Rapports de Human Rights Watch

I. Résumé

Mon problème ici, c’est que je me sens très seul. Je suis seul tout le temps. Je viens de loin ; personne ne me rend visite. Cela fait un an que je n’ai plus vu quelqu’un que je connais.
— Donatien C., 14 ans, qui purge une peine de 10 ans pour viol, prison de Gitega, le 23 mai 2006.

C’est très difficile de dormir car nous sommes environ 27 dans une seule pièce. Certains doivent rester assis toute la nuit. Il n’y a pas de douches ni de toilettes séparées pour nous, les enfants.  Ça craint pour les enfants quand les adultes sont aux toilettes. Je vérifie pour voir qui s’y trouve avant d’aller prendre ma douche.
— Jean-Bosco S., 14 ans, accusé de vol qualifié, prison de Ruyigi, le 25 mai 2006.

C’est comme n’importe quel autre commerce dans la prison. Certains font du trafic de cigarettes, d’autres du trafic de sexe…
— Alphonse N., 15 ans, accusé de viol, prison de Muramvya, le 17 août 2006.

Fin 2006, plus de 400 enfants âgés de 13 à 18 ans se trouvaient incarcérés dans les prisons burundaises, la majorité d’entre eux en attente de leur procès. Un nombre incalculable d’autres enfants étaient détenus dans des cachots communaux et des bureaux de police, en attendant un éventuel transfert en prison. A bien des égards, les enfants sont traités comme des adultes tant devant les tribunaux que dans les prisons, et les droits de l’enfant garantis par le droit international sont rarement respectés.

Le Burundi ne dispose pas d’un système judiciaire pour mineurs. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 13 ans et il est prévu que les mineurs de 13 à 18 ans reconnus coupables d’un délit bénéficient d’une réduction de la peine normalement réservée aux adultes condamnés pour le même délit. Il n’existe aucune alternative à l’incarcération des enfants, ni aucun service pour aider les enfants après leur libération. Fin 2006, plus de 75  pour cent des enfants en détention au Burundi étaient en attente de leur procès. Beaucoup avaient passé des mois, voire des années, en détention préventive. Certains ont été torturés pour leur arracher des aveux. La plupart n’ont pas accès aux conseils d’un avocat. 

Les graves lacunes dont souffre le système judiciaire affectent tous les détenus du Burundi, mais elles sont particulièrement lourdes de conséquences pour les enfants, lesquels ont droit à une protection spéciale en vertu des pactes internationaux ratifiés par le Burundi. Les enfants ne doivent être incarcérés qu’en dernier recours, et dans ce cas, uniquement pour le minimum de temps nécessaire.

Au Burundi, les conditions carcérales sont déplorables pour tous les prisonniers. Ils manquent d’espace, de nourriture, d’eau, de literie et d’équipements sanitaires. L’alimentation insuffisante et l’absence de programmes éducatifs affectent particulièrement les enfants, non seulement pendant leur incarcération mais également dans les années qui suivent leur libération. Contrairement à ce que prévoient les normes du droit international, enfants et adultes passent une grande partie de la journée ensemble, ce qui expose les enfants aux violences physiques et sexuelles des prisonniers adultes.

Le Parlement national burundais étudie actuellement un projet d’amendements au code pénal qui, s’il est adopté, pleinement appliqué et financé, améliorerait le traitement des enfants en conflit avec la loi. Il ferait passer l’âge de la responsabilité pénale à 15 ans et offrirait des alternatives à l’incarcération de tous les enfants.

Le gouvernement burundais devrait adopter ces amendements et les mettre en œuvre sans délai car ils constituent un premier pas nécessaire vers une amélioration de la protection des enfants en conflit avec la loi. Néanmoins, d’autres mesures pratiques doivent également être prises afin d’assurer la pleine réalisation des droits de l’enfant garantis par le droit international. Même si certaines de ces mesures ne sont pas onéreuses, les bailleurs de fonds devraient apporter un soutien matériel et autre pour aider le gouvernement burundais dans cet effort.