allés voir les employeurs de ces filles ; lorsquils ont refusé de les payer, le Haut Conseil des Maliens a menacé de leur faire un procès. Le salaire a été évalué à environ 800 000 GNF (environ 120$). La tutrice a fini par payer la moitié de ce qui était dû aux filles.113 Paiements à des intermédiairesDans certains cas, les intermédiaires ayant recruté une fille du Mali ont reçu une partie ou la totalité du salaire. Florienne C., dont le cas est cité ci-dessus, a été exploitée de cette façon. Lintermédiaire lui avait dit quelle pourrait gagner 25 000 GNF (environ 4,16$) à Conakry. Quand elle est arrivée, ce nest pas ce qui sest passé :
Dautres membres de la communauté malienne ont confirmé que des intermédiaires prenaient une partie de largent versé pour le service des enfants domestiques.115 Daprès une fille malienne vivant à Conakry, elles sont censées prendre la moitié du salaire et donner lautre moitié à la fille.116 La plupart des filles domestiques guinéennes interrogées ne savaient pas si les intermédiaires recevaient de largent. Toutefois, dans deux cas les filles savaient que leur employeur envoyait de largent à la personne qui les avait envoyées. Berthe S., 17 ans, vivait avec sa tante qui lenvoyait faire du travail domestique chez une voisine. Sa tante recevait le salaire mensuel de Berthe, de 30 000 GNF (à peu près 5$). En plus, la jeune fille devait faire des travaux domestiques chez sa tante.117 La famille daccueil de Georgette M. de la Région Forestière dont le cas est décrit ci-dessus envoyait régulièrement des chaussures ou du tissu à sa mère restée au village.118 Il semble y avoir des réseaux dintermédiaires bien établis qui font de largent grâce au placement denfants guinéennes comme domestiques. Selon une représentante du ministère des Affaires sociales :
Types de travauxLes filles employées comme domestiques effectuent un large éventail de tâches au sein de la maison, ainsi quà lextérieur. Elles nettoient la maison, lavent le linge, pilent le riz, le maïs ou le sorgho (millet), préparent la nourriture, et font la vaisselle. Elles vont aussi au marché acheter de la nourriture pour la famille. La tâche daller chercher de leau à des puits ou autres sources distantes est un type de travail particulièrement dur, à cause des distances que cela représente, du travail physique pour soulever et transporter, et des menaces potentielles au cours du trajet. De plus, les filles employées comme domestiques soccupent souvent de jeunes enfants pendant la journée et le soir. Certaines filles domestiques ont aussi un second emploi différent : elles sont employées par la tutrice pour vendre des produits par exemple des légumes, des ufs, des beignets ou des cigarettes dans la rue ou au marché. Elles font ça en général à la fin de la journée. Leur employeur leur donne les produits à vendre et elles doivent remettre largent gagné. Les employées domestiques dans les zones rurales font aussi parfois des travaux agricoles. Comme nous lavons mentionné, aller puiser de leau peut présenter des risques particuliers. Les filles sont souvent surchargées par le poids de lourds seaux ou récipients. Par exemple, Rosalie Y., 9 ans, nous a dit quelle devait transporter des récipients contenant 20 litres deau chaque jour elle sest plainte que « cest trop ».120 Dautres se sont également plaintes de devoir porter 15 ou 20 litres deau par jour. Limpact de poids lourds sur la croissance des enfants est connu ; cela peut entraîner des déformations du squelette au niveau du dos et du cou et accélérer la détérioration des articulations.121 En fait, lOIT définit spécifiquement le transport de poids lourds comme une des pires formes de travail des enfants.122 Un autre problème est que leau est seulement disponible aux premières heures matinales, et que de ce fait les filles doivent emprunter de nuit des chemins déserts et sont exposées au risque de se faire agresser. Claudine K., 14 ans, a commencé à travailler à lâge de six ans chez sa tante. Elle nous a raconté :
La situation de Claudine sest améliorée après que lAssociation Guinéenne des Assistantes Sociales (AGUIAS) ait décidé de laider en parlant avec sa tutrice et en linscrivant à lécole primaire. Elle doit toujours aller chercher de leau, mais maintenant elle y va aux environs de 7 heures.124 Heures de travail et reposLes filles employées comme domestiques ont rarement des congés, des jours hebdomadaires de repos, et peu de repos pendant la journée. On les fait travailler sans répit et elles sont parfois battues quand elles essaient de se reposer ou de faire une pause. Plusieurs filles ont témoigné quelles devaient travailler plus de 12 heures par jour. Quand on les interroge sur le nombre dheures de travail, les filles parfois ne comptent pas les heures passées au marché à vendre des marchandises après avoir terminé les tâches ménagères, pendant laprès-midi. Elles avaient de facto deux emplois, un comme employée domestique et un autre comme vendeuse ambulante. Les filles oubliaient aussi de compter la surveillance des enfants après quelles aient terminé les autres travaux ménagers ; elles ne semblaient pas considérer ces responsabilités comme du travail. Interrogée sur ses heures de travail, Susanne K., 16 ans, nous a dit :
Thérèse I., 14 ans, travaillait aussi environ dix-huit heures par jour :
Dispositions relatives à la nourriture et au couchageLes parents envoient souvent leurs enfants en ville parce quils pensent quils y souffriront moins de la faim et de conditions de vie dures. A vrai dire certaines filles ont indiqué quelles étaient traitées comme les autres enfants de la famille ; elles mangeaient avec eux et dans un lit avec eux. Mais pour beaucoup dautres, ce nétait pas le cas : les filles employées comme domestiques reçoivent fréquemment moins que tout autre personne de la famille. Elles doivent préparer la nourriture pour la famille, et en particulier pour les enfants, mais souvent elles ne sont pas autorisées à la manger. Certaines filles ont si faim quelles échangent des rapports sexuels contre de largent ou quelles volent de largent à leurs familles daccueil pour acheter de la nourriture. Dans certains cas, la nourriture semble être devenue loutil avec lequel les employeurs ou les adultes accueillant les enfants exercent le pouvoir. Monique K. vivait avait sa belle-mère et effectuait les travaux domestiques pendant que tous les autres enfants allaient à lécole. Elle prenait le déjeuner à la maison, mais on lui disait que le « dîner nétait pas pour elle » ; elle devait se contenter de le préparer pour les autres enfants. Dautres filles employées comme domestiques ont eu des expériences similaires et ont été exclues des repas familiaux. Des filles ont indiqué quelles mangeaient des restes127 ou du riz brûlé du fond de la marmite,128 ne mangeant quun repas par jour129 et quon leur disait darrêter de manger.130 Lun dentre elles a dit quon lui refusait parfois complètement la nourriture.131 Habiba C., 14 ans, qui vivait avec sa tante, ne pouvait plus supporter la faim :
Les filles employées comme domestiques navaient souvent pas non plus de lit ni de matelas, dormant à même le sol tandis que les autres membres de la famille dormaient dans des lits ou sur des matelas. Certaines filles avaient un pagne un fin tissu de coton drapé autour du corps pour sallonger, dautres navaient rien du tout. Elles dormaient dans la cuisine, dans le salon, dans le couloir, sur une véranda ou dans une boutique.133 Ainsi, elles manquaient souvent dun espace personnel ; le manque dune pièce privée les mettait aussi en plus grand danger de sévices sexuels. Enfermement dans la maisonTandis que certaines filles employées comme domestiques doivent quitter la maison pour travailler comme vendeuses ambulantes, beaucoup dautres sont en grande partie confinées dans la maison. Beaucoup ont dit que le seul moment où elles saventuraient hors de la maison était quand elles faisaient les courses au marché. Certaines tutrices interdisaient complètement aux filles de sortir de la maison, créant une situation de confinement et de manque de contacts sociaux. Laure F., dix-huit ans, a connu cela depuis le plus jeune âge :
Quand les filles nétaient pas autorisées à sortir de la maison, elles ne connaissaient pas la ville et auraient pu avoir peur de sortir ; leur ignorance a créé une dépendance. Par exemple, Caroline C., 17 ans, était autorisée à vendre des cigarettes dans la rue devant la maison, mais sinon elle ne quittait pas la maison et depuis trois ans quelle était à Conakry, elle navait pratiquement pas quitté le quartier.135 Marianne N. vivait avec sa tante depuis quelle était petite. Sa tante, qui la faisait travailler dur, a expliqué quelle aurait des difficultés à trouver son chemin dans la ville : « Elle na jamais quitté la maison, sauf pour aller au marché. »136 Quand Marianne a trouvé la situation avec sa tante insupportable, elle est partie avec laide des voisins, les seules personnes avec qui elle avait réussi à avoir des contacts. Malheureusement, lintervention de ses voisins a entraîné dautres problèmes car ils lont envoyée toute seule au Liberia, où elle sest retrouvée coincée et violée par un homme qui prétendait lui vouloir du bien et la dépanner pour une nuit.137 Comme beaucoup de filles employées comme domestiques navaient que très peu doccasions de sortir de la maison, il leur était difficile de se faire des amis et davoir des relations sociales ; elles étaient souvent très isolées. A lâge de 11 ans, Justine K. a décidé de travailler comme domestique pour une famille quelle ne connaissait pas, afin de séchapper de la maison de sa tante. Mais ce fut une misérable expérience :
Lorsque les filles ont réussi à se faire des amis et à nouer des réseaux sociaux à lextérieur de la maison, elles avaient plus de probabilité de sortir de leur situation. Ainsi, les employeurs ont souvent paru considérer les contacts avec le monde extérieur comme un danger potentiel. Une fille malienne sest souvenue :
Incapacité à mettre un terme au travail domestique et au travail forcéDe nombreuses filles employées comme domestiques veulent partir, mais elles se retrouvent dans lincapacité de le faire. Le travail forcé, des pratiques similaires à lesclavage et à la servitude sont des situations de travail dans lesquelles plusieurs maltraitances se combinent. Par exemple, si une fille travaille dur, nest pas correctement rémunérée et ne peut pas quitter son travail, elle est considérée comme faisant du travail forcé. Lusage de la force ou la menace de la force est souvent un élément déterminant dans ces situations ; la menace de violence ou le recours réel à la violence peut empêcher les enfants de quitter le lieu de travail. Quand les familles ne permettent pas à un enfant de sortir de la maison où il travaille, cela peut sapparenter à du travail forcé. Les filles qui sont envoyées dans dautres familles alors quelles sont jeunes souvent ne se rappellent pas bien leurs parents, et elles ne savent pas non plus où ils vivent et comment parvenir jusquà eux. Même si les relations avec la famille daccueil sont difficiles, elles ne peuvent tout simplement pas imaginer vivre ailleurs. Alice D. a été donnée à sa tante quand elle navait pas trois ans. La dernière fois quelle a vu ses parents, elle avait cinq ans. Elle fait tous les travaux ménagers, ne reçoit pas de salaire, et elle est battue régulièrement. Elle a expliqué que pour elle, la seule façon de partir serait de senfuir :
Sylvie S. est venue à Conakry quand elle était petite. Comme indiqué ci-dessus, ses parents lont donnée à une femme qui était venue au village et cherchait une enfant pour lemployeur comme domestique. Malgré ses problèmes dans cette famille elle est fouettée tous les jours et travaille très dur elle a assuré :
Mais dautres filles ont des problèmes similaires. Caroline C. est venue à Conakry quand elle avait 14 ans. Par le biais dune amie de sa mère, elle a été placée chez une femme pour qui elle fait des travaux domestiques. Elle travaille dur, na pas de repos, ne reçoit pas de salaire, et est soumise à des agressions verbales. Elle a expliqué :
Thérèse I., dont le cas est évoqué ci-dessus, avait aussi pensé à sen aller. Mais ça lui est difficile. En larmes, elle a dit :
Certaines filles ont reçu des menaces de violence ou des violences quand elles ont exprimé le souhait de se reposer ou darrêter complètement de travailler. Dora T. est entrée en contact avec AGUIAS, une association locale qui propose aux employées domestiques des conseils, des cours dalphabétisation et des apprentissages. Tout dabord, sa tante a accepté quelle partage son temps entre AGUIAS et la maison :
Les filles maliennes semblent en général avoir de meilleurs réseaux et bénéficier de la solidarité de leurs compatriotes, qui étaient organisés dans une association locale et agissaient fréquemment quand ils avaient connaissance de maltraitance et dexploitation. Plusieurs dentre elles ont quitté des emplois où elles étaient exploitées pour rentrer chez elles ou pour trouver un meilleur emploi à Conakry. Manque daccès aux soins de santé et à linformationDe nombreuses filles ne recevaient pas de soins convenables lorsquelles tombaient malades. Souvent, leur employeur ou leur tutrice de facto les accusaient simplement de feindre dêtre malades, et exigeaient quelles continuent à travailler. Peu de familles daccueil ont vraiment acheté des médicaments et soigné la maladie. Beaucoup denfants ont dû compter sur laide dautres personnes, par exemple dautres membres de la famille ou des voisins, pour obtenir un traitement médical. Rosalie Y., neuf ans, a déclaré quelle était battue avec un fouet quand elle était fatiguée ou malade.145 Dora T., 14 ans, se souvient de ce qui lui est arrivé quand elle est tombée malade :
De plus, peu de filles domestiques reçoivent une éducation à la santé portant sur le VIH/SIDA et les droits humains en matière de reproduction. Le gouvernement et plusieurs ONG développent des programmes sur une éducation à la santé pour les adolescents, y compris sur le VIH/SIDA et sur les droits en matière de reproduction. Ils essaient datteindre le plus grand nombre possible de jeunes par le biais démissions de radio et de CD audio qui sont largement mis à la disposition des acteurs locaux.147 Mais comme la plupart des filles employées comme domestiques nont pas beaucoup doccasions de sortir de l maison et de participer à des programmes déducation ou des événements sociaux, il est difficile datteindre ce groupe. Deux des filles interrogées qui ont eu très jeunes des expériences sexuelles ne semblaient pas connaître les risques de contamination par le VIH/SIDA. Par exemple, Claudine K., quand on lui a parlé de limportance dutiliser des préservatifs pour la prévention des maladies sexuellement transmissibles, a répondu quelle navait eu des relations sexuelles quune fois.148 Habiba C. a fait preuve du même manque de connaissances149. Toutefois, une autre fille qui a été violée de façon répétée par son tuteur, nous a dit : « Je connais les risques, mais je nai pas eu le choix. »150 Maltraitance psychologique, physique et sexuelleMaltraitance psychologiquePeu des adultes qui ont engagé ou utilisé les enfants employées comme domestiques interrogées pour ce rapport ont rempli correctement leurs obligations vis-à-vis des filles sous leur responsabilité. Beaucoup de filles ont décrit à Human Rights Watch comment elles se sont senties stigmatisées et rejetées par leur famille daccueil ; elles ont été insultées, mises à lécart et ridiculisées par les adultes qui devaient prendre soin delles. Elles ont souvent étaient maintenues à part des enfants de la famille. Elles ont été accusées de mentir, voler, coucher avec des hommes et dêtre paresseuses. Interrogée sur son expérience, Marianne N., 16 ans, a dit : « Le pire, cest que ma tante ma pris chez elle et puis elle ma abandonnée. »151 Plusieurs filles employées comme domestiques se sont mises à pleurer en parlant de leurs expériences. Habiba C., dont le cas est évoqué ci-dessus, a dit : « Jétais vraiment fière de faire ces choses [apprendre à faire les travaux domestiques]. Je ne savais pas alors que lenfer allait souvrir devant moi. »152 Les conséquences psychologiques de la vie denfant travailleur domestique ne devraient pas être sous-estimées. Un rapport de lOIT a conclu que la santé psychologique des enfants employés comme domestiques est parfois gravement affectée. Leur estime de soi est diminuée et ils ont des sentiments dimpuissance et de dépendance. Ceci saggrave quand les enfants ne sont pas autorisés à côtoyer dautres enfants ou même qui que ce soit.153 Maltraitance physiqueLes punitions corporelles des enfants sont courantes en Guinée. Un récent rapport a noté que malgré les précautions légales contre le fait de battre les enfants, il ny a pas « de signe de leur application au châtiment corporel parental » en Guinée.154 Un rapport de 1999 du Comité relatif aux Droits de lenfant a observé :
Presque toutes les filles employées comme domestiques interrogées par Human Rights Watch ont eu dhorribles expériences de maltraitance physique. La grande majorité des filles interrogées ont dit quelles avaient été battues et physiquement maltraitées par leurs tuteurs et employeurs de facto. Elles ont été battues à coups de fouets, de câbles électriques, de ceintures, de bâtons, de balais, et autres instruments. Certaines ont dit quelles étaient battues quotidiennement. Rosalie Y, neuf ans, dont les cicatrices dans le dos étaient visibles, nous a dit :
Brigitte M. de la ville de Pamelap, près de la frontière de la Sierra Leone, travaillait pour une femme à Conakry depuis lâge de huit ans environ. Elle était aussi battue régulièrement, et porte encore une cicatrice sur la tête à la suite dune agression par son employeur :
Mahawa B., huit ans, était battue si durement que sa mère la ramenée à la maison :
Une histoire particulièrement horrible de maltraitance physique est arrivée à Julie M. Elle a expliqué ce qui lui était arrivé à la fin 2006 :
Sévices sexuelsLes relations sexuelles forcées sont une réalité en Guinée, du fait des dynamiques de pouvoir largement inégales entre les sexes et de la pauvreté endémique. Lexistence du sexe de survie ou de transaction crée un environnement dans lequel le consentement dune fille nest pas considéré comme déterminant. Il y a une hypothèse très répandue selon laquelle les positions des filles à légard du sexe peuvent être facilement manipulées. Lorsquelles sont conscientes des risques des relations non protégées, les filles ont aussi beaucoup de difficultés à obtenir de leurs partenaires quils utilisent des préservatifs.160 Les parents et les autres adultes responsables des filles ne considèrent généralement pas comme un objectif légitime daider les filles à prendre le contrôle de leur sexualité, mais plutôt de limiter et de contrôler leur sexualité jusquà ce quelles soient mariées. Ils craignent la promiscuité, ou ce qui est parfois appelé la délinquance sexuelle et le vagabondage sexuel.161 Ce point de vue néglige le rôle des hommes comme initiateurs et dominateurs dans les relations sexuelles, et lorsquils forcent les relations sexuelles même quand une fille ne donne pas son consentement ou quelle indique de façon explicite quelle nest pas consentante; ces situations équivalent au viol. De nombreuses filles employées comme domestiques interrogées par Human Rights Watch ont indiqué avoir été harcelées sexuellement, exploitées sexuellement et violées. Quatorze filles ont parlé de leurs expériences. Le plus souvent, elles ont été approchées par des hommes vivant sous le toit familial, y compris le tuteur (le chef de famille), ses frères ou ceux de sa femme, ou leurs enfants. Certaines ont subi pendant des années des sévices sexuels prolongés et nont vu aucun moyen de se protéger ou de dénoncer le coupable.
Plusieurs filles nous ont dit en larmes quelles avaient été violées par des hommes de la maison dans laquelle elles vivaient. Susanne K., qui avait déjà été violée par un chauffeur de camion alors quelle essayait de parvenir seule de son village à Conakry, a relaté son expérience :
Brigitte M., qui a été recrutée par sa tutriceà un marché proche de Pamelap, a eu une expérience similaire :
Souvent, ces sévices sexuels continuent jusquà ce que la fille soit enceinte, et cest alors que des ONG locales et dauteurs acteurs de la communauté découvrent ces cas.164 Justine K., 18 ans maintenant, a vécu avec sa tante à Conakry depuis toute jeune. Elle ny était pas heureuse, et à lâge de 11 ans, elle a décidé daller travailler comme fille domestique pour une autre famille :
Plusieurs filles ont été aussi exploitées sexuellement ; cest-à-dire, elles ont accepté des relations sexuelles en échange de nourriture, dargent ou de vêtements. Julie M. avait environ 11 ans quand le mari de la tutrice a commencé à avoir des relations sexuelles avec elle. Il lui donnait de 500 à 1500 GNF en échange.166 Une autre fille a eu des relations sexuelles avec un jardinier alors quelle avait neuf ou dix ans, pour pouvoir sacheter une robe.167 Beaucoup dautres filles ont été victimes de harcèlement sexuel. Daprès un travailleur social dune organisation locale, les filles finissent souvent par accepter davoir des relations sexuelles, parce quelles ne voient pas comment y échapper.168 Thérèse I. a déclaré :
Une fille malienne de 14 ans travaillant comme domestique à Conakry a été harcelée sexuellement de façon continuelle par son employeur, un chauffeur, jusquà ce quelle décide de retourner dans son pays.170 En plus du tuteur, des hommes plus jeunes et des adolescents de la maison essaient de faire pression sur les filles employées comme domestiques pour quelles aient des relations sexuelles avec eux. Liliane K. a réussi à mettre fin au harcèlement dont elle était victime de la part du fils de son tuteur. « Une nuit, il est arrivé et il a sauté sur moi. Jai hurlé et tout le monde est arrivé en courant. La tutrice sest mise très en colère contre son fils et lui a crié après. »171 Dautres filles ont aussi parlé à leurs tuteurs du harcèlement et des violences sexuelles dont elles étaient victimes. Dans certains cas, cela a suffi ; dans dautres cas, les tuteurs ne les ont pas crues. Yvette Y., 15 ans, a eu ce problème avec son tuteur :
Comme le montre cet exemple, parfois les filles qui sont victimes de sévices finissent par être celles qui sont punies. Dans un cas, une fille malienne travaillant comme domestique a brûlé un homme avec de leau bouillante, alors quil tentait de la violer. En conséquence, elle a été arrêtée par les autorités guinéennes ; il ny a pas eu denquête sur les allégations de tentative de viol.173 Aller chercher de leau ou travailler comme vendeuse ambulante a également exposé les filles au risque de sévices sexuels. Plusieurs filles ont subi du harcèlement sexuel ou des menaces de violence alors quelles étaient dans la rue. Lune dentre elles a dit : « Je vais chercher de leau à 5 ou 6 heures le matin. Parfois, des types mabordent. Quand ça arrive, je lâche le seau et je menfuis en courant. » 174 Les filles qui ont subi des agressions sexuelles ont souvent besoin daide médicale et psychologique ; le viol et le harcèlement sexuel causent des traumatismes.175 Cependant, les soins médicaux et laide psychologique sont rarement accessibles pour ces filles, qui ont peu dinformations sur les ressources dont elles peuvent disposer, ou qui ne sont pas autorisées à sortir de la maison de leur employeur. Si les quelques rares services existants nessaient pas de parvenir de façon préventive jusquà ces filles, ils ont toute chance dêtre inutiles à ces victimes. Refus déducationSeulement six des 40 filles et jeunes femmes interrogées avaient été à lécole pendant quelles travaillaient comme enfants domestiques. Les six filles ayant été à lécole avaient été scolarisées par AGUIAS, une ONG spécialisée dans les problèmes des filles employées comme domestiques. La grande majorité restait à la maison. Fréquemment, les filles domestiques étaient les seules à rester à la maison, tandis que les enfants biologiques du tuteur allaient à lécole. En Guinée, lenseignement primaire est obligatoire et du moins en théorie gratuit. Cependant, il y a des coûts significatifs associés à la scolarisation, tels que lachat de matériel dapprentissage, duniformes scolaires ou même de pupitre. Une étude a constaté que les coûts des livres, des uniformes, de nourriture, de transport et autres frais divers arrivaient à un total de 238$ par année scolaire.176 Le droit à léducation nest pas seulement un droit important par lui-même. Il est aussi un droit qui donne du pouvoir ; cest-à-dire quil permet aux personnes de réaliser leurs droits dans dautres domaines. Des études ont montré que les filles et les jeunes femmes risquent moins de subir des discriminations, des violences et autres mauvais traitements, ainsi que dêtre contaminées par le VIH, quand elles ont reçu une éducation.177 Dans certains cas, les tuteurs avaient promis aux parents des filles quils les enverraient à lécole. Le tuteur de Brigitte M. sest servi de la promesse quelle serait éduquée pour que son père accepte le recrutement de sa fille. Dès quils sont arrivés à Conakry, Brigitte M. a dû travailler dur et « la promesse déducation na plus jamais été mentionnée. »178 Angélique S., qui a été envoyée pour quelle travaille chez les employeurs et propriétaires terriens de ses parents, était indignée et honteuse de ne pas avoir reçu déducation :
Angélique a été finalement aidée par une association locale, Action Contre lExploitation des Enfants et des Femmes (ACEEF), qui lui a trouvé un apprentissage de couturière et a négocié avec son employeur pour que cela soit possible. Quand les filles étaient plus âgées, les tuteurs ont promis parfois une formation professionnelle ou un apprentissage. Caroline C., dont le cas est mentionné ci-dessus, est venue à Conakry à lâge de 14 ans. Lintermédiaire qui la placée comme enfant employée domestique lui a promis ainsi quà ses parents quelle apprendrait un métier. Cependant, son tuteur na jamais tenu cette promesse :
Quune éducation ou un apprentissage ait été promis ou pas, beaucoup de tuteurs ont adopté une attitude méprisante envers les filles qui se trouvaient sous leur garde et ont en général balayé rapidement pareilles demandes. Une tutrice a expliqué pourquoi elle navait pas envoyé sa nièce à lécole :
On a dit à certaines quil ny avait pas dargent pour les envoyer à lécole ou faire un apprentissage. Cest seulement lorsquune ONG locale est intervenue que des tuteurs parfois ont accepté denvoyer les enfants à lécole pu ont permis à des filles plus âgées de suivre un apprentissage. Toutefois, cela a exigé généralement des négociations difficiles et un engagement financier de la part de lONG à payer les coûts de scolarisation ou dapprentissage. Souvent les filles ont trouvé difficile de remplir la double attente qui pesait maintenant sur elles. Le directeur adjoint dune école primaire a expliqué :
Claudine K. vit avec sa tante comme enfant domestique et marchande ambulante depuis lâge de six ans environ. Elle travaillait environ 15 heures par jour et était régulièrement battue. Un jour, le chef de quartier (autorité locale) a dit aux jeunes dassister à une réunion de AGUIAS, qui inscrivait les enfants non scolarisés. Elle a demandé leur aide et ils lont inscrite à lécole primaire, avec laccord de la tante. Si la situation de Claudine sest beaucoup améliorée, aller à lécole demeure un défi pour elle :
Les filles plus âgées qui ont suivi des apprentissages en couture, coiffure ou autres métiers, ont fait état de problèmes similaires. Leurs tuteurs les surchargeaient de travail, de sorte quelles ne pouvaient pas être à lheure ou étaient trop fatiguées. Christine C., dix ans, était lune des rares filles à nous avoir dit quelle avait été heureuse de rester chez une parente en ville une cousine, dans son cas. Elle est allée à lécole à Conakry jusquau cours élémentaire, avant que sa mère ne len sorte et ne la fasse revenir au village.184 Beaucoup dautres filles interrogées ont exprimé le désir daller à lécole ou de suivre un apprentissage. TraiteLa dimension exacte du problème de la traite denfants en Guinée est difficile à déterminer. Il y a peu de statistiques fiables, et les limites sont parfois floues entre traite et migration courante, et entre traite et exploitation par le travail. Si certains observateurs considèrent que le problème est largement répandu, dautres maintiennent que le problème de la traite est limité. Létude de lOIT sur le travail des enfants en Guinée mentionnée ci-dessus a conclu que 22,4 pour cent des 6037 enfants interrogés étaient victimes de la traite.185 Dautres études en Guinée186 et au Mali187 ont conclu quune proportion relativement faible des enfants travailleurs émigrés interrogés avaient été réellement victimes de la traite. Comme expliqué ci-dessus, la traite denfants est le recrutement, le transport, le transfert, le recel ou la réception dun enfant dans le but de lexploiter. Donc il y a traite lorsque plusieurs éléments se combinent : le recrutement, le transport ou le transfert et lexploitation, telles que lexploitation de la prostitution dautrui ou dautres formes dexploitation sexuelle ; le travail ou les services forcés, lesclavage ou les pratiques analogues à lesclavage, et la servitude. Certaines des filles employées comme domestiques interrogées dans le cadre de cette recherche peuvent être considérées comme des victimes de la traite. Voici des exemples de ces cas :
Si la traite est une atteinte grave et complexe aux droits humains, elle nest quune partie dun ensemble plus large de problèmes relatifs à la protection de lenfant. Beaucoup de filles employées comme domestiques en Guinée ne sont pas victimes de la traite, mais souffrent dexploitation par le travail, de maltraitance physique, dexploitation sexuelle, de manque déducation et de discrimination en fonction du sexe. Les mesures politiques devraient sappuyer sur une perspective plus large de la protection de lenfant, afin dempêcher et de répondre à lensemble complet des abus, et ne pas se spécialiser sur la traite seulement. Cette préoccupation a été exprimée très justement par une étude sur la traite et la migration des enfants dans la région :
Un avenir incertain : ce que font les filles une fois quelles ne sont plus dans le service domestiqueLes filles arrêtent le service domestique de multiples façons. Certaines sont rappelées par leur famille, par exemple parce quil y a eu des problèmes avec la famille de leur employeur. Quand ces filles retournent dans leur village, les parents essaient souvent de les marier rapidement, même si elles nont pas encore dix-huit ans ; les filles peuvent être mariées dès lâge de 11 ans.189 Beaucoup des mariages sont arrangés. Plusieurs des filles domestiques maliennes ont expliqué quelles se marieraient dès leur retour de Guinée.190 Un membre du personnel de lambassade malienne a même encouragé le père dune fille domestique malienne à le faire, car il semblait considérer cela comme une solution sûre et honorable.191 Marianne N., dont le cas a été mentionné ci-dessus, a connu de graves problèmes alors quelle était fille domestique. Après sa fuite manquée en Guinée, et la naissance de son bébé issu dun viol, elle a été renvoyée dans sa famille, où elle a été mariée.192 Les filles en ville peuvent aussi être mariées, mais elles peuvent plus facilement influencer le choix du partenaire et le moment. Elles peuvent aussi essayer daccéder à une éducation, ou les plus âgées peuvent essayer de suivre un apprentissage. Beaucoup danciennes filles employées comme domestiques font des apprentissages dans des domaines considérés comme du travail « de femme », comme la couture et la coiffure. Ces métiers semblent être considérés comme véhiculant un statut social inférieur ; il semble aussi y avoir un tel nombre de couturières et de coiffeuses que beaucoup dentre elles seront inévitablement au chômage. Deux anciennes employées domestiques interrogées par Human Rights Watch travaillent actuellement comme travailleuses du sexe, appelées filles libres en Guinée. Stéphanie S., vingt-trois ans, a travaillé comme fille domestique de quinze à dix-neuf ans. Si tout dabord elle était bien payée, son employeur a refusé par la suite de lui verser son salaire complet, et elle a eu des conflits fréquents avec la tutrice. Finalement,elle a quitté cet emploi et a commencé à vendre du poisson et des hamburgers à Kilomètre Trente-Six, une agglomération urbaine qui sert détape à la plupart des déplacements routiers vers ou depuis Conakry. Plus tard, elle a décidé de devenir travailleuse du sexe.193 Une autre fille libre a expliqué quelle avait travaillé sans être payée comme domestique, avant de démarrer sa propre petite affaire de vente de chaussures.194 Toutefois, il ne semble pas que lexploitation dans le service domestique soit un facteur important pour devenir travailleuse du sexe. Une étude de Population Services International sur les travailleuses du sexe en Guinée a constaté que la plupart des filles et des jeunes femmes devenaient des prostituées après avoir connu le divorce, la séparation ou la mort de leur mari. Beaucoup dautres avaient des relations difficiles avec leur propre famille.195 93 Guinée Stat Plus / BIT, Etude de base sur le travail des enfants en Guinée, p.7-8. p.49. 94 Guinée Stat Plus / BIT, Etude de base sur le travail des enfants en Guinée, p. 52-53. 95 Entretiens de Human Rights Watch avec le ministre des Affaires sociales et des responsables de lUNICEF, décembre 2006. 96 Entretien de Human Rights Watch avec Christine C., Forécariah, 7 février 2007. 97 Fafo Institute for International Studies, Travel to Uncertainty, p.7-11. 98 Human Rights Watch, Letting them Fail. 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La Guinée a ratifié la Convention sur lâge minimum le 6 juin 2003. Voir aussi chapitre IV sur le cadre législatif, ci-après. 101 Pour plus de détails, voir chapitre IV sur le cadre législatif, ci-après. 102 Guinée Stat Plus/ Bureau International du Travail, Etude de base sur le travail des enfants en Guinée, p.56. Les enfants soumis aux pires formes du travail des enfants ont eu aussi plus de chances dêtre payés. Pour la définition des pires formes du travail des enfants, voir chapitre IV sur le cadre législatif. 103 Cest le taux de change de facto en Guinée, du fait de linflation. Le taux de change officiel cité par www.xecom est de 1 $ US pour 3430,25 GNF, http://www.xe.com/ucc/convert.cgi (Consulté le 9 mai 2007). Ce rapport utilise le taux de change réaliste de 1 $US pour 6000 GNF. 104 Quand des filles ont plusieurs emplois, ce tableau indique le plus haut salaire reçu. Par exemple, Michèle T. avait deux emplois ; elle nétait pas payée dans le premier emploi, mais recevait 75 000 GNF dans son second emploi, et elle est donc représentée ici dans la catégorie au-dessus de 50 000 GNF. 105 Voir chapitre I, « Pauvreté et crise économique » et « Rôles selon le sexe et accès inégal à léducation ». 107 Entretien de Human Rights Watch avec Justine K., 18 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 108 Entretien de Human Rights Watch avec Francine B., 18 ans, Conakry, 8 décembre 2006. 109 Liste de sept cas demployées domestiques maliennes à Conakry, septembre 2002 novembre 2003, archivé par Human Rights Watch. 110 Entretiens de Human Rights Watch avec Carine T., 22 ans, Nadine T., 18 ans, et Vivienne T., 17 ans, Conakry, 8 février 2007. 112 Entretien de Human Rights Watch avec une jeune femme malienne à Conakry, 9 février 2007. 113 Entretien de Human Rights Watch avec une femme du Haut Conseil des Maliens, Conakry, 8 décembre 2007. 115 Entretien de Human Rights Watch avec le vice-président du Haut Conseil des Maliens, Conakry, 6 février 2007. 116 Entretien de Human Rights Watch avec une jeune femme malienne à Conakry, 9 février 2007. 117 Entretien de lACEEF avec Berthe S., Forécariah, 17 ans, 7 février 2007. 118 Entretien de Human Rights Watch avec Georgette M., 16 ans, Conakry, 7 décembre 2006. 119 Entretien de Human Rights Watch avec Ramatoulaye Camara, Directrice de lUnité Enfance en Danger, Conakry, 7 décembre 2006. 120 Entretien de Human Rights Watch avec Rosalie Y., 9 ans, Forécariah, 7 fevrier 2007. 121 Organisation mondiale de la sante, World Water Day 2001, http://www.worldwaterday.org/wwday/2001/report/ch1.html (Consulté le 3 avril, 2007). 122 Voir chapitre IV sur le cadre législatif. 124 Entretien de Human Rights Watch avec Claudine K., 14 ans, Conakry, 8 février 2007. 125 Entretien de Human Rights Watch avec Susanne K., 16 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 126 Entretien de Human Rights Watch avec Thérèse I., 14 ans, Conakry, 8 décembre 2006. 127 Entretien de Human Rights Watch avec Brigitte M., 15 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 128 Entretien de Human Rights Watch avec Justine K., 18 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 129 Entretien de Human Rights Watch avec Dora T., 14 ans, Conakry, 5 février 2007. 130 Entretien de Human Rights Watch avec Thérèse I., 14 ans, Conakry, 8 décembre 2006. 131 Entretien de Human Rights Watch avec Mariame C., 13 ans, Conakry, 8 février 2007. 133 Entretiens de Human Rights Watch avec des filles domestiques, Conakry et Forécariah, décembre 2006 et février 2007. 134 Entretien de Human Rights Watch avec Laure F., 18 ans, Conakry, 8 décembre 2006. 135 Entretien de Human Rights Watch avec Caroline C., 17 ans, Conakry, 7 décembre 2006. 136 Entretien de Human Rights Watch avec la tutrice de Marianne N., 16 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 137 Voir chapitre II.4. sur les risques pendant le voyage ; Entretien de Human Rights Watch avec Marianne N., 16 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 138 Entretien de Human Rights Watch avec Justine K., 18 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 139 Entretien de Human Rights Watch avec Michèle T., 20 ans, Conakry, 8 février 2007. 140 Entretien de Human Rights Watch avec Alice D., 17 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 141 Entretien de Human Rights Watch avec Sylvie S., 13 ans, Conakry, 7 décembre 2006. 143 Entretien de Human Rights Watch avec Thérèse I., 14 ans, Conakry, 8 décembre 2006. 144 Entretien de Human Rights Watch avec Dora T., 14 ans, Conakry, 5 février 2007. 145 Entretien de Human Rights Watch avec Rosalie Y., 9 ans, Forécariah, 7 février 2007. 146 Entretien de Human Rights Watch avec Dora T., 14 ans, Conakry, 5 février 2007. 147 Entretien de Human Rights Watch avec un représentant de Population Services International, Conakry, 4 février 2007. 148 Entretien de Human Rights Watch avec Claudine K., 14 ans, Conakry, 8 février 2007. 149 Entretien de Human Rights Watch avec Habiba C., 14 ans, Conakry, 8 février 2007. 150 Entretien de Human Rights Watch avec Brigitte M., 15 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 151 Entretien de Human Rights Watch avec Marianne N., 16 ans, Conakry, 6 décembre 2006. 152 Entretien de Human Rights Watch avec Habiba C., 14 ans, Conakry, 8 février 2007. 153 Bureau International du Travail, Genève, Coup de main ou vie brisée ? 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Les accusations de sorcellerie contre des enfants non désirés sont aussi connues en République Démocratique du Congo. Voir Human Rights Watch, Quel avenir ? Les enfants de la rue en République démocratique du Congo, Vol.18, Nr. 2(A), avril 2006, http://hrw.org/reports/2006/drc0406/drc0406web.pdf (Consulté le 29 avril 2007). 160 Nancy Luke et Kathleen M. 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Létude était basée sur un échantillon de 435 travailleuses du sexe. |