<<précédente | index | suivant>> IV. Contexte: Enrichissement des ÉlitesLor, lune des ressources les plus lucratives du Congo, pourrait contribuer à la reconstruction financière après une guerre qui a coûté des millions de vies et laissé un nombre incalculable de personnes supplémentaires dans la pauvreté la plus extrême. Cependant, au cours des dernières années, lor na fait quenrichir quelques heureux privilégiés, beaucoup ayant obtenu par la force le contrôle quils exercent sur les ressources aurifères. Lor na que peu contribué à la prospérité densemble du pays et a, au contraire, représenté un fléau pour ceux qui ont la malchance de vivre dans les régions où il est découvert. En 1996, les forces rwandaises et ougandaises ont envahi le Congo, chassé le président, Mobutu Sese Seko, depuis longtemps au pouvoir et installé à sa place Laurent Désiré Kabila. En juilllet 1998, Kabila a tenté dexpulser les troupes rwandaises mais au lieu de cela, ces dernières aidées par les forces ougandaises ont entraîné le gouvernement Kabila dans la seconde guerre du Congo qui a fini par impliquer le Zimbabwe, lAngola, la Namibie (soutenant Kabila) et le Burundi (allié des Rwandais et des Ougandais). Souvent qualifié de première guerre mondiale africaine, ce conflit a entraîné la mort de 3,5 millions de personnes, pour une grande majorité dans le Nord-Est du Congo. Parmi les victimes se trouvaient de nombreuses personnes déplacées qui sont mortes des suites des intempéries, de la faim ou du manque dassistance médicale.1 Un premier accord de paix, signé à Lusaka en 1999, a eu peu deffets mais les Nations unies ont accepté de constituer une force de maintien de la paix désignée sous le nom de Mission de lorganisation des Nations unies en République Démocratique du Congo (MONUC) en novembre 1999. En réponse à des pressions internationales continues, le gouvernement national et les principaux mouvements rebelles ont finalement signé à Sun City, en avril 2002, un accord portant sur le partage du pouvoir qui permettait létablissement dun Accord de paix global et inclusif. Ce dernier a conduit à la constitution dun gouvernement de transition en juin 2003. En dépit de cet accord et dautres accords bilatéraux et régionaux sur la sécurité, linsécurité sest maintenue dans de vastes parties de lEst du Congo. La guerre dans le Nord-Est du Congo, spécifiquement en Ituri, est issue plus largement de la guerre congolaise et sest transformée en un tissu complexe de conflits locaux, nationaux et régionaux. Cette guerre a pris de lampleur lorsque larmée ougandaise, qui occupait la région et des groupes rebelles nationaux avides détendre la base de leur pouvoir ont exacerbé un différend foncier local, en 1999, entre les groupes ethniques hema et lendu. La disponibilité dun soutien politique et militaire offert par des acteurs extérieurs, en particulier lOuganda et le Rwanda ainsi que la montée de sentiments extrémistes ont encouragé les responsables locaux en Ituri à former des mouvements plus structurés. Des groupes armés sont nés, généralement sur la base de loyautés ethniques dont lUPC2, un groupe composé majoritairement dHema du Nord, le FNI3 majoritairement lendu, le PUSIC, composé majoritairement dHema du Sud et les FAPC4 à la composition plus mélangée. Chacun de ces groupes a reçu le soutien militaire et politique des gouvernements soit congolais5, soit ougandais, soit rwandais à des moments divers, faisant ainsi de lIturi un champ de bataille pour la guerre qui les opposait.6 Entre 2002 et 2004, ces groupes armés en Ituri ont tenté de se faire reconnaître sur la scène internationale, espérant des postes dans le gouvernement de transition basé à Kinshasa et dans la nouvelle armée intégrée. Au milieu de ce désordre, les responsables des milices locales ont fréquemment modifié leurs alliances entre eux et avec dautres soutiens, au gré de leurs intérêts. Ils ont tenté de contrôler dénormes portions de territoire et des sites stratégiques, notamment des mines dor et des postes frontières très lucratifs afin daccroître limportance de leur mouvement. Les sites stratégiques fournissaient également aux groupes armés une source de financement très recherchée et leur permettaient dobtenir les faveurs des puissances les soutenant. Un rapport spécial des Nations unies sur les événements en Ituri publié en juillet 2004 soulignait que la compétition que se livraient les groupes armés pour le contrôle des ressources naturelles, en particulier lor, était un facteur majeur dans la prolongation de la crise en Ituri.7 La signification de lorLor a été découvert pour la première fois dans la rivière Agola, au Nord-Est du Congo, en 1903, par deux prospecteurs australiens. Ils ont baptisé la zone du nom du chef local, Kilo8 et peu de temps après, ils ont fait une découverte similaire dans la rivière Moto, juste au nord doù le nom de Kilo-Moto. Lexploitation de lor a débuté en 1905 et sest poursuivie sur une échelle de plus en plus importante. Au cours de la première moitié du vingtième siècle, les entrepreneurs coloniaux ont exploité lor par lintermédiaire de compagnies privées qui ont introduit une exploitation minière à grande échelle ou industrielle. Après lindépendance en 1960, lEtat a nationalisé bon nombre de ces compagnies, notamment en 1966, la Société des mines dor de Kilo-Moto (SOKIMO) qui exploitait les veines du Nord-Est du Congo. LEtat a accordé la vaste concession de SOKIMO, dans les districts dIturi et du Haut Uélé de la Province orientale, à un nouvel Office national des mines dor de Kilo-Moto (OKIMO). A ce jour, les responsables dOKIMO estiment que plus de 400 tonnes dor ont été extraites de leur concession et que bien davantage encore restent disponibles même sil nexiste pas destimation quantitative précise.9 De nombreux experts miniers sont daccord pour dire que la concession dOKIMO est lune des plus prometteuses réserves dor non exploitées en Afrique et potentiellement la plus importante dentre elles.10 Au début des années 90, OKIMO a conclu des accords avec de grandes sociétés multinationales pour que soient exploitées les vastes mines du Nord-Est du Congo en utilisant des méthodes industrielles (évoquées plus bas). OKIMO a également autorisé des mineurs locaux à exploiter dautres zones par des méthodes artisanales. En 2000, le Conseil de sécurité des Nations unies sest dit préoccupé par le fait que les ressources naturelles du Congo telles que lor, les diamants et dautres minerais alimentaient cette guerre meurtrière. Le Conseil a nommé un panel dexperts11 pour examiner cette question. Ce dernier a produit quatre rapports distincts entre avril 2001 et octobre 2003.12 Dans ces séries de rapports, le panel dexperts des Nations unies faisait état de lenrichissement, grâce aux ressources congolaises, dofficiers des armées rwandaise, ougandaise et zimbabwéenne. Il mentionnait également lenrichissement des membres de lélite congolaise. Ces experts ont montré comment lextraction de ces ressources avait contribué au financement des groupes armés, alimentant ainsi la guerre. Ils ont par la suite recueilli des informations sur la façon dont les minerais congolais étaient injectés dans les réseaux du commerce mondial. Le panel a conclu dans son rapport doctobre 2002 que le retrait des armées étrangères ne mettrait pas fin à lexploitation des ressources parce que les élites avaient créé une économie de guerre capable de sautofinancer.13 En 2002, suite à de fortes pressions internationales, en partie à cause des rapports du panel des Nations unies, les gouvernements rwandais et ougandais ont accepté de retirer leurs soldats du Congo. LOuganda sest ensuite entendu avec le gouvernement congolais pour maintenir certaines forces dans le Nord-Est du Congo jusquen 2003 lorsque sest retiré son dernier soldat. Ce rapport, centré sur le contrôle de lor dans le Nord-Est du Congo montre que le mécanisme dexploitation des ressources naturelles décrit par le panel dexperts des Nations unies est de fait toujours en vigueur, entraînant des abus de grande ampleur commis contre les droits humains. Le commerce de lor nest quun exemple dune tendance plus importante qui voit la compétition pour les ressources naturelles entraîner des abus contre les droits humains dans les régions riches en minerais, partout au Congo.
Les forces ougandaises pillent lor du district du Haut Uélé, 1998-2002En août 1998, peu de temps après le début de la seconde guerre congolaise, les troupes ougandaises ont occupé les régions riches en or du Haut Uélé, notamment la ville de Durba (territoire de Watsa, district du Haut Uélé, province orientale) qui abrite trois importantes mines dor : Gorumbwa, Durba et Agbarabo. Selon les estimations des ingénieurs et des géologues familiers de la zone, environ une tonne dor a été extraite de cette région pendant les quatre années doccupation ougandaise.14 Sur la base des prix pratiqués à lépoque, ceci représenterait environ 9 millions USD. Les troupes ougandaises apportaient leur soutien à lavancée de leurs alliés congolais, le mouvement rebelle du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) et le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) mais selon des observateurs locaux, les Ougandais ont essentiellement pris Durba pour les richesses quoffrait cette ville. Quelques semaines après le début de la deuxième guerre, les forces rebelles du RCD soutenues par les Rwandais et les Ougandais ont rapidement annoncé leur « contrôle sur les mines OKIMO » et par le biais dune décision écrite, ces forces ont interdit toute activité minière illicite, affirmant que le RCD allait « réorganiser économiquement le territoire sous son contrôle. »15 A Durba, un témoin ayant assisté à lentrée de larmée ougandaise a déclaré : « Les Ougandais nétaient là que pour lor Il ny avait pas de raison militaire [à leur présence] et ils nont livré aucune bataille ici. »16 Les responsables de lagence dEtat chargée de lexploitation des mines dor, OKIMO, avaient reçu la responsabilité des mines de Durba après la fuite du personnel expatrié de Barrick Gold Corporation, une compagnie minière détentrice dune concession dOKIMO. Un ancien employé dOKIMO présent lors de larrivée des Ougandais a déclaré : « Nous avons compris quils nétaient venus dans notre région que par intérêt économique. Dès leur arrivée, ils étaient plus intéressés par OKIMO que par tout autre chose. »17 Pendant les premiers jours de loccupation, les soldats ougandais, notamment un officier ougandais du nom de Major Sonko, sont arrivés par hélicoptère afin de tenter de lancer la production dor.18 La gestion des mines sur une échelle industrielle sétant révélée trop difficile et trop coûteuse, les soldats ougandais décidèrent davoir recours à la technique artisanale des orpailleurs bien que la loi minière congolaise interdise à de tels mineurs de travailler dans des mines industrielles et limite leur activité à des sites de plus petite taille. Selon un ancien employé dOKIMO, la décision dobtenir rapidement de lor à faible coût en ayant recours aux orpailleurs a conduit à la mise en uvre de pratiques risquées qui finirent par détruire la mine de Gorumbwa, la plus importante de la région.19 Des sources locales ont affirmé que le lieutenant ougandais, David Okumu avait donné lordre initial de débuter les opérations minières à Gorumbwa.20 Selon un rapport préparé par des responsables dOKIMO qui apporte des détails supplémentaires, les soldats ougandais ont pris en charge la sécurité de la mine, chassant les gardes dOKIMO et la police locale afin de pouvoir profiter de la mine dor.21 Les mineurs locaux sont allés travailler dans les mines même sils devaient payer un droit dentrée aux soldats ougandais ou leur laisser en partant une partie de lor quils avaient extrait. Des témoins ont rapporté que les soldats ougandais battaient les mineurs locaux qui refusaient de travailler dans ces conditions ou qui ne parvenaient pas à extraire la quantité de minerai requise.22 Pour accélérer lextraction du minerai, les soldats ougandais ont ordonné aux mineurs dutiliser des explosifs dérobés dans les stocks dOKIMO. Des habitants du coin ont affirmé quil y avait eu plus de 50 explosions dans les mines pendant le mois de décembre 1999, certaines suffisamment violentes pour faire trembler les habitations situées à proximité. Les piliers de roche soutenant le plafond dans la mine ont même été soufflés afin den extraire le minerai quils auraient pu contenir.23 A plusieurs occasions, les responsables dOKIMO ont protesté auprès des commandants de larmée ougandaise au sujet de lexploitation illégale de la mine, du vol de carburant et dexplosifs dans leur stock et des dommages possibles causés par les explosions dans les mines.24 Les soldats ougandais ont battu, arrêté et menacé certains des protestataires. Le lieutenant Okumu a arrêté le directeur local dOKIMO, Samduo Tango et la fait battre en public. Un témoin de la scène a déclaré : [Samduo Tango] a été arrêté et emmené aux Bruns [une maison sur la concession OKIMO] par le commandant Okumu. Et il a été battu. Il protestait contre la façon dont les Ougandais faisaient les choses. Cela sest passé quelques mois après larrivée des Ougandais. Ils ont aussi battu dautres ouvriers qui nétaient pas daccord avec eux. Samduo a dû payer pour être libéré et après, il a pris la fuite. Une autre personne qui a été battue, cest Aveto parce quil a vu les Ougandais prendre de la dynamite dans lentrepôt. Il a été arrêté avec Samduo et a aussi été battu en public. Le commandant Okumu les a lui-même battus et il a demandé à dautres soldats de les battre aussi. Jai vu tout ça de mes propres yeux.25 Un autre responsable dOKIMO a affirmé à un chercheur de Human Rights Watch : Jai eu de nombreuses réunions avec [le Commandant Okumu] pour lui faire comprendre quils ne devaient pas détruire la mine. Mais ces réunions ne faisaient quaugmenter le danger pour nous. Jai moi-même été menacé à cause de tout ça. Une fois jai été emmené dans leur camp militaire pour être interrogé.26 Le lieutenant Okumu a quitté la région de Durba, début 1999 mais dautres commandants ougandais se sont comportés de façon similaire et nont rien entrepris pour faire cesser lexploitation minière illégale. En juin 1999, des responsables dOKIMO ont de nouveau fait état de la situation et ont demandé au Commandant Sula basé à Isiro dintervenir. Il a ignoré la requête et peu de temps après, lofficier ougandais, Freddy Ziwa, basé à Durba a arrêté lun des responsables dOKIMO.27 Selon un mémorandum interne dOKIMO, le Commandant Sula a rencontré des mineurs locaux et des soldats ougandais le 12 juillet 1999 à Durba et leur a ordonné dorganiser une exploitation minière plus extensive dans la concession OKIMO. Le 29 juillet 1999, des orpailleurs et des soldats ougandais ont commencé à travailler dans la seconde mine de la région par sa taille, celle de Durba.28 Les mineurs auraient été conduits sur le site dans des véhicules de larmée.29 En décembre 1999, des responsables dOKIMO ont rencontré deux autres officiers de larmée ougandaise très impliqués dans lexploitation de la mine, les commandants Bob et Peter Kashilingi. Ils ont cherché à mettre un terme à lexploitation de la mine et ont prévenu que la mine de Gorumbwa pouvait seffondrer si on ne cessait pas de faire sauter les piliers de soutien. Selon les responsables dOKIMO, les commandants ougandais nont pris aucune mesure en ce sens.30 Fin 1999, la mine de Gorumbwa sest effondrée tuant 100 mineurs pris au piège des galeries et provoquant des inondations dans la région.31 Selon un ingénieur local : Larmée ougandaise est responsable de la destruction de la mine de Gorumbwa. Ils ont commencé à faire sauter les piliers. Ils faisaient ça de façon désordonnée et sur de nombreux pilliers. Des gens ont été tués quand la mine a fini par seffondrer. Ce nest pas leur pays alors ils se moquaient de cette destruction. Ils promettaient tout le temps quils allaient aider à consolider la mine mais ils ne lont jamais fait.32 Un autre ingénieur qui a perdu son travail avec leffondrement de la mine a expliqué : « La mine de Gorumbwa était la plus importante. Elle a été ruinée par les Ougandais et ceci a stoppé le développement ici. Cela a causé une dégradation sociale. »33 En décembre 1998, une épidémie de fièvre hémorragique de Marburg a tué plus de cinquante personnes à Durba, des mineurs pour la plupart. Le point de départ aurait été la mine de Gorumbwa.34 Selon une équipe dexperts médicaux envoyés dans la région par les Nations unies plusieurs mois plus tard, le manque dhygiène dans la mine de Gorumbwa a accru le risque de contamination chez les mineurs.35 Les soldats ougandais navaient pas autorité pour extraire lor des mines de la région de Durba. Conscients peut-être du caractère illégal de leur exploitation, ils ont cherché une fois, en mai 1999, à donner un semblant de légitimité à leurs activités. Par le biais de leur intermédiaire local congolais, le RCD, le commandant local de la brigade congolaise, Mbanga Buloba, a tenu une réunion remettant en question le fait quOKIMO détenait le droit légal dexploitation des mines de la région et affirmant que cétait à la nouvelle administration rebelle que revenait le droit de gérer lexploitation artisanale. Leffort, décrit par un responsable dOKIMO dans un mémorandum, na abouti à rien.36 Les soldats ougandais nétaient pas non plus soumis à un impératif militaire qui aurait pu justifier lexploitation ou la destruction des mines dor de la région de Durba. En tant que puissance doccupation, ils étaient responsables, selon le droit international, de la protection des biens civils et des biens nationaux non-militaires, notamment les mines. Ils avaient pour obligation de les maintenir en état. Leur exploitation systématique et abusive des mines dor a signifié une perte immédiate de biens nationaux. La destruction de linfrastructure et les dommages causés à la mine de Gorumbwa ont diminué la valeur des biens nationaux pour une utilisation future, le tout en violation du droit international.37 En 2001, le Panel dexperts des Nations unies sur lexploitation illégale des ressources en RDC a fait état de limplication dofficiers ougandais dans les activités minières à Durba.38 Les rapports du panel été suivis en 2002 par la constitution dune commission judiciaire denquête nommée par le gouvernement ougandais et dirigée par le Juge David Porter, communément désignée par le nom de Commission Porter. La mission de cette commission était de répondre aux allégations avancées par le panel.39 La Commission Porter a interrogé divers officiers ougandais quant à leur implication dans des activités minières illégales à Durba, notamment le Lieutenant Okumu, le Major Sonko et le Lieutenant Colonel Mugeny entre autres. Tous ont nié avoir pris part à de telles activités. La Commission Porter a découvert que les officiers mentaient et a déclaré quil y avait eu, au sein de lUPDF, une tentative « détouffement » de laffaire afin de dissimuler létendue de ces activités.40 En dépit des conclusions de la Commission Porter, aucun officier responsable des pillages cruels pratiqués sur une vaste échelle na été arrêté. Aucun dédommagement na été offert à OKIMO ou à lEtat congolais pour de telles activités. En septembre 2004, le gouvernement de la RDC a demandé 16 millions USD au gouvernement ougandais en compensation du pillage des ressources naturelles par ses forces alors quelles occupaient certaines parties de la RDC, en violation du droit international.41 Dans certains journaux, des représentants du gouvernement ougandais ont reconnu une certaine responsabilité dans les meurtres, le pillage, les dommages infligés par leurs troupes à la RDC mais ils ne se sont pas engagés à verser des compensations, affirmant que le montant requis était « colossal. »42 En 2002, sous la pression internationale, les forces ougandaises ont commencé à se retirer de certaines parties de la RDC et ont déplacé leurs troupes de Durba, laissant la région aux mains dune faction dissidente du RCD originel, connue celle-ci sous le nom de RCD-ML et de son bras armé, lArmée du Peuple Congalais (APC). Après les accords de Sun City en 2002, le RCD-ML sest également allié avec le gouvernement national. Au cours des deux années suivantes, cette région riche en mines dor a changé de mains plusieurs fois, passant de mouvements nationaux rivaux à des groupes armés locaux. Chaque fois une constante demeurait. « Chaque fois quil y avait un changement de groupe armé », a déclaré un témoin, « la première chose quils faisaient cétait de commencer à creuser pour trouver de lor. »43 Avec létablissement du gouvernement transitoire mi-2003, Kinshasa aurait réaffirmé son contrôle sur la région mais en fait, des militaires autrefois rebelles ont continué à jouer un rôle dans lexploitation de lor bien quils aient déclaré appartenir maintenant à une nouvelle armée nationale intégrée.44 Des groupes armés locaux luttent pour lor de lIturi, 2002-2004Avec le retrait de lintégralité ou presque des soldats rwandais et ougandais de lEst du Congo en 2002 et 2003, des groupes armés locaux sont devenus les principaux rivaux directs pour le contrôle des régions riches en or. Dans le district dIturi, les plus importants de ces groupes étaient affiliés soit aux Hema, soit au Lendu, des groupes ethniques qui sopposaient depuis 1999 sur des questions foncières et de droit de pêche.45 Le conflit ethnique se mêlant à la lutte pour lor, les combats dans le district dIturi ont impliqué un nombre beaucoup plus élevé de civils que ce ne fut le cas autour de Durba, dans le district du Haut Uélé. Les deux régions disposaient de mines dor significatives mais Durba a connu moins de tensions ethniques historiques entre Hema et Lendu. Le contrôle de sites riches en or garantissait aux responsables de groupes armés les moyens pour acheter des armes et dautres matériaux utiles à la poursuite du conflit. Un tel contrôle conférait également aux responsables une importance politique, augmentant la probabilité quils obtiennent une certaine reconnaissance et des postes convoités au niveau national.46 Bien que des groupes armés locaux aient gagné le devant de la scène et soient devenus des acteurs majeurs, les soldats ougandais et rwandais ont continué à jouer un rôle, fournissant armes et conseils aux responsables de ces groupes armés, parfois directement, parfois par lintermédiaire de lun ou lautre des mouvements rebelles congolais avec lesquels ils étaient alliés. Ces seconds rôles avaient une mission propre et étaient disposés à modifier les alliances établies avec les acteurs locaux au fur et à mesure des changements de situation. En 2002, le Rwanda et lOuganda se sont brouillés, une rupture mise en évidence par les combats entre leurs forces à Kisangani en mai 2002. Cette division a ajouté une complexité supplémentaire à la dynamique des alliances locales, offrant parfois de nouvelles opportunités aux groupes locaux pour quils opposent lune des puissances les soutenant à une autre. Un troisième groupe armé ethniquement mixte, les FAPC, conduit par le commandant Jérôme Kakwavu, un Tutsi congolais et ancien commandant du RCD-ML, a rejoint la lutte du côté des Hema. Les groupes armés locaux, les mouvements rebelles, le Rwanda et lOuganda géraient tous des intérêts multiples mais le désir de contrôler lor figurait toujours à une place de choix. Au cours de cette période, le gouvernement congolais avait peu dinfluence en Ituri, laissant largement son allié, le RCD-ML gérer les affaires locales. Lors dune tentative de la communauté internationale pour trouver une solution politique aux affrontements ayant cours en Ituri, les Nations unies ont présidé un dialogue entre le gouvernement congolais, les groupes armés et le gouvernement ougandais. Ceci a conduit à létablissement dune Administration intérimaire ad hoc de lIturi (AII) en avril 2003. Lorsque cette instance sest révélée inefficace, le gouvernement national et la MONUC ont fait pression en mai 2003 sur les représentants de six groupes armés afin quils sengagent par écrit à coopérer au processus de paix. Le Commissaire aux affaires étrangères du FNI a manifesté son intention de ne pas respecter lengagement en déclarant : « Nous sommes forcés de signer le document. Il ne signifie rien pour nous. »47 Des responsables dautres groupes étaient apparemment animés dun sentiment similaire et les combats se sont poursuivis depuis entre les milices elles-mêmes et entre les milices et les forces de maintien de la paix de la MONUC. En février 2005, après le meurtre dautres soldats de maintien de la paix des Nations unies en Ituri, la MONUC a réitéré ses pressions sur les groupes armés. Certains des responsables des milices ont de nouveau déclaré quils étaient prêts à participer à des opérations de désarmement même si au moment de la rédaction de ce rapport, il nétait pas clair sils allaient cette fois-ci respecter leurs engagements. Faiblement financée par la communauté internationale et ne bénéficiant pas du soutien de la MONUC, ladministration intérimaire a accompli peu de choses et a été dissoute en juin 2004. Le gouvernement de transition a rétabli les structures administratives locales et a nommé des administrateurs ayant peu ou pas de liens avec les groupes armés. Les nouveaux fonctionnaires nétaient pas payés dans lensemble et ne disposaient pas des moyens pour exercer un contrôle sur les groupes armés. Lors dune tentative pour résoudre les problèmes de sécurité, le Président Joseph Kabila, qui a succédé à son père, Laurent Kabila décédé en 2001, a signé un décret fin 2004 accordant des postes de généraux dans la nouvelle armée congolaise intégrée à six chefs de groupes armés dIturi ainsi que des postes de lieutenants colonels, colonels et majors à trente-deux autres membres des milices. En dépit des divisions au sein du gouvernement de transition au sujet des ces nominations, les généraux ont rejoint les rangs de larmée en janvier 2005. Le gouvernement na fourni aucune garantie sur le fait que les généraux nouvellement nommés ne seraient pas renvoyés en Ituri. Il ne sest pas non plus engagé à lancer des enquêtes judiciaires sur les graves allégations mentionnant de possibles crimes de guerre et crimes contre lhumanité commis par les responsables nouvellement nommés. Lintégration de criminels de guerre présumés dans larmée, à des postes de haut rang a été dénoncée par Human Rights Watch et par des diplomates internationaux.48 Après le meurtre de neuf soldats de maintien de la paix des Nations unies en Ituri en février 2005, le gouvernement de transition a arrêté Floribert Njabu, Thomas Lubanga et une poignée dautres commandants de haut rang en Ituri. Cependant, au moment de la rédaction de ce rapport, ils nont encore été accusés daucun crime ni été traduits en justice. [1] International Rescue Committee et Burnet Institute, Mortality in the Democratic Republic of Congo: Results from a Nationwide Survey, décembre 2004. [2] Le groupe des Hema du Nord est souvent désigné par le nom de Gegere, un sous-clan des Hema. [3] Ceci a inclus temporairement le groupe lendu du Sud connu sous le nom de Ngiti qui avait formé la milice FRPI. [4] Un autre groupe, les Forces Populaires pour la Démocratie au Congo (FPDC) a également vu le jour mais il na joué quun rôle mineur. Le PUSIC nétait pas actif dans les zones minières de Mongbwalu et Durba et nest donc que peu mentionné dans ce rapport. [5] Le gouvernement de Kinshasa antérieur à la transition a offert son assistance avant la mi-2003 mais un soutien se serait maintenu de la part de certaines composantes du gouvernement de transition après la mi-2003. [6] Human Rights Watch, « Ituri : couvert de sang Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC », un rapport, juillet 2003. [7] Lettre du Secrétaire général au Président du Conseil de sécurité, « Special Report on the Events in Ituri January 2002 December 2003 », juillet 16 2004, p. 5. [8] Le chef local sappelait en fait Krilo mais les Australiens ont cru que son nom était Kilo. [9] Pasteur Cosma Wilingula Balongelwa, Directeur général dOKIMO, Written Presentation on OKIMO, Kinshasa, 31 janvier 2004. [10] Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des experts de lindustrie minière de lor, Bunia, Kampala, Londres, février mai 2004. Les experts de cette industrie utilisent le terme de « dépôt de minerai » plutôt que le terme courant de réserve en or. [11] Connu sous le nom de Panel dexperts des Nations unies sur lexploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République Démocratique du Congo, désigné ensuite par le nom de Panel dexperts des Nations unies. [12] Voir les rapports du Panel dexperts des Nations unies sur lexploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République Démocratique du Congo, 12 avril 2001 (S/2001/357), 22 mai 2002 (S/2002/565), 16 octobre 2002 (S/2002/1146), 23 octobre 2003 (S/2003/1027) plus autres addenda. [13] Ibid., Rapport du panel des Nations unies (S/2002/1146), 16 octobre 2002. [14] Entretien conduit par Human Rights Watch avec des ingénieurs et géologues dOKIMO, Durba, 13 mai 2004. Les estimations sappuient sur des observations et un suivi réguliers. [15] Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), cabinet du coordinateur, décision No. 004/RCD/CD/LB/98, Goma, 28 octobre 1998. [16] Entretien conduit par Human Rights Watch, Durba, 11 mai 2004. [17] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un employé dOKIMO, Durba, 13 mai 2004. [18] Ibid. [19] Ibid. [20] Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des mineurs congolais et dautres sources, Durba et Watsa, 10-13 mai 2004. [21] Mémorandum interne dOKIMO au Management général, La sécurité au Groupe dExploitation Moto, 17 mars, 2000. Détails supplémentaires également fournis dans des notes internes dOKIMO du 9 septembre 1999 et du 29 mai 2000. Documents archivés à Human Rights Watch. Voir également William Wallis, Warlords and Adventurers in Scrambles for Riches, Financial Times, 15 juillet 2003. [22] Entretien conduit par Human Rights Watch, Durba, 13 mai 2004. [23] Ibid., Mémorandum interne dOKIMO, 17 mars 2000. Voir aussi un entretien conduit par Human Rights Watch avec un ingénieur dOKIMO, Durba, 13 mai 2004. [24] Ibid., Mémorandum interne dOKIMO, 17 mars 2000. [25] Entretien conduit par Human Rights Watch, Durba, 13 mai 2004. [26] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un employé dOKIMO, Durba, 13 mai 2004. [27] Ibid., Mémorandum interne dOKIMO, 17 mars 2000. [28] Ibid. [29] Ibid. [30] Entretien conduit par Human Rights Watch, Durba, 13 mai 2004. Voir également le Mémorandum interne dOKIMO, 17 mars 2000. [31] Ibid, Wallis, Warlords and adventurers in scrambles for riches. [32] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un ingénieur, Durba, 13 mai 2004. [33] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un ancien ingénieur, Durba, 11 mai 2004. [34] Entretien conduit par Human Rights Watch, Watsa, 12 mai 2004. La fièvre de Marburg avait déjà frappé la région en 1992, 1994 et 1997. Voir également les articles médicaux du Dr Matthias Borchert. [35] Bureau pour la coordination des affaires humanitaires, Rapport de mission du conseiller humanitaire : épidémie de fièvre hémorragique de Durba/Province Orientale, Mai 1999. Voir également un entretien conduit par Human Rights Watch avec un professionnel de la santé, Watsa,13 mai, 2004. [36] Ibid., Mémorandum interne dOKIMO, 17 mars 2000. [37] Article 55 des Règlements de la Haye (Convention IV) concernant les Lois et coutumes de la guerre sur terre et son annexe : règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907. [38] Rapport du Panel dexperts (S/2001/357), 12 avril 2001, p. 11. [39] « Rapport final de la Commission judiciaire denquête sur les allégations relatives à lexploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en République Démocratique du Congo (mai 2001 novembre 2002) », novembre 2002. Ci-après il sera appelé « Rapport de la Commission Porter » [40] Ibid., p. 69 et 70. [41] Article 55 des Règlements de la Haye (Convention IV). [42] David Musoke et A. Mutumba-Lule, DRC Wants $16 billion for Plunder by Uganda, Rwanda, East African, 27 septembre 2004. [43] Entretien conduit par Human Rights Watch, Durba, 13 mai 2004. [44] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Durba et Watsa, 11-13 mai 2004. [45] Human Rights Watch, «Couvert de sang », « L'Ouganda dans l'est de la République Démocratique du Congo : alimenter les conflits politiques et ethniques », rapport, mars 2001 et « Chaos dans l'est du Congo : nécessité d'une action immédiate des Nations Unies », Document de présentation, octobre 2002. [46] Conseil de sécurité des Nations unies, Special Report on the Events in Ituri, 16 juillet 2004, p. 5. [47] Entretien conduit par Human Rights Watch avec Floribert Njabu, Président du FNI et Lonu Lonema, commissaire aux affaires étrangères du FNI, Kampala, 3 juillet 2004. [48] Voir Human Rights Watch, « RDC: larmée ne doit pas nommer des criminels de guerre », communiqué de presse, 14 janvier 2004.
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