Rapports de Human Rights Watch

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Résumé

En décembre 2004, des soldats de l’armée nationale congolaise (Forces Armées de la République Démocratique du Congo, FARDC), ont attaqué et tué une centaine au moins de civils et violé des dizaines de femmes et de filles lors de combats livrés dans le Nord-Kivu, une province de la République Démocratique du Congo (RDC). Dans certains cas, des civils appartenant à l’ethnie hutu, armés par les autorités locales se sont joints aux soldats pour commettre ces crimes.

Les combats ont opposé les forces FARDC restées fidèles au Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma) à des unités de la même armée hostiles au RCD-Goma. Les soldats des deux côtés de cette ligne de fracture ont délibérément attaqué, exécuté et violé des civils lors de divers incidents dans toute la province.

Deux cent mille personnes au moins habitant cette région ont fui les combats, beaucoup cherchant refuge dans les forêts où vivres, eau potable et assistance médicale n’étaient pas disponibles. Le conflit armé entre les deux factions différentes de la même armée a fourni une illustration de l’échec du gouvernement congolais à intégrer les forces des anciennes parties belligérantes en guerre depuis 1998. La création d’une armée nationale unique était l’un des éléments de l’Accord de Pretoria de 2002 qui a conduit à l’établissement d’un gouvernement de transition en juin 2003.

Les combats dans le Nord-Kivu étaient liés aux luttes politiques à Kinshasa, la capitale où les responsables de l’ancien gouvernement et des groupes rebelles ont joué des coudes pour se positionner favorablement, dans l’attente des élections nationales prévues en 2006. Ces combats ont également reflété des tensions ethniques locales. Après deux autres épisodes aigus d’hostilité entre groupes ethniques en juin et août, les incidents de la fin 2004 – avec leur lot de pertes humaines supplémentaires et l’implication nouvelle de civils armés – ont encore accru les peurs et les antagonismes entre ethnies.

Eugene Serufuli, gouverneur du Nord-Kivu et responsable important du RCD-Goma, a occasionnellement ordonné des mouvements de troupes lors de ces incidents. Il occupait une position qui aurait pu lui permettre d’empêcher certains des abus contre les droits humains commis par ces troupes. Il a par la suite établi deux commissions pour enquêter sur certains des abus commis mais ni lui, ni les officiers militaires du RCD Goma n’ont insisté pour que les commandants de haut rang impliqués dans des crimes de guerre lors de ces opérations soient traduits en justice. Trente soldats environ du groupe opposé au RCD-Goma ont été jugés, reconnus coupables et certains ont été condamnés à mort pour certains de ces crimes. Ils ont fait appel de ce jugement.

Le Rwanda, élément clef dans la formation du RCD-Goma pour lequel il est encore très important, a menacé d’envahir le Congo en novembre 2004 afin de désarmer les rebelles rwandais supposés constituer une menace pour le pays. En réponse à ces menaces et parce que le RCD-Goma s’opposait toujours à un contrôle national, le gouvernement de transition a envoyé 10 000 soldats à l’Est, suscitant la crainte d’une reprise d’un conflit armé de grande ampleur. A la mi-décembre, ces forces ou leurs alliés locaux s’étaient militairement opposés à des soldats fidèles au RCD-Goma dans cinq endroits au moins du Nord-Kivu.

La mission de maintien de la paix des Nations unies au Congo (connue sous son sigle français, MONUC) a pour mandat de protéger les civils exposés à un risque imminent de violence physique. Cependant, la MONUC a répondu trop lentement pour sauver des vies ou, dans certains cas, n’a pas répondu du tout aux attaques contre les civils. Ultérieurement, la section droits humains de la MONUC a enquêté sur un bon nombre d’abus et a publiquement conclu que des soldats liés au RCD-Goma avaient tué au moins quatre-vingt-dix civils à Nyabyondo et Buramba et que des soldats de cette faction et d’autres intégrés dans les FARDC avaient violé plus d’une centaine de femmes dans la région de Kanyabayonga.

Face aux menaces rwandaises, d’importants pays bailleurs rassemblés dans le Comité International d’Accompagnement de la Transition (CIAT) ont réaffirmé l’intégrité du territoire congolais. Deux bailleurs, le Royaume Uni et la Suède ont suspendu les versements de leur aide au gouvernement rwandais afin d’exprimer leurs préoccupations. La MONUC a également dénoncé les menaces rwandaises sur le processus de transition. Toutefois, les gouvernements des pays bailleurs et les organisations internationales sont restés globalement silencieux, au moins publiquement, sur la responsabilité des membres du gouvernement de transition dans la détérioration de la situation au Nord-Kivu. Ils ne se sont pas non plus beaucoup exprimés sur les crimes commis contre la population civile ni sur la nécessité de traduire en justice les auteurs de ces actes.


index  |  suivant>>juillet 2005