<<précédente | index | suivant>> VII. Abus contre les Droits Humains dans les Mines dOr de Durba et sur les Voies CommercialesLe contrôle de Durba et des régions adjacentes riches en or, dans le district du Haut Uélé, à environ 150 kilomètres au nord de Mongbwalu a fait lobjet daffrontements entre les trois mouvements rebelles mentionnés plus haut, le RCD-ML, le RCD-National et le MLC. Cette région na pas été déchirée par le type de massacres ethniques et autres meurtres qui ont dévasté lIturi mais les forces qui sy opposaient ont commis de graves abus contre les populations locales.272
Bien que des administrateurs locaux aient été présents à Aru, la force effective dans la région depuis 2003 était un groupe armé local, les FAPC aux ordres du Commandant Jérôme Kakwavu. Selon les habitants de Durba, Aru et Ariwara, les troupes du Commandant Jérôme ont commis des abus plus graves que dautres forces armées qui opéraient dans la région. Comme la affirmé un témoin : « Le règne de Jérôme a été le pire. Qui pouvait stopper Jérôme ? Il voulait vous tuer et cest tout. Même les autorités civiles ne pouvaient rien faire. »273 Comme nous lavons mentionné plus haut, le Commandant Jérôme faisait à lorigine partie du RCD-ML. Il a contrôlé Durba jusquen septembre 2002 lorsquune coalition de forces du RCD-National et du MLC la chassé de la ville. Il a battu en retraite dans les villes voisines dAru et Ariwara où il a établi un contrôle sur les postes frontières et a tiré bénéfice de taxes sur le commerce, en particulier lor. En septembre 2002, il sest déplacé vers le Sud pour soutenir lUPC dans la prise de Mongbwalu. Il sest ensuite séparé deux et a fondé sa propre milice, les FAPC. Bien que basées à Aru, les FAPC se sont alors alliées au FNI et ont partagé le contrôle de Mongbwalu après mars 2003. Les FAPC et le FNI ont également partagé le contrôle des régions productrices dor plus proches dAru et dAriwara jusquà la mi-2004 lorsque ces deux groupes se sont affrontés pour les mines de Djalasiga. A cette époque, les FAPC se sont éloignées du FNI et ont renouvelé leur alliance avec lUPC. Tout au long des fréquents changements dalliances du Commandant Jérôme, une constante a été le soutien reçu de lOuganda. LOuganda la aidé à établir les FAPC (voir plus haut) et selon une investigation ultérieure de la MONUC, lui a laissé des armes lorsque les troupes ougandaises se sont retirées en 2002.274 Un groupe dexperts des Nations unies enquêtant sur les violations de lembargo sur les armes dans lEst de la RDC a rapporté, en janvier 2005, que lOuganda avait continué de fournir des armes et des munitions aux FAPC tout au long de 2003 et en 2004, certaines provenant du camp militaire de lUPDF à Arua, de lautre côté de la frontière par rapport à Aru, en RDC.275 Bien quils aient eu connaissance des abus contre les droits humains commis par le Commandant Jérôme, les soldats ougandais lont soutenu au moins une fois (voir plus bas) en conservant le commandement des FAPC, apparemment pour sassurer que le commerce de lor et des autres ressources restaient aux mains dun allié. Selon un groupe dexperts des Nations unies et des sources locales, les soldats ougandais sont de nouveau entrés au Congo en 2004 pour soutenir les FAPC dans leur combat pour Djalasiga et ont fourni des munitions aux FAPC pour la bataille.276 Pendant ses diverses opérations, un objectif essentiel du Commandant Jérôme a été dobtenir de lor. En tant que combattant des forces du RCD-ML, le 12 août 2004, le Commandant Jérôme a écrit aux officiels dOKIMO en disant : « A partir de maintenant, larmée prendra 60 pour cent de la production de Moto-Doko [mines dor] pour financer ses opérations. »277 Le jour suivant, huit combattants conduits par le second du Commandant Jérôme, le Commandant Guy Kolongo, ont pris 285 grammes dor dans le coffre dOKIMO.278 Exécutions sommaires perpétrées par le Commandant Jérôme, 2002-2004Les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations détaillées sur cinq exécutions sommaires publiques de combattants ou soldats ordonnées par le Commandant Jérôme et réalisées en sa présence. Dans chaque cas, il ny a eu ni enquête, ni procès et dans certains cas, le public a dû décider du sort de laccusé. Dans lun de ces cas, un jeune combattant nommé Atibho a été publiquement exécuté, le 29 décembre 2003 pour avoir jeté une grenade, qui a tué trois personnes et en a blessé environ cinquante autres sur la place du marché central dAriwara. Selon des témoins, le Commandant Jérôme a demandé à trois personnes hospitalisées pour des blessures causées par lattaque ce qui devait advenir dAtibho. Plusieurs ont répondu quil ne devait pas être tué parce « quils pensaient quassez de sang avait déjà été répandu. »279 Le Commandant Jérôme a ensuite amené le soldat au centre de la ville dAriwara et il a demandé à la population quel devait être son sort. Selon un témoin, certains dans la propre garde du Commandant Jérôme ont affirmé quil devait être épargné. Le témoin a déclaré : Jérôme a alors dit à certains de ses gardes, « Ceux qui disent non devraient être fouettés. » Ils ont choisi trois soldats et ils les ont fouettés Puis Jérôme a de nouveau demandé à la foule ce quil devait faire. Ils ont dit de tuer le soldat Jérôme la poussé du camion et il a dit, « Exécutez-le. » Lun des gardes du corps lui a alors tiré dans le haut du dos. Il nétait pas mort encore alors il lui a de nouveau tiré dessus dans le cou. Les soldats ont alors jeté le corps dans le camion et sont partis. Sa mère était là.280 Selon des habitants dAriwara, le 17 janvier 2004, le Commandant Jérôme a également demandé à une foule importante de décider du sort dun combattant accusé davoir tué un chauffeur de moto taxi, Claude Kiombe. Un témoin a dit quaprès la demande dexécution formulée par la foule, Jérôme a alors donné lordre de le tuer. « Jérôme était présent tout le temps, » a dit un témoin, « tout comme le Major Theo, le Commandant Salumu, le Capitaine Mutumbo et dautres. »281 Le Commandant Jérôme a également mené à bien des exécutions publiques à Durba lorsquil contrôlait la 5ème zone opérationnelle pour le RCD-ML. Parmi les personnes ainsi exécutées se trouvait un soldat appelé Masumboko exécuté en mai 2002 pour viol et meurtre.282 Dans ces cas et dans dautres étudiés par les chercheurs de Human Rights Watch, il ny a eu ni enquêtes, ni procès, ni jugements indépendants. Le Commandant Jérôme était le seul arbitre de la loi et en donnant lordre dexécuter ces hommes, il a commis des crimes de guerre. Dans un entretien avec les chercheurs de Human Rights Watch, le Commandant Jérôme a affirmé que les FAPC disposaient dun tribunal militaire avec avocats et juges mais il na pas été très clair sur la question de lautorité pour imposer la peine de mort. Il a affirmé quil avait besoin de se livrer à des exécutions afin de maintenir lordre public. Il a déclaré : « Nous sommes en guerre. Nous sommes encore des rebelles. Nous sommes ici pour satisfaire la population. Nous avons besoin de mesures populaires pour maintenir la discipline. »283 Les habitants du coin, cependant, craignent le Commandant Jérôme. Comme la déclaré lun dentre eux : « Il ny a personne vers qui se tourner pour faire appel. Cest le Commandant Jérôme qui contrôle tout. Les civils nont absolument aucun droit ici. La population souffre vraiment. »284 Exécuter et torturer les opposants politiques présumésLe Commandant Jérôme et ses troupes ont détenu, battu et tué des combattants et des civils perçus comme soutenant les rivaux du Commandant Jérôme dans la course au pouvoir. A Durba en 2002, le Commandant Jérôme a recherché des gens qui avaient été proches de son prédécesseur et rival, le Colonel Monga, dont un civil nommé Anygobe tué par les combattants du Commandant Jérôme mi-2002. Des témoins proches de sa maison ont rapporté lavoir entendu crier alors quil était emmené. Sa mère a espéré pouvoir payer sa libération de deux chèvres mais elle a échoué et Anygobe aurait été tué par balle le lendemain matin. Son corps a ensuite été jeté dans une ancienne latrine du camp militaire.285 Le Commandant Jérôme a également recherché des civils accusés despionnage. Début juin 2002, Kamile Leta, 25 ans, a été arrêté avec deux femmes à Tora, une ville proche de Durba, accusé despionnage au profit des ennemis du Commandant Jérôme. Selon des témoins, M. Leta a quitté sa cellule le 12 juin 2002 pour voir le Commandant Jérôme. Peu de temps après, un garde la emmené derrière le bâtiment, la poignardé de nombreuses fois et la laissé pour mort dans une fosse avec dautres corps en décomposition. Toujours vivante, la victime a rampé hors de la fosse et a cherché de laide auprès de personnes qui lont conduite à lhôpital de Watsa. Un témoin a rapporté quil avait vu M. Leta avec de multiples plaies causées par des coups de couteau et couvert de vers.286 Les registres de lhôpital montrent que la victime est arrivée à 19 heures 30, le 13 juin 2002 avec « de multiples plaies sur le cou et le corps résultant de coups de couteau donnés par larmée. »287 Selon des témoins à lhôpital, ladministrateur territorial est arrivé avec le Commandant de la police et des combattants fidèles au Commandant Jérôme conduits par le Commandant Banda Yowa Likimba, connu sous le nom de Jaguar. Le Commandant Jaguar qui est apparu très en colère à un témoin, a demandé à voir M. Leta. Le témoin a déclaré : On a été obligé daller le chercher. Le Commandant Jaguar a dit quils allaient soccuper de lui eux-mêmes. Ils ont demandé une civière. Ils lont fait sallonger sur la civière et puis ils ont couvert son corps et son visage avec un drap. La victime pleurait et disait quelle était innocente, quelle navait rien fait de mal. Ils lont emmené. Environ une heure plus tard, le commandant de police est arrivé et nous a dit que lhomme nétait plus vivant. Il nous a dit que Jaguar avait demandé aux prisonniers de creuser une tombe. Il a dit que Jaguar avait dit que puisque lhomme ne mourait pas des coups de couteau, il allait maintenant mourir à sa façon. Avec un coup de pied, il a fait tomber lhomme dans la tombe quils avaient creusée et puis il a jeté la première pelletée de terre sur lui. Ils lont enterré vivant. Cétait dans la cour de la maison du Commandant Jaguar. Le Commandant de police était présent pendant tout le temps et il ma dit tout ça. [Commandant] Jérôme a donné lordre que la victime soit tuée au début. Pendant deux mois, lhôpital était presque vide. Les gens étaient trop effrayés pour venir se faire soigner après ça.288 Lopposition ouverte au Commandant Jérôme était rare mais les combattants conduits par Raymond Isala ont cherché à le chasser et à prendre le contrôle des FAPC, le 22 mai 2003 pendant que le Commandant Jérôme se trouvait de lautre côté de la frontière en Ouganda. Ils ont échoué lorsque les forces ougandaises basées à Arua289 ont traversé la frontière pour se rendre au Congo au poste frontière de Vura et ont aidé les forces fidèles au Commandant Jérôme à battre les mutins.290 Un peu plus tard ce même jour, les soldats ougandais ont aidé les FAPC du Commandant Jérôme à arrêter des Congolais supposés avoir été impliqués dans la tentative de mutinerie et qui avaient fui en Ouganda. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient Jacques Nobirabo, Paul Avoci, Leti Leopold Apo, le Commandant Idrise Bobale et deux de ses gardes du corps, certains ayant été détenus dans le campement de larmée ougandaise à Arua. Selon des témoins, le Commandant Jérôme et des officiers qui lui étaient fidèles ont tué dautres mutins à Aru dont le Commandant Mboio, le Commandant Kato, le Commandant Rasta et dautres.291 Le leader de la mutinerie, Raymond Isala, a pris la fuite. Plusieurs jours plus tard, le Major ougandais Besisira a remis au Commandant Jérôme les réfugiés capturés en Ouganda, un geste qui constitue une violation des conventions internationales relatives aux réfugiés.292 Dans certains cas, les personnes ont été remises de façon clandestine, suggérant que les soldats ougandais souhaitaient peut-être éviter de porter la responsabilité dun tel geste. Pour se distancer eux-mêmes encore davantage du sort éventuel des personnes ainsi remises, certains soldats ougandais ont demandé aux FAPC de ne pas faire de mal aux détenus et ont exigé des FAPC quelles signent un document promettant de ne pas leur faire de mal.293 Selon des témoins, nombre de personnes remises au Commandant Jérôme ont été torturées et certaines auraient été tuées, dont les cas décrits plus bas. Une enquête des Nations unies sur lIturi rapportait un témoignage crédible affirmant que le Major Besisira avait été payé par le Commandant Jérôme pour divers services, notamment celui de lui remettre des combattants FAPC ayant fui en Ouganda. Certaines de ces personnes auraient ensuite été exécutées à Aru.294 Un détenu remis par les soldats ougandais au Commandant Jérôme, le 7 juin 2003, au camp de larmée ougandaise, à Arua a déclaré quil avait été reconduit cette nuit-là avec dautres au camp militaire dAru. Il a déclaré : Le lendemain, on nous a sortis et cinq soldats nous ont dit quon devait creuser nos propres tombes. On est tous sortis et on a commencé à creuser un gros trou denviron 2 mètres de profondeur. Le Commandant Idrise était très faible. [Le Commandant] Jérôme est venu et a commencé à le menacer lui et nous. Il a dit quon était sous son contrôle. Il a dit quil allait nous faire souffrir jusquà ce quon meure. Il a donné lordre quIdrise soit battu. Dabord, ils lont déshabillé et ensuite, ils lont allongé la face contre le sol. Certains soldats tenaient ses pieds et ses bras pendant quun autre était assis sur sa tête. Puis ils lont battu 500 fois avec des fouets faits de corde et de branches. Après avoir fini avec Idrise, ils ont pris [un autre prisonnier] et lont poussé avec leurs fusils. Ils lont déshabillé et ont donné lordre quils reçoivent 100 coups. Ils se sont aussi assis sur sa tête et lont maintenu au sol. Puis cétait mon tour et la même chose sest passée. Pendant tout ce temps, Jérôme était là et regardait. Puis il a ordonné quon nous donne ni eau, ni nourriture. On a passé quatre jours comme ça dans un container, sans rien. On a vraiment souffert.295 Le Major ougandais Besisira est intervenu le 12 juin et a ramené plusieurs détenus en Ouganda. Après les avoir gardés pendant plusieurs jours, il les a libérés, les mettant en garde contre toute tentative pour parler à quelquun, en particulier à des journalistes.296 Lune au moins des personnes initialement détenues en Ouganda, Leti Leopold Apo aurait été exécutée. Commandant Idrise, souffrant de diabète et dhypertension, est maintenu en détention à Aru alors que sa santé est très mauvaise jusqua décembre 2004.297 Après la tentative de mutinerie, le Commandant Jérôme a continué à pourchasser tout opposant politique dans la région sous son contrôle. A partir du 7 janvier 2004, le Commandant Jérôme a détenu et interrogé lui-même des personnes soupçonnées de sopposer à son autorité, cherchant à connaître les noms dautres personnes qui auraient pu participer à la tentative de mutinerie en mai 2003.298 Des détenus ont été battus, parfois deux fois par jour, pendant plus dune semaine et ont été forcés daccomplir certaines tâches, notamment de nettoyage et de creusement de toilettes. Certains civils ont par la suite été libérés.299 Détention arbitraire et tortureDéterminé à assurer tant sa domination économique que son pouvoir politique, le Commandant Jérôme a autorisé et mené à bien des détentions arbitraires et des actes de torture contre des commerçants en or afin dassurer son propre contrôle et celui de son partenaire en affaires, M. Omar Oria sur ce commerce très lucratif. Dans un cas, les mauvais traitements infligés à une victime ont causé sa mort. M. Oria, un Ougandais, est lun des plus importants commerçants en or de la région. Il achète lor à Durba et le revend à des commerçants à Kampala (voir plus bas).300 Selon plusieurs témoins, M. Oria et le Commandant Jérôme entretenaient une étroite relation daffaires et M. Oria a fourni une aide, notamment financière aux FAPC.301 M. Oria a affirmé à un chercheur de Human Rights Watch quil nétait pas impliqué dans la politique mais quil était un entrepreneur pour le Commandant Jérôme et quil construisait un hôtel pour lui à Ariwara.302 Les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur un certain nombre de cas de détention arbitraire et de torture impliquant le Commandant Jérôme et M. Oria, dont ceux décrits plus bas. Le 17 juin 2003, M. Oria et certains de ses employés notamment Likambo Lumaya ont enlevé Floribert,303 un commerçant en or quils accusaient de tromper le Commandant Jérôme en lui vendant du minerai qui nétait pas de lor. Ils ont battu Floribert avec des bâtons, lont gardé pendant une nuit et le lendemain, ils lont emmené au Commandant Jérôme à Aru qui daprès Floribert, la « jugé ». Floribert a déclaré : Jérôme a donné lordre pour que je sois fouetté 500 fois. [Les soldats] mont attaché à un arbre avec une corde comme celle pour les chèvres. Javais les bras autour de larbre, le visage contre le tronc. Ils mont frappé 500 fois. Il y avait beaucoup de militaires qui me frappaient, deux sur la gauche, deux sur la droite. Ils utilisaient des cordes. Jérôme et Oria étaient là tout le temps. Jérôme était assis sur une chaise.304 Floribert a ensuite été détenu pendant trois jours dans un conteneur, utilisé comme lieu de détention en compagnie de six combattants et de trois autres civils. Selon Floribert, M. Oria a organisé sa libération mais le lendemain, il a exigé que Floribert lui verse 2 480 USD. « Il a dit que si je ne lui donnais pas largent, il allait me renvoyer à Aru, » a déclaré Floribert. « Je ne pouvais rien dire parce quil était beaucoup plus fort que moi. » Floribert a vendu sa maison et sa bicyclette pour pouvoir verser largent exigé même sil percevait cette exigence comme une extorsion. Il a affirmé que lor était de bonne qualité et quil envisageait traduire ces deux personnes en justice. Il a déclaré : « Je pensais porter plainte contre eux mais je ne pense pas que ce soit possible. Comment pourrais-je les accuser ? Ils sont plus forts. »305 Dans un cas similaire. M. Oria et son employé, Likambo Lumaya ont enlevé Lipanda Lumeri le 28 septembre 2003, laccusant davoir volé cinquante-quatre grammes dor. Ils lont conduit à la résidence du Commandant Jérôme, un hôtel nommé Don de Dieu à Ariwara où le Commandant Jérôme, entouré de dix-sept combattants a menacé de tuer Lipanda et a pointé son revolver contre lui. Suivant un ordre du Commandant Jérôme, ses combattants lont déshabillé et lui ont lié les bras et les jambes ensemble dans le dos. Ils lont jeté dans le véhicule du Commandant Jérôme et lont emmené à Angarakali, le camp militaire des FAPC. Lipanda a déclaré : Ils [six combattants] mont jeté au sol et mont fouetté 300 fois, du dos vers les fesses. Ils mont fait compter les coups. Ils mont fouetté avec de petits morceaux de bois Chacun avait un bâton et ils me battaient en même temps. Cela a duré 45 minutes ou une heure.306 Lipanda a ensuite été enfermé dans un trou creusé dans le sol avec douze combattants et un autre civil, tous ayant été battus. Il a été sorti du trou et de nouveau battu à minuit cette même nuit et deux fois par jour pendant les quatre jours qui suivirent. Selon ses propres calculs, il a été battu 1 300 fois au moins. Alors quil était ainsi maltraité, ses urines et ses excréments étaient teintés de sang. Lipanda a affirmé quon lui avait répété de rendre lor dérobé ou de le payer. Il a déclaré : Je leur ai dit que je navais ni lor, ni largent. Ils ont dit que lor était pour le Commandant Jérôme et quil avait besoin de largent pour construire sa maison. Ils ont dit que si je ne donnais pas largent, Jérôme donnerait lordre pour que je sois tué. Le cinquième jour, Jérôme est venu avec ses officiers à la prison et a pointé son fusil vers moi. Il a dit : « Depuis le premier jour, jai dit que je te tuerais. Je ne plaisante pas. Aujourdhui, cest ton dernier jour. » Ils mont fait sortir du trou et mallonger. Jérôme a chargé son revolver et la mis contre mon cou.307 Le premier revolver sest enrayé à plusieurs reprises alors le Commandant Jérôme a pris une autre arme et a tiré sur Lipanda à deux reprises dans la main gauche et à deux reprises dans la main droite. Lipanda a été remis en prison.308 A sa libération, Lipanda sest rendu à lhôpital dAriwara où le médecin a déclaré que les os de ses mains avaient été fracturés par les balles.309 Lipanda a déclaré que lor manquant avait été pris par lun des employées de M. Oria et il a dit quil avait lintention de porter plainte contre le Commandant Jérôme, Omar Oria et Likambo Lumaya.310 Tolérance pour les abus commis par les partenaires en affairesLe Commandant Jérôme, la personne la plus puissante de la région, a toléré lenlèvement et les coups contre un M. Kokole sur ordre de M. Oria en janvier 2004. M. Kokole est décédé de ses blessures le même jour.311 Les combattants de Jérôme ont protégé M. Oria contre la famille de Kokole et dautres qui demandaient son arrestation et lont escorté en lieu sûr à la frontière ougandaise. M. Oria a enlevé M. Kokole à Ingbokolo et la ramené dans sa propre maison où il a fait battre M. Kokole pour essayer de récupérer 19 000 USD que lui devait la victime. Un témoin a vu Kokole, vêtu uniquement de ses sous-vêtements, avec des marques de coups violents sur le corps, dans la maison dOria, le jour de sa mort. La tête et les bras de Kokole étaient enflés, son dos avait une large plaie et il y avait du sang visible. Selon le témoin, M. Oria et dautres auxquels Kokole devait de largent étaient présents, tous essayant de lui faire dire où il avait caché largent quil leur devait. Les blessures de Kokole étaient si graves quil ne tenait pas debout. A 15 heures environ, cinq combattants des FAPC sont arrivés, un officier et ses gardes du corps. Selon le témoin, « Lofficier a pointé son fusil contre lui et a déclaré : « Si tu nous donnes pas largent, je vais te tuer. » » Lorsque Kokole a répondu que largent était à Ingbokolo, les combattants lont jeté dans un pick-up Suzuki noir appartenant à Oria. Kokole a été emmené dans le pick-up, les combattants laccompagnant dans leur propre véhicule. Deux heures plus tard environ, les combattants ont emmené Kokole à lhôpital.312 Un agent de ladministration gouvernementale congolaise était présent à lhôpital lorsque Kokole y a été déposé, trente minutes environ avant de mourir. Il a dit : Il [Kokole] avait des blessures à la poitrine et sur le côté de la tête comme sil avait été frappé avec un marteau. Je suis allé voir Oria et je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça. Oria a dit quil lui devait de largent. Il na pas nié que Kokole avait été chez lui. Oria a tué Kokole.313 Selon des témoins, des membres de la famille de M. Kokole et dautres se sont rassemblés de façon menaçante à la maison de M. Oria. Les combattants des FAPC qui étaient présents ont tiré en lair pour protéger Oria et lont escorté jusquà la frontière ougandaise afin quil puisse prendre la fuite.314 M. Oria a admis à un chercheur de Human Rights Watch que M. Kokole lui devait de largent, quil lavait amené dIngbokolo chez lui et quil était présent lorsque M. Kokole a été battu. Il a nié avoir lui-même frappé M. Kokole en disant : « Je nai pas utilisé mes deux mains pour battre qui que ce soit. Je ne lai pas fait. »315 Il a dit quil avait été questionné par la police congolaise venue à Arua en Ouganda pour linterroger mais laffaire a maintenant été abandonnée parce quun accord a été trouvé avec la famille de M. Kokole. M. Oria va effacer la dette et un entrepôt va être construit pour la famille à Ariwara afin quils disposent dun revenu à lavenir.316 Le Commandant Jérôme a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch quune autre personne responsable du meurtre était elle-même décédée peu de temps après, doù labandon de laffaire.317 Aucune autre enquête ou arrestation na été entreprise pour ce cas darrestation arbitraire et torture, ni pour dautres cas. Lorsque les chercheurs de Human Rights Watch ont discuté de ces cas et dautres avec le Commandant Jérôme, il a nié que de tels abus sétaient produits en affirmant : « La torture nexiste pas. On ne torture pas les gens. Cest faux et archi-faux. »318 Djalasiga : conflit continu sur les mines dorLe soutien ougandais aux FAPC, important à la création du mouvement et ensuite également, a non seulement aidé le Commandant Jérôme à lutter contre une mutinerie mais a plus récemment aidé les forces FAPC dans leur combat pour le contrôle de Djalasiga et des régions avoisinantes, qui font partie de la Concession 39 des réserves dOKIMO et qui abritent le site des mines dor de Zani.319 Les forces du FNI lendu et les forces des FAPC du Commandant Jérôme avaient travaillé ensemble depuis létablissement des FAPC, début 2003. Les deux forces avaient accepté de ne pas sattaquer mutuellement, de conduire des patrouilles conjointes dans les régions partageant une frontière commune et de se partager les impôts et les droits de douane sur le commerce entre les zones quelles contrôlaient. Cependant, mi-2004, le secrétaire national aux mines des FAPC, Pierre Nzia, a signé un contrat avec une compagnie basée en Ouganda pour extraire lor de la rivière Zani, à Djalasiga. Une fois les opérations lancées, il était critique pour les FAPC de conserver le contrôle sur la zone de Zani et elles nommèrent des administrateurs là-bas.320 Peu de temps après, des allégations de mauvais traitements pratiqués contre des Lendu dans la région faisaient surface. En juin 2004, les forces du FNI et des FAPC ont commencé à saffronter et Djalasiga a changé de mains fréquemment au cours des mois qui suivirent. Des dizaines de milliers de civils ont fui leurs maisons.321 Lors dune contre-attaque, un certain nombre de combattants FAPC de haut rang ont été tués et des armes lourdes, notamment des roquettes et des mortiers, ont été perdues au profit des forces du FNI qui attaquaient.322 Le Commandant Jérôme a par la suite admis à un groupe dexperts des Nations unies qui enquêtaient sur les violations de lembargo sur les armes que les armes perdues étaient celles qui avaient été fournies par lOuganda.323 Début juillet, les combattants des FAPC ont arrêté deux civils lendu à Aru et les ont accusés despionnage. Les Lendu ont été sommairement exécutés quelques jours plus tard sur ordre du Commandant Ali Mbuyi Gatanazi dont le jeune frère avait été tué dans les combats.324 Confronté aux pertes concédées aux Lendu, le Commandant Jérôme a requis lassistance de lOuganda. De nombreux témoins ont rapporté avoir vu arriver des soldats ougandais pour aider les forces des FAPC.325 Dans un cas, le Colonel ougandais, Peter Karim326 a tenu une réunion publique dans la zone de marché de Kudi Koka au Congo pour soutenir les FAPC. Il aurait fourni des munitions au Commandant Jérôme pour laider dans leffort de guerre.327 Dans un incident ultérieur, le 7 novembre 2004, une cargaison darmes en provenance de lOuganda et destinée aux FAPC est tombée entre les mains du FNI. Le groupe dexperts des Nations unies enquêtant sur les violations de lembargo sur les armes a rapporté que le camion intercepté containait des mortiers, des lanceurs de roquettes lance-grenades, des armes et dautres munitions.328 Les forces de lUPC de Thomas Lubanga ont également aidé les FAPC contre le FNI. Selon des sources locales, les FAPC du Commandant Jérôme et lUPC de Lubanga ont négocié un nouvel accord en juillet et septembre 2004 avec le Commandant Ali représentant les FAPC. Début septembre 2004, les deux anciens ennemis sont arrivés à un accord qui incluait une division du contrôle sur les zones de mines dor comme élément clef.329 Les forces FAPC auraient également reçu lassistance des troupes SPLA opérant dans le Nord, dans les régions frontalières entre la RDC et le Soudan.330 Le contrôle de lor à Djalasiga était lune des raisons principales du conflit. Un représentant du FNI a raconté à un chercheur de Human Rights Watch quun sentiment dinsatisfaction sétait installé entre les deux groupes et « que les FAPC voulaient tout lor et largent pour eux. » « Ceci », a-t-il dit, « a créé le conflit. »331 Un responsable de la MONUC qui cherchait à servir dintermédiaire dans le différend a déclaré que bien que les parties aient refusé de donner les raisons de leurs affrontements, les discussions faisaient clairement apparaître quelles combattaient pour le contrôle de lor et dautres sources de revenus.332 Des sources locales ont affirmé que de nombreux civils avaient été tués lors des combats pour prendre Djalasiga.333 Compte tenu dune insécurité continue dans la région, les chercheurs de Human Rights Watch nont pu à ce jour recueillir des informations détaillées sur les abus contre les droits humains commis là-bas. [272] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Durba et Watsa, 10-14 mai 2004 et également entretiens à Aru et Ariwara, 6-7 mars 2004. [273] Entretien conduit par Human Rights Watch, Watsa, 12 mai 2004. [274] Rapport interne des Nations unies sur lenquête relative à la saisie de lavion à Beni, 25 juillet 2003. [275] Ibid., Rapport du groupe dexperts sur lembargo des Nations unies sur les armes, 25 janvier 2005, pages 31-34. [276] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, 7-9 octobre 2004. Voir également le Rapport du groupe dexperts sur lembargo des Nations unies sur les armes, 25 janvier 2005, para 135. [277] Lettre du Commandant Jérôme Kakwavu Bukande, Commandant de la 5ème zone opérationnelle au Directeur dOKIMO basé à Doko-Durba, No. 105/APC/EM-5 ZOPS/COMDT/2002, Watsa, 12 août 2002. [278] Document interne dOKIMO, « Procès verbal de constat au coffre au labo Durba », signé par tous les présents, 13 août 2002. Document archivé à Human Rights Watch. [279] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 7 mars 2004. [280] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 8 mars 2004. [281] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 7 mars 2004. [282] Entretien conduit par Human Rights Watch, Durba, 13 mai 2004. [283] Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Commandant Jérôme Kakwavu Bukande, Aru, 8 mars 2004. [284] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 6 mars 2004 [285] Entretien conduit par Human Rights Watch, Watsa, 12 mai 2004. [286] Entretien conduit par Human Rights Watch, Watsa, 12 mai 2004. [287] Registres dadmission de lhôpital de Watsa pour le patient Kamile Leta, 25 ans de Tora. Selon les registres de lhôpital, le patient a été admis à lhôpital le 13 juin et la quitté le 14 juin 2002, avec lautorisation écrite du médecin présent. Registres de lhôpital consultés par Human Rights Watch le 13 mai 2004. [288] Entretien conduit par Human Rights Watch, Watsa, 12 mai 2004. [289] Arua se situe en Ouganda juste en face de la ville congolaise dAru, de lautre côté de la frontière. [290] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kampala, 10 mars 2004 ; Mongbwalu, 4 mai 2004 ; Aru, 8 mars 2004. Voir également le Conseil de sécurité des Nations unies, Special Report on the Events in Ituri, p. 39. [291] Entretien conduit par Human Rights Watch, Mongbwalu, 4 mai 2004. [292] Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, 10 mars 2004. [293] Ibid. [294] Conseil de sécurité des Nations unies, Special Report on the Events in Ituri, p. 39. [295] Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, 10 mars 2004. [296] Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, 10 mars 2004. [297] Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, décembre 1, 2004. [298] Entretien conduit par Human Rights Watch, Aru, 8 mars 2004. [299] Ibid. [300] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Ariwara, 6-8 mars 2004 et commerçants en or de Kampala, 7 et 8 juillet 2004. Des représentants de Machanga Ltd, une entreprise exportatrice dor à Kampala ont affirmé quils avaient acheté de lor à M. Oria. [301] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 7 mars 2004. [302] Entretien conduit par Human Rights Watch avec Omar Oria, Kampala, 10 mars 2004. [303] Le nom de la victime a été modifié pour assurer sa protection. [304] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 7 mars 2004. [305] Ibid. [306] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 6 mars 2004. [307] Ibid. [308] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 6 mars 2004. [309] Ibid. [310] Ibid. [311] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Ariwara, 6 et 7 mars 2004. [312] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 6 mars 2004. [313] Entretien conduit par Human Rights Watch, Ariwara, 7 mars 2004. [314] Ibid. [315] Entretien conduit par Human Rights Watch avec Omar Oria, Kampala, 10 mars 2004. [316] Ibid. [317] Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Commandant Jérôme Kakwavu Bukande, Aru, 8 mars 2004. [318] Ibid. [319] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, 7 octobre 2004 et par téléphone avec Ariwara, 10 octobre 2004. [320] Ibid. [321] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un responsable dOCHA, Kinshasa, octobre 2004. [322] Ibid., Rapport du groupe dexperts sur lembargo des Nations unies sur les armes, 25 janvier 2005, para 135. [323] Ibid., para 135. [324] Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, 9 octobre 2004. [325] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, 7 et 9 octobre 2004 et par téléphone avec Ariwara, 10 octobre 2004. Voir également le Rapport du groupe dexperts sur lembargo des Nations unies sur les armes, 25 janvier 2005, para 135. [326] Le Commandant ougandais de lUPDF Peter Karim est également mentionné dans Ibid., Human Rights Watch, « Ituri: couvert de sang » et dans le rapport du juge Porter, Ibid., « Rapport de la Commission Porter ». [327] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un responsable du FNI, Bunia, 10 octobre 2004. [328] Rapport du Groupe dexperts sur lembargo sur les armes des Nations unies, 25 janvier 2005, para 136. [329] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, 7 et 9 octobre 2004 et par téléphone avec Ariwara, 10 octobre 2004. [330] Ibid. [331] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un responsable du FNI lendu, Bunia, 10 octobre 2004. [332] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un officier politique de la MONUC, Bunia, 8 octobre 2004. [333] Entretiens conduits par Human Rights Watch par téléphone avec Ariwara, 10 octobre 2004.
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