Agressions contre des civils au Dar TamaLe Dar Tama est lun des trois départements administratifs du Wadi Fira, une région du nord-est du Tchad dont la capitale est Guéréda, à 165 kilomètres au nord-est dAbéché. Le Dar Tama héberge une majorité de Tama et dimportantes minorités arabes et Zaghawa. Les Tama et les Zaghawa sont des groupes ethniques non arabes quon peut trouver des deux côtés de la frontière Tchad-Soudan. Il y a deux sous clans importants parmi les Zaghawa du Dar Tama : celui des Bideyat, auquel appartient le président Déby, et les Burogat, étroitement liés au groupe ethnique des Goran. Historiquement, les relations entre les Tama et les Zaghawa ont été tendues, bien que les deux groupes aient coexisté de façon suffisamment pacifique pour permettre des mariages mixtes jusquà ce que les tensions sous-jacentes explosent dans la seconde moitié de 2006, quand des dizaines de civils ont été tués et des milliers dautres déplacés dans une violence communautaire inspirée et attisée par la dynamique politique de la rébellion armée au Tchad. Les chiffres exacts sur les victimes sont difficiles à obtenir,62 mais les autorités Tama de lun des 14 cantons du département ont établi une liste de 44 hommes Tama dont elles disent quils ont été tués depuis le 16 septembre 2006. 63 Un chef traditionnel du canton en question a prétendu que tous ces hommes avaient été tués par les hommes armés Zaghawa, et que les hommes Tama étaient particulièrement pris pour cible parce quils étaient soupçonnés dêtre des rebelles tchadiens ou des sympathisants des rebelles.64 « Les choses ont commencé à aller vraiment mal en septembre 2006, quand les rebelles [tchadiens] sont allés à Aram Kollé, » a-t-il dit, parlant de la zone montagneuse proche de la frontière soudanaise où les rebelles tchadiens ont combattu contre les forces de lANT à la mi septembre. « Maintenant [les Zaghawa] essaient de nous tuer quand ils peuvent. « Vous êtes des rebelles, » disent-ils. Ils veulent tous nous tuer. »65 La violence grandissante au Dar Tama se traduit par un nombre croissant de personnes déplacées dans cette zone. En août 2006, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a reçu des comptes-rendus sur des attaques contre des civils Tama commises par les Zaghawa dans la région de Guéréda, et 1200 Tama ont fui vers Goundo, un village à 30 kilomètres au nord de Adré.66 Le 24 octobre, environ 3300 civils Tama et Mararit67 sont passés au Soudan depuis Dar Tama, après que les Zaghawa aient cherché à se venger du meurtre dune femme Zaghawa par un homme Tama.68 Des civils déplacés ont aussi commencé à se rassembler à Guéréda, dans la ville proche de Kounoungo et dans deux camps de réfugiés administrés par lONU dans la région, Mille et Kounoungo, où le nombre de personnes déplacées dorigine Tama est passé de 49 le 30 octobre à 1861 le 22 novembre 2006.69 Selon un responsable de réfugiés soudanais au camp de Kounoungo, les attaques de Zaghawa contre des civils Tama ont vidé les villages dans une bande de 10 kilomètres au nord du camp. « Si vous allez dans ces villages, vous ne trouverez aucun homme dans la journée, seulement des femmes et des enfants, » a-t-il dit. « Même maintenant, pendant la récolte, vous ne trouverez pas dhommes dans les champs, il ny a que des femmes qui travaillent. Les hommes se cachent. Ils ont peur de se faire tuer. »70 Les politiques récentes semblent être la clé de la violente dégradation des relations entre les Tama et les Zaghawa, en particulier depuis l'ascension de deux groupes rebelles tchadiens dirigés par des Tama. Mahamat Nour, fondateur du RDL (qui a été incorporé plus tard à lUFDD) en octobre 2005, est né à Kounoungo, près de Guéréda. Mahamat Garfa, qui a fondé lAlliance Nationale de la Résistance (ANR) en 1994, est né dans le canton de Faréh, au sud de Guéréda.71 Le fait que Guéréda soit perçu comme un bastion de la subversion rebelle semble contribuer aux tensions. Dun autre côté, bon nombre des policiers et des administrateurs civils locaux sont des Bideyat Zaghawa, ce qui a entraîné parmi la population Tama le sentiment que les fonctionnaires locaux sont du côté de ladministration Déby. Ceci rehausse leur perception de sectarisme. Malgré les craintes des responsables du gouvernement dune infiltration des rebelles tchadiens au Dar Tama, lactivité rebelle dans cette zone a été relativement peu fréquente, quoi quagressive. Le 20 janvier 2006, plus de 100 rebelles du RDL sont venus dans 20 camionnettes depuis leurs bases au Darfour, et ont fondu sur Guéréda où ils ont enlevé cinq personnes, dont le préfet ; ils ont tiré et blessé cinq autres personnes72 et ils auraient libéré des prisonniers de la prison locale.73 Au début du mois de février 2006, des hommes armés supposés être des rebelles tchadiens ont enlevé deux membres du HCR de leur cantonnement à Guéréda et ont commencé à les conduire en direction du Soudan, mais ils ont été obligés dabandonner leur tentative suite de la crevaison dun pneu.74 Le 1er décembre 2006, des rebelles du RaFD se sont temporairement emparés de Guéréda dans le cadre dune vaste offensive rebelle tchadienne contre les forces gouvernementales.75 Selon un fermier Tama de 50 ans vivant dans un village à lest de Guéréda, être un Tama peut se révéler dangereux, en particulier depuis que les rebelles tchadiens ont intensifié les opérations contre lEtat tchadien. « Même pour aller seulement au village dà côté, nous devons nous cacher dans les arbres et surveiller sil ny a pas dhommes à cheval, » a-t-il dit. « Depuis le Ramadan [25 septembre au 23 octobre] ils veulent éliminer notre groupe ethnique, à cause de la rébellion Tama. Sils nous laissent tranquilles, ils croient que nous allons tous rejoindre les rebelles, alors maintenant ils nous veulent morts. »76 Si les attaques des Zaghawa contre les Tama font en fait partie dune stratégie de contre insurrection, que ce soit officiellement de la part du gouvernement du Tchad ou de ses agents, ou officieusement comme réaction spontanée des civils à la rébellion, cette stratégie semble sêtre retournée : au lieu de décourager leur soutien, la violence semble inciter des civils Tama à se joindre aux rebelles. « Tous les hommes sont morts ou sont partis rejoindre les rebelles [tchadiens], » a déclaré un dirigeant communautaire Tama à Guéréda. « Sils restent ici ils sont morts, alors cest plus sûr pour eux dêtre avec les rebelles. »77 Au cours de sa mission de recherche, Human Rights Watch a reçu des informations sur des attaques de Tama contre des civils Zaghawa, mais na pas eu la possibilité de vérifier ces allégations.78 Massacres de civilsDes personnes appartenant à lethnie Tama et vivant dans des villages aux alentours de Guéréda font état dattaques violentes et fréquentes menées par des hommes armés Zaghawa, issus des sous clans Burogat et Bideyat. Selon des témoins oculaires, les agresseurs sont parfois en uniformes, parfois en civil ou portent parfois des éléments duniformes militaires, et se déplacent en général à cheval, par petits groupes de deux à cinq personnes. Des hommes armés Zaghawa ont tué des civils Tama en volant du bétail ou autre chose, et ils se sont parfois livrés à des combats armés avec des forces dautodéfense villageoises Tama,79 qui se sont soldés par un nombre inconnu de victimes dans la région. Les femmes ne sont en général pas tuées, ce qui serait dû, selon les dirigeants Tama, au fait que le but des agresseurs Zaghawa était de priver les mouvements rebelles tchadiens de recrues en état et en âge de combattre. Bien que des Tama du Dar Tama aient été recrutés par les mouvements rebelles tchadiens, Human Rights Watch na pas constaté que les groupes rebelles tchadiens étaient actifs au niveau des communautés de la région ; si beaucoup de Tama sympathisent ouvertement avec la rébellion, ils se demandent aussi pourquoi les rebelles Tama ne sont pas venus les défendre devant létendue des massacres.80 Les Tama et les Zaghawa interrogés ont avancé un certain nombre dexplications à laugmentation soudaine de la violence intercommunautaire au Dar Tama. Lexplication la plus courante est un incident survenu fin juin dans le village de Obé, situé à 12 kilomètres au sud-est de Guéréda dans le canton de Faréh. Daprès un homme Tama de 52 ans vivant à Obé, les violences ont commencé après que deux hommes Zaghawa aient volé un homme Tama qui venait de rentrer du marché. « Les gens à Obé poursuivaient les Zaghawa pour récupérer les choses volées, et alors les Zaghawa se sont retournés et ils ont tiré sur les Tama, » a raconté lhomme. « Un des Tama a reçu une balle dans la jambe. Il est tombé et il a fait le mort. Mais il avait un fusil. Les Zaghawa sont venus pour le lui prendre, mais il était encore en vie et il les a tués tous les deux. »81 Les témoins oculaires Tama de lattaque de Obé ont raconté quun groupe nombreux de Zaghawa armés de fusils automatiques avait encerclé le village de Obé le 4 juillet ; certains des Zaghawa auraient porté des vêtements civils, tandis que dautres portaient des uniformes militaires ou des parties duniformes.82 Un témoin oculaire Tama, âgé de 40 ans, a décrit une scène de violence aveugle : « Jétais en train de prendre mon petit-déjeuner et quelquun est venu me dire : « Les Zaghawa ont encerclé le village, » a-t-il raconté. « Ceux qui pouvaient ont couru. Les Zaghawa se sont mis à tirer à lintérieur des maisons. Ils ont tiré sur les gens qui senfuyaient. Ils disaient que nous étions tous des rebelles [tchadiens]. »83 Une équipe médicale de lInternational Medical Corps (IMC), une organisation non gouvernementale internationale, a soigné les blessés de Obé et a fait état de vingt personnes tuées et neuf gravement blessées. Daprès lIMC, des membres de lethnie Goran84 armés de mitraillettes et de lance-roquettes ont encerclé Obé et ouvert le feu aveuglément.85 Certaines déclarations de témoins oculaires suggèrent que les Tama de Obé ont riposté à leurs assaillants, peut-être même avec des armes automatiques, mais de toute façon les défenseurs du village ont été rapidement débordés. Human Rights Watch na pas reçu dinformations concernant des victimes Zaghawa à la suite des violences de Obé. Lévénement a entraîné lexode de 300 familles Tama de lautre côté de la frontière, au Soudan.86 Beaucoup dautres se sont réfugiées dans la région de Guéréda.87 Un homme faisant partie des centaines de Tama déplacés vivant à la périphérie de Guéréda a affirmé que les problèmes antérieurs entre Tama et Zaghawa à Obé concernaient habituellement du bétail volé, mais que les hommes Zaghawa qui ont attaqué Obé en juillet nétaient pas des voleurs.
« Ils ont tiré sur les personnes qui senfuyaient ; pendant quon courait, ils nous suivaient pour nous tuer, » a-t-il déclaré. « Ils ne sont venus que pour tuer, pas pour voler. Avant ils volaient toujours, mais ce jour-là cétait seulement pour tuer. »88 Les Tama interrogés dans la ville de Guéréda et aux alentours font état dune augmentation des vols de bétail commis par les Zaghawa à lencontre des Tama depuis lattaque de Obé, et ils remarquent aussi une proportion plus élevée des violences qui accompagnent ces vols.89 Une femme Tama âgée de 45 ans, habitante dun village du canton de Faréh et qui sest réfugiée au camp de Kounoungo, a dit que sa sur a été tuée par des hommes armés Zaghawa alors quelle s'opposait à un vol. « Je dormais et quand le soleil sest levé, je me suis levée aussi pour préparer le thé, » a-t-elle raconté. « Puis jai entendu des coups de feu. Je suis sortie dans le jardin et jai vu les hommes. Quand mon mari a entendu les coups de feu il sest enfui immédiatement, mais je ne pouvais pas laisser les enfants, alors je suis restée. Les hommes sont entrés dans la maison ; ils ne mont pas fait de mal, mais ils ont pris tout ce que nous avions. Dans le même quartier, ma sur a été assassinée. Un homme la agressée pour lui prendre ses affaires. Elle a dit non. Il la tuée. »90 Certains villageois Tama se sont armés pour combattre leurs assaillants. Un homme Tama, âgé de 35 ans, dans un village Tama du canton de Faréh, a dit que son frère avait été tué alors quil poursuivait une petite bande dhommes armés Zaghawa qui avaient volé ses animaux. « Il sappelait Abdullah Adam, » a dit lhomme. « Ils lui volaient son troupeau de chèvres. Il les avait rassemblées et ils les lui ont volées. Il les a suivis avec son arc et ses flèches et ils lui ont tiré dessus. »91 Dans de nombreux cas, les victimes des violences nont offert aucune résistance. Un garçon Tama de sept ans interrogé à lhôpital de Guéréda a raconté que le 5 novembre il gardait un troupeau de chèvres à Mine Herat, un village près de Guéréda, quand un homme armé lui a tiré dans le pénis, et quil a aussi tiré sur son cousin de 25 ans et la tué. « Ils étaient deux, » a dit le garçon. « Ils ont tout pris. Ils ont tué mon cousin aussi. »92 Viols et autres formes de violence sexuelleLes hommes tout comme les femmes sont peu disposés à parler de viol ou dautres formes de violence sexuelle, et il est rare quils donnent spontanément des informations sur les viols ; ils sexpriment souvent par euphémisme, admettant par exemple quune femme a eu ses « vêtements déchirés » quand en fait elle a été violée. Malgré cela, Human Rights Watch a reçu des informations concernant des viols au Dar Tama. Etant donné la stigmatisation sociale associée au viol dans la société tchadienne, les viols ont vraisemblablement été plus fréquents que ceux qui ont été signalés. Des incidents de viols et de violence sexuelle signalés à Human Rights Watch semblent avoir été circonstanciels, les agresseurs sen prenant à des femmes lorsque celles-ci se trouvent dans les champs. Dautres se sont déroulés dans le contexte plus large dattaques armées. Dans une communauté Tama aux environs de Guéréda93, une personne âgée du village a déclaré quune jeune fille avait été violée au cours dune attaque par des Zaghawa, qui prétendaient être à la recherche de rebelles tchadiens. « Ils sont arrivés au village et ils ont dit que nous étions tous des rebelles, mais ce nest pas vrai. Ils ont vu les hommes et ils ont dit « vous êtes des rebelles, » a-t-il dit. « Les femmes vont dans les champs et font les récoltes, elles vont au marché, elles vont chercher leau ; si les hommes y vont, ils se font tuer. Alors les femmes y vont, mais elles se font violer. Une fille est enceinte. Quand le bébé naîtra, nous laccepterons. Nous navons pas dautre choix : le bébé est innocent. »94 Selon un fermier de Obé, âgé de 52 ans, qui sest réfugié dans le wadi (lit de rivière asséché de façon saisonnière) à proximité de Guéréda avec son troupeau de chèvres et une centaine dautres personnes déplacées depuis le début du mois doctobre, moissonner les récoltes peut être dangereux pour les femmes Tama. « Cétait une bonne récolte cette année, mais nous navons pas pu récolter parce que [cétait] trop dangereux, » a-t-il dit. « Alors nous avons pris nos animaux et nous avons laissé la récolte dans le champ. Les femmes peuvent aller récolter mais pas les hommes, parce que les hommes se feront tuer. Mais les femmes se font violer. Même maintenant, ils frappent les femmes et ils les violent. »95 Pillages de bétail et de biens civilsLes groupes armés actifs au Dar Tama ont systématiquement pillé des biens civils dans les villages, prenant le bétail dans la plupart des cas. Des témoins Tama affirment quen 2006 le vol de bétail par des Zaghawa au Dar Tama est devenu de plus en plus fréquent, violent, et effronté. Selon le chef dun village de 148 huttes situées entre les camps deMille et de Kounoungo, le vol est devenu un fait quotidien. « Tous nos animaux ont été volés par les Zaghawa ; tout ce quil nous reste, ce sont les ânes et les chiens, » a-t-il dit. « Il y a un peu de bétail dans le wadi en dehors du village ; les garçons doivent y dormir pour le surveiller. Si [les Zaghawa] le voient, ils le prendront. Et ils tuent. Nous vivons dans la peur. Quand je vais dormir le soir, je ferme les yeux très fort. »96 Selon ce chef de village, les Zaghawa ont attaqué son village en plein jour pour la première fois 10 jours avant le Ramadan (le 14 septembre), et ils ont pris dix têtes de bétail. Depuis lors, son village a été attaqué quatre autres fois, et 101 têtes de bétail ont été volées au total. « Il y a toujours eu un problème avec les Zaghawa, mais avant, ils venaient nous voler mais en se cachant, ils avaient honte, ils le faisaient comme un voleur le ferait, la nuit, » a-t-il dit. « Maintenant ils nagissent pas comme si ce quils font était mal. Ils viennent pendant la journée et ils volent. » Limportance du pillage de bétail est devenue telle quen septembre, nombre de Tama des villages voisins du camp de Kounoungo, un camp de réfugiés administré par lONU, amenaient leurs animaux dans le camp la nuit pour empêcher quils soient volés.97 Daprès un dirigeant du camp de réfugiés, les Tama viennent se réfugier dans le camp parce quils ont peur dêtre attaqués sils restent dans leurs villages. « Ils apportent les récoltes dans le camp pour quelles y soient en sécurité, et ils amènent aussi leurs moutons et leurs chèvres, et même des vaches, les seules vaches quil leur reste après tous les pillages, à lintérieur du camp, » a-t-il dit. « Presque tout ce quils ont a déjà été pris. Maintenant, ils vendent leurs animaux à bas prix dans le camp parce quils veulent juste sen débarrasser. Ils savent que leur bétail servira à les désigner comme cible alors ils veulent au moins en retirer un peu dargent. »98 La vague de vols de bétail qui a balayé le Dar Tama ne se limite pas aux villages Tama ; les Arabes (qui sont également fortement représentés parmi les rebelles tchadiens) disent queux aussi en ont été victimes. « Cest arrivé dans nos villages chaque jour, ou chaque semaine, » a affirmé une femme arabe de Gurjuareh, au nord du camp de Kounoungo. « Ils ne tuent pas, ils volent seulement. Ils font partie de larmée tchadienne. Des militaires Zaghawa. Ils portent des uniformes, ils viennent à cheval, parfois à trois, parfois à sept ou huit. Ils prennent les vaches, les bufs, les chèvres. Il y a eu beaucoup de problèmes cette année, mais les trois derniers mois cest devenu bien pire. »99 La réponse du gouvernement tchadien aux violencesBeaucoup de personnes au Dar Tama déclarent que le gouvernement tchadien et les policiers nont pas fait grand chose pour arrêter les violences commises contre les civils, et que les enquêtes et les poursuites effectuées sont rares. Les responsables du gouvernement tchadien ne condamnent pas la violence croissante dans la région de Guéréda, nenquêtent pas et ne traduisent pas en justice les criminels présumés. Ceci équivaut à une tolérance officielle, et encourage dautres exactions. Au delà de lindifférence et de linaction, les habitants affirment que les autorités tchadiennes sont complices des Zaghawa qui commettent les agressions. Plusieurs témoins Tama des attaques contre les communautés affirment avoir vu des officiers Zaghawa distribuer des armes et/ou des munitions aux civils Zaghawa.100 Un chef de village près du camp de Kounoungo a déclaré : « Le gouvernement les aide, » a-t-il dit. « Ils ne volent pas, mais ils défendent les autres Zaghawa qui volent. Si les bandits nont plus de balles, les militaires leur en donnent dautres. »101 Les habitants de la région soupçonnent aussi le gouvernement dêtre impliqué dans la vague de vols qui infestent cette région. Des véhicules daide humanitaire volés à Guéréda ont été retrouvés en possession de représentants du gouvernement tchadien dans lest du Tchad.102 Dautres véhicules daide humanitaire volés auraient été vus en possession de rebelles soudanais connus pour leurs liens avec le gouvernement tchadien, comme par exemple la faction du G-19 fidèle à Khamis Abdullah, qui a été active dans la zone frontalière au sud de Adré et dans louest du Darfour.103 De nombreux Tama vivent dans la crainte des fonctionnaires de larmée et du gouvernement, et plusieurs dirigeants communautaires Tama nont accepté de participer à nos entretiens que la nuit et avec des strictes garanties de confidentialité. Dautres ont complètement refusé de sexprimer, craignant des représailles violentes des forces de sécurité tchadiennes.104 « Nous avons peur du gouvernement, de la police, des gendarmes. Ils savent tous ce qui se passe, mais ils ne font rien, » a dit un chef de canton105 Tama dun village à proximité de Guéréda. « Ils protègent leurs frères. »106 62Les dossiers de lhôpital de Guéréda traduisent une dégradation dramatique de la situation sécuritaire dans la région de Guéréda au second semestre 2006. Bien que ces dossiers ne soient peut-être pas complets et ne tiennent pas compte des admissions en fonction de lappartenance ethnique, ils reflètent une augmentation indéniable et dramatique de la violence armée entre le premier semestre 2006, où 17 personnes ont été admises à lhôpital avec des blessures par balles, et le deuxième semestre, où 71 personnes ont été admises avec des blessures par balles. Ces chiffres sont encore plus dramatiques si lon considère quils ont été relevés le 10 novembre, et ne tiennent donc pas compte de décembre, ni de la plus grande partie du mois de novembre. Les sept personnes admises au cours des dix premiers jours de novembre létaient pour blessures par balles. 63 Liste archivée par Human Rights Watch, New York. 64 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 10 novembre 2006. 65 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 66 Entretien de Human Rights Watch, agent de protection du HCR, Abéché, Tchad, 27 octobre 2006. 67 Groupe ethnique non arabe originaire du Darfour mais avec des populations installées au Dar Tama. Lié sur le plan linguistique aux Mimi (voir ci-dessous). 68 HCR, Sudan/Chad Situation Update 66, 5 novembre 2006, http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/ db900SID/EVOD-6VCJDJ?OpenDocument (consulté le 26 décembre 2006). 69 Chiffres communiqués par le HCR, Tchad. 70 Entretien de Human Rights Watch, camp de Kounoungo, Tchad, 7 novembre 2006. 71 Le mouvement de Garfa est né de la rancune des Tama contre le gouvernement tchadien, qui a accordé limpunité aux Zaghawa menant des attaques contre les Tama dans le nord du Darfour. LANR a signé un accord de paix avec le gouvernement tchadien en janvier 2003, mais des factions de lANR fidèles au second de Garfa, Abdoulaye Saroua, ont refusé de se joindre à cet accord. En octobre 2005, beaucoup danciens militants de lANR ont rejoint le RDL de Nour. Voir Sudan: chadian opposition leader in incommunicado detention, communiqué de presse de Amnesty International, AFR 54/015/2006, 27 avril 2006, http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAFR540152006?open&of=ENG-SDN (consulté le 13 décembre 2006). Pour plus dinformations, voir aussi Economist Intelligence Unit, Country Profile Chad 2003. 72 CHAD: UN scales back in east after local officals kidnapped, IRIN, http://www.irinnews.org/report.asp?ReportID=51293 (consulté le 17 décembre 2006). 73 Programme alimentaire mondial, WFP Emergency Report, Rapport no. 4/2006, 27 janvier 2006, http://iys.cidi.org/humanitarian/wfp/ixl2.html (consulté le 17 décembre 2006). 74 Chad: With insecurity mounting in the east, are Debys days numbered? IRIN, 10 février 2006. 75 Chad: ICRC information bulletin No. 01/2006Latest report on ICRC operations in the field, communiqué de presse de lICRC, 15 décembre 2006, http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900SID/YSAR-6WHMNP?OpenDocument&rc=1&cc=tcd (consulté le 21 décembre 2006). 76 Entretien de Human Rights Watch, village de Tama à lest de Guéréda, Tchad, 7 novembre 2006. 77 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 7 novembre 2006. 78 Un homme Zaghawa aurait été tué dune balle dans le dos dans la région de Guéréda, apparemment dans le cadre de représailles commises par les Tama contre les Zaghawa, mais cette information na pas pu être confirmée. 79 La distinction entre civils et combattants est un principe fondamental du droit humanitaire international dans tous les conflits armés, mais cette distinction est compliquée par le développement des groupes villageois dautodéfense. En cas de doutesur une personne, celle-ci est considérée comme un civil. Voir Comité International de la Croix-Rouge, Customary International Humanitarian Law, Règles 1 et 7, citant le Protocole I, articles 48, 51(2), 52(2); Protocole II, article 13(2). 80 Entretiens de Human Rights Watch, Dar Tama, Tchad, 8-10 novembre 2006. 81 Les deux hommes Zaghawa tués ce jour-là auraient été des Bideyat Zaghawa liés au président Déby, bien que cela ne soit pas confirmé. Entretien de Human Rights Watch, personne déplacée Tama, camp de réfugiés de Kounoungo, Tchad, 9 novembre 2006 et Zaghawa soudanais affilié à lALS, NDjamena, Tchad, 25 novembre 2006. 82 Entretiens de Human Rights Watch, Guéréda et camp de réfugiés de Kounoungo, Tchad, 8-10 novembre. 83 Entretien de Human Rights Watch, personne déplacée appartenant à lethnie Tama, environs de Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 84 Bien que lIMC ait identifié les attaquants comme des Goran, il est plus probable quils étaient des Burogat Zaghawa, un sous clan Zaghawa né de mariages mixtes entre les Goran et les Zaghawa. Dans les entretiens de Human Rights Watch conduits au Dar Tama avec des victimes Tama des violences, beaucoup en ont fait porter la responsabilité aux Burogat, mais aucune na mentionné les Goran. Entretiens de Human Rights Watch, Dar Tama, Tchad, 8-10 novembre 2006. 85 Heavy fighting leaves many dead and wounded in Chad; International Medical Corps providing emergency care, communiqué de presse de lInternational Medical Corps, 6 juillet 2006, http://www.reliefweb.int/rw/RWB.NSF/db900SID/KHII-6RF4N2?OpenDocument (consulté le 21 décembre 2006). 86 HCR, Sudan/Chad Operations Update 62, HCR, 10 septembre 2006 http://www.reliefweb.int/rw/RWB.NSF/db900SID/LSGZ-6TLC6U?OpenDocument (consulté le 21 décembre 2006. 87 Entretiens de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 8-10 novembre 2006. 88 Entretien de Human Rights Watch, environs de Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 89 Entretiens de Human Rights Watch, Dar Tama, Tchad, 8-10 novembre 2006. 90 Entretien de Human Rights Watch, camp de Kounoungo, Tchad, 7 novembre 2006. 91 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 92 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, 10 novembre 2006. 93 Un homme Tama du même village a été tué ensuite par deux hommes armés Zagahawa qui essayaient de lui voler son cheval. Les anciens du village ont demandé à Human Rights Watch de ne pas révéler le nom du village de peur de représailles de la part des militants Zaghawa. Au cours dune visite, Human Rights Watch a observé deux hommes armés à cheval à proximité du village ; tous deux portaient des vêtements civils, avec des chargeurs de style militaire en travers de la poitrine. Ils ont été identifiés comme des Zaghawa qui avaient volé du bétail par le passé ; des gens du village ont supposé quils étaient revenus dans lintention de voler à nouveau mais quils étaient repartis soit parce quils avaient entendu ou vu un véhicule qui sapprochait (celui de Human Rights Watch), soit parce quil y avait trop de gens dans le village à cause de lenterrement, et que les tireurs avaient peur de provoquer une foule en colère. Entretien de Human Rights Watch, village Tama à lest de Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 94 Entretien de Human Rights Watch, village Tama à lest de Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 95 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 9 novembre 2006. 96 Entretien de Human Rights Watch, Kounoungo, Tchad, 9 novembre 2006. 97 Entretiens de Human Rights Watch, dirigeants de réfugiés et personnes déplacées Tama, camp de Kounoungo, Tchad, 8-9 septembre 2006. 98 Entretien de Human Rights Watch, camp de Kounoungo Tchad, 9 novembre 2006. 99 Entretien de Human Rights Watch, Barari, Tchad, 9 novembre 2006. Si Human Rights Watch na pas relevé de preuves suggérant que le pillage des villages arabes au Dar Tama avait des raisons politique, le fait que la rébellion tchadienne dirigée par les Tama compte de nombreux Ararbes dans ses rangs vaut peut-être la peine dêtre noté. 100 Ce fait est apparemment sans précédent : des sources Zaghawa à Ndjamena ont signalé que des officiers du gouvernement tchadien ont distribué des armes aux citoyens Zaghawa à Guéréda avant et pendant les attaques du 13 avril. Entretien de Human Rights Watch, Tchad, avril 2006. Human Rights Watch na pas pu vérifier ces allégations. 101 Entretien de Human Rights Watch, village Tama à lest du camp de Kounoungo, Tchad, 9 novembre 2006. 102 Entretiens de Human Rights Watch avec des travailleurs de laide humanitaire internationale, est tchadien, octobre à novembre 2006. 103 Entretiens de Human Rights Watch avec des travailleurs de laide humanitaire internationale et des représentants des rebelles soudanais, Tchad, octobre à novembre 2006. 104 Un chercheur de Human Rights Watch a été averti que la recherche sur les violences Zaghawa-Tama pourrait le mettre en danger ainsi que les personnes quil interrogeait. Le secrétaire général Zaghawa de Guéréda a été désigné comme une menace. Cest un homme très dangereux, a dit un chef de village Tama à Human Rights Watch. Sil apprend que vous faites des recherches là-dessus (la violence) il vous tuera, et il dira que ce sont les rebelles qui lont fait. 105 Un chef de canton est un élément supérieur de la structure traditionnelle de commandement qui a précédé ladministration civile mais qui perdure aujourdhui. Sous ladministration coloniale française, le chef de canton était léchelon inférieur de ladministration coloniale, chargé de percevoir les impôts, de mobiliser les recrues, et darrêter les malfaiteurs. Voir Martin Klein, Review: Traditional Political Institutions and Colonial Domination, African Historical Studies, vol. 4, no. 3, 1971, p. 660. 106 Entretien de Human Rights Watch, Guéréda, Tchad, 10 novembre 2006. |