Rapports de Human Rights Watch

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IX. Conclusions

La création d’une commission vérité peut contribuer à ce que l’Etat remplisse ses engagements envers les victimes des violations passées et à réconcilier un pays avec ce passé. L’IER a déjà fait beaucoup en donnant la parole aux victimes lors des auditions publiques qui ont eu lieu dans le pays. Elle a créé des archives sur les violations du passé et formé des dizaines de Marocains à rassembler des données sur les droits humains.

Mais une évaluation complète de l’IER doit attendre. Réussira t-elle à résoudre le sort des centaines de personnes « disparues » et de ceux dont le sort est inconnu ? A t-elle réussi à élucider ces questions, à dévoiler les mécanismes de la répression et à identifier les commanditaires grâce à la coopération des agents d'état? Quel rôle l'IER va jouer dans l’effectivité du droit des victimes à la réparation, dans l’établissement d’une chronologie irréfutable des événements historiques, et – regardant vers le futur – dans la lutte contre l'impunité et la non répétition de ces abus dans le futur ? Les réponses à ces questions deviendront plus claires dans les mois qui suivront la remise du rapport et des recommandations de l’IER, et que seront connues les décisions arbitrales en matière d’indemnisation.

Les autorités marocaines présentent l’IER comme la preuve de l’amélioration des droits humains au Maroc, comme « un accomplissement important pour la consolidation de la transition démocratique ».71 Bien que l’IER soit une preuve évidente des progrès réalisés en matière de droits humains, elle a fonctionné au cours d’une période où ces acquis avaient en registré des reculs : la répression des présumés islamistes et des militants de l'indépendance du Sahara occidental, la poursuite persistante des journalistes et l’utilisation de la force pour disperser des manifestations pacifiques.

Le mandat de l’IER n’inclut pas les violations du présent. Mais comme la plupart des commissions vérité, son mandat prévoit des recommandations pour éviter de nouveaux abus, en tirant les leçons du passé. Ses recommandations traiteront-elles des institutions qui ont facilité l’exécution des violations graves et systématiques du passé et qui continuent d’être problématiques aujourd’hui : les services de sécurité qui ne sont pas responsables devant la loi, l’absence d’indépendance des tribunaux ? L’IER fera t-elle des recommandations sur la manière de poursuivre les responsables présumés des violations graves, dont certains occupent toujours leurs fonctions dans les rouages de l’Etat ?

Le legs de l’IER sera en partie déterminé par la façon dont l’Instance répondra à ces interrogations. Mais ce legs dépendra dans une large mesure de la manière dont les autorités marocaines vont suivre ces recommandations. Une commission vérité peut conseiller, mais  garantir que les forces de sécurité sont responsables de leurs actions, que les Marocains jouissent pleinement de leur liberté d’expression, de rassemblement, d’association, et que les tribunaux garantissent à tous les suspects des procès équitables, est une responsabilité qui incombe à l’Etat. Un Maroc avançant résolument dans ces directions, fera plus que toute autre chose pour consolider le legs de l’IER.



[71] Message de Mohammed VI au 49ème congrès de l’Union Internationale des avocats, 31 août 2005, [online]  www.ier.ma/_fr_article.php?id_article=1309


<<précédente  |  index  |  suivant>>novembre 2005