Résumé
Le régime de lancien Président Hissène Habré au Tchad a été responsable, en huit ans de répression (1982-1990), de milliers de cas dassassinats politiques, de « disparitions », de tortures et de détentions arbitraires. Habré, qui vit aujourdhui en exil au Sénégal, a été inculpé en 2000 par un tribunal sénégalais de complicité de crimes contre lhumanité, dactes de torture et de barbarie avant que la Cour de Cassation du Sénégal ne déclare quil ne pouvait être jugé au Sénégal. Habré fait aujourdhui lobjet dune procédure dinstruction devant les tribunaux belges pour des accusations similaires. Au Tchad toutefois, 15 ans après qu Habré nait été évincé du pouvoir, ses victimes attendent toujours que le gouvernement tchadien et la société tchadienne reconnaissent leur souffrance et les épreuves quelles ou leurs familles ont endurées. Une Commission dEnquête nationale établie par lactuel président Idriss Déby a recommandé, dès 1992, que des poursuites soient engagées contre ceux qui ont participé aux crimes du régime. La Commission a aussi demandé que les anciens responsables des organes répressifs, notamment de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), soient écartés de leur fonction dans lappareil sécuritaire de lEtat et que des mesures soient prises à la mémoire des victimes. Ces recommandations de la Commission dEnquête sont toutefois restées lettres mortes. En effet :
De plus, aucune réparation matérielle na été accordée aux victimes alors que la Commission dEnquête a estimé le sombre bilan des années Habré à « plus de 40 000 victimes, plus de 80 000 orphelins, plus de 30 000 veuves et plus de 200 000 personnes se trouvant, du fait de cette répression, sans soutien moral et matériel »1. Depuis plusieurs années, le gouvernement tchadien a apporté son soutien aux procédures légales engagées contre Hissène Habré à létranger, en coopérant avec la visite du juge belge à NDjaména dans le cadre de la commission rogatoire internationale, en donnant aux victimes un accès aux archives de la DDS et en levant limmunité de juridiction de Hissène Habré. Aussi important et essentiel quil soit, le jugement de Hissène Habré par un tribunal étranger ne garantira quune justice partielle aux victimes de son régime. Un tel jugement ne permettra pas à la société tchadienne daffronter complètement son passé afin den finir définitivement avec celui-ci. Les mesures nécessaires et complémentaires de la part du gouvernement tchadien nont, cependant, toujours pas été prises. [1] Les crimes et détournements de lex-Président Habré et de ses complices, Rapport de la Commission dEnquête Nationale du Ministère tchadien de la Justice, Éditions LHarmattan (1993), p.97.
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