<<précédente | index | suivant>> LES CONSEQUENCES HUMANITAIRES DU CONFLITOutre la crise des droits humains en cours au Darfour et ses répercussions au Tchad même, les craintes sont réelles de voir la situation se détériorer dramatiquement au plan humanitaire si rien nest rapidement entrepris pour enrayer la crise alimentaire potentielle qui couve au Tchad et au Darfour. La survie au Darfour résulte dun équilibre précaire, avec une marge étroite : aussi les communautés ont-elles fini par adopter des mécanismes complexes qui leur permettent de surmonter une saison de sécheresse ou de mauvaises récoltes ; mais une seconde saison de récoltes manquées, brûlées ou pillées peut placer les familles à la limite de la survie. Même si elles souhaitent aider les déplacés, les communautés voisines possèdent rarement suffisamment de ressources pour leur fournir des vivres à long terme. A lheure actuelle, près dun million de personnes 25 à 30 % de la population estimée du Darfour ont été chassées de leur foyer et de leurs champs par la force et ont perdu pratiquement tous leurs biens, notamment leur bétail et leurs récoltes. A lintérieur de chaque groupe ethnique, la majorité a été dépouillée de ses biens ou obligée de les vendre et va désormais dépendre de laide. Les agences humanitaires, cependant, nont pas accès à lessentiel des populations dans le besoin au Darfour. Des dizaines de villes à travers le Darfour ont doublé ou triplé en population sous lafflux de villageois et de ruraux déplacés qui arrivent avec de maigres biens et qui, même quand ils avaient réussi à en sauver une partie ou quelques têtes de bétail, sen font dépouiller au fil des raids incessants et dans les campements de déplacés. Mais des temps plus difficiles encore attendent les déplacés. Ils nauront probablement aucune récolte en 2004. Il est hautement improbable que les communautés déplacées soient à même de rentrer chez elles et de semer, la guerre et linsécurité perdurant dans les zones rurales et compte tenu de lampleur des destructions des habitations et des points deau, du manque de graines et doutils. Or, à moins quelles ne rentrent chez elles à temps pour semer à la saison nouvelle, à savoir entre avril et juin 2004 au plus tard, la récolte doctobre 2004 sera considérablement réduite et son résultat plus quincertain. Dans les quelque régions du Darfour où les humanitaires ont pu se rendre au début 2004, des taux de malnutrition sévère était déjà évidents chez les enfants déplacés de moins cinq ans dans certaines de ces zones.91 La condition des enfants de moins de cinq ans est toujours un indicateur des crises alimentaires potentielles ; les enfants sont les premiers à pâtir quand les conditions se détériorent. Si la situation alimentaire na pas encore atteint le stade de lurgence à grande échelle, des centaines denfants mal nourris se présentent déjà dans les centres de nutrition humanitaires. La situation des réfugiés au Tchad, meilleure en terme de sécurité, est cependant également inquiétante non pas en raison dun manque de volonté politique du Gouvernement de répondre aux besoins mais parce que la communauté internationale na pas honoré ses promesses daide immédiate. Les appels de lONU à financer les opérations humanitaires au Tchad sont largement restés sans écho, bien que le Gouvernement des Etats-Unis ait promis récemment 7 millions de dollars, ce qui est tout à fait bienvenu.92 Il est également très compliqué dapporter une aide humanitaire adéquate sur un terrain aussi difficile, que ce soit au Tchad ou au Darfour. Le manque dinfrastructures dans la région combiné à limminence de la saison des pluies va rendre laccès aux populations déplacées encore plus compliqué quil ne lest déjà. Les distributions daide de première nécessité comme la nourriture relèvent dun véritable défi et si le Programme alimentaire mondial a commencé ses livraisons par voie aérienne aux réfugiés de la frontière tchadienne,93 ces opérations par voie aérienne coûtent notoirement très cher. Le traumatisme subi et les mauvaises conditions de vie supportés par de nombreux déplacés devraient sonner lalerte, comme les agences de lONU et dautres agences humanitaires ont commencé à le faire.94 Lhistoire a montré au Darfour que dans de telles conditions, des communautés entières peuvent succomber à la famine si une intervention adéquate et rapide nest pas entreprise. [91] Nutritional screening reveals alarming indicators in Darfur, western Sudan, Médecins sans Frontières, Amsterdam, 10 mars 2004. [92] Jolie donates to Chad emergency, urges others to follow suit, UNHCR, Genève, 9 mars 2004. Le HCR a lancé un appel au financement de 20,7 millions de dollars et en avait reçu 7,5 millions au début mars 2004. [93] As conditions deteriorate, WFP airlifts food aid into DarFour, communiqué de presse du Programme alimentaire mondial, 17 février 2004. [94] Soudan: la crise humanitaire empire au Darfour, selon les agences de lONU, New York, 30 mars 2004.
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