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RESUME

Les milices soutenues par le Gouvernement du Soudan commettent des crimes contre l’humanité dans le Darfour, province de l’ouest du Soudan, en représailles à l’apparition, il y a un an, d’une insurrection armée. L’escalade de la violence au cours des trois derniers mois menace de transformer ce qui n’est encore qu’une crise humanitaire et une crise des droits humains en une famine et une catastrophe humanitaire entièrement provoquées.

Pour attaquer les rebelles, le gouvernement du Soudan et les milices arabes qui lui sont affidées, les janjawids, recourent aux bombardements aériens aveugles, aux raids des troupes et de miliciens, refusent le passage de l’aide humanitaire et mettent en œuvre au Darfour une stratégie fondée sur les meurtres à caractère ethnique, les viols et les déplacements forcés de populations civiles.

Les communautés africaines ou non-arabes que sont les Four, les Massalit et les Zaghawa, dont sont issus les rebelles, ont été les cibles principales de cette campagne de terreur menée par le gouvernement.  Près d’un million de civils du Darfour ont été contraints de fuir leurs maisons au cours des quatorze derniers mois et nombre d’entre eux ont perdu des proches, du bétail et tous leurs biens.

Les milices janjawids sont issues des groupes arabes nomades. Leurs incursions armées dans les pâturages et contre les troupeaux des Africains Zaghawa, Massalit et Four ont, au fil des années, amené les communautés visées à se constituer en groupes d’autodéfense quand elles ont compris que le Gouvernement soudanais ne les protègerait pas. Au lieu d’apaiser les esprits, les autorités soudanaises n’ont cessé d’accroître leur soutien aux assaillants arabes. Khartoum a recruté plus de 20.000 janjawids en uniformes qu’il paie, arme, habille et avec lesquels il mène des opérations conjointes, se servant de ces milices comme d’une force contre-insurrectionnelle.

Même si nombre des atrocités sont commises par les janjawids, le Gouvernement soudanais s’en fait le complice et peut en être tenu pour hautement responsable dans la mesure où la politique militaire qu’il mène a abouti à la perpétration de crimes contre l’humanité.

Les deux groupes rebelles présents dans le Darfour – l’Armée/Mouvement pour la libération du Soudan (A/MLS) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) – expliquent qu’ils veulent en finir avec des décennies d’une discrimination qui se traduit, selon eux, par une marginalisation politique et un abandon économique des populations africaines du Darfour de la part des gouvernements fédéraux successifs à Khartoum.  En réponse à la rébellion, les forces gouvernementales et leurs milices arabes alliées conduisent une politique de la terre brûlée qui a déjà vidé des centaines de villages de la région, le plus souvent incendiés, afin de priver les rebelles de toute base de soutien potentiel.

Plus de 110.000 Zaghawa et Massalit ont fui vers le Tchad voisin et au moins 750.000 personnes, essentiellement des Four, sont à ce jour déplacées à l’intérieur du Darfour, exposées en permanence au risque de raids des miliciens qui violent, attaquent, enlèvent et tuent les civils en toute impunité. Les attaques sont incessantes et le nombre de déplacés ne cesse d’augmenter.

Malgré la prise de conscience nationale et internationale des atrocités commises au Darfour, le Gouvernement du Soudan a toujours nié la réalité de la situation et refusé d’apporter aide et protection aux populations affectées. Malgré les appels de la communauté internationale, emmenée par les Nations Unies, leur demandant de mettre un terme aux abus et de protéger les villages visés et les populations déjà déplacées, les forces gouvernementales continuent de recruter de nouveaux miliciens, de déplacer les civils et d’incendier les villages.

Le recrutement par le gouvernement des milices janjawids, leur armement et le soutien dont elles bénéficient ont édifié et considérablement accru la polarisation ethnique dans le Darfour. Les janjawids sont en outre encouragées par l’impunité et la liberté avec lesquelles elles pillent, violent, volent et occupent les terres laissées à l’abandon après leurs raids, n’hésitent pas souvent à mener des attaques de l’autre côté de la frontière, en territoire tchadien, qui accueille déjà plus de 110.000 réfugiés du Darfour.  Le Tchad, où résident aussi des Zaghawa, des Massalit et des groupes de population arabes impliqués dans le conflit du Darfour, est éclaboussé par ce conflit que ses victimes considèrent comme une campagne pour les éliminer en raison de leurs origines ethnique et raciale.

La stratégie poursuivie par le Soudan risque maintenant de déstabiliser la région et de mettre en péril les pourparlers de paix en cours depuis 2002 et destinés à mettre fin à plus de vingt ans de guerre dans le sud du Soudan où, là encore, les mêmes stratégies poursuivies par Khartoum - déplacements forcés, politiques de la terre brûlée et armement de milices - ont réprimé les populations au-delà de ce qu’elles pouvaient endurer.

Si ces abus ne prennent pas fin immédiatement, les conséquences humanitaires et sur les droits humains dans le Darfour, déjà graves, vont encore empirer. La sécurité alimentaire, traditionnellement précaire dans le Darfour, est d’ores et déjà gravement affectée par les événements et avec plus de 750.000 déplacés – l’essentiel de la population agraire de la région – les récoltes cette année ne vont pas manquer de décliner.  De plus en plus de signes font redouter au Darfour une famine due à l’homme si aucune intervention n’est enclenchée, ce qui ne ferait qu’ajouter des milliers d’hommes, femmes et enfants au nombre indéterminé des victimes dont le Gouvernement du Soudan porte déjà la responsabilité.



index  |  suivant>>Avril 2004