Rapports de Human Rights Watch

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Le rôle des soldats de maintien de la paix des Nations Unies

Protection

En dépit de son mandat de protection des civils et de l’accroissement récent du nombre de ses troupes, la MONUC n’est pas parvenue à protéger les civils lors des combats décrits dans ce rapport. Dans la plupart des cas, les soldats de maintien de la paix n’ont réussi à atteindre la zone de conflit que quelques jours après le début des combats. Même à ce moment-là, ils n’ont pas réussi à recueillir les informations nécessaires pour évaluer précisément la situation et formuler une stratégie pour protéger les civils. Manquant parfois d’interprètes, les soldats de maintien de la paix de la MONUC ont souvent été contraints de se reposer sur le personnel civil de la MONUC pour des informations mais à cause de préoccupations relatives à la sécurité, les civils sont souvent dans l’impossibilité de se rendre librement dans les zones de conflit.

A Burumba, la MONUC a appris presque immédiatement que les combats avaient commencé le 17 décembre par le biais d’appels téléphoniques en provenance de personnes déplacées.139 Il est ironique de souligner qu’un nouveau contingent d’Indiens avait commencé d’arriver à Kiwanja, à moins de quarante kilomètres de Buramba, quelques jours plus tôt seulement.140 Cependant, selon des sources locales, les soldats de maintien de la paix ne sont arrivés à Buramba que le 24 décembre, date à laquelle les troupes liées au RCD-Goma occupaient encore la ville, empêchant les civils déplacés de rentrer.141 Les soldats de maintien de la paix ont néanmoins estimé la situation « calme » et ne sont pas intervenus, ni n’ont même parlé de façon approfondie avec les personnes déplacées à Nyamilima, à quelques kilomètres seulement au-delà de Buramba.142

De la même manière, une mission de vérification de la MONUC est arrivée à Nyabyondo le 22 décembre, trois jours après la principale attaque mais est partie le même jour. Une présence militaire a finalement été organisée là-bas et au centre de Masisi mais a peu fait pour protéger les civils. Un faible nombre de civils incapables de fuir la ville a cherché refuge à côté du camp de la MONUC à Nyabyondo.143

Les responsables de la MONUC ont effectivement joué un rôle politique important en exerçant des pressions sur les troupes pour qu’elles se retirent de Nyabyondo, plus d’un mois plus tard, une mesure nécessaire au retour des personnes déplacées.144 Fin janvier, les soldats de la MONUC ont également empêché que les troupes qui se retiraient ne forcent les civils du coin à transporter leurs biens – une intervention simple mais rare qui a été accueillie avec enthousiasme par la population locale.145

Lorsque les combats ont débuté à Kanyabayonga le 12 décembre, la MONUC disposait de soldats de maintien de la paix à Lubero, à faible distance au nord de la zone de combat et a rapidement déplacé d’autres soldats à Kanyabayonga même. Cependant les forces de la MONUC n’ont pas réussi à protéger les civils contre les abus commis par les troupes FARDC qui se retiraient et par les troupes liées au RCD-Goma qui avançaient. A cette époque, les soldats de maintien de la paix de la MONUC à Lubero ont déclaré à un chercheur de Human Rights Watch qu’ils savaient que des biens civils faisaient l’objet de pillages par les soldats qui se retiraient et qu’ils voulaient aider la population mais qu’ils n’avaient reçu aucun ordre d’intervention.146 En une semaine, la MONUC a créé une « zone tampon humanitaire » entre les belligérants pour permettre l’arrivée de l’aide humanitaire. Si cet effort a pu contribuer à arrêter les combats entre les factions des FARDC, il a eu un impact minimal sur l’assistance apportée aux civils. Selon les organisations humanitaires, la zone s’est révélée inadaptée parce qu’elle couvrait seulement une petite distance sur la principale route Nord-Sud et n’empêchait pas les mouvements de troupes vers l’est et l’ouest de la zone.147

Les enquêtes sur les droits humains

Alors que les forces militaires de la MONUC échouaient à protéger les civils, une équipe spéciale d’investigation, basée à Kinshasa, a rapidement enquêté sur les crimes commis à Buramba, Nyabyondo et près de Kanyabayonga et a rendu publics ses résultats, comme mentionné plus haut.148 Dans des communiqués de presse, des notes d’informations et dans une lettre adressée au commandant militaire régional, les enquêteurs exposaient les allégations relatives au meurtre de soixante civils et au viol d’autres civils commis par des soldats de la 11ème brigade des FARDC à Nyabyondo et au meurtre de trente civils par la 123ème brigade des FARDC à Buramba. Les soldats dans les unités étaient tous liés au RCD-Goma. De plus, les enquêteurs de la MONUC ont accusé les troupes des FARDC de diverses factions, notamment les ex-ANC, ex-APC et ex-MLC du viol de 136 femmes dans des combats près de Kanyabayonga.149

Le personnel de l’unité droits humains de la MONUC a également recueilli des informations sur la distribution d’armes à Buramba, début janvier.150



[139] Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, Goma, 19 décembre 2004 ; Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 23 décembre 2004.

[140] Visite de terrain de Human Rights Watch à Rutshuru, 14 décembre 2005.

[141] Ibid.

[142] Ibid.

[143] Visite de terrain de Human Rights Watch à Nyabyondo, 18 janvier 2005.

[144] Visites de terrain de Human Rights Watch à Kibati (territoire de Walikale), 18 janvier 2005 et Masisi, 26 janvier 2005 et entretiens, Masisi, 26-29 janvier 2005.

[145] Entretien conduit par Human Rights Watch, Masisi, 28 janvier 2005.

[146] Entretiens conduits par Human Rights Watch avec le personnel de la MONUC, Lubero, 19 décembre 2004.

[147] Discussions de Human Rights Watch ave le personnel humanitaire à Goma tout au long des mois de décembre 2004 et janvier 2005

[148] Communiqué de presse de la MONUC, 7 janvier 2005 ; communication à la presse de la MONUC, 23 février 2005 ; Lettre du responsable du bureau de la MONUC/Goma au Général Gabriel Amisi, Commandant de la 8ème région militaire (Nord-Kivu), 25 février 2005 ; Rapport de Mission de vérification et d’enquête sur le carnage de Buramba/Binza/Rutschuru, Centre d’Etudes et de Recherches en Education de Base pour le Développement Intégré (CEREBA), Goma, 8 janvier 2005.

[149] Communication de la MONUC à la presse, 23 février 2004.

[150] Communication électronique adressée à Human Rights Watch, 3 février 2005.


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