Rapports de Human Rights Watch

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V. Les violences à l'égard des enfants de la rue

Dans la rue, leur situation est précaire. Les enfants de la rue vivent dans la saleté et l'insécurité totale. Ils n'ont pas de droits et n'ont pas accès à l'éducation, aux soins de santé ou à la sécurité. Ils sont victimes de différents types de violence—ils sont battus et reçoivent des coups de pied, ils sont victimes de violence sexuelle, tant les garçons que les filles, et ils sont confrontés au risque d'exploitation économique. Les bandits et les gangs, la police et l'armée usent et abusent de ces enfants. Les filles sont particulièrement exposées au viol et aux agressions sexuelles des militaires et des sentinelles qui gardent les bureaux et les bâtiments la nuit.
––Mme Bashizi Mulangala, Division des Affaires Sociales et de la Famille, 15 septembre 2005

Violences policières et militaires

Certains policiers aident à réinsérer les enfants de la rue dans leur famille et les protègent de la violence des adultes. A Goma, par exemple, nous avons constaté que la Police Spéciale pour la Protection des Enfants jouait un rôle positif (voir plus loin). Mais de nombreux enfants de la rue vivent dans la crainte des forces qui sont censées les protéger, eux et tous les autres civils. Des membres de la police ordinaire, de la police militaire et de l'armée les menacent, les volent, les battent et les harcèlent pendant la journée ainsi que la nuit lorsqu'ils dorment. Menacés d'être arrêtés et emprisonnés, les enfants sont forcés de remettre leur argent ou des biens matériels à des hommes en uniforme.

Pire encore, les policiers recrutent des enfants pour voler et piller et en échange, ils reçoivent une partie du butin ou une petite somme d'argent.8 Plus généralement, la police utilise les enfants de la rue pour les aider dans des coups montés, pour assurer la surveillance sur les lieux d'un cambriolage ou pour servir d'appâts. Les enfants sont aussi forcés de fournir des informations sur d'autres enfants de la rue ou d'autres personnes soupçonnées de délits. Les enfants qui effectuent ces tâches pour la police risquent d'être emprisonnés ou d'être battus s'ils n'obtempèrent pas.

Violences physiques

A Goma, dans l'Est de la RDC, les enfants de la rue ont décrit la nature particulièrement violente des soldats et de la police militaire responsables de la sécurité dans la ville. Selon un garçon de dix-sept ans, c'est la police militaire et non la police civile qui vient les trouver la nuit et prend leur argent, leurs chaussures ou leurs vêtements. Ceux qui résistent sont battus.9  Emmanuel, orphelin de quatorze ans qui dort dans un kiosque abandonné avec plusieurs amis, nous a confié: “La vie est dure ici dans la rue, nous sommes tout le temps harcelés par les militaires. Ils viennent la nuit, n'importe quand après 22 heures. Ils nous frappent ou nous donnent des coups de pied. Ils réclament régulièrement de l'argent ou des objets qu'ils peuvent vendre, comme des téléphones portables. Seuls ceux qui s'enfuient et ne sont pas rattrapés sont hors de danger. Si nous avons travaillé toute la journée pour 100 francs (0,20 $US), ils peuvent même nous prendre ça.”10 Raphaël, quatorze ans, qui dort en compagnie de ses amis dans des kiosques vides près du marché Virunga à Goma, nous a raconté: “Nous sommes régulièrement harcelés par la police militaire. Le soir, ils viennent là où nous dormons et nous prennent tout ce qu'ils peuvent. Ils nous pourchassent et s'ils nous attrapent, ils nous donnent des coups de poing ou nous frappent avec des morceaux de bois.”11 Beaucoup d'enfants dont les entretiens avec Human Rights Watch à Goma et d'autres villes sont décrits ailleurs dans ce chapitre ont également mentionné les corrections que leur fait subir le personnel policier ou militaire.

Plusieurs employés d'un centre pour enfants de la rue à Goma lient le comportement qu'adoptent les enfants au centre pendant la journée aux événements de la nuit précédente. Ils ont expliqué que les soldats et la police militaire poursuivent les gosses, les battent et leur volent leur argent et leurs biens. Ils nous ont dit que le lendemain dans les centres, les enfants racontent au personnel qu'ils ont été harcelés et brutalisés par la police et disent qu'ils souhaitent dormir, épuisés d'avoir fui la police pendant la nuit.12

A Mbuji-Mayi, Lubumbashi et Kinshasa, des enfants de la rue ont déclaré que certains policiers les harcelaient la nuit, leur donnant des coups de pied, les giflant ou les battant. A Lubumbashi, des enfants nous ont dit qu'ils risquaient également de subir des violences de la part des policiers parce qu'ils jouaient sur les places ou les marchés ou lorsque des groupes d'enfants essayaient de se rassembler. Contrairement à Goma où ce type de violences a été régulièrement dénoncé par les enfants de la rue, dans ces villes les enfants nous ont dit pouvoir parfois éviter le harcèlement policier en n'attirant pas l'attention sur eux. Un jeune de la rue à Lubumbashi nous a offert l'explication suivante: “Si vous volez des choses ou cherchez des ennuis, alors vous risquez d'être battu ou arrêté. Un jour je gardais une voiture avec des amis. Lorsque le patron [propriétaire] nous a payés, nous avons commencé à nous battre pour l'argent. La police est arrivée, nous a arrêtés et puis elle nous a battus à cause du tapage que nous avions fait.”13

Extorsion

La possibilité qu'un enfant de la rue échappe aux violences physiques ou à l'arrestation peut dépendre de l'argent qu'il fournit à la police. Comme il est décrit plus en détail plus loin (voir sous-chapitre “Rafles et arrestations arbitraires”), en RDC, les enfants trouvés dans la rue peuvent être inculpés de vagabondage, déférés devant un juge et, aux termes de la loi, ils devraient soit retrouver leur famille, soit être placés dans une institution publique ou privée. En fait, cela arrive très rarement. Il est plus fréquent que la police les menace d'arrestation ou de détention prolongée pour extorquer de l'argent aux enfants.


Enfant de la rue endormi dans la rue. La nuit, les enfants de la rue sont plus exposés encore aux violences physiques et sexuelles infligées par les adultes et les membres des forces de l'ordre. © 2005 Marcus Bleasdale


Selon Noah, un garçon de douze ans, “Près du bar Olympia le soir, l'argent que nous avons est souvent volé par des membres de la police militaire. Ils viennent nous malmener, menaçent de nous battre ou de nous arrêter si nous ne leur donnons pas ce que nous avons. Ou s'ils voient un beau vêtement, ils nous le prennent.” Noah est de Goma et a perdu ses parents suite à une maladie. La nuit, il dort avec un groupe de garçons de son âge sous de vieux sacs ou des boîtes en carton aplaties, sous des porches.14 Un ex-garçon de la rue, Benjamin, nous a confié que lorsqu'il vivait dans la rue, il ne dormait jamais trop de nuits d'affilée au même endroit car la police le harcelait. “La nuit, la police venait et nous devions nous enfuir. S'ils nous attrapaient, ils prenaient ce que nous avions dans nos poches et puis nous laissaient partir. Ils nous donnaient des coups de poing et nous intimidaient.”15

Les enfants de la rue sont souvent les premiers à être soupçonnés lorsque de l'argent ou des biens sont volés dans un quartier où ils se rassemblent. La police emmène des groupes d'enfants de la rue soupçonnés de délits et les maintient en détention aux fins d'une enquête. Dans certains cas, les policiers battent les enfants pendant les interrogatoires pour arracher des informations ou des aveux à propos d'un délit et ensuite, ils réclament de l'argent en échange de leur libération. Selon les soixante-dix-neuf enfants interrogés pour le présent rapport, les passages à tabac pendant les interrogatoires sont fréquents à Goma et Lubumbashi mais semblent être moins courants à Mbuji-Mayi et Kinshasa.

Emmanuel, un orphelin de Goma, nous a raconté qu'en mars 2005, la police avait effectué une rafle et emmené des enfants de la rue qui passaient du temps sur le marché Virunga parce que 150$ avaient été volés à un marchand. Vingt-six enfants ont été arrêtés, interrogés et, dans le cas de ceux qui ne pouvaient pas payer de pot-de-vin, incarcérés trois jours au poste de police près du marché. Emmanuel a expliqué que, pendant l'interrogatoire, la police l'avait frappé dans le dos et sur le derrière avec un bâton.16 Pierre, de Lubumbashi, est parti de chez lui parce qu'il espérait que la vie serait meilleure dans la rue––il n'avait pas assez à manger à la maison et il ne pouvait pas aller à l'école parce que sa mère n'était pas en mesure de lui payer l'enseignement primaire. Il a dit qu'un jour au début 2005, il avait été arrêté parce qu'il jouait sur une place avec d'autres gamins de la rue. La police lui a réclamé 500 francs congolais (1$) en échange d'une libération immédiate. Il n'avait pas cet argent et a été mis au cachot pendant plusieurs jours. Selon Pierre, les policiers lui ont donné des coups de pied pendant sa détention.17

Frédéric, un garçon de quinze ans de Lubumbashi, nous a confié:

J'ai eu des problèmes avec la police. Il y avait eu un vol d'huile de cuisine à l'usine près du marché. Je ne sais pas qui était impliqué. Mais la police était là et elle nous a emmenés au poste de police sur le marché. On m'a frappé sur les pieds avec un grand bâton utilisé pour faire du foufou (repas de maïs ou de farine de manioc). Pendant qu'ils me battaient, j'avais les chevilles et les bras attachés. Les autres garçons ont donné un peu d'argent à la police et ils ont été relâchés immédiatement. Moi, j'ai passé plusieurs jours au poste.18

Rébecca, dix-sept ans, nous a raconté qu'en 2005, “quelques enfants volaient sur le marché et la police a arrêté tout un groupe de gosses de la rue dans le quartier. Il y avait une vingtaine d'enfants dans une petite salle du poste. On nous a fouettés sur le derrière avec une corde en plastique. Les enfants pleuraient et criaient. Mes amis ont payé 400 francs (0,80$) aux policiers pour qu'ils arrêtent. J'ai été libérée ce jour-là.”19 

Abus sexuels sur les filles

Certains policiers et soldats profitent de la vulnérabilité des filles de la rue pour les violer et les agresser sexuellement. Beaucoup de ces filles ont déjà été victimes de viols, souvent répétés, commis par des civils, hommes et garçons vivant aussi dans la rue (les abus sexuels perpétrés par des civils sont abordés plus loin dans ce chapitre). Les conseillères psychologiques d'un centre pour filles de la rue ont expliqué que les filles finissaient par parler des viols et des violences sexuelles qu'elles subissaient dans la rue mais il fallait du temps et de l'aide. Beaucoup ressentent de la honte à décrire les circonstances des violences sexuelles subies et elles ne donnent pas le nom des policiers ou des soldats coupables de ces actes, soit parce qu'elles ne connaissant pas les auteurs, soit parce qu'elles craignent des représailles, ou les deux. Selon ces conseillères, les filles qui se trouvent à leur centre, dont certaines ont à peine dix ans, parlent régulièrement de soldats, de policiers et d'hommes en uniforme qui violent les filles de la rue, leur réclament des rapports sexuels en échange de leur protection ou de leur libération lorsqu'elles sont en garde à vue, ou ils leur offrent un peu d'argent pour avoir des relations sexuelles avec elles.20

Margaret, treize ans, victime de maltraitance physique infligée par sa belle-mère à la maison, s'est enfuie pour vivre dans la rue. Elle passe ses journées à ramasser des morceaux de charbon de bois tombés par terre sur les sites de distribution afin de les revendre ensuite et avoir assez d'argent pour acheter de la nourriture. Elle a confié à Human Rights Watch:

Au début 2005, des hommes en uniforme ont arrêtés tous les enfants sur le marché et on nous a enfermés dans une maison située à proximité. Ces hommes ont dit que nous étions en état d'arrestation parce que leurs supérieurs leur avaient donné l'ordre de débarrasser la rue de tous les enfants. Ils ont arrêté beaucoup de garçons et de filles. Certains garçons ont été battus mais pas les filles. Les soldats ont couché avec quelques-unes des filles plus âgées. Ils ont dit, ‘si vous ne dormez pas avec nous, on ne vous laissera pas partir.’ Donc, beaucoup de filles ont accepté. Ils m'ont dit la même chose mais j'ai été épargnée parce qu'une religieuse est arrivée et elle a obtenu ma libération. Qui pourrait faire une chose pareille?21

Une fonctionnaire de la Division provinciale Femme et Famille a déclaré que la vaste majorité des filles de la rue étaient victimes de viol, notamment de viols collectifs répétés. Elle a indiqué qu'en dehors des civils, les soldats et les policiers étaient aussi responsables d'abus sexuels sur les filles de la rue. Dans le cadre de son travail, elle a découvert qu'au moment de leurs méfaits, les auteurs utilisaient rarement, voire jamais, de préservatifs, faisant ainsi courir le risque aux filles de contracter des maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH/SIDA. A ses yeux, les violences sexuelles à l'égard des filles compliquent davantage encore leur réhabilitation et rend d'autant plus difficile une réinsertion réussie au sein de leur famille, en particulier lorsque les filles ont des enfants nés d'un viol. Les victimes de viol peuvent être âgées d'à peine huit ans.22

Les études réalisées à propos des abus sexuels commis sur les filles et les femmes en RDC étayent ce constat. L'une de ces études, menée à Lubumbashi en 2003, a révélé que les cinquante filles de la rue interrogées avaient dénoncé des violences sexuelles. Elles ont désigné des soldats et des policiers entre autres responsables des viols. L'auteur de l'étude en concluait que les filles vivant dans la rue jouissaient de peu de protection ou de recours face aux abus et que les auteurs de ces viols tiraient profit de leur vulnérabilité.23 Une autre étude effectuée dans l'Est de la RDC mentionnait de nombreux exemples de viol et autres actes de violence sexuelle perpétrés par des soldats et des policiers à Goma et dans d'autres villes de l'Est.24

Exploitation des enfants de la rue par la police

Les enfants de la rue qui sont ramassés lors d'opérations de police ou qui sont accusés de délits peuvent être forcés d'effectuer des travaux pendant leur détention: certaines rafles semblent même être menées dans le but délibéré d'obtenir de la main d'œuvre gratuite pour des tâches de domestiques. Par exemple, les enfants disent qu'ils sont souvent forcés de creuser des latrines et de nettoyer les cellules lorsqu'ils sont détenus dans les postes de police. Un garçon qui passe son temps au rond-point de l'Etoile à Mbuji-Mayi nous a raconté qu'en août 2005, lui et ses amis avaient été emmenés par la police et obligés de creuser des latrines à la prison centrale. Selon lui, dix-huit garçons de dix à dix-sept ans ont été attachés, emmenés à pied jusqu'à la prison et forcés de creuser trois fosses pour les latrines, travail qui leur a pris toute la journée. A la fin de la journée, le commandant de la police leur a donné à chacun 200 francs congolais (0,40$) pour qu'ils s'achètent du savon pour se laver.25

Timothée, dont le père et la mère sont morts du VIH/SIDA, vivait sur le marché central de Mbanza-Ngungu dans la province du Bas-Congo. En 2004, la police a ramassé un grand groupe d'enfants du marché et les a mis au cachot. Selon Timothée, ils étaient uniquement accusés d'être des enfants de la rue; la police n'a jamais expliqué pourquoi ils étaient incarcérés. Ils ont été placés dans des cachots en compagnie d'adultes, dont certains les ont brutalisés. Pendant la journée, ils devaient nettoyer les latrines de la prison et couper le gazon qui entourait des bâtiments municipaux de la ville. Ils n'ont jamais été inculpés d'aucun délit et ont été libérés deux jours plus tard.26

Les gamins de la rue sont également recrutés pour aider la police à recueillir des informations et pour participer à des opérations policières. René, seize ans, du Kasaï Oriental, nous a expliqué qu'au début du mois de septembre 2005, deux enfants de la rue volaient de la nourriture la nuit dans un entrepôt. La police soupçonnait les enfants du quartier et en a interrogé beaucoup à propos de l'incident. René dit avoir été recruté pour se promener aux alentours de l'entrepôt et alerter la police la prochaine fois que les garçons tenteraient de cambrioler l'entrepôt. En échange de sa coopération, on lui avait promis 1.000 francs congolais (2$) mais il n'a jamais reçu l'argent. Selon René, “il n'y a pas moyen de refuser ce travail; si nous refusons, nous pouvons être accusés et arrêtés.”27


Beaucoup d'enfants de la rue se rassemblent pour dormir la nuit afin d'avoir plus chaud et se sentir plus en sécurité. © 2005 Marcus Bleasdale


Pire encore, des policiers et des soldats utilisent des enfants de la rue pour dévaliser et voler les civils. En échange de leur assistance dans des activités illégales, les enfants peuvent recevoir une part du butin et peut-être aussi être protégés par certains policiers. Selon des membres du personnel d'une organisation pour enfants de la rue de Lubumbashi, plusieurs cas leur ont été rapportés au début de l'année 2005 concernant des enfants de la commune de Kenya qui étaient utilisés par la police pour monter la garde et faire le guet lorsque la police pénétrait dans des magasins et volait des marchandises. Ils ont indiqué que ces enfants recevaient une partie des marchandises volées ou un peu d'argent de la police après ces vols.28 Les employés de deux centres pour enfants de la rue de Mbuji-Mayi ont mentionné des cas similaires, dénoncés par les enfants de ces centres, où des jeunes de la rue étaient utilisés par des policiers pour détourner l'attention lorsque des vols avaient lieu ou pour aider à les commettre. Le personnel a expliqué que la police recherchait des enfants pour participer à des vols en raison de leur plus petite taille et de leur plus grande capacité que les adultes à se faufiler dans des espaces plus étroits. En échange de leur aide, la police récompense les enfants en leur donnant de l'argent ou des marchandises, parfois en les protégeant des civils en colère ou en accusant à tort de ces vols d'autres enfants de la rue.29

Dans plusieurs villes, des enfants de la rue nous ont divulgué le nom de policiers ou de soldats qui les avaient maltraités. Un membre de la police militaire a toutefois été désigné comme étant particulièrement brutal. A Goma, plusieurs enfants de la rue ont dit que le Commandant Rajabu était connu pour avoir recruté des enfants en vue d'activités criminelles. Selon un gamin de la rue, le Commandant Rajabu a, dans le passé, arrêté des groupes de garçons vivant dans la rue et les a emprisonnés au Camp Katindo, un camp militaire de Goma où était basée l'ancienne cinquième brigade. Leur libération rapide dépendait de leur volonté d'aider Rajabu lors de futurs vols. Un enfant de la rue a expliqué que son ami avait volé un téléphone portable, l'avait donné à Rajabu, qui lui avait alors remis 20$. Il a également affirmé que Rajabu aidait les garçons qui travaillaient pour lui à être relâchés des postes de police lorsqu'il leur arrivait d'être appréhendés au cours d'une opération criminelle.30 Un autre enfant de la rue a également mentionné une rafle menée par Rajabu en août 2005 dans les environs de Cap-Sud et visant les enfants de la rue. Les garçons plus âgés auraient été emprisonnés pendant une quinzaine de jours et des pressions auraient été exercées pour qu'ils fournissent à l'avenir des marchandises volées à Rajabu.31 Plusieurs autres enfants ont parléde Rajabu comme d'un être particulièrement brutal envers les enfants de la rue, qui les battait et les volait pour chercher à les intimider et à les convaincre de travailler pour lui.32 Des employés de centres pour enfants de la rue à Goma ont déclaré que les enfants se trouvant dans leurs centres avaient décrit Rajabu de la même manière.33

Interrogés à propos de Rajabu, des membres de l'unité spéciale de la police chargée de la protection des enfants à Goma ont répondu que les enfants de la rue se plaignaient souvent des violences de la police militaire, notamment de Rajabu. Ils ont ajouté que Rajabu était connu pour sa cruauté envers les enfants et qu'il se pouvait qu'il ait recruté des enfants afin de voler pour lui mais ils n'avaient mené aucune enquête officielle à propos des accusations. Selon un policier, Rajabu est originaire de l'Ile d'Idjwi et il était attaché au Bureau II des renseignements militaires.34 Il a été arrêté en septembre 2005 pour des délits sans rapport avec les enfants de la rue.35 Lors d'un entretien avec le procureur militaire de Goma, un chercheur de Human Rights Watch a été informé que Rajabu n'était pas un officier de l'armée mais un agent des renseignements du bataillon T2 qui est attaché à la 8e région militaire. En décembre 2005, le procureur militaire rassemblait toujours des preuves contre Rajabu, qui avait entre-temps été renvoyé de l'armée et placé en résidence surveillée.36

Rafles et arrestations arbitraires

Les forces de police opèrent des rafles et emprisonnent des groupes d'enfants de la rue lorsque des délits sont commis dans les quartiers où l'on sait qu'ils se rassemblent. Ces rafles arrivent surtout lorsque les victimes du délit ont des liens avec les personnes au pouvoir ou lorsque des sommes d'argent considérables sont volées. A d'autres occasions, des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur ou des conseils de sécurité urbains ordonnent des rafles générales d'enfants de la rue pour nettoyer les quartiers de leur présence. Lorsqu'ils sont arrêtés dans ces circonstances, les enfants ne sont pas inculpés de délits; les rafles sont opérées en vertu d'une loi datant de l'époque coloniale qui assimile le vagabondage ou la mendicité des enfants à un délit.37 Aux termes de la loi, les enfants doivent comparaître devant un juge qui tentera de les réinsérer dans leur famille ou les placera dans des institutions privées ou publiques.

Le vendredi 4 novembre 2005 à Kinshasa, la police a, au cours d'une rafle, arrêté quelque 430 adultes et enfants qui se rassemblaient autour du marché principal de la ville—la police aurait reçu l'ordre d'arrêter tous les vagabonds du quartier en raison de la hausse de la criminalité. Plus de 180 étaient des garçons et des filles; le plus jeune avait neuf ans. Les enfants ont été internés pendant six jours; ils n'auraient reçu qu'un seul repas pendant toute la durée de leur détention et auraient été emprisonnés en compagnie de détenus adultes, dans des installations se trouvant dans un état déplorable. La loi congolaise exige qu'une personne comparaisse devant un juge dans un délai de quarante-huit heures à dater de son arrestation mais les enfants n'ont jamais été inculpés de quelque délit que ce soit ni présentés à un juge. Par contre, le jeudi suivant, certains ont été libérés et remis à leurs parents ou tuteurs, les autres ont été remis à des centres privés pour enfants de la rue.38 Les agences de protection de l'enfance ont protesté contre leur détention prolongée et les conditions insalubres et elles ont joué un rôle-clé dans l'obtention de leur libération. Un agent chargé de la protection de l'enfance nous a déclaré que le gouverneur de  Kinshasa et des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur avaient ordonné les arrestations, lesquelles ont ensuite été condamnées par les ministres de la justice et des affaires sociales.39

Un autre incident concerne quatre-vingt-cinq enfants et adultes arrêtés lors de rafles opérées les deux derniers jours de septembre 2005 à Goma. Lors d'entretiens avec eux, des policiers nous ont confié que le conseil de sécurité provincial, qui comprend notamment le gouverneur et le maire, s'était réuni le 23 septembre et avait ordonné les rafles après avoir reçu des informations relatives à des actes de violence et des viols commis par des personnes vivant dans la rue. Le 29 septembre, soixante-neuf adultes et enfants ont été arrêtés et entassés dans une seule cellule. Ils ont été libérés le jour suivant, certains enfants étant remis à leurs parents ou tuteurs, d'autres à des centres administrés par des ONG congolaises. Le 30 septembre, seize autres enfants ont été arrêtés et certains ont passé la nuit en prison. Lors d'une visite au poste le 30 septembre, un chercheur de Human Rights Watch ainsi que d'autres militants des droits humains ont pu obtenir la libération des plus jeunes enfants; le plus petit semblait ne pas avoir plus de six ans. Pendant ces deux jours, aucun enfant n'a été inculpé ou déféré devant un juge. Les policiers nous ont dit lors d'entretiens que l'opération était nécessaire pour juguler l'augmentation du nombre d'enfants de la rue qui commettaient des délits et pour éviter un problème général d'enfants de la rue tel que celui qui existe à Kinshasa. Le maire-adjoint de Goma a également indiqué que l'opération avait envoyé un message fort à la fois aux parents, qui doivent mieux s'occuper de leurs enfants, et aux organisations qui protègent les enfants, qui devraient faire leur travail correctement.40

La plupart des enfants de la rue qui sont arrêtés sont simplement remis à la rue après plusieurs jours. Même dans les quelques cas où les enfants sont déférés devant un juge, souvent aucun membre de la famille capable d'assumer la responsabilité de l'enfant ne peut être identifié et il ne se trouve souvent aucune institution de l'Etat qui convienne pour placer l'enfant. Le juge relâche simplement l'enfant dans les rues. Le président d'un tribunal de paix41 a exprimé sa frustration: “Si nous sommes amenés à décider qu'il n'y a pas, dans la famille, une personne responsable qui puisse se charger de l'enfant, nous n'avons pas vraiment d'autre choix. Nous ne pouvons pas les mettre en prison; cela ne convient pas à un enfant et il ou elle n'a aucun autre endroit où aller. Donc dans la pratique, les enfants âgés de moins de seize ans retournent simplement dans la rue.”42

Jacques, douze ans, vit dans un village situé à une dizaine de kilomètres à l'extérieur de Mbuji-Mayi, où les habitants sont essentiellement employés dans l'exploitation des mines de diamants. Il passe ses journées à travailler comme garçon de courses et à chercher des petits boulots pour les comptoirs de pierres précieuses. Il nous a dit avoir été arrêté juste la semaine précédente.

Un gamin de la rue a été arrêté et par la suite il a dit à la police que j'étais parmi les garçons qui avaient volé un sac de chaussures dans la chambre d'un mineur. On a été arrêtés à dix le même jour. On nous a frappés sur les pieds et le derrière avec du bambou. D'autres ont reçu des coups sur les pieds avec des morceaux de caoutchouc appelés ‘boyo.’ La police a fait cela pendant l'interrogatoire mais aucun de nous n'était au courant du vol. A la fin, nous avons été relâchés.43

Un autre garçon, Jean, est parti de chez lui après que les mauvais traitements infligés par sa tante furent devenus insupportables. Cela fait plus d'un an qu'il vit dans les rues de Lubumbashi. Il a décrit les conditions insalubres dans les cachots. “J'ai été accusé de vol avec un groupe d'autres garçons de la rue le mois dernier,” nous-a-t-il raconté. “Nous avons été emmenés au cachot du poste de police et enfermés pendant trois jours. On ne nous a rien donné à manger mais certains prisonniers ont partagé leur nourriture avec nous. Pendant l'interrogatoire, les policiers nous ont fouettés avec leurs ceinturons. Les conditions dans les cachots étaient terribles. Quelqu'un aurait pu mourir au cachot et on ne l'aurait même pas su, il sentait tellement mauvais.” Selon la description de Jean,  le cachot était une petite pièce pourvue d'une seule fenêtre protégée par une grille en métal. Lorsqu'il était interné, il y avait quinze personnes dans cette pièce, garçons et hommes étaient mélangés.44 Selon Jean, il n'a jamais été inculpé d'aucun délit ni déféré devant un juge. Après ses trois jours d'incarcération, il a été libéré et remis à la rue.


Sans foyer ni attention familiale, les enfants de la rue se rassemblent pour dormir afin d'avoir plus chaud et se sentir protégés.
© 2005 Marcus Bleasdale


A Kinshasa et dans d'autres zones urbaines, des rafles au cours desquelles sont arrêtés de grands groupes d'enfants de la rue sont opérées pratiquement chaque année. Les personnes qui travaillent avec les enfants de la rue et les défendent ont rencontré des responsables de la police et du gouvernement pour chercher à mettre un terme aux rafles et inciter à se concentrer plutôt sur la réinsertion et la réhabilitation. Ils nous ont expliqué que leurs efforts avaient abouti à quelques résultats en limitant le nombre et la durée des rafles l'année dernière.45 Néanmoins, comme il est décrit plus haut, en septembre et octobre 2005, les autorités ont donné l'ordre de ramasser de vastes groupes d'enfants à Goma et Kinshasa.

L'unité de protection spéciale de la police

A Goma et quelques autres villes de l'Est de la RDC, une unité spéciale, la Police Spéciale pour la Protection des Enfants (PSPE), a été mise sur pied pour s'occuper des enfants en conflit avec la loi. Des organisations non gouvernementales, des fonctionnaires du gouvernement et des citoyens congolais ordinaires ont loué le travail de la PSPE, estimant que cette unité traitait mieux les enfants que la police ordinaire ou l'armée. Deux policiers de la PSPE ont expliqué à Human Rights Watch qu'ils avaient reçu une formation spécialisée dans les cas impliquant des enfants et qu'ils n'arrêtaient les enfants qu'en dernier ressort (et dans ce cas, ils les gardaient séparés des adultes). Ils ont déclaré que les enfants de la rue se plaignaient auprès d'eux des brutalités commises par d'autres policiers mais ils avaient le sentiment que grâce à la formation et à la mise sur pied d'unités pour enfants dans d'autres villes, la violence pouvait être réfrénée.46

Des responsables du gouvernement et de la justice dans d'autres villes ont mentionné le besoin de créer des unités de police spéciale pour enfants à la fois pour veiller à ce que les affaires soient portées à leur connaissance plus rapidement et également pour que les enfants puissent bénéficier d'un meilleur traitement et de la protection de la police. Un magistrat de Lubumbashi nous a dit que les accusations de détention prolongée ou illégale et les violences policières ne se limitaient pas aux enfants mais auraient aussi été dénoncées plus généralement dans l'ensemble de la population. A ses yeux, les maigres rémunérations des policiers, les retards dans le paiement des salaires et le peu d'incitations à la prévention des délits ont contribué à une partie des problèmes existants.47

Un autre fonctionnaire de la Division de la Justice à Kinshasa a insisté sur le besoin de mieux former les policiers aux méthodes d'interrogatoire autres que les violences physiques.48 Le procureur de l'Etat à Lubumbashi a laissé entendre que les brutalités policières à l'égard des enfants étaient rares et que l'on ne pouvait pas toujours se fier à ce que disaient les enfants de la rue.49 Il a toutefois déclaré, à l'image d'autres fonctionnaires de la justice que nous avons interrogés, que la mise sur pied d'unités de police spéciale pour enfants pouvait apporter une protection supplémentaire à ces derniers.

Interrogés à propos des rafles et des violences policières à l'égard des enfants, des commandants de la police ont répondu qu'ils suivaient les instructions des fonctionnaires du gouvernement et qu'ils ne faisaient que leur travail. Questionné à propos de la rafle opérée à Goma en septembre 2005, le commandant de la police a répondu que les enfants n'avaient pas été arrêtés et qu'aucune autorisation ne permettait de leur faire passer la nuit en prison. L'idée était plutôt de les transférer à la PSPE pour que cette dernière s'occupe de leurs cas et de leur placement en famille.50 A Mbuji-Mayi, un commandant de la police a démenti que des policiers aient battu ou exploité des enfants de la rue mais il a affirmé qu'au contraire, ils protégeaient les enfants de la violence des adultes, comme cela a été le cas suite aux événements de septembre 2004 (voir plus loin le chapitre “Les enfants de la rue utilisés à des fins politiques”).51

Le travail des enfants

La survie de beaucoup d'enfants de la rue dépend de leur capacité à trouver du travail pour gagner de quoi s'acheter à manger. Certains transportent des marchandises, vendent de la nourriture, travaillent dans des restaurants et des maisons, chargent et déchargent des bus affectés au transport des passagers ou effectuent d'autres travaux temporaires en échange d'argent ou de nourriture. D'autres se livrent à des activités dangereuses ou illégales telles que le travail à la mine, la prostitution ou encore la vente de drogue et d'alcool. Certains adultes ont pitié de ces enfants et leur permettent d'effectuer des travaux pour eux en échange d'une somme raisonnable. Mais d'autres tirent profit d'eux, les payant moins que des adultes car ils savent que ces enfants n'ont guère le choix.

A un centre pour enfants de la rue à Goma, des conseillers psychologiques qui travaillent avec des enfants ont expliqué que ces derniers pouvaient facilement être exploités, par exemple en acceptant des travaux que les adultes refusent ou en portant de lourdes charges moyennant des sommes inférieures à celles que les adultes recevraient normalement. Ils ont mis en lumière la vulnérabilité des enfants de la rue, donnant l'exemple d'enfants qui avaient été piégés par une femme qui vendait de la marijuana. Après en avoir vendu un peu à quelques garçons, elle avait ensuite menacé de les dénoncer s'ils n'acceptaient pas d'en vendre pour elle. Ils ont commencé à vendre de la marijuana en ville et quelques-uns ont été arrêtés par la suite.52

Les exemples qui suivent de Noah, Nicolas et Mathieu illustrent bien les types de tâches que les enfants effectuent pour survivre. Noah, douze ans, passe son temps sur le marché Virunga en quête de travail. Il nous a confié qu'un jour normal, il se lève lorsque les cloches de la cathédrale sonnent, il range la boîte en carton sur laquelle il dort et il se rend au marché. Il a dit qu'il avait rarement autre chose à faire que de jouer aux cartes avec ses amis et mendier de l'argent ou de la nourriture mais parfois, il a la chance de trouver un boulot et de transporter des paquets pour les clients qui font leurs courses. A d'autres moments, on le paie pour nettoyer les excréments humains à un endroit du marché que les gens ont utilisé comme toilette—pour ce travail, il peut recevoir 50 francs (0,10$).53


La survie des enfants de la rue dépend de leur capacité à trouver du travail. Des enfants cirent les chaussures pour quelques pièces de monnaie.
© 2005 Marcus Bleasdale


Nicolas nous a dit être parti de chez sa tante lorsque les violences lui sont devenues insupportables. Il a trouvé du travail dans un restaurant; il nettoyait et balayait, allait chercher de l'eau et transportait les bacs de bière du distributeur au restaurant et inversement. En échange de son travail, il était autorisé à dormir par terre dans le restaurant la nuit et il était nourri pendant la journée. Nicolas a volé de l'argent à son patron et a quitté le restaurant après quelques mois. Il avait dix ans à l'époque.54

Les enfants de la rue qui vivent dans des zones urbaines situées à proximité des mines se livrent à des activités minières illégales; ils cherchent des diamants et autres pierres précieuses et aident à d'autres travaux liés à la mine. Bien que la loi congolaise interdise l'utilisation d'enfants dans les mines, dans la pratique, des milliers d'enfants, dont des enfants de la rue, se livrent à des activités minières. Ils peuvent par exemple être envoyés dans de petites galeries et creuser pour y trouver des pierres précieuses. D'autres sont chargés de laver les graviers et de filtrer les pierres précieuses. D'autres encore sont employés pour peser, vendre et pour d'autres activités autour des comptoirs de vente.

Plusieurs enfants de la rue que nous avons interrogés se livrent à des activités minières. Deux garçons vivant à Mbuji-Mayi nous ont expliqué qu'ils lavaient souvent les graviers apportés par les chercheurs de diamants pour trouver des fragments de diamant ou des pierres. Un autre garçon âgé de douze ans, Mathieu, a travaillé quelque temps avec une équipe d'adultes, cherchant illégalement des diamants dans une concession à Mbuji-Mayi. La tâche de Mathieu était de passer au tamis les graviers qui étaient recueillis. Il nous a confié, “Ce travail était très fatigant. J'avais mal au dos à devoir me pencher toute la journée pour filtrer les cailloux et chercher des pierres précieuses. J'avais tout le temps peur de me faire repérer et tuer par les gardes.” Un jour, des membres des milices chargées de la sécurité à la mine ont découvert le groupe dans la concession et ont commencé à tirer sur eux. Mathieu s'en est sorti indemne mais il a perdu son tamis alors qu'il s'enfuyait et après cela, il a abandonné son travail à la mine.55

Les expériences des enfants qui se livrent à la prostitution sont décrites plus loin, dans les chapitres consacrés aux violences sexuelles.

Violences physiques infligées par des adultes et des enfants de la rue plus âgés

Outre les brutalités exercées par les forces de sécurité de l'Etat, les hommes et les garçons plus âgés vivant dans la rue agressent également les enfants plus jeunes. Entre autres violences physiques, les enfants disent être battus, frappés à des coups de pied, brûlés et attaqués au couteau. Les menaces et les actes de sévices corporels perpétrés sur les enfants de la rue plus jeunes semblent servir deux objectifs. D'une part, les brutalités sont souvent accompagnées d'un vol au cours duquel les plus jeunes sont obligés de remettre le peu d'argent dont ils disposent ou leurs maigres possessions qui font l'objet de convoitise. D'autre part, ces actions sont également importantes dans le sens où elles instaurent un contrôle et établissent une hiérarchie dans la rue. Les groupes d'enfants de la rue s'organisent généralement d'eux-mêmes par tranche d'âge avec un chef à leur tête. Chaque groupe fait partie d'un groupe plus important qui est contrôlé par un chef de quartier. En recourant aux intimidations, aux menaces et aux violences physiques et sexuelles, ces chefs imposent une loyauté à leur égard et exercent un contrôle sur les plus jeunes. Dans la plupart des cas, la police et l'armée ne protègent pas les plus jeunes de la violence exercée par les hommes et les garçons de la rue plus âgés.

Solomon, un garçon vivant dans les rues de Goma, a expliqué que son groupe immédiat comptait onze membres vaguement organisés et dirigés par un “chef.” D'après ce qu'il dit, les garçons de son groupe travaillent ensemble, partageant la nourriture et leurs ressources. Leur groupe fait partie d'un groupe plus grand qui opère à proximité du marché Virunga. Solomon estime à soixante ou soixante-dix le nombre de garçons qui composent ce groupe plus large, lequel est dirigé par un chef adulte.56

A Mbuji-Mayi, un groupe de six garçons se rassemble le soir pour partager la nourriture et dormir tous ensemble pour mieux se protéger. Selon Deo, leur chef âgé de seize ans, le groupe fait partie d'un groupe beaucoup plus grand d'adultes et d'enfants de la rue qui compte des centaines de membres. Deo a raconté qu'ils devaient suivre les ordres des membres plus âgés du grand groupe, c'est-à-dire leur donner de la nourriture ou de l'argent lorsqu'ils l'exigeaient. Il nous a dit que plus tôt dans la journée, il avait transporté de la farine pour des femmes sur le marché et qu'il avait reçu de ces femmes 400 francs congolais (0,80$). Mais des garçons plus âgés lui ont ordonné de leur donner un peu d'argent pour acheter de la drogue et finalement, ils lui ont tout pris. Il a décrit ces “garçons” comme étant des hommes d'un peu plus de vingt ans, dont beaucoup vivent dans la rue depuis des années. Deo a ajouté qu'il arrivait même que certains d'entre eux soient mariés et aient des enfants mais ils continuent malgré tout à diriger les enfants de la rue, leur réclamant de l'argent et des marchandises et les battant ou les brûlant lorsqu'ils tentent de refuser.57

Gabriel, dix ans, a passé deux ans dans la rue avant d'accepter de vivre dans un centre de réhabilitation pour enfants de la rue à Goma. Dans la rue, il vivait avec un groupe d'une dizaine de garçons de son âge. Ils dormaient ensemble la nuit pour se protéger des civils et de la police. Cela ne les empêchait pourtant pas d'être harcelés par des garçons plus âgés: il a montré aux chercheurs de Human Rights Watch les cicatrices qu'il a sur les bras et les jambes, expliquant que des plus âgés avaient fait fondre du plastique chaud sur sa chair.58 Frédéric, un garçon de quinze ans qui vit dans les rues de Lubumbashi depuis près de cinq ans, nous a raconté quelque chose de similaire: “Les violences que nous font subir les gamins de la rue plus âgés sont pires que le harcèlement de la police. Il y a deux hommes, Hamisi et Bertrand. Ils viennent ici la nuit quand je dors. Ils mettent leurs mains dans mes poches pour voir si j'ai de l'argent. Ils ne demandent jamais, ils se servent simplement. Ils sont beaucoup plus grands que moi, donc c'est difficile de leur échapper. Un jour, ils m'ont brûlé parce que je refusais de leur donner mon argent. Ils m'ont emmené dans une allée et ont fait fondre des morceaux de sacs en plastique chauds sur mes jambes.”59


Un garçon de la rue profite d'une bonne douche dans un centre pour enfants de la rue à Kinshasa. © 2005 Marcus Bleasdale


Le contrôle sur les enfants de la rue, avec le pouvoir, le prestige et les revenus qui en découlent, semble être une pratique davantage ancrée à Kinshasa que dans d'autres villes. Normalement, les violences exercées par les adultes et les enfants plus âgés pour obtenir loyauté et obéissance sont dirigées vers les nouveaux arrivants qui passent par une période de bizutage appelée “baptême.” Edouard, un garçon de quinze ans qui vit dans les rues de Kinshasa, a décrit son baptême comme étant une période d'asservissement par rapport aux plus âgés. Il devait faire des courses, acheter de la bière et des cigarettes pour eux et leur remettre son argent et ce qu'il possédait quand on le lui demandait. A plusieurs reprises, il a été battu par des garçons plus âgés—un jour, il a perdu une dent de devant. Il a expliqué que les forces de police et de sécurité n'intervenaient jamais pour protéger les plus jeunes.60 Un ex-enfant de la rue, Jacob, nous a dit que lorsqu'il vivait dans la rue, “les garçons plus âgés nous embêtaient parfois; ils nous battaient ou nous brûlaient si on n'avait pas d'argent pour eux. Ils faisaient ça pour qu'on se soumette aux plus âgés. Ce sont les nouveaux qui sont maltraités, ceux qui viennent juste d'arriver. Les chefs font ça pour vous apprendre à suivre les ordres et à être respectueux envers eux.”61

Un ex-chef d'enfants de la rue de Kinshasa, aujourd'hui dans la trentaine, nous a décrit comment il brutalisait les garçons plus jeunes; entre autres, il battait et intimidait les nouveaux arrivants pour leur apprendre à le respecter, lui et la hiérarchie de la rue, et il leur prenait de l'argent pour s'acheter de la nourriture, de la drogue ou d'autres choses.62 (Pour les commentaires de cet homme à propos du viol utilisé comme méthode de contrôle, voir plus loin le chapitre “Violences sexuelles sur les garçons de la rue.” )

Violences sexuelles sur les filles de la rue

Les filles de la rue peuvent avoir des relations sexuelles en échange d'un peu d'argent. Beaucoup ont été victimes de viols et d'agressions sexuelles, parfois de viols collectifs répétés, et une enfant de la rue peut donc aussi accorder ses faveurs à plusieurs membres de son groupe immédiat en échange de leur protection contre les hommes et les garçons plus âgés. Une étude menée par Mme Bashizi Mulangala de la Division des Affaires Sociales à Lubumbashi a révélé que le viol et la violence sexuelle sur les filles de la rue étaient omniprésents: sur les cinquante filles qu'elles a interrogées, toutes avaient été victimes de viol. Mme Bashizi a découvert que des filles d'à peine huit ans avaient des relations sexuelles avec des hommes et des jeunes de la rue pour de l'argent, parfois pour manger, ou pour obtenir leur protection.63 Elle a déclaré à Human Rights Watch: “Cela ne leur offre pas de protection absolue. Beaucoup de filles sont encore violées par des plus âgés et dans certains cas, forcées d'avoir des rapports sexuels avec plusieurs à la fois. Les conséquences pour leur santé physique et mentale sont effroyables.”64

Les travailleuses de proximité qui informent les filles vivant dans la rue de leurs droits et de la disponibilité des abris pour enfants de la rue nous ont parlé d'une situation similaire pour les filles avec lesquelles elles travaillent. Le personnel de l'Association Bumi à Lubumbashi nous a informés que pratiquement chaque fille à qui ils parlent dans la rue a été violée et beaucoup se livrent à la prostitution. Les filles qui viennent à leur centre passent des tests de dépistage;  certaines sont séropositives et d'autres sont atteintes d'autres maladies sexuellement transmissibles (MST).65 Les avis du personnel du Centre Amani concordent. Une coordinatrice a expliqué:

Toutes les filles qui viennent ici et qui vivaient dans la rue ont été violées, sans exception [Caractères italiques ajoutés]. Nous avons eu deux cas l'année dernière de filles qui sont arrivées ici et qui étaient séropositives. Cela prend du temps mais avec une aide psychologique, les filles s'ouvrent et finissent par parler des viols et des sévices qu'elles ont subis. Les filles qui se sont prostituées pendant quelque temps ont des difficultés à s'adapter aux études et à la vie dans notre centre. Beaucoup partent et retournent dans la rue. Elles sont habituées à recevoir de l'argent et de l'attention.66

Même dans les cas de rapports sexuels consentis, les filles disent qu'elles n'utilisent pas souvent de préservatifs, soit parce que leurs partenaires refusent, soit parce que leur usage réduit la somme qu'elles recevront, ou encore parce qu'elles ne peuvent pas en obtenir. Le risque de contracter des MST, notamment le VIH, est donc très élevé. L'étude réalisée par Mme Mulangala à  Lubumbashi a révélé que les filles qui ont des relations sexuelles avec des hommes ou des garçons de la rue mentionnaient parfois cinq partenaires par jour, sans utiliser de préservatifs.67


Une fille de la rue se réchauffe près d'un feu le soir.  © 2005 Marcus Bleasdale

Amélie, quinze ans, est partie de chez elle à l'âge de dix ans lorsque ses parents sont morts et elle vit aujourd'hui avec un groupe de filles à Lubumbashi. Elles partagent la nourriture, dorment en groupe pendant la journée et elles se livrent à la prostitution la nuit. Elle a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch qu'elle pouvait aller avec trois ou quatre hommes chaque nuit et pouvait gagner de 1000 à 2000 francs congolais (2 à 4$). Le montant qu'elle reçoit dépend de l'usage ou non de préservatifs. Elle essaie d'insister pour que ses clients utilisent un préservatif chaque fois. Elle nous a confié, “Parfois des hommes arrivent et me prennent de force et après, ils partent sans laisser d'argent. Cela arrive souvent… J'ai commencé ce travail lorsque j'avais dix ans. Ce n'est pas une belle vie. Je préférerais aller ailleurs et étudier.”68

Rose a commencé à faire commerce de son corps à l'âge de quinze ans. Elle nous a dit qu'elle pouvait gagner jusqu'à 4000 francs congolais (8$) par nuit. Elle a dénoncé des abus sexuels commis par des hommes plus âgés qui profitent de sa position de vulnérabilité. “Ce sont des hommes qui arrivent en voiture, ils ont des rapports avec vous, puis ils vous laissent sans argent. Il y a d'autres hommes qui viennent et qui nous battent. Ils volent notre argent, nous tirent les cheveux ou prennent nos vêtements. Les policiers et les soldats ne nous importunent pas de la même façon. Parfois, ils nous offrent leur protection.”69

Marie Noniyabo, qui travaille avec une organisation pour la promotion des femmes et des filles à Mbuji-Mayi, cherche à réconcilier les filles de la rue avec leurs proches. Elle nous a déclaré que les filles qui ont des rapports consentis avec des hommes et des garçons de la rue sont parfois les plus difficiles à réinsérer dans leur famille. Elle a expliqué que beaucoup étaient considérées par des hommes ou des garçons de la rue comme leurs “femmes” de façon semi-permanente et qu'elles pouvaient même avoir des enfants d'eux, ce qui complique un retour dans leur famille, loin des rues.70 Beaucoup de garçons plus âgés que nous avons interrogés ont parlé de leurs “femmes” pour désigner les filles avec qui ils dormaient à l'occasion, souvent pour de l'argent. Christophe, qui vit dans les rues de Kinshasa, a dit que sa “femme” vendait également ses faveurs à d'autres garçons et qu'elle ne lui appartenait pas en permanence. Edouard, quinze ans, a expliqué que bien qu'il appelle sa copine sa “femme,” ils ne vivent pas ensemble et il ne dort avec elle que de temps à autre. Ces deux garçons nous ont dit ne pas utiliser de préservatifs lorsqu'ils ont des relations sexuelles avec leurs “femmes.”71

Violences sexuelles sur les garçons de la rue

 A l'instar des filles vivant dans la rue, les garçons risquent également de subir des abus sexuels et beaucoup ont été victimes de viols commis par des hommes et des garçons de la rue plus âgés. Les plus jeunes et ceux qui viennent d'arriver dans la rue sont particulièrement exposés aux agressions sexuelles. Certains cas de viol d'enfants de la rue font partie du bizutage ou  “baptême” comme nous l'avons décrit plus haut. Beaucoup se montrent réticents à parler de la violence sexuelle, réticence encore exacerbée par la stigmatisation et le sentiment de honte car les relations homosexuelles sont considérées comme taboues en RDC, comme dans de nombreuses régions d'Afrique. Certains garçons avec lesquels nous avons parlé ont toutefois accepté de parler des abus sexuels qu'ils avaient subis dans la rue. Aucun d'eux n'avait officiellement dénoncé le viol ou cherché une aide médicale, en partie, ont-ils expliqué, parce qu'ils étaient trop gênés de signaler ces actes ou ils sentaient que la police ne ferait rien ou pire, qu'elle se moquerait d'eux.

Jim, onze ans, est parti de chez lui après le décès de sa mère lorsqu'il avait neuf ans. Il a vécu dans les rues de Mbuji-Mayi pendant pratiquement deux ans, avec un groupe de six garçons qui avaient à peu près son âge. Il passait son temps à ramasser la farine qui tombait d'un moulin pour faire du foufou (repas de farine de manioc) qu'il mangeait ou vendait, à chercher du travail et à jouer avec ses amis. La nuit, ils prenaient leurs boîtes en carton et dormaient dans des églises et des bâtiments abandonnés. Jim nous a raconté que les garçons plus âgés venaient et le sodomisaient, le considérant comme leur “femme.”

Ca m'est arrivé souvent. Parfois on nous promettait de la nourriture ou de l'argent si on était d'accord pour faire ça mais je n'ai jamais rien reçu. D'autres fois, je les laissais me sodomiser en échange de leur protection ou pour partager des espaces pour dormir. C'étaient des hommes et des garçons différents à différents moments, pas toujours le même homme. Ils n'utilisaient jamais de préservatifs. Quand ils me faisaient ça, ça pouvait faire très mal et me faire beaucoup souffrir. Je prenais souvent de la drogue, comme ça je n'y pensais pas trop.72

Zacharie est parti de chez lui lorsqu'il avait dix ans et il a passé deux ans dans les rues de Kinshasa à mendier et à traîner au rond-point Victoire. Il nous a raconté que la nuit, il dormait à des endroits différents car il avait peur des jeunes plus âgés. Selon lui, ces garçons les battaient et les sodomisaient, lui et ses amis, quand ils ne pouvaient pas s'enfuir. Il a dit que la majorité des jeunes garçons avaient été victimes de viol et il a été témoin de nombreux viols d'enfants de la rue, notamment ceux commis sur un ami en sa présence. Zacharie a expliqué que la police n'était pas en mesure de les protéger de ces violences car elles avaient souvent lieu dans des allées sombres ou des bâtiments abandonnés. Après deux années passées dans la rue, il a été hébergé dans un refuge pour enfants de la rue mais il est parti peu de temps après en raison des violences sexuelles perpétrées dans les dortoirs par des garçons plus âgés.73

Les conseillers psychologiques qui travaillent dans des centres pour ex-enfants de la rue nous ont déclaré qu'ils avaient conscience que des viols et des agressions sexuelles de garçons étaient commis dans la rue car certains garçons discutaient de cette violence avec eux et d'autres continuaient à abuser sexuellement des plus jeunes dans les refuges où ils dormaient la nuit. Le personnel d'un refuge de Goma et un prêtre travaillant dans un centre à Lubumbashi nous ont dit qu'ils étaient à l'occasion confrontés à des cas où les jeunes garçons se plaignaient d'abus sexuels commis dans les dortoirs par des plus âgés.74 Un professeur d'un centre pour garçons de la rue à Mbuji-Mayi nous a informés que seul un garçon sur dix parle des abus sexuels commis dans la rue mais il estime qu'il s'agit d'un problème généralisé vu les cas qui se présentent dans son centre où certains jours, des garçons se plaignent des rapports forcés qu'ils ont dû avoir la veille au soir avec des plus âgés.75 Dans ces circonstances, les conseillers psychologiques séparent les garçons et parlent avec eux pour les dissuader de commettre ces abus.

L'ancien chef d'un groupe de garçons vivant dans les rues de Kinshasa a expliqué que les relations hétérosexuelles entre garçons et filles de la rue et les relations homosexuelles entre garçons de la rue étaient très courantes. Il a décrit les rapports sexuels entre garçons et les a classés en trois catégories. A ses yeux, il y a les garçons qui ont des relations consenties entre eux. Puis, il y a ceux qui font commerce de leur corps, c'est-à-dire qu'ils ont des rapports sexuels pour de l'argent, de la nourriture ou un endroit où dormir. Il a expliqué que la forme la plus commune était la sodomie que les plus âgés faisaient subir aux plus jeunes dans le cadre de leur bizutage ou “baptême.” Il nous a confié, “Ces plus jeunes, ils sont victimes d'abus sexuels. J'ai eu des relations sexuelles avec beaucoup d'entre eux dans la rue. Le soir, vous allez là où ils dorment, vous les attrapez par le cou, vous baissez leur pantalon et vous les violez. Ils se débattent mais les plus jeunes ne réussissent pas à s'enfuir. En plus, beaucoup prennent de la drogue et ils dorment profondément. Je ne fais plus ça mais les plus âgés font ça régulièrement aux garçons. Cela fait partie du système de baptême—pour instaurer un contrôle.”76

Les enfants de la rue utilisés à des fins politiques

Pour les adultes, les dizaines de milliers d'enfants vivant dans la rue sont des cibles faciles qui se prêtent à la manipulation. Comme il a été décrit plus haut, en échange de petites sommes, les enfants se livrent à des activités légales et illégales et, dans bon nombre de cas, ils sont exploités par des adultes, hommes et femmes. Leur position vulnérable en fait également la proie des opportunistes politiques qui, dans le passé, ont recruté des enfants de la rue pour défiler lors de manifestations, pour intimider des responsables politiques et pour aider à semer l'agitation et créer des troubles de l'ordre public. Par ailleurs, étant donné que les enfants de la rue s'organisent en groupes selon une hiérarchie bien établie, il est facile d'attirer quelques-uns de leurs chefs qui peuvent ensuite mobiliser des centaines d'enfants en peu de temps. Dans certains cas, les enfants de la rue, qui n'ont souvent rien à faire, se sentent naturellement attirés par les foules et les manifestations et ils y participent de leur plein gré. Mais le plus souvent, ils sont recrutés délibérément pour gonfler les rangs des participants présents aux manifestations publiques, au détriment de leur santé et de leur sécurité. Au cours des dernières années, des dizaines d'enfants de la RDC ont été tués et beaucoup d'autres blessés en participant à des rassemblements politiques au cours desquels des affrontements ont éclaté avec la police et avec des manifestants affichant des opinions politiques opposées.

En mai et juin 2005, les troupes gouvernementales et la police ont tué nombre de civils qui protestaient contre le report des élections nationales.77 Parmi les tués et les blessés, on dénombrait des enfants de la rue qui avaient été recrutés pour participer aux mouvements de protestation. Selon des enquêteurs de la MONUC travaillant pour la section protection de l'enfance, sept enfants de Mbuji-Mayi, Tshikapa et Goma ont été tués lors d'activités politiques menées au cours de ces deux mois; un autre est décédé alors qu'il était incarcéré pour y avoir participé. Par ailleurs, dix-neuf enfants ont été blessés et beaucoup d'autres arrêtés et incarcérés illégalement suite aux événements.78 Quelques-uns des troubles les plus violents ont eu lieu à Mbuji-Mayi, une zone connue pour son soutien à un parti d'opposition, l'Union Pour la Démocratie et le Progrès Social (UPDS). Des enfants de la rue de Mbuji-Mayi ont été contactés et recrutés par des responsables de l'UPDS, lesquels leur ont promis des cadeaux et des avantages futurs s'ils défilaient pour protester contre l'extension du mandat du gouvernement de transition. Dans d'autres zones urbaines, des organisateurs de différents partis politiques ont appâté les enfants en leur offrant de l'argent et autres cadeaux en échange de leur participation à des événements politiques.79

Par comparaison avec d'autres villes, la vaste majorité des enfants de la rue de Lubumbashi et de Kinshasa n'ont pas pris part aux rassemblements politiques prévus aux alentours du 30 juin, notamment parce que les autorités gouvernementales les avaient spécialement mis en garde contre toute participation. A Lubumbashi, un garçon de la rue qui passe son temps près du bureau de poste au centre de la ville nous a déclaré qu'il avait été contacté par des partisans de l'UPDS mais qu'il avait refusé de travailler pour eux. Il nous a confié qu'on l'avait prévenu de ne pas manifester.80 Un employé de la Division des Affaires Sociales nous a expliqué que non seulement l'UPDS mais également le parti du Président Joseph Kabila, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), avaient contacté des enfants de la rue pour participer aux événements qu'ils organisaient mais les enfants avaient tenu compte des avertissements officiels et avaient évité les rassemblements.81 De même à Kinshasa, les enfants de la rue avaient reçu l'instruction de ne pas manifester pour protester contre le prolongement du mandat du gouvernement de transition. Plusieurs chefs de groupes d'enfants que nous avons interrogés nous ont rapporté qu'au cours des quelques jours qui ont précédé le 30 juin, ils avaient été contactés par des représentants des mairies et des bureaux des gouverneurs et on leur avait demandé de tenir “leurs” enfants à l'écart des événements politiques. Ils ont donné l'instruction à leurs réseaux de ne pas s'impliquer, ordre qui, selon eux, a été suivi par leurs enfants.82 Le 30 juin, beaucoup d'enfants ont plutôt trouvé refuge dans les centres pour enfants de la rue afin d'éviter les troubles éventuels.83

Le personnel des centres pour enfants de la rue à Mbuji-Mayi nous a informés que la police et l'armée avaient interdit les manifestations mais certains enfants de la rue avaient malgré tout été recrutés et impliqués dans les troubles. Ils ont signalé plusieurs affrontements entre la police et les manifestants en mai et juin 2005. Suite aux événements, ils ont accueilli des enfants de la rue qui avaient été blessés et nécessitaient des soins médicaux: certains avaient été battus avec des matraques ou piétinés par la foule qui cherchait à fuir, d'autres avaient été blessés lorsque la police avait ouvert le feu sur les manifestants pour les disperser.84 Plus de trente enfants ont été arrêtés pendant les troubles—certains avaient participé aux événements, d'autres avaient été appréhendés lors d'opérations de ratissage de la zone menées par la police.85 Une fille de quinze ans, arrêtée fin juin, a confié aux chercheurs de Human Rights Watch qu'elle et ses trois amies bavardaient près du marché lorsque la Police d’intervention rapide (PIR) est arrivée sur les lieux et les a arrêtées. Mise au cachot pendant plusieurs jours, elle a ensuite été libérée lorsqu'une amie s'est présentée à la prison et a payé 1.000 francs congolais (2$) à la police.86

L'utilisation d'enfants de la rue à Mbuji-Mayi, lors des événements organisés en lien avec l'extension du mandat du gouvernement transitoire, et leur arrestation lors des violences qui en ont découlé étaient un moindre mal en comparaison des événements de septembre 2004. Le 25 septembre 2004, des enfants de la rue ont été la cible d'une vaste campagne meurtrière menée par les chercheurs de diamants et orchestrée avec l'aide d'autres civils. Lors du massacre, les agresseurs ont tué au moins vingt enfants, dont certains avaient à peine dix ans, les brûlant vifs pour ensuite jeter leurs corps dans la rivière.87 Une multitude d'enfants ont été blessés lors des attaques et beaucoup n'ont pas osé demander de soins médicaux de crainte d'être davantage maltraités. Les centres pour enfants de la rue ont également été pris pour cible et pillés par des foules en colère, obligeant les enfants qui y avaient trouvé refuge à s'enfuir une fois encore. Dans les jours qui ont suivi, le centre de Mbuji-Mayi a été décrit comme une ville fantôme, vidée des quelque 5.000 enfants de la rue partis se cacher pour éviter le massacre.88

Selon de nombreuses sources, le massacre de Mbuji-Mayi et le soulèvement populaire contre les enfants de la rue trouvent leur origine dans des événements antérieurs ainsi que dans la manipulation de ces enfants.89 D'après un militant des droits humains, depuis quelque temps les enfants avaient été organisés en deux groupes: l'un qui soutenait l'ancien gouverneur et le PPRD, l'autre qui appuyait l'opposition, l'UPDS. En mai 2003, lors d'une marche politique en faveur du président, des enfants de la rue pour et contre la marche ont commencé à se rassembler, les services de sécurité sont intervenus et ont dispersé la foule, tuant plusieurs enfants. Les chefs des deux groupes auraient reçu de l'argent, de la nourriture ou d'autres produits à distribuer à leurs groupes respectifs en échange de leur participation.90

Suite aux événements de mai 2003, un groupe d'enfants de la rue, prétendument appuyé par l'ancien gouverneur et le PPRD afin de contrer le soutien local de l'UPDS, est devenu plus puissant et a commencé à opérer de façon plus systématique sur le marché de Bakwa Dianga, soutirant de l'argent aux civils qui y faisaient du commerce. Ce groupe était dirigé par un ex-enfant de la rue, Hubert Kanda, lequel a déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch lors d'un entretien qu'il avait été “président” et protecteur des enfants de la rue sur ce marché.91 Selon des responsables du gouvernement et de l'armée, les activités de ce groupe d'enfants et d'adultes de la rue étaient devenues intolérables en 2004: ils réclamaient des “impôts” à la population pour qu'elle puisse travailler et opérer sur le marché et ils brutalisaient physiquement tant les hommes que les femmes. Ils nous ont expliqué qu'à ce moment, la police ne voulait pas, ou ne pouvait pas, contrôler ces enfants et adultes qui terrorisaient la population et étaient qualifiés “d'armée rouge.”92 Les enfants de la rue identifiés à ce groupe se sont enhardis et ont commencé à s'attaquer aux femmes et aux filles qui se rendaient à la rivière pour chercher de l'eau ou à celles qui sortaient de l'eau après s'être baignées. Afin de pouvoir passer, les femmes auraient été forcées de se déshabiller devant les groupes de garçons de la rue et, dans certains cas, les garçons plus âgés et les hommes les auraient violées.93 

La situation est devenue critique suite à un incident survenu le 19 septembre 2004, lorsque des enfants plus âgés ont attaqué des chercheurs de diamant du quartier de Binza, dans la commune de Dibindi, emportant leurs sacs de gravier qui contenaient apparemment plusieurs grandes pierres de valeur.94 Le lendemain, les mineurs sont venus en ville, ont signalé l'incident à la police et des combats entre mineurs et certains jeunes de la rue s'en sont ensuivis, la police devant intervenir pour restaurer le calme. Le 21 septembre, les mineurs se sont rendus près du marché de Bakwa Dianga et ont lancé un avertissement aux enfants de la rue et aux autorités gouvernementales: les rues de Mbuji-Mayi devaient être nettoyées des enfants de la rue ou ils prendraient eux-mêmes les choses en mains.95

Selon des procès-verbaux de l'armée,96 le 23 septembre, ne percevant aucune réaction visible des autorités pour désamorcer la crise, un groupe de chercheurs de diamant, apparemment dirigé par Mukishi aka Chimbole, a diffusé un message sur une radio locale.97 Ils ont donné aux autorités quarante-huit heures pour réagir et tenir compte de leur avertissement, sans quoi les mineurs se lanceraient à la recherche des enfants et en “finiraient” avec eux. Ce message a été rediffusé sur plusieurs chaînes de télévision et stations de radio cette nuit-là et le jour suivant. 98 Les mineurs auraient en outre appelé tous ceux qui avaient des problèmes avec les enfants de la rue à se rassembler et à agir. Ils ont conseillé aux auditeurs de considérer les enfants de la rue comme des ennemis de l'Etat et de les traiter avec autant de fermeté que celle utilisée pour pourchasser les Tutsis au Rwanda.99 Le samedi 25 septembre, des centaines de chercheurs de diamant armés de bâtons, de matraques, de pierres, de machettes et d'essence sont entrés dans la ville et ont attaqué les enfants de la rue. Un nombre encore plus important d'autres civils se sont joints à eux, les aidant à identifier les enfants et leur indiquant où ils se cachaient. Au moins vingt enfants de la rue, probablement beaucoup plus, ont été tués: certains se sont retrouvés avec un pneu autour du corps, de l'essence a été déversée sur eux et ils ont été brûlés vifs. Leurs corps carbonisés ont ensuite été jetés dans une rivière toute proche. Une multitude d'autres enfants ont été blessés lors des attaques et des milliers ont fui le centre de la ville et sont partis se cacher.100 Selon les rescapés, aucune distinction n'a été faite entre l'ensemble des enfants de la rue et les plus âgés qui avaient commis des exactions sur les civils. Certains enfants d'à peine dix ans ont été massacrés. Des témoins ont signalé qu'au départ, la police et l'armée n'avaient joué aucun rôle pour mettre un terme aux tueries. Ce n'est que plus tard qu'elles ont dispersé la foule et protégé les enfants, en incarcérant certains pour assurer leur protection.101 Le chef des enfants de la rue du marché de Bakwa Dianga, Hubert Kanda, s'est caché suite aux événements et a plus tard été arrêté par la police, apparemment pour garantir sa protection.

Trois enfants avec lesquels nous avons parlé ont décrit ce qu'ils ont vécu ce jour-là. Daniel, dix ans, se trouvait sur le marché de Bakwa Dianga le jour de l'attaque. Il lavait des vêtements pour un vendeur. Il nous a expliqué qu'une foule de civils est arrivée sur le marché en agitant des gourdins et des matraques et en criant qu'il fallait attaquer les enfants. Daniel a été frappé dans le dos et il a eu les deux bras cassés. Il a été laissé pour mort parmi d'autres cadavres et ce n'est que plus tard que la police l'a découvert et transporté à l'hôpital. Il porte les cicatrices des coups et ses deux bras sont déformés en raison des blessures qu'il a subies.102 Georges vend du charbon de bois en ville pour gagner de quoi manger. Au moment des événements de septembre 2004, il avait dix ans et il travaillait au marché, vendant du charbon de bois avec un ami. Il a raconté: “Tout à coup, on a vu un groupe qui arrivait sur nous avec des machettes, des couteaux et des matraques. Les femmes du marché criaient 'ils sont ici, il y en a un, juste là'. Mon ami a été poignardé avec un couteau et on m'a dit plus tard qu'il était mort. Moi, j'ai pu m'enfuir et j'ai été sauvé par un homme d'affaires qui a eu pitié de moi et m'a caché.”103 Le jour de l'attaque,  Rachel se rendait au marché avec une amie. Surprise par une foule munie de pierres et de bâtons, son amie a été reconnue comme enfant de la rue, elle a été déshabillée et battue sauvagement. Rachel a réussi à se mettre à l'abri.104


Des enfants de la rue ramassent des morceaux de charbon de bois tombés par terre sur
les sites de distribution pour ensuite les revendre et gagner de quoi manger. © 2005 Marcus Bleasdale


Dans les semaines et les mois qui ont suivi les événements, les organes gouvernementaux, les agences de l'ONU et les ONG congolaises ont enquêté à propos de ce qui s'était passé et ont publié leurs conclusions. Le gouvernement a arrêté et engagé des poursuites judiciaires à l'encontre de cinq mineurs qui avaient participé au massacre. En avril 2005, ils ont chacun été condamnés à cinq ans d'emprisonnement.105 En appel, deux des accusés ont été acquittés et les autres ont bénéficié d'une réduction de peine. Mécontent du résultat de l'appel, le Procureur de la République nous a confié en septembre 2005 qu'il avait fait appel de cette décision devant la Cour Suprême à Kinshasa. Il a déclaré que les condamnés ne faisaient pas partie des meneurs mais qu'ils avaient été identifiés grâce à des images tournées par une chaîne d'information locale. Lorsque Human Rights Watch lui a demandé pour quelle raison les dirigeants des mineurs, notamment Mukishi, n'avaient pas été jugés, le procureur a répondu qu'un dossier avait été ouvert à leur encontre mais on ne savait pas où ils se trouvaient. Interrogé à propos du rôle qu'avaient joué les médias en incitant la population, il a expliqué que leurs actions faisaient encore l'objet d'une enquête.106 Lorsque nous avons parlé au procureur de la détention du chef des enfants de la rue, Kanda, il nous a signalé qu'il ignorait qui avait donné l'ordre de l'arrêter et qu'à sa connaissance, il n'avait pas été inculpé.107 Au quartier général de la police, le Commandant-Major Israël a informé Human Rights Watch que la décision de protéger Kanda avait été prise par le comité provincial de sécurité et que toute question concernant sa détention devait être adressée au Ministre de l'Intérieur à Kinshasa.108 Lorsque nous avons interrogé Kanda en septembre 2005, il nous a dit qu'il était incarcéré dans un cachot communal depuis 2004 sans aucune inculpation et qu'il attendait son transfert dans une autre ville.109

Depuis les événements de septembre 2004, des responsables du gouvernement, des policiers et des membres d'ONG se réunissent régulièrement à Mbuji-Mayi pour traiter les questions relatives aux enfants de la rue et éviter de nouveaux massacres. Nous avons interrogé quelques-unes de ces personnes et certaines ont reconnu qu'il fallait en faire davantage pour empêcher les enfants de finir à la rue. Une infirmière qui travaille avec les enfants de la rue a résumé les massacres de septembre en ces termes:

Il est un problème que les gens n'identifient pas et à propos duquel rien n'est fait: ce sont les conditions pitoyables des travailleurs, en particulier des chercheurs de diamant. C'est l'une des raisons pour lesquelles tant d'enfants vivent dans la rue à Mbuji-Mayi. Ces hommes sont pour la plupart non instruits. Ils boivent et prennent de la drogue. Ils ne perçoivent pas de salaire fixe, beaucoup ont plusieurs “femmes” et de nombreux enfants dont ils ne peuvent ou ne veulent pas s'occuper. Ils sont souvent partis pendant plusieurs semaines d'affilée, laissant la famille à charge de leurs femmes à qui il arrive d'être victimes de violences physiques. La vie de famille déplorable est ce qui pousse bon nombre de ces enfants à la rue. Les enfants de la rue ne sont pas tombés du ciel, ce sont nos enfants. En quelque sorte, ce massacre des enfants de la rue par les mineurs, c'est comme si des parents avaient tué leurs propres enfants. Les événements qui ont conduit au massacre et le massacre lui-même n'étaient qu'un moyen choisi par un groupe d'exprimer son désespoir en attaquant l'autre.110




[8] Entretiens de Human Rights Watch, Goma, 13-15 septembre 2005, Lubumbashi, 16-18 septembre, et Mbuji-Mayi, 21-22 septembre 2005.

[9] Entretien de Human Rights Watch avec Solomon, marché Virunga, Goma, 13 septembre 2005. Tous les noms utilisés dans le présent rapport ont été changés afin de protéger l'identité des enfants de la rue.

[10] Entretien de Human Rights Watch avec Emmanuel, centre pour enfants de la rue, Goma, 14 septembre 2005.

[11] Entretien de Human Rights Watch avec Raphaël, Goma, 13 septembre 2005.

[12] Entretien de Human Rights Watch, centre pour enfants de la rue, Goma, 13 septembre 2005.

[13] Entretien de Human Rights Watch avec Robert, vingt-trois ans, Lubumbashi, 17 septembre 2005.

[14] Entretien de Human Rights Watch avec Noah, Goma, 13 septembre 2005.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec Benjamin, dix-sept ans, centre de réhabilitation pour enfants de la rue, Goma, 14 septembre 2005.

[16] Entretien de Human Rights Watch avec Emmanuel, quatorze ans, Goma, 14 septembre 2005.

[17] Entretien de Human Rights Watch avec Pierre, quinze ans, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[18] Entretien de Human Rights Watch avec Frédéric, Lubumbashi, 18 septembre 2005.

[19] Entretien de Human Rights Watch avec Rébecca, Goma, 14 septembre 2005.

[20] Entretien de Human Rights Watch, centre pour filles de la rue, Lubumbashi, 17 septembre 2005.

[21] Entretien de Human Rights Watch avec Margaret, centre pour filles de la rue, Mbuji-Mayi, 23 septembre 2005.

[22] Entretien de Human Rights Watch avec Mme Kabera Mujijima Bora, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[23] Bashizi Mulangala, “Les Résultats de l’Enquête sur les Abus et Violences Sexuelles à Lubumbashi,” mars 2003, p. 4.  Voir aussi Mulangala, “L’Exploitation Sexuelle des Enfants et des Femmes à Lubumbashi, Mythe ou Réalité?” 2004, p. 3.

[24] Human Rights Watch, The War Within the War, Sexual Violence Against Women and Girls in Eastern Congo (New York: Human Rights Watch, 2002), pp. 52–63, [en ligne] http://www.hrw.org/reports/2002/drc.

[25] Entretien de Human Rights Watch avec Deo, seize ans, rond-point de l'Etoile, Mbuji-Mayi, 25 septembre 2005.

[26] Entretien de Human Rights Watch avec Timothée, quinze ans, centre pour enfants de la rue, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[27] Entretien de Human Rights Watch avec René, Mbuji-Mayi, 25 septembre 2005.

[28] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'un centre pour enfants de la rue, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[29] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres du personnel de deux centres pour enfants de la rue, Mbuji-Mayi 21-22 septembre 2005.

[30] Entretien de Human Rights Watch, Goma, 14 septembre 2005.

[31] Ibid.

[32] Entretiens de Human Rights Watch, Goma, 14-15 septembre 2005.

[33] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres du personnel de centres pour enfants de la rue, Goma, 13-14 septembre 2005.

[34] Bureau II désigne un bureau de renseignements attaché à un bataillon militaire.

[35] Entretien de Human Rights Watch avec Justine Safi et John Matata, policiers à la PSPE, Goma, 14 septembre 2005.

[36] Entretien de Human Rights Watch avec le Maj. Bwa Mulundu Guzola Jean Blaise, Auditeur de Garrison, et Auditeur Supérieur par intérim, Goma, 8 décembre 2005.

[37] Décret du 6 décembre 1950 relatif à l’enfance délinquante, complété par l’ordonnance loi no. 78/016 du 4 juillet 1978, art. 1er. Dans la plupart des cas, les enfants de la rue ne sont pas arrêtés et inculpés du délit de vagabondage. L'existence de cette loi fournit plutôt aux autorités un prétexte pour arrêter et emprisonner des enfants de la rue à l'occasion de rafles.

[38] UN Integrated Regional Information Network (IRIN), “DRC: Police Still Holding 432 ‘Vagrants’ in Poor Conditions,“ 10 novembre 2005 [en ligne], http://allafrica.com (11 novembre 2005).

[39] Ibid., entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre de la MONUC, Kinshasa, 14 novembre 2005.

[40] Entretiens de Human Rights Watch à Goma avec: le Commissaire principal de la police, Jacques Chiragada-Ntwali, 30 septembre 2005; le Maire-adjoint de Goma, 10 octobre 2005; et le Major de Police Oscar Tavawuka, 10 novembre 2005.

[41] Les tribunaux de paix en RDC traitent des cas où la peine prévue pour le délit commis est de cinq ans maximum.

[42] Entretien de Human Rights Watch avec M. Jean Pierre Cakwangasha Kabwenga, Président du tribunal de paix, Lubumbashi, 19 septembre 2005.

[43] Entretien de Human Rights Watch avec Jacques, village de Chimuna, 24 septembre 2005.

[44] Entretien de Human Rights Watch avec Jean, quatorze ans, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[45] Entretien de Human Rights Watch avec Rémy Mafu Sasa, Kinshasa, 28 septembre 2005.

[46] Entretien de Human Rights Watch avec Justine Safi et John Matata, policiers à la PSPE, Goma, 14 septembre 2005.

[47] Entretien de Human Rights Watch avec un magistrat du Tribunal de Paix, Lubumbashi, 19 septembre 2005.

[48] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la Division de la Justice, Kinshasa, 30 septembre 2005.

[49] Entretien de Human Rights Watch avec le procureur de l'Etat, Lubumbashi, 17 septembre 2005.

[50] Entretien de Human Rights Watch avec le Maj. Oscar Tavawuka, Goma, 10 novembre 2005.

[51] Entretien de Human Rights Watch avec le Commandant-Major Israël, Mbuji-Mayi, 27 septembre 2005.

[52] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'un centre pour enfants de la rue, Goma, 13 septembre 2005.

[53] Entretien de Human Rights Watch avec Noah, Goma, 13 septembre 2005.

[54] Entretien de Human Rights Watch avec Nicolas, onze ans, Lubumbashi, 17 septembre 2005.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec Mathieu, village de Chimuna, 24 septembre 2005.

[56] Entretien de Human Rights Watch avec Solomon, dix-sept ans, Goma, 14 septembre 2005.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec Deo, Mbuji-Mayi, 25 septembre 2005.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec Gabriel, Goma, 14 septembre 2005.

[59] Entretien de Human Rights Watch avec Frédéric, Lubumbashi, 18 septembre 2005.

[60] Entretien de Human Rights Watch avec Edouard, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec Jacob, seize ans, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[62] Entretien de Human Rights Watch avec un ex-chef d'enfants de la rue, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[63] Mme Bashizi Mulangala, “Les Résultats de l’Enquête sur les Abus et Violences Sexuelles à Lubumbashi,” p. 4 ; Mulangala, “L’Exploitation Sexuelle des Enfants et des Femmes à Lubumbashi, Mythe ou Réalité?” p. 3 ; et entretien de Human Rights Watch avec Mme Basizi Mulangala, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[64] Entretien de Human Rights Watch avec Mme Bashizi Mulangala, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[65] Ibid.

[66] Entretien de Human Rights Watch avec une conseillère psychologique au Centre Amani, Lubumbashi, 17 septembre 2005.

[67] Mulangala, “Les Résultats de l’Enquête sur les Abus et Violences Sexuelles à Lubumbashi,” p. 4 ; Mulangala, “L’Exploitation Sexuelle des Enfants et des Femmes à Lubumbashi, Mythe ou Réalité?” p. 3.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec Amélie, Lubumbashi, 18 septembre 2005.

[69] Entretien de Human Rights Watch avec Rose, vingt ans, Lubumbashi, 18 septembre 2005.

[70] Entretien de Human Rights Watch avec Marie Noniyabo de Conscientisation et Promotion de la Femme et Enfants (COPROFE), Mbuji-Mayi, 22 septembre 2005.

[71] Entretiens de Human Rights Watch avec Christophe et Edouard, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[72] Entretien de Human Rights Watch avec Jim, onze ans, Mbuji-Mayi, 23 septembre 2005.

[73] Entretien de Human Rights Watch avec Zacharie, douze ans, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[74] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres du personnel du Concert d’Actions pour Jeunes et Enfants Défavorisés (CAJED), Goma, 13 septembre 2005 et avec le Père Serge Mwaka, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[75] Entretien de Human Rights Watch avec un professeur au Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE), Mbuji-Mayi, 23 septembre 2005.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec un ex-enfant de la rue, Kinshasa, 1er octobre 2005.

[77] Human Rights Watch, “Democratic Republic of Congo - Elections in Sight: ‘Don’t Rock the Boat’?” A Human Rights Watch Briefing Paper, 15 décembre 2005, [en ligne] http://www.hrw.org, p. 11.

[78] Section Protection de l'Enfance de la MONUC, “Incidents and Risks of Children’s Rights Violations During the Electoral Process,” 2005.

[79] Ibid., entretien de Human Rights Watch, personnel de la protection de l'enfance et des droits de l'homme de la MONUC, Mbuji-Mayi, 22 septembre 2005. Voir aussi, Section Droits de l'homme de la MONUC, “Report on the Events in Mbuji-Mayi, Province of Kasai Oriental,” juillet 2005.

[80] Entretien de Human Rights Watch avec William, quinze ans, Lubumbashi, 17 septembre 2005.

[81] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la Division des Affaires Sociales, Lubumbashi, 16 septembre 2005.

[82] Entretien de Human Rights Watch avec le personnel de l'Association des Jeunes de la Rue pour le Développement (AJRD), Kinshasa, 30 septembre 2005.

[83] Rapport de la MONUC, “Incidents and Risks,” p. 6.

[84] Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel de centres pour enfants de la rue, Mbuji-Mayi, 21-23 septembre 2005.

[85] Rapport de la MONUC, “Incidents and Risks,” p. 4.

[86] Entretien de Human Rights Watch avec Nancy, Mbuji-Mayi, 23 septembre 2005.

[87] “Mbuji-Mayi: The ‘Diggers’ Impose the Law of the Jungle,” communiqué de presse, Centre d’Etudes et Formation Populaires (CEFOP), 27 septembre 2004.

[88] Entretiens de Human Rights Watch, Mbuji-Mayi, 21-24 septembre 2005.

[89] Pour une analyse plus détaillée des événements de septembre 2004, voir: “Rapport de la Commission d’Enquête Sénatoriale sur les Evénements Survenus à Mbuji-Mayi du 20 au 25 septembre 2004, Enquête Effectuée du 03 au 08 Octobre 2004,” Rapport parlementaire du Sénat de la République démocratique du Congo, octobre 2004; “Rapport: Attaques Perpétrées sur les Enfants et Jeunes de la Rue à Mbuji Mayi du 20 au 25 Septembre 2004,” MONUC, avril 2005; “Rapport des Evénements Sanglants qui ont Opposé les Creuseurs aux Enfants du Marché du 17 au 25/09/2004,” Œuvres Sociales Betu Bana, novembre 2004; et, “Rapport Sur les Massacres des Enfants de la Rue à MbujiMayi du 18 au 27 Septembre 2004,” Training Center for People and Human Rights (TCPHR), 27 septembre 2004.

[90] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Charles Mfwamba Mukendi, Mbuji-Mayi, 30 septembre 2004. Voir aussi “MbujiMayi: Des Shégués en Danger d’Extermination par des Eléments des Services Spéciaux de la Police,” communiqué de presse, Centre d’Etudes et Formation Populaires (CEFOP), mai 2003.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec Hubert Kanda, Mbuji-Mayi, 24 septembre 2005.

[92] Entretiens de Human Rights Watch avec le Président du Tribunal de Paix, Mbuji-Mayi, 26 septembre 2005 et avec le Maj. Mukonko Lemba, Mbuji-Mayi, 26 septembre 2005.

[93] Entretiens de Human Rights Watch, Mbuji-Mayi, 24 et 26 septembre 2005.

[94] Entretien de Human Rights Watch avec le Maj. Mukonko Lemba, Mbuji-Mayi, 26 septembre 2005.

[95] Entretien de Human Rights Watch, Mbuji-Mayi, 24 septembre 2006. Voir aussi Œuvres Sociales Betu Bana, “Rapport des Evénements Sanglants. ”

[96] Entretien de Human Rights Watch avec le Maj. Mukonko Lemba, Mbuji-Mayi, 26 septembre 2005.

[97] Entretiens de Human Rights Watch, Mbuji-Mayi, 22-26 septembre 2005. Voir aussi MONUC “Rapport: Attaques Perpétrées,” p. 17.

[98] MONUC “Rapport: Attaques Perpétrées,” p. 25; Rapport sénatorial “Rapport de la Commission,” p. 16.

[99] Entretien de Human Rights Watch avec le Maj. Mukonko Lemba, Mbuji-Mayi, 26 septembre 2005.

[100] Entretien de Human Rights Watch, 25-27 septembre 2005.

[101] Ibid.

[102] Entretien de Human Rights Watch avec Daniel, Mbuji-Mayi, 23 septembre 2005.

[103] Entretien de Human Rights Watch avec Georges, onze ans, Mbuji-Mayi, 24 septembre 2005.

[104] Entretien de Human Rights Watch avec Rachel, quinze ans, Mbuji-Mayi, 23 septembre 2005.

[105] “Sentences of Only 5-Years for Killing Street Children,” Missionary Service News Agency (MISNA), 15 avril 2005.

[106] Entretien de Human Rights Watch avec le Procureur de la République, Mbuji-Mayi, 24 septembre 2005.

[107] Ibid.

[108] Entretien de Human Rights Watch avec le Commandant-Major Israël, Mbuji-Mayi, 27 septembre 2005.

[109] Entretien de Human Rights Watch, poste de police du quartier Chacaca, 24 septembre 2005.

[110] Entretien de Human Rights Watch avec une infirmière d'un centre pour enfants de la rue, Mbuji-Mayi, 26 septembre 2005.


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