Rapports de Human Rights Watch

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IV. Les obstacles a la justice pour les crimes de violence sexuelle

Les poursuites pour génocide dans le système juridique rwandais

Contexte général

Le génocide de 1994 a décimé un système judiciaire national déjà fébrile. A la fin du génocide, le personnel judiciaire rwandais ne comptait plus que vingt personnes responsables des enquêtes criminelles et il ne restait que dix-neuf avocats.37 Les 448 juges affectés dans les tribunaux nationaux en 1997 étaient mal formés et représentaient environ la moitié du nombre de juges en poste avant le génocide.38 Depuis 1994, la justice se trouve confrontée à la perspective peu réjouissante de devoir juger plus de 120.000 personnes accusées de crimes liés au génocide.

Les douze cours de province, appelés tribunaux de première instance, jugent la plupart des dossiers civils et criminels, notamment ceux concernant les actes de violence sexuelle.39 Le génocide, les crimes contre l'humanité et autres crimes commis en lien avec le génocide relèvent de la juridiction des chambres spécialisées des tribunaux de première instance et des tribunaux militaires.40 Bien qu'ayant été dissolues en 2001, ces chambres continuent à statuer sur les dossiers de génocide qui ont été renvoyés devant les tribunaux de première instance avant le 15 mars 2001.

Une loi datant de 2000 a établi une force de police civile nationale, démantelant la gendarmerie et créant la Police nationale rwandaise (PNR).41 Il existe des unités territoriales de la PNR aux niveaux régional et provincial. Les unités provinciales de police gèrent les commissariats de police et les postes de police moins importants au niveau des secteurs. Les officiers de police judiciaire attachés à la Division des enquêtes criminelles mènent les enquêtes au niveau des quartiers généraux, des provinces et des commissariats et transfèrent les dossiers, une fois qu'ils sont complets, au bureau du procureur concerné en vue de l'inculpation et des poursuites.

La législation régissant les procès pour génocide et la gacaca

 Deux lois ont façonné les procédures de poursuites devant la justice du pays pour les événements de 1994. Une troisième loi, adoptée en juin 2004, vient de modifier ce système. La Loi organique du 30 août 1996 sur l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité (Loi relative au génocide) a établi quatre catégories de contrevenants pouvant faire l'objet de poursuites: la première catégorie englobe les organisateurs ou leaders du génocide, les meurtriers de grand renom et les personnes qui ont commis des “actes de torture sexuelle”; la deuxième catégorie les auteurs ou complices de meurtres ou de graves violences; la troisième catégorie les personnes qui ont commis de graves violences sans intention d'entraîner la mort; et la quatrième catégorie ceux qui ont commis des infractions contre les biens.42 Les personnes accusées de crimes relevant de la première catégorie sont passibles d'une peine d'emprisonnement à vie ou de la peine capitale.43

En 2001 pour faire face au retard judiciaire, plus de 100.000 personnes étant détenues sous l'inculpation de génocide,44 le gouvernement rwandais a adapté un mécanisme de résolution communautaire des conflits, connu sous le nom de gacaca, afin de mener les poursuites pour génocide. Ce processus vise à une participation populaire active lors des audiences publiques pour faciliter l'expression de la vérité, la désignation des coupables et la réconciliation nationale.45 La Loi organique du 26 janvier 2001 portant création des “Juridictions Gacaca” et organisant la poursuite des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 (Loi de 2001 relative à la gacaca) a remplacé la Loi relative au génocide. La loi de 2001 a élargi la première catégorie, celle dont relèvent les crimes les plus graves, pour y inclure le crime de viol46 et a mis en place quelque 11.000 juridictions gacaca aux différents niveaux administratifs — cellule, secteur, district et province.47

Les juridictions gacaca statuent sur les cas de génocide qui n'ont pas été transmis par les bureaux des procureurs aux tribunaux de première instance avant le 15 mars 2001. Au niveau de la cellule, il existe sept étapes avant le procès proprement dit.48 Lors de la sixième étape, les témoins peuvent comparaître publiquement devant l'assemblée ou à huis clos devant les accusés et le panel de juges gacaca.

Au terme de la septième étape, les juridictions gacaca renverront les accusés de la première catégorie, notamment les auteurs de viol ou de torture sexuelle, devant les tribunaux de première instance pour y être jugés. Tous les autres accusés seront jugés devant des juridictions gacaca. En juin 2002, les procédures ont débuté dans quatre-vingt juridictions gacaca de cellule couvrant douze secteurs, un dans chacun des douze districts pilotes.49 En novembre 2002, le programme pilote a été étendu à 118 secteurs dans les 106 districts du Rwanda.50 Il a rencontré de nombreuses difficultés, comme le manque de participation des membres des communautés;51 l'absentéisme et le manque d'engagement des juges gacaca; et la réticence des témoins potentiels qui craignaient des actes de représailles.52 A la mi-juin 2004, la gacaca était appliquée sur tout le territoire national avec le lancement des procédures préliminaires au procès dans les 9.201 juridictions de cellule, devant être suivies par les procès devant les tribunaux de première instance et les juridictions gacaca au niveau des cellules et des secteurs.53 Les procès n'ont pas encore débuté.

Aux termes de la Loi relative au génocide et de la Loi de 2001 relative à la gacaca, les personnes accusées de génocide ou des crimes liés au génocide et relevant des deuxième, troisième et quatrième catégories peuvent bénéficier d'une réduction de peine considérable si elles recourent à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité conformément aux dispositions de la loi relative à la gacaca. En vertu des réformes introduites en 2004 (voir plus loin l'analyse de la Loi de 2004 relative à la gacaca), les accusés d'infractions relevant de la première catégorie qui passent aux aveux peuvent également bénéficier d'une réduction de peine.54 Depuis 1997, le gouvernement cherche à s'attaquer au problème des établissements pénitentiaires surpeuplés en libérant certains accusés qui ont avoué leur crime. Une instruction émanant de la présidence en janvier 2003 a abouti à la libération provisoire de plus de 20.000 détenus en mai 2003. Il s'agit plus précisément de détenus n'appartenant pas à la première catégorie et ayant avoué leurs crimes, de détenus qui étaient mineurs au moment du génocide, de ceux qui étaient âgés de soixante-dix ans ou plus, ou encore de ceux qui étaient gravement malades et qui avaient par ailleurs déjà purgé la moitié des peines applicables pour les crimes concernés.55 Les autorités ont libéré ces détenus sous certaines conditions, notamment la possibilité d'être à nouveau accusés devant les juridictions gacaca de cellule pour des crimes qu'ils n'avaient pas avoués. Depuis juin 2004, les prisons rwandaises et les cachots communaux abritent quelque 83.800 personnes. Environ 77.000 d'entre elles sont inculpées de génocide. Au moment où les recherches ont été menées aux fins du présent rapport, les autorités avaient annoncé que de 15.000 à 25.000 autres détenus seraient libérés en août 2004 dans le cadre du programme de libération provisoire mais à la fin août, aucun prisonnier n'avait été remis en liberté.

Pour les nombreux détenus dont l'inculpation repose sur peu ou pas de preuves, la politique de libération provisoire permet de mettre fin à la longue période de violation de leurs droits à une procédure équitable. Les rescapées d'actes de violence sexuelle réagissent différemment à la libération ou à la possible libération des détenus accusés de les avoir violées pendant le génocide.56 Certaines femmes se sentent davantage poussées à dénoncer le viol. D'autres expliquent que le fait de voir les auteurs présumés des violences, qui sont depuis lors retournés dans leurs communautés, les a encore plus traumatisées et empêchées d'entamer des poursuites. B.R., de la province de Gitarama, a raconté que deux de ses agresseurs présumés avaient été libérés de prison et avaient réintégré sa communauté en mai 2003.57 Traumatisée et effrayée par ses rencontres avec les hommes qui lui ont rendu visite pour proposer d'acheter son silence à propos du viol, B.R. a par la suite abandonné sa mère et ses frères et sœurs pour aller habiter dans un autre district. Certaines victimes ont déclaré à Human Rights Watch que la politique de libération provisoire avait mis à mal la confiance qu'elles avaient dans le système judiciaire.58

Divers événements —notamment la formation des juges gacaca, la révision de la loi relative à la gacaca et l'organisation de travaux d'intérêt général pour les détenus bénéficiant d'une commutation de peine— ont reporté à la mi-juin 2004 la mise en œuvre du processus gacaca au niveau national.59 Ces grands retards ont abouti à une perte de confiance dans le système judiciaire et à un sentiment de résignation chez beaucoup de victimes de violences sexuelles. A la mi-juin 2004, une nouvelle loi (Loi de 2004 relative à la gacaca) a restructuré le système gacaca, éliminant les juridictions gacaca de district et de province; réduisant de dix-neuf à neuf le nombre de juges gacaca dans chaque juridiction; supprimant la quatrième catégorie et élargissant les première, deuxième et troisième catégories; et établissant de nouvelles sauvegardes pour les victimes de viol. Aux termes de la nouvelle loi, les victimes de viol disposent maintenant de trois options pour témoigner en privé devant les juridictions gacaca; ces mécanismes sont analysés plus loin dans le présent rapport. La loi interdit également aux personnes d'avouer publiquement avoir commis un viol afin de protéger l'identité de la victime présumée.

Les dossiers de violence sexuelle dans les procès pour génocide et les procédures gacaca

En raison de la prévalence élevée des actes de viol et autre violence sexuelle commis lors du génocide de 1994, le Rwanda est une bonne illustration à la fois des possibilités et des obstacles qui se présentent après le conflit à l'échelle nationale pour traduire en justice les coupables des crimes de violence sexuelle. L'expérience rwandaise dans le domaine de la justice rendue après le conflit pour les actes de violence sexuelle offrira un point de comparaison utile avec d'autres pays de la région où les combattants ont fréquemment recouru au viol et autre violence fondée sur le genre comme arme de guerre, en particulier la Sierra Leone, le Libéria, la Côte d'Ivoire, la RDC, le Soudan et le Burundi. Au Rwanda comme dans d'autres pays, le principal moyen pour poursuivre et punir les auteurs de viol et autres crimes est de passer par le système judiciaire national. La vaste majorité de ceux qui ont perpétré sur le terrain les actes de violence sexuelle, les meurtres et autres délits étaient des acteurs subalternes et non les instigateurs du génocide qui, eux, relèveraient de la compétence du TPIR.

Les procès pour génocide avec inculpation pour viol

Human Rights Watch a interrogé des femmes60 d'âges et de milieux variés qui avaient subi des actes de violence sexuelle pendant ou depuis le génocide et a examiné les jugements rendus lors de procès ayant eu lieu pendant les deux périodes. Un nombre exceptionnellement réduit d'actes de violence sexuelle commis pendant le génocide ont été poursuivis au niveau national. De décembre 1996 à décembre 2003, les tribunaux de première instance et les tribunaux militaires ont jugé 9.728 personnes61 accusées de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes qui y sont liés. Human Rights Watch a consulté de nombreuses sources62 pour recueillir des informations sur les poursuites et jugements pour génocide et a étudié plus de 1.000 jugements couvrant une large gamme de crimes. Parmi tous ces cas, seuls trente-deux incluaient des inculpations de viol ou de torture sexuelle. En dehors de ces jugements, trois cas faisaient encore l'objet d'une instruction au niveau du bureau du procureur, étape préliminaire avant le renvoi devant le tribunal de première instance pour le début du procès.63 Bien que n'étant pas exhaustive, cette étude illustre bien les affaires de génocide qui ont été traitées devant les tribunaux provinciaux et militaires. Human Rights Watch a également examiné dix-huit jugements rendus dans des dossiers de viol datant de la période 2000-2003 dans les provinces de Butare, Gitarama et Nyamata. Ces décisions sont analysées plus loin dans le présent rapport.

L'examen des jugements pour génocide a révélé la rareté des poursuites intentées pour actes de violence sexuelle commis pendant le génocide et une sérieuse accumulation des dossiers à traiter qui a provoqué des retards dans les procès pour génocide et a soumis les personnes accusées de génocide —et notamment de viol— à une détention préventive prolongée. Trente-deux des jugements rendus dans dix des onze provinces et dans la ville de Kigali incluaient des inculpations pour violence sexuelle à l'encontre de cinquante et un accusés au total.64 Trente et un accusés ont été condamnés pour viol ou torture sexuelle.65 

Sept femmes résidant dans la province de Gitarama, et qui avaient été violées pendant le génocide, ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles avaient porté plainte pour viol entre 1994 et 2003. Pourtant, nous n'avons relevé que quatre jugements dans la province, aucun ne correspondant à leurs cas, jugements qui incluaient des inculpations pour viol ou torture sexuelle à l'encontre d'un total de quatre accusés. 66 Par ailleurs, huit procès en cours à Gitarama incluent des inculpations pour viol ou torture sexuelle.67 L'absence de procédure légale dans les sept cas susmentionnés est liée à un problème généralisé, le fait que la majorité des détenus soupçonnés de crimes de génocide, et notamment de viol ou de torture sexuelle, restent en prison en attente d'un jugement. Bien qu'aucun des sept dossiers n'aient encore fait l'objet d'un procès, cinq habitantes de Gitarama qui avaient porté plainte pour viol ont annoncé qu'au moins un des hommes qu'elles avaient nommés dans leur déposition était encore en prison. Par contre, le Tribunal de première instance de Nyamata, dans la province de Kigali-rural, a tenu un nombre bien plus élevé de procès pour viols commis pendant le génocide. De 1996 à décembre 2003, quarante-quatre procès terminés incluaient des inculpations de violence sexuelle.68 En dépit de ces variations locales dans le nombre de poursuites pour viol, dues à des différences historiques et démographiques, le nombre de procès pour génocide avec inculpation de viol est infime si l'on considère les dizaines de milliers d'actes de violence sexuelle estimés avoir été commis pendant le génocide.

Pour expliquer la rareté des poursuites pour viol, les procureurs ont principalement invoqué le fait que les victimes ne venaient pas dénoncer les viols. Il faut toutefois noter que le système judiciaire rwandais dissuade cette démarche car il n'offre pas les protections appropriées aux victimes. Comme nous l'expliquerons plus loin, les victimes de viol sont plus susceptibles de se confier à des officiers de police, des procureurs et des juges gacaca de sexe féminin mais les femmes sont mal représentées dans ces groupes. Le personnel du ministère public et les juges n'ont pas été formés pour traiter les cas de violence sexuelle. Les tribunaux ordinaires ne garantissent pas aux victimes de viol la discrétion et la confidentialité. Par ailleurs, dans quelques cas analysés par Human Rights Watch, les autorités n'ont pas donné suite aux plaintes pour viol déposées par des rescapées du génocide. Selon des représentants d'ONG et des victimes, dans la période ayant immédiatement suivi le génocide, il est souvent arrivé que les enquêteurs ne considèrent pas le viol comme une infraction aussi grave que les autres accusations portées contre un même suspect, telles que le meurtre.69

La procédure Gacaca et la violence sexuelle

De même, peu de plaintes pour viol ont été déposées devant les juridictions gacaca pilotes. Lesdites juridictions tiendront des audiences préliminaires pour tous les dossiers de génocide qui n'ont pas été renvoyés par les bureaux des procureurs devant les tribunaux de première instance ou les tribunaux militaires avant le 15 mars 2001, que ces dossiers concernent des actes de violence sexuelle ou d'autres crimes. En dressant la liste des accusés, les juridictions gacaca de cellule ne sont pas tenues par les plaintes déjà déposées par le passé contre des personnes emprisonnées pour génocide ou pour un crime qui y est lié.70 Par conséquent, tous les survivants du génocide, y compris les victimes de violence sexuelle, dont les dossiers n'ont pas été renvoyés devant les tribunaux ordinaires avant la date butoir de 2001 doivent renouveler leurs accusations devant les juridictions gacaca. Etant donné la nature du crime de violence sexuelle et la stigmatisation des victimes, cette procédure est particulièrement difficile pour les victimes de viol qui ont déposé déjà plainte pour viol ou torture sexuelle contre les mêmes détenus immédiatement après le génocide.

Le cas de B.R., victime d'un viol pendant le génocide, met en lumière cette difficulté ainsi que le problème plus large du manque de confiance qu'ont les rescapées du génocide envers les possibilités de recours juridique. Lorsque les chercheurs de Human Rights Watch ont parlé à B.R. à la fin février 2004, elle attendait des nouvelles du bureau du procureur suite à la nouvelle plainte qu'elle avait déposée contre deux hommes pour tenter de les faire à nouveau arrêter, mais elle semblait avoir perdu tout intérêt pour l'affaire. Elle était frustrée et apeurée à la fois, suite aux altercations entre sa mère et les violeurs présumés qui étaient retournés dans la communauté après leur libération.71 Interrogée sur sa participation à la gacaca, elle a répondu:

Je ne pense pas que la gacaca peut arriver à grand chose. Je pense à ma famille, nombreuse, beaucoup d’enfants . . . . Tout le monde a été décimé. Imaginez-vous, il n’y a que trois enfants et maman qui restent. Vous pensez qu’on a la force de se présenter à la gacaca? Ils vont dire “Regarde comme tu es habillée” . . . Je pense qu’on va devenir fous. . . . Il arrive des moments où ma grande sœur et mon frère et maman viennent et on ne fait que pleurer.72

Les témoignages recueillis par les chercheurs de Human Rights Watch ont démontré que les procédures gacaca prévues aux termes de la Loi de 2001 relative à la gacaca ont découragé les femmes de témoigner à propos de leurs expériences de violence sexuelle. En vertu de ladite loi, une victime de viol qui avait choisi de dénoncer un viol auprès d'une juridiction gacaca de cellule pouvait témoigner oralement ou par écrit devant l'assemblée générale, laquelle est composée d'un minimum de 100 membres de la communauté. A l'époque, les règles gacaca exigeaient que le président gacaca (le juge principal au niveau de la cellule) lise le témoignage écrit à voix haute devant l'assemblée.73 Sinon, le plaignant pouvait témoigner à huis clos devant l'accusé et un panel de dix-neuf juges gacaca.74 La présence de vingt personnes privait la victime de toute intimité et de toute confidentialité. Bien que la Loi de 2004 relative à la gacaca ait modifié la procédure du huis clos pour permettre à une victime de viol de témoigner en privé devant un seul juge gacaca, le témoignage à huis clos dans le contexte rwandais offre encore des protections limitées aux témoins. Les procédures gacaca au niveau de la cellule ont lieu dans le cadre d'une petite communauté et les témoignages faits à l'abri des oreilles indiscrètes risquent de n'être un secret pour personne et pourraient donner à penser aux membres de la communauté que la déposition du témoin porte sur un acte de violence sexuelle.

Selon des fonctionnaires du gouvernement et des représentants d'ONG, les juridictions gacaca de cellule ont traité peu de cas de violence sexuelle, partiellement en raison de l'insuffisance des protections procédurales prévues par la loi de 2001 qui décourageait les femmes de venir déposer.75 Une représentante d'une ONG rwandaise a décrit à Human Rights Watch une audience gacaca à laquelle elle avait assisté en 2002 dans la province de Gitarama et où B.U., une rescapée du génocide, témoignait devant l'assemblée.76 A la fin de son témoignage, B.U. a déclaré “Il y a autre chose que je ne peux pas dire ici.” La représentante a interrogé B.U. en privé et elle lui a raconté qu'elle avait été violée. Craignant la réaction du public, elle a exprimé le souhait de parler en privé avec les juges gacaca. Depuis le lancement du programme pilote en juin 2002, 581 juridictions gacaca dans dix provinces ont enregistré quelque 134 cas de viol ou de torture sexuelle, contre environ 3.308 cas de crimes de violence non sexuelle, tels que le meurtre, l'agression ou le pillage, dénoncés devant les mêmes juridictions.77

Obstacles à la dénonciation des actes de violence sexuelle

"[Nous] qui avons subi le crime de viol, nous avons peur que la personne à qui on raconte cette histoire ne la révèle à d’autres. Devant le tribunal, à qui vais-je m’adresser? Qu’ils soient punis si on parvient à punir mais sinon c’est au Seigneur [de les juger].”
S.K., district de Kanzenzi, le 20 février 2004.

De sérieux obstacles restent à surmonter pour dénoncer, instruire et poursuivre les cas de violence sexuelle. Nos recherches ont révélé que, dans les cas de viol commis pendant le génocide, certaines barrières à la justice remontaient au contexte particulier d'avril-juillet 1994, un contexte de violences massives et de désordre social ayant eu un impact sur les mécanismes nationaux de désignation des coupables. D'autres difficultés plus générales persistent dans les cas de viol plus récents et elles reflètent notamment l'absence de définition du viol et autres lacunes dans les textes de loi; des faiblesses généralisées au sein de la police, du ministère public et de l'appareil judiciaire; et des obstacles culturels et sociaux. Ce chapitre traite des barrières qui se dressent pour dénoncer les cas de viol, principalement des problèmes de preuves et des protections procédurales insuffisantes pour atténuer la stigmatisation et empêcher de raviver le traumatisme des victimes de viol.

Les victimes préoccupées par le manque de preuves

Dans les cas de viol ou autres infractions criminelles, les autorités ont l'obligation d'enquêter à propos des plaintes et elles ont la charge de prouver la culpabilité des accusés. Pourtant, certaines Rwandaises croyaient qu'elles devaient assumer cette responsabilité. Des femmes qui avaient été violées pendant le génocide ont expliqué qu'elles n'avaient pas dénoncé de suite les agressions ou n'envisageaient pas de témoigner devant les juridictions gacaca car elles ne pourraient pas identifier ou localiser les violeurs présumés, elles pensaient qu'un ou plusieurs de ces hommes étaient décédés depuis lors ou elles craignaient que leurs plaintes ne soient rejetées à cause d'un manque de preuves matérielles ou de l'absence de témoins de l'attaque.78 J.B., une habitante de la province de Gitarama, violée par deux hommes lors du génocide en présence de ses trois enfants, a expliqué à Human Rights Watch : “Ma plus grande douleur, [c’est] que je ne peux pas les connaître. . . Si je les connaissais, ils seraient connus, ils seraient punis. . . J’aurais osé les dénoncer.”79 W.K, une autre habitante de Gitarama, violée par plusieurs Interahamwe à un barrage routier, nous a déclaré “Je n'ai pas dénoncé le viol car je ne connais pas le nom de ceux qui ont fait cela. Si je les connaissais, je les aurais accusés.”80 Dans un rapport, l'ONG internationale Penal Reform International cite la déclaration d'une rescapée d'un viol à propos de la question du témoignage gacaca: “Le viol n’était pas fait nécessairement en public, comment acceptera-t-on le témoignage de la victime sans qu’il y ait quelqu’un qui ait vu? Comment fera-t-on quand le coupable plaidera non coupable?”81 Par ailleurs, plusieurs victimes de viol et des représentants d'organisations de rescapées et autres ONG ont expliqué à Human Rights Watch qu'un grand nombre de viols n'avaient pas été dénoncés car les victimes avaient été tuées pendant le génocide ou étaient décédées du VIH/SIDA depuis lors.

Il en va de même pour les violences sexuelles commises après 1994. Certaines victimes de viol n'ont pas dénoncé les faits car elles ne pouvaient pas identifier leurs agresseurs ou elles les connaissaient mais elles ne disposaient pas de preuves matérielles ni de témoins. L'une de ces femmes, C.M., a tout d'abord été violée dans la cellule où elle résidait avec sa famille et elle a ensuite déménagé dans la ville la plus proche où elle s'est prostituée. Elle ne connaissait pas son premier agresseur et a déclaré avoir, depuis lors, été violée six fois en l'espace de plusieurs mois par des inconnus, la nuit dans la rue. Elle a expliqué que plusieurs de ses collègues avaient fait l'objet du même type d'agressions.82 Une autre femme, J.T., a été enlevée en 2000 et séquestrée par un homme qui l'a violée à maintes reprises. Elle a déclaré à Human Rights Watch: “Je ne suis pas allée à la police car je ne connaissais pas son nom et je ne savais pas d'où il venait. Si j'avais su, je serais allée trouver les autorités.”83

Stigmatisation, nouveau trauma et protections procédurales insuffisantes pour les témoins

Le contexte sociétal de stigmatisation des victimes de viol

Presque toutes les victimes de viol que nous avons interrogées ont reconnu l'importance de la justice et de la désignation des coupables des violences sexuelles mais elles étaient découragées par les obstacles sociaux et procéduraux à surmonter pour dénoncer le crime à la police, au bureau du procureur ou, plus récemment, devant les juridictions gacaca. Les personnes qui ont vécu une expérience de violence sexuelle sont vulnérables au sentiment de honte, de dépression et de stigmatisation. Les entretiens de Human Rights Watch avec des femmes qui ont été violées lors du génocide, ainsi qu'avec des représentants d'ONG, des responsables gouvernementaux et des conseillers psychologiques, font ressortir plusieurs préoccupations relatives à l'isolement, la stigmatisation des victimes de viol et des personnes souffrant du VIH/SIDA et la persistance des traumatismes. Ce chapitre traite de la situation des femmes violées pendant le génocide et compare ensuite leurs expériences avec celles des victimes récentes.

S.I., une habitante de la province de Kigali-rural, a été violée par quatre Interahamwe pendant le génocide. Son entretien avec les chercheurs de Human Rights Watch était la seconde opportunité pour elle de discuter de son expérience (elle en avait parlé une première fois avec une conseillère psychologique et représentante d'une organisation de rescapées). Elle ne l'avait pas dit à son mari qui avait survécu au génocide. Cela s'explique en partie par le fait qu'elle était envahie d'un sentiment de honte, sentiment qui était évident lors de notre entretien et qui se manifestait par sa tendance à se reprocher les faits: “Depuis longtemps, j’ai toujours haï le pêché d’adultère. Le fait que ça m’est arrivé, c’était un grand choc. Je pense que le révéler ne m’amènerait rien.”84

Certaines victimes de violences sexuelles subies lors du génocide ont expliqué que le sentiment de honte et la crainte d'être rejetées par la communauté les avaient empêchées de dénoncer les agressions à la police ou aux procureurs immédiatement après le génocide. Un petit nombre de ces femmes avaient accusé leurs violeurs présumés de meurtre mais elles avaient préféré ne pas révéler le viol. D'autres n'avaient jamais porté plainte pour viol ou autres faits de peur d'être stigmatisées ou par manque de connaissance de leurs droits, et la plupart souffraient d'un traumatisme persistant et craignaient que la révélation des faits ne conduise à leur rejet par les membres de leur famille ou de la communauté. Une femme, violée par un soldat de l'APR et forcée de l'épouser, a dit qu'elle ne lui reprochait pas d'avoir abusé d'elle car il avait agi par amour et ne l'avait pas abandonnée.85 Comme le montrent les cas de S.I. et des autres victimes, les victimes qui cherchent à dénoncer les abus ont besoin d'interlocuteurs formés et compréhensifs, de protections procédurales efficaces et d'informations sur la disponibilité de ces protections.

Le caractère public de la procédure gacaca

A ce jour, la procédure gacaca n'a fait qu'accroître les craintes des femmes de subir une stigmatisation, un rejet de leur communauté et un nouveau traumatisme. Comme nous l'avons décrit plus haut, les témoins peuvent faire leur déposition aux juridictions gacaca par écrit ou à huis clos mais ces protections sont insuffisantes et ne garantissent pas le respect de la vie privée dans le contexte des petites communautés où elles vivent. Par ailleurs, bon nombre de femmes interrogées par Human Rights Watch ignoraient qu'elles pouvaient témoigner à huis clos à propos de leur viol. C.H., qui vit dans la province de Kibungo, dans une cellule proche de la frontière tanzanienne, a dit à Human Rights Watch qu'elle n'était pas au courant qu'elle pouvait témoigner à huis clos au moment où elle a accusé publiquement son violeur présumé lors d'une audience gacaca à la fin 2002.86 Des Interahamwe avaient assassiné son mari dans les premiers jours du génocide. Prétendant la “protéger,” elle et ses enfants, un voisin l'avait violée à maintes reprises en l'espace de plusieurs semaines. Le fils du voisin avait également violé la fille de C.H. Après que C.H. ait renouvelé son accusation devant l'assemblée gacaca, le président de la juridiction gacaca de cellule a lu une lettre rédigée par le violeur présumé qui se trouvait en prison pour viol, meurtre et pillage. La lettre accusait C.H. et une autre femme de conspiration pour émettre de fausses accusations à son égard. C.H. a déclaré à Human Rights Watch qu'après la lecture de la lettre, les membres de l'assemblée se sont mis à chuchoter et à discuter. Certains l'ont accusée d'avoir menti; d'autres ont appuyé sa version des faits. C.H. a dit à Human Rights Watch: “J'aurais préféré témoigner à huis clos parce qu'après que j'ai parlé devant l'assemblée, [les membres de la communauté] n'ont fait que rire et chuchoter.”87

De même, W.K., une habitante de Gitarama violée pendant le génocide, a décrit l'attitude des membres de la communauté lors des audiences locales gacaca auxquelles elle a assisté et où d'autres femmes témoignaient à propos de leur viol: “Certaines personnes dans le public murmuraient que les femmes mentaient mais je sais que c'est vrai.”88 Dans le contexte de stigmatisation sociétale des victimes de violences sexuelles, le débat public qui caractérise la procédure participative de la gacaca expose les victimes qui témoignent à l'humiliation publique et risque de décourager les dénonciations des actes de violence sexuelle.

Ignorant ou excluant les possibilités offertes par la gacaca de témoigner par écrit ou à huis clos, la majorité des femmes interrogées par Human Rights Watch semblaient considérer la procédure comme nécessairement publique et craignaient qu'en dévoilant les faits dans le cadre du système actuel, elles ne s'exposent à la stigmatisation, aux reproches ou au ridicule devant les membres de leurs communautés, particulièrement les assemblées générales gacaca au niveau des cellules.89 Comme l'illustre l'attitude d'E.G., une habitante de la province de Gitarama, des traumatismes chroniques affectent certaines femmes et les dissuadent de témoigner. E.G., qui est séropositive, a été violée par plusieurs Interahamwe et suite à ce viol collectif, elle a mis au monde un enfant après s'être réfugiée au Congo (le Zaïre à l'époque).90  Interrogée sur son possible témoignage aux audiences gacaca, E.G. a répondu:

Est-ce qu’on va même pouvoir témoigner? Avoir la force de se mettre devant les gens et dire que tel m’a violée? . . . C’est difficile d'affronter celui qui t’a violée [lorsqu’il] a une famille, [alors que] tu es seule, tu n’as personne qui te soutient.91

Par contre, une autre femme a parlé positivement de son expérience lorsqu'elle a dénoncé publiquement le viol devant la juridiction gacaca. Le cas de Y.K., de la province de Gitarama, montre que certaines femmes surmontent leur crainte à propos de l'attitude de la communauté car elles souhaitent que les coupables répondent des actes qu'ils leur ont fait subir.92 Y.K. a été violée à deux reprises et a déposé plainte pour viol peu de temps après le génocide. Quand elle a renouvelé son témoignage lors d'une récente audience gacaca, l'un des violeurs présumés était présent. Elle a décrit la scène:

Il y avait environ 2.000 personnes présentes. Lorsque j'ai témoigné, les gens ont gardé le silence. J'ai aussi dit plein d'autres choses, notamment à propos d'autres personnes. Les juges n'ont rien dit. J'ai tout dit sans honte. Immédiatement après la guerre, j'étais honteuse et je pleurais toujours. Mais depuis lors, c'est mieux. Les gens m'ont encouragée et les femmes du groupe [un groupe de soutien pour rescapées de viol] m'ont également aidée.93

En dehors des effets fragilisants du traumatisme, la dénonciation d'un viol devant les juridictions gacaca présentent aussi des risques sociaux. Une procureur de province qui a parlé à de nombreuses femmes qui avaient été violées pendant le génocide a expliqué à Human Rights Watch que certaines d'entre elles, surtout les jeunes, considéraient qu'elles étaient “chanceuses” si elles échappaient aux blessures autres que celles provenant directement de l'agression, par exemple au VIH qu'elles pouvaient contracter de leurs agresseurs.94 Souhaitant mener une vie normale et complète, elles hésitent à dénoncer le viol de crainte que cette révélation ne pousse leur mari à les rejeter ou, si elles ne sont pas mariées, qu'elles ne soient plus mariables. La procureur a aussi décrit les cas de trois femmes qui avaient été violées pendant le génocide et qui sont maintenant mariées et ont des enfants. Elles lui avaient confié leurs expériences en privé mais avaient refusé de témoigner devant les juridictions gacaca de crainte que leurs maris ne les abandonnent. Selon une ancienne conseillère pour victimes de viol, de nombreuses femmes redoutent également que la révélation des faits ne conduise d'autres personnes à supposer qu'elles sont séropositives.95 Par conséquent, les femmes les plus susceptibles de témoigner sont celles qui peuvent considérer qu'elles n'ont rien à perdre: les veuves, les femmes dont la communauté sait déjà qu'elles ont été violées, ou les femmes qui sont en train de mourir du VIH/SIDA.96 Plusieurs femmes interrogées par Human Rights Watch qui avaient témoigné par le passé ou qui envisageaient de dénoncer des actes de viol au bureau du procureur ou devant les juridictions gacaca étaient veuves ou se déclaraient séropositives.97

Inversement, d'autres défenseurs des droits humains ont déclaré à Human Rights Watch que certaines femmes gravement malades souffraient de dépression et avaient perdu toute volonté de se battre pour que les responsables des abus répondent de leurs actes.98 Le cas de D.K., une veuve de la province de Gitarama qui a une santé fragile car elle souffre du SIDA, en est une bonne illustration.99 En 1994, elle et sa fille fuyaient une attaque lorsqu'elles sont tombées sur un groupe d'hommes armés qui les ont violées. Elles sont toutes deux séropositives et la fille de D.K. a accouché d'un enfant qui est décédé peu après la naissance. Sa fille a refusé de se marier de peur de transmettre la maladie à d'autres personnes. La voix chevrotante, D.K. a expliqué à Human Rights Watch qu'elle avait décidé de ne pas participer à la gacaca: “Ils crient et tu deviens traumatisée, tu commences à pleurer. Si tu te rappelles les faits, tu sens que quelque chose a changé en toi. Une vieille maman comme moi, comment puis-je aller devant les gens et tout dire?”100

Absence de mesures de sécurité et de confidentialité pour les témoins

La Loi de 2001 relative à la gacaca interdit de soudoyer ou d'intimider les témoins et les juges gacaca. Malgré cette protection, les déclarations rassurantes des fonctionnaires gacaca et la présence des Forces de Défense Locales, une milice de volontaires, lors des audiences gacaca, nombreux sont les témoins qui craignent encore les représailles des accusés ou de leurs familles.101 Certaines survivantes du génocide, notamment celles qui avaient été violées, ont dit à Human Rights Watch qu'elles avaient peur de témoigner devant les juridictions gacaca et ont fait allusion à des actes de violence qui auraient été perpétrés contre des témoins gacaca en 2003. Penal Reform International a souligné que les victimes de viol, dont le témoignage gacaca peut conduire à une peine d'emprisonnement à vie ou à la peine capitale pour les violeurs présumés, font fréquemment l'objet de menaces de la part d'autres membres de la communauté.102

Par ailleurs, la Loi de 2001 relative à la gacaca et ses règles procédurales ne demandaient pas explicitement aux juges et aux autorités gacaca de préserver la confidentialité et de ne pas révéler l'identité des témoins, notamment des victimes de viol, qui témoignaient par écrit ou à huis clos.103 Par contre, la Loi de 2004 relative à la gacaca exige que les juges gacaca transmettent “secrètement” la plainte pour viol au procureur compétent.104 Il est indispensable que les juges gacaca appliquent correctement cette disposition.

Le Code de Procédure Pénale ne demande pas non plus que les jugements des tribunaux mentionnent les noms et les informations permettant d'identifier les plaignantes dans les cas de viol. Dans cinquante jugements pour génocide et crimes ordinaires s'étalant de 1997 à 2003, presque tous les procès-verbaux citaient le nom des femmes ou des filles lorsque les prévenus étaient inculpés d'agression sexuelle. Le manque de mesures de confidentialité risque de décourager les victimes de viols commis après 1994 de dénoncer le crime et d'entamer un procès mais il risque aussi de dissuader les femmes violées pendant le génocide et dont les dossiers seront finalement jugés devant les tribunaux de première instance.

Les victimes de viol après 1994: la persistance du stigma et le cycle de la violence

Depuis le génocide, bien que la société rwandaise soit devenue plus sensible au problème de la violence sexuelle, la stigmatisation et le rejet des victimes de viol par leurs familles et leurs communautés continuent à les dissuader de dénoncer les viols. Human Rights Watch a interrogé une femme rejetée par sa famille après avoir admis qu'elle avait été violée. La famille de C.M., âgée de vingt-deux ans, l'a rejetée après qu'elle ait reconnu avoir été violée alors qu'elle était étudiante en 2003.105 L'agression a eu lieu dans la rue, dans la cellule à l'ouest du Rwanda où elle résidait avec sa famille. Elle a déclaré à Human Rights Watch que lorsqu'elle avait parlé du viol à ses parents, “Ils ont décidé de me mettre immédiatement à la porte.” Depuis lors, elle a essayé de retourner chez elle mais sa famille continue de la rejeter.

D'autres femmes n'ont pas dénoncé le crime de crainte d'être ridiculisées ou qu'on leur reproche de ne pas avoir résisté à l'agresseur. D.T., une habitante de la ville de Butare, était une orpheline du génocide âgée de dix-huit ans. Elle a été recueillie par une famille qui lui a donné du travail dans son magasin. En 1999, elle a été violée par un client qui exerçait un autre travail pour le compte de l'employeur de D.T. Elle ne parle jamais du viol: “Je sais que ce n'était pas ma faute mais je suis toujours honteuse parce que si je le disais aux gens, ils se moqueraient de moi.”106 Une autre femme, A.G., âgée de 30 ans et résidant à Kigali, a été violée par un voisin en 1999.107 Au moment des faits, son mari était en prison. Elle n'a pas dénoncé l'agression aux autorités. Comme elle l'explique à Human Rights Watch:

Je pense que cet homme ne peut pas reconnaître son pêché . . . . Même les voisins peuvent refuser de reconnaître le pêché. Ici au Rwanda, on dit que si tu cries pas, tu peux rien faire [par après] parce que tu n’as pas de témoin… L'homme [qui m'a violée] dira, “Pourquoi n'as-tu pas appelé à l'aide?”108

Lorsque les victimes sont adolescentes ou ont passé l'âge de l'adolescence, la tendance de la société à leur faire porter le blâme ouvre la porte à un cycle de violence, un schéma qui est ressorti de nos entretiens avec de jeunes prostituées. Plusieurs d'entre elles ont expliqué que le viol qu'elles avaient vécu les avait poussées à se tourner vers la prostitution, où elles sont devenues d'autant plus vulnérables aux violences sexuelles, physiques et autres. G.N. est une prostituée de vingt ans qui a été violée en 2002 par un policier. Elle dit s'être tournée vers la prostitution après le viol: “ J’étais un bon enfant qui restait à la maison. C’est à cause de ça [du viol] que je suis devenue ‘libre.’”109 Comme nous l'avons décrit plus haut, une autre femme, C.M., a été expulsée de la maison familiale lorsque ses parents ont été mis au courant du viol. Elle est partie en ville où elle a donné naissance à un enfant conçu lors du viol et elle s'est tournée vers la prostitution. Elle dit avoir été violée six fois l'année dernière et a déclaré à Human Rights Watch que la violence sexuelle “arrive à plein d'autres filles.”110 J.T. est une ancienne prostituée de vingt ans.111 En 2000, lorsqu'elle avait dix-sept ans, un soldat l'a enlevée dans la rue, l'a emprisonnée dans une maison et l'a violée à plusieurs reprises; il l'a séquestrée pendant une semaine avant qu'elle n'arrive à s'échapper. Sa sœur aînée l'a rejetée lorsque J.T. lui a appris qu'elle était séropositive. C'est alors que J.T s'est prostituée. Avec le soutien d'une organisation de défense des droits de la femme, elle a depuis lors abandonné la prostitution. Outre les violences sexuelles, les prostituées sont confrontées à d'autres violences physiques. Plusieurs se sont plaintes que les policiers, les militaires et les civils les rouaient de coups régulièrement, parfois avec des bâtons, lorsqu'elles se trouvaient dans la rue.

Les obstacles aux enquêtes et aux poursuites des actes de violence sexuelle

Manque de témoignages et de preuves médicolégales

Le manque de témoignages et de preuves médicolégales entrave gravement les enquêtes et les poursuites dans les cas de violence sexuelle. Comme nous l'avons mentionné antérieurement, de nombreuses femmes violées pendant le génocide n'y ont pas survécu ou elles sont décédées depuis lors du VIH/SIDA ou d'autre chose sans avoir jamais officiellement porté plainte. D'autres victimes hésitent à dénoncer le viol car elles pensent à tort qu'il leur incombe de rechercher les témoins des faits et de fournir les preuves physiques de l'agression. De même, le manque de preuves gêne les efforts faits par les autorités pour traduire les coupables en justice.

Pendant le génocide, il est arrivé fréquemment que des Interahamwe ou des militaires violent des femmes et des filles après avoir tué sous leurs yeux les membres de leur famille.112 Par conséquent, les témoins des actes de violence sexuelle sont rares. Invoquant ce manque de preuves concrètes, plusieurs femmes que nous avons interrogées doutaient qu'elles puissent prouver que l'agression avait bien eu lieu. I.B. a déclaré à Human Rights Watch qu'elle avait envisagé de dénoncer le viol dans la gacaca mais elle avait fini par abandonner cette idée: “J'y ai pensé mais dans la gacaca, il est facile de nier les abus sexuels parce qu'il n'y a pas de témoins.”113

Pendant le génocide, G.R. fuyait en direction de chez elle lorsqu'elle est tombée sur un jeune voisin qui l'a violée. Interrogée pour savoir si elle allait témoigner à la gacaca à propos du viol, elle a répondu à Human Rights Watch: “Le problème, c’est qu’on demande aux gens qui ont été violés d’apporter des preuves tangibles . . . mais comment est-ce que tu peux trouver des preuves tangibles quand tu étais seule avec la personne?”114

Les procédures judiciaires

Dans la gacaca, il n'existe pas de règles concernant les preuves, comme par exemple l'exigence de preuves tangibles d'agression sexuelle. Mais le témoignage de G.R. met clairement en lumière le problème de la facilité avec laquelle les actes de violence sexuelle peuvent être niés, étant donné la disparition, depuis le génocide, des preuves médicales et autres preuves concrètes, et le fait que la procédure de gacaca repose presque exclusivement sur les preuves recueillies antérieurement par le ministère public et sur le témoignage de la victime, de l'accusé et des autres membres de la communauté. Dans les enquêtes et poursuites menées lors d'un viol, les preuves physiques suggérant des relations sexuelles forcées, telles que les ecchymoses, sont passagères et doivent être recueillies immédiatement après l'agression sexuelle. En outre, dans le contexte du génocide rwandais où les femmes et les filles ont souvent été violées après avoir assisté au meurtre des membres de leur famille, rares sont les témoins des violences sexuelles, comme pour les autres crimes liés au génocide. Dans trente-deux jugements rendus de 1997 à 2002 concernant des actes de viol commis pendant le génocide, les tribunaux ont acquitté plusieurs des personnes accusées de viol en raison des preuves insuffisantes. Le tribunal a écarté les accusations de viol contre six prévenus en raison de l'absence de témoignage direct des victimes qui étaient décédées suite au viol. En ce qui concerne sept autres accusés, le tribunal a fait valoir que les témoignages de la victime et des autres témoins ne suffisaient pas pour prouver que les accusés avaient commis un viol.

Dans une enquête normale menée à propos d'un viol, l'absence de témoins pourrait être compensée par des preuves médicolégales indiquant que la victime a été violée et rattachant l'agression à l'accusé au moyen de preuves biologiques.  Il est clair que les examens médicaux des victimes de viol et la préservation des preuves n'ont pas été possibles dans la période d'après génocide. En comparaison avec les violences sexuelles perpétrées pendant le génocide, les cas de viol commis après 1994 bénéficient de plus de témoignages et de preuves médicales. Pourtant, en examinant les jugements rendus de 2000 à 2003 dans les cas de viol commis après 1994, Human Rights Watch a constaté que soit les juges se fondaient sur des conclusions médicales peu solides pour condamner les accusés, soit ils trouvaient ces preuves peu concluantes.

Une avocate des droits des femmes et des enfants a révélé à Human Rights Watch que la plupart des professionnels de la médecine qui effectuaient les examens médicaux dans les cas de viol n'avaient pas de formation spéciale.115 Résultat, a-t-elle expliqué, les rapports médicaux relatifs à des cas de viol ne comportent souvent pas les informations nécessaires, rendant difficile l'évaluation correcte des faits par les juges. Un militant des droits humains familiarisé avec les questions médicales a souligné que les hôpitaux et les centres médicaux rwandais ne disposaient pas d'un protocole uniforme sur la procédure à suivre pour examiner les victimes de viol et s'assurer que les médecins recueillaient les preuves nécessaires pour les enquêtes sur les actes de violence sexuelle.116

Verdicts incohérents en raison de l'absence de définition légale du viol ou de la torture sexuelle

L'absence de définition du viol ou de la torture sexuelle dans le code pénal a conduit à des verdicts incohérents dans les procès pour viol. La majorité des jugements pour génocide et infractions pénales impliquant un viol que Human Rights Watch a examinés ont abouti à la condamnation des violeurs présumés. Les jugements pour génocide utilisaient les termes “viol” et “torture sexuelle” de façon incohérente, indiquant une confusion dans l'esprit des procureurs et des juges. De même, aucun des jugements rendus après 1994 n'invoquent une définition du viol ou de l'attentat à la pudeur.

Le Code pénal rwandais de 1977 interdit l'attentat à la pudeur, le viol, la torture et la torture sexuelle mais il ne définit pas ces actes. Certaines dispositions prévoient une plus longue peine d'emprisonnement pour le viol d'un enfant âgé de moins de seize ans et la peine de mort si la victime décède suite au viol.117 En ce qui concerne la “torture sexuelle,” la disposition applicable semble être l'article 316, qui stipule qu'une personne qui commet “des tortures ou des actes de barbarie” lors d'un crime encourt la même peine que quelqu'un qui commet un meurtre.118 Un examen des jugements rendus dans les procès pour génocide révèle que l'absence de définition du viol dans le Code pénal a semé une grande confusion chez les témoins, les accusés, les procureurs et les juges. Le fait de s'appuyer sur la discrétion judiciaire pour caractériser un acte de violence sexuelle a abouti à des verdicts de culpabilité et à des sanctions incohérents.119 Certains jugements assimilent les actes de viol à des “tortures sexuelles.”120 D'autres jugements que nous avons examinés réservent ce terme pour les actes de mutilation sexuelle ou les viols collectifs.121

En ce qui concerne les femmes et les filles violées en dehors du contexte du génocide, les représentants d'ONG et les prestataires de services de santé ont dit à Human Rights Watch que les femmes déclaraient souvent que leurs maris les forçaient à avoir des relations sexuelles et que bon nombre d'épouses ne savaient pas qu'elles avaient le droit de refuser d'avoir des relations sexuelles avec leur mari. Human Rights Watch s'inquiète du fait que l'absence de définition du viol dans le Code pénal contribue à un manque de sensibilisation au problème et limite le nombre de dénonciations d'abus commis à l'égard des femmes adultes et des filles, qu'ils soient le fait des partenaires ou des époux, de connaissances ou d'inconnus, et à l'égard des personnes appartenant à des groupes marginalisés comme les enfants des rues ou les prostituées. Une conseillère psychologique interrogée par Human Rights Watch a expliqué qu'elle traitait de nombreuses victimes de viol conjugal.122 Beaucoup de partenaires des victimes recourent à la violence physique ou à la contrainte pour les forcer à avoir des relations sexuelles sans protection. Entre autres formes de contrainte, ils les menacent de les priver de nourriture ou de ne plus payer les frais de scolarité de leurs enfants.

Les entretiens que nous avons eus avec un certain nombre de représentants d'ONG et des fonctionnaires de l'Etat dénotaient une tendance générale de la société à minimiser l'incidence de la violence sexuelle à l'égard des femmes adultes. Plusieurs personnes que Human Rights Watch a interrogées soulignaient la rareté des plaintes officielles, elles disaient qu'il y avait de bonnes raisons de ne pas croire les femmes adultes lorsqu'elles dénoncent un viol ou rendaient les femmes responsables des agressions qu'elles dénonçaient.123 Dans un jugement examiné par Human Rights Watch, un tribunal a, à tort, fondé sa décision sur le fait que la victime âgée de seize ans était “adulte” alors qu'aux termes de la Loi rwandaise relative à la protection des enfants,124 du Code Civil rwandais125 et du CRC, il s'agissait d'un enfant. Le tribunal a acquitté la personne accusée du viol au motif que la victime, qui “est une fille majeure qui ne peut pas se laisser tromper par de moindres choses comme les enfants [par le désir de son employeur d'avoir des relations sexuelles avec elle],” était consentante.126

Bien que certaines autorités interrogées par Human Rights Watch aient clairement reconnu le problème de la violence sexuelle à l'égard des femmes adultes,127 deux responsables du gouvernement, qui soulignaient pourtant leur engagement à éliminer la violence sexuelle, ont laissé entendre que les relations sexuelles entre un homme et une femme adulte étaient généralement consensuelles, ou que les femmes adultes, contrairement aux filles, pouvaient facilement se défendre contre les agressions. Le procureur de la province de Gisenyi a dit à Human Rights Watch que le viol de femmes adultes était rare car “une femme adulte participe souvent aux violences qui lui sont faites” et que dans de tels cas, “ il y a donc deux auteurs [l'agresseur et sa victime].”128 Pour illustrer ses dires, il a cité le cas de femmes qui étaient en état d'ivresse au moment de l'agression ou qui avaient parlé à leurs violeurs avant l'agression. De même, le procureur de la ville de Kigali a expliqué le peu de plaintes pour viol à l'égard de femmes adultes par le fait que dans de tels cas, “il y a souvent consentement.”129 Il est particulièrement troublant de voir que ces commentaires, qui démontrent un manque de compréhension de la nature de la violence sexuelle, émanent de hauts responsables chargés de la poursuite des violences sexuelles et autres crimes.

L'absence d'inculpation suite aux plaintes pour viol

Certaines femmes que nous avons interrogées et qui avaient été violées pendant le génocide avaient déposé plainte pour viol entre 1998 et 2003 contre un ou plusieurs de leurs agresseurs.130 La moitié des femmes de ce groupe, ainsi qu'une autre qui avait été violée après 1994, ont signalé que les autorités n'avaient jamais donné suite à leurs plaintes. Dans un rapport datant de 1998,  l'ONG internationale Avocats Sans Frontières constatait également que les fonctionnaires n'avaient pas inculpé de viol certains accusés en dépit des plaintes déposées par les victimes.131 Les femmes qui se plaignaient du fait que les autorités n'avaient pas dressé d'acte d'accusation pour violence sexuelle commise pendant le génocide ont expliqué que leurs violeurs présumés étaient emprisonnés pour des crimes autres que la violence sexuelle et qu'ils avaient obtenu une libération provisoire depuis lors.132 B.R., une habitante de la province de Gitarama, avait été victime d'un viol collectif lors du génocide et avait trouvé refuge en République Démocratique du Congo (RDC) jusqu'en 1997. Elle a expliqué à Human Rights Watch qu'elle avait déposé deux plaintes pour viol en 1997, auprès de la police locale et du maire de son district. Le policier l'avait rabrouée plusieurs fois mais elle avait persévéré: “J’y suis allée plusieurs fois, plusieurs fois. Je ne cessais d’y aller.”133 Dans ses plaintes, elle nommait deux des hommes qui, d'après elle, l'avaient violée en 1994. Elle a assisté à leur procès en 2000 et a dit à Human Rights Watch que le procureur adjoint n'y avait jamais mentionné l'agression dont elle avait fait l'objet. La copie du jugement définitif que Human Rights Watch a en sa possession révèle que le ministère public a reconnu les deux hommes coupables de meurtre et d'autres infractions, mais pas d'actes de violence sexuelle. Le tribunal les a condamnés à douze ans d'emprisonnement après leurs aveux de crimes n'incluant pas de violence sexuelle. B.R. n'a pas entamé de nouvelle action en justice suite au manquement du ministère public et en 2003, les deux hommes ont obtenu leur libération provisoire. Ils sont retournés vivre dans la communauté de B.R. et lui ont offert de l'argent en échange de son silence. Depuis lors, elle s'est plainte auprès d'une organisation de rescapées et a eu une audience au bureau du procureur dans l'espoir que les deux hommes seraient à nouveau arrêtés et inculpés de viol.

L'examen par Human Rights Watch de jugements pour génocide révèle par ailleurs que certaines autorités ont négligé les plaintes pour viol une fois arrivées au stade du procès. Trois jugements mentionnaient des témoignages qui se référaient directement au viol ou à la torture sexuelle, à l'“enlèvement” de femmes par les accusés, ou à leur “emprisonnement” dans des habitations.134 Pourtant, d'après les procès-verbaux, le procureur adjoint ou le président du tribunal n'a pas suivi cette piste et les décisions finales ne faisaient aucune référence à la violence sexuelle.135

Les soins de santé et autre assistance aux victimes de violences sexuelles

“La guerre au Rwanda, si au moins on nous avait tous exterminés. Comme on vit maintenant, on voit que la masse des gens ne sont pas contents de nous.”
–D.K., femme violée pendant le génocide et qui souffre maintenant d'un traumatisme psychique et du VIH/SIDA, district de Kamonyi, le 13 février 2004.

Les défaillances de la justice

Les victimes de violences sexuelles subies pendant et depuis le génocide qui ont été interrogées par Human Rights Watch estimaient que les mécanismes de recours juridiques —enquêtes, poursuites, sanctions et réparations— aux niveaux national et international n'avaient pas répondu à leurs attentes. Même celles qui ont témoigné ou envisageaient de témoigner à propos de leur viol dans le processus gacaca, décrit plus loin dans le présent rapport, parlaient moins de ce qu'elles avaient à gagner à travers leur action en justice que de ce qu'elles avaient perdu en raison du déni de justice qu'elles vivaient depuis 1994. Les victimes de violences sexuelles, tout particulièrement, s'indignaient de ce qu'elles percevaient comme de l'impunité pour leurs agresseurs.

Le récit de M.K. traduit toute l'ambivalence des rescapées du génocide, qui ressentent à la fois un espoir et un doute quant aux possibilités de justice. M.K. a été violée par plusieurs Interahamwe pendant le génocide. En 1995, elle a déposé plainte auprès de la police locale, accusant de meurtre, et non de viol, l'agresseur qu'elle avait pu identifier. Elle a expliqué à Human Rights Watch qu'elle avait honte d'admettre qu'elle avait été violée et qu'avant l'adoption de la Loi de 1996 relative au génocide, elle ne croyait pas que les autorités poursuivraient le crime de viol. L'homme a été arrêté après avoir été accusé de meurtre, mais pas de violence sexuelle. Après sa libération en 2003, M.K. est retournée à la police et a déclaré qu'il avait également commis un viol. Les autorités ne l'ont pas tenue au courant de l'évolution de la plainte et en l'absence de toute nouvelle, elle n'est pas retournée pour suivre l'affaire. Bien qu'elle envisageait de témoigner devant la juridiction gacaca, les manquements initiaux de la justice l'ont découragée:

On trouve que la justice est plus importante mais en ce moment, ça ne sert à rien … A quoi ça sert la justice si on libère les gens? . . . On dit que la gacaca va résoudre les problèmes mais on les a libérés avant que la gacaca ne commence. . . . On avait oublié ce qui s’était passé mais quand on les voit [les détenus libérés], le traumatisme remonte encore.136

Il est bien naturel que pour beaucoup de rescapées de viols, traduire en justice les meurtriers de leurs proches est au moins aussi important que de punir ceux qui les ont agressées sexuellement. Contrairement aux normes internationales relatives au droit à une réparation et analysées dans un chapitre ultérieur, le gouvernement rwandais n'a pas adopté de politique de réparations qui octroierait une aide aux rescapées du génocide suite aux atteintes aux droits humains commis en 1994.

Déçues et frustrées par des mécanismes qui ne leur permettent pas d'avoir accès à un recours juridique, confrontées à des difficultés socioéconomiques, les personnes interrogées qui ont été victimes de violences sexuelles pendant et après le génocide se trouvent d'une part limitées par des besoins matériels qui les empêchent d'entamer des poursuites judiciaires pour que les coupables répondent directement de leurs actes et soient punis. D'autre part, ces besoins ne font qu'accroître leur désir de justice sous forme d'indemnisations pour les exactions passées, ce qui leur permettrait de satisfaire leurs besoins élémentaires:

J’ai décidé de rester avec mes problèmes à moi et de ne pas poursuivre. . .. J’avais pensé [consulter une association d’assistance juridique] mais je voulais avoir la paix et pour ça, il fallait passer les examens, vérifier que je n’avais pas le VIH/SIDA, accoucher. Et lorsque je pense à ce qui m’est arrivé, je n’ai pas de paix. Je suis troublée.137

Elle craignait par ailleurs que le stigma du viol ne l'isole: “ J’ai peur que l’entourage [ne] pense que je suis une fille ‘libre’ et ainsi que cela cause des problèmes entre moi et mon frère.” Bien que M.G. ait déclaré à Human Rights Watch qu'elle souhaitait que son violeur soit traduit en justice, ses multiples problèmes—santé physique, traumatisme, stigmatisation, pauvreté, lourdes responsabilités familiales et abandon de son rêve de scolarité—l'ont amenée à accorder la priorité à ses besoins de survie élémentaires. Une autre femme, E.G., victime d'un viol collectif pendant le génocide, est maintenant séropositive et s'occupe de six enfants, dont l'un né du viol et un orphelin. Partout, les victimes de viol décrivent leur bataille incessante pour répondre à leurs besoins matériels et à ceux de leur famille, notamment la nourriture, le logement, les soins de santé et l'éducation des enfants. Pour les victimes de viol, il est un besoin prédominant, celui de l'accès aux soins médicaux—surtout les conseils et le dépistage volontaire du VIH, la thérapie antirétrovirale (ARV)138 et le traitement des infections opportunistes liées au SIDA— et à l'assistance psychologique pour les séquelles des abus. Comme l'a expliqué E.G. à Human Rights Watch: “J’ai des petits enfants qui ne savent pas [que j’ai le SIDA]. . . . Ce serait bien d’avoir des médicaments, que vous nous donniez des médicaments.”139

Les victimes de viol souffrent également des effets fragilisants du traumatisme. Beaucoup disent que les souvenirs de leur vie passée et la violence qu'elles ont connue pendant le génocide les accablent. Dans l'un des cas, Human Rights Watch a interrogé B.R. en présence d'une amie, E.G. Bien que chacune savait que l'autre avait aussi été victime de viol, elles n'avaient jamais partagé leurs expériences ensemble. Les deux femmes ont pleuré pendant de longs moments au cours de l'entretien. B.R. a dit à Human Rights Watch, “C’est notre vie quotidienne.”140 En pleurs, E.G. a confié, “ Entre nous, on parle de petites choses. On n’est pas capables d’en parler [du viol].”

Les obstacles à l'accès aux soins de santé

L'accès à des soins de santé suffisants est une préoccupation majeure des victimes de violences sexuelles subies pendant et après le génocide.141 Bien que les conditions n'étaient pas idéales avant 1994, la période du génocide et le conflit ont détruit une grande partie des infrastructures médicales existantes et ont causé une grave pénurie de personnel médical. L'accès aux soins se révèle particulièrement difficile pour la population majoritairement rurale, soit quelque 90 pour cent de la population totale.142 Les douze provinces du Rwanda comptent 365 centres médicaux, trente-trois hôpitaux de district et cinq hôpitaux nationaux spécialisés en soins médicaux plus poussés.143 Les centres médicaux existants servent de vastes zones géographiques et la distance qui sépare chaque centre de la population qu'il sert, estimée à 25.000 personnes, est en moyenne de 6,5 kilomètres de terrain accidenté et rocailleux.144 L'UNICEF estime que 88 pour cent des femmes au Rwanda doivent marcher plus d'une heure pour arriver à un centre médical.145 Ces infrastructures limitées souffrent également d'un manque de ressources humaines et matérielles. Selon une estimation fournie par le gouvernement rwandais, le pays compte 300 médecins.146 Ce sont les infirmières et les aides soignantes qui, en l'absence des médecins, font fonctionner la plupart des centres médicaux.147 Ces centres fournissent les médicaments de base, comme l'aspirine, qui vient souvent à manquer.148 Ceux qui ont besoin de médicaments pour soigner un état de santé plus grave doivent se rendre dans un hôpital de district ou national.149

Le cas de S.K., qui est séropositive et vit près de la ville de Nyamata, dans la province de Kigali-rural, illustre bien les obstacles à surmonter pour accéder aux soins de santé. Le centre médical le plus proche de Nyamata qui offre la thérapie ARV se trouve à Kigali mais la route qui relie Kigali à Nyamata est complètement défoncée. Pour une personne affaiblie ou malade, il est pratiquement impossible de l'emprunter à pied. S.K., qui a été victime d'un viol collectif en présence de son très jeune fils, souffrait continuellement de saignements vaginaux dans les mois qui ont suivi l'agression. Elle continue à ressentir des douleurs aiguës apparemment en raison d'une descente de l'utérus.150 Elle n'a pas eu les moyens de se payer un traitement médical avant 1997. Découvrant qu'elle était séropositive, les médecins ont refusé de l'opérer pour lui enlever l'utérus, au motif que sa séropositivité ne lui permettrait pas de “guérir.” Elle a maintes fois demandé à une organisation de rescapées dont elle est membre de lui fournir des médicaments ARV. Elle a déclaré à Human Rights Watch, “Chaque jour, je leur demande, mais ils me disent, ‘On n’a pas encore trouvé les médicaments.’ . . . Alors je leur dis, ‘Quand vous les aurez, ces médicaments, je serai morte.’”151 F.N., une autre femme rurale, a subi de multiples viols et viols collectifs, parfois sur l'ordre du maire de la commune de Taba, Jean-Paul Akayesu, qui a été reconnu coupable de génocide et autres crimes par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) en 1998.152 Elle est tombée enceinte suite aux viols et a gardé l'enfant. Interrogée à propos de l'accès à l'assistance psychologique pour son traumatisme, elle a expliqué à Human Rights Watch: “Avant, c’est AVEGA [Association des veuves du génocide d'avril] qui essayait de faire ce genre de travail, mais [maintenant] ça nous demande de venir ici les trouver à Kigali. Ils ne sont pas sur place.”

Outre les infrastructures insuffisantes confrontées à un manque de ressources, la pauvreté constitue un obstacle majeur à l'accès aux soins de santé au Rwanda. Les rescapées du génocide qui prouvent qu'elles ont des besoins financiers peuvent bénéficier d'allocations de santé, d'éducation et de logement provenant du Fonds d’assistance aux rescapés du génocide (FARG), établi en 1998 et financé à concurrence de 5 pour cent du budget de l'Etat.153 Cependant, pour aller se faire soigner, les femmes et les filles doivent renoncer au temps qu'elles consacrent normalement à l'agriculture de subsistance ou à un autre travail ainsi qu'à leurs tâches ménagères et familiales. Par ailleurs, elles doivent payer les transports publics pour se rendre au centre médical et une fois sur place, elles doivent payer les services et les médicaments nécessaires, à moins qu'elles n'aient droit à l'aide prévue par le programme du FARG. D.K., qui était extrêmement affaiblie par le SIDA et visiblement traumatisée au moment de l'entretien, est une veuve qui a perdu la plupart de ses proches dans le génocide. Elle vit avec une fille et ses petits-enfants. Elle a déclaré à Human Rights Watch:

[Une assistante sociale]… nous donnait des tickets [de bus]. . . . Mais il est arrivé un moment où on ne trouvait pas de tickets… On nous disait qu’une fois qu'on prend les médicaments [ARV], on ne doit pas arrêter mais là où on les prend, c’est loin et on n’a pas pu y aller après.154

Comme l'a souligné la directrice des services sociaux d'une organisation de rescapées, “Il y a plus de lacunes que d’opportunités [parce que]. . . les gens sont très éparpillés. Beaucoup de services sont offerts aux gens dans les villes, alors les gens dans les communes éloignées souffrent.”155 En outre, même si une personne peut se payer les médicaments et les frais de consultation, la pauvreté entrave le traitement car les malades ont besoin de se nourrir en suffisance pour pouvoir tolérer les médicaments, surtout la thérapie ARV qui est très puissante.

Par ailleurs, les terribles conditions économiques empêchent les plaies psychologiques causées par le viol de se cicatriser. Une ancienne conseillère pour victimes de viol, qui a quitté l'accompagnement psychologique pour fonder une coopérative agricole pour femmes, a décrit à Human Rights Watch la situation désespérée de la plupart des victimes de violences sexuelles: “Je me suis rendu compte que le problème sous-jacent était la pauvreté. Vous ne pouvez pas apporter d'assistance psychologique à quelqu'un qui n'a pas mangé.”156 En ce qui concerne l'attitude des victimes d'un viol par rapport au recours juridique, elle a reconnu que la poursuite en justice et la condamnation des responsables étaient importantes mais elle a ajouté:

Même dans le travail d'accompagnement psychologique, l'accompagnement psychologique proprement dit vient en dernier lieu. On doit commencer par sensibiliser, éduquer les gens à propos de leurs droits, de leurs problèmes. Ils veulent d'abord que d'autres besoins soient rencontrés. Les gens ont des priorités.157

Besoins particuliers des femmes qui ont contracté le VIH suite aux violences sexuelles subies lors du génocide

Les personnes qui vivent la situation la plus désespérée au niveau des soins de santé sont celles souffrant du VIH/SIDA, par exemple les femmes et les filles qui sont maintenant face à une mort certaine parce qu'elles ont contracté le VIH suite au viol qu'elles ont subi pendant ou depuis le génocide. A l'image de tous ceux qui vivent avec le VIH, ces femmes sont affaiblies physiquement, susceptibles de contracter toute une gamme de maladies et sujettes à la dépression. 158 Le stigma associé à la maladie affecte les femmes séropositives plus intensément que les hommes. Pendant le génocide, O.H., une habitante de la province de Gitarama, a été enlevée par huit voisins qui l'ont violée.159  Elle est maintenant séropositive et a été rejetée par son frère et sa sœur, qui la rendent responsable du viol et refusent de la toucher de crainte de contracter le VIH. O.H. s'est plainte à Human Rights Watch du fait qu'elle avait peu à manger et qu'elle avait été expulsée de quatorze logements, chaque fois que les propriétaires avaient appris qu'elle était séropositive. Comme elle l'a expliqué à Human Rights Watch, “Mon seul souhait… c'est d'avoir un endroit où laisser mes enfants à ma mort, trouver quelqu'un pour s'occuper d'eux.”160 De même, D.K. a déclaré à Human Rights Watch, “Les médicaments ne sont pas arrivés, alors les gens s’adressent à Dieu seulement. Si au moins mon enfant pouvait continuer ses études après [mon décès].”161

Bien qu'il soit rarement possible de confirmer clairement le lien de cause à effet entre l'abus et la transmission du virus, il est probable que beaucoup de cas d'infection par le VIH sont le résultat de violences sexuelles. Plusieurs femmes interrogées par Human Rights Watch qui ont été violées pendant et depuis le génocide ont déclaré être séropositives.162 Par ailleurs, de nombreux représentants d'ONG ont décrit les cas de personnes séropositives victimes de violences sexuelles pendant le génocide et à qui ils avaient prodigué une aide psychologique ou autre, soulignant qu'une grande partie de ces femmes étaient gravement malades ou étaient décédées dans les années qui ont suivi le génocide.163 Beaucoup de femmes luttent désespérément pour se nourrir elles et leurs enfants, lesquels sont parfois des enfants nés du viol ou des orphelins du génocide ou du SIDA qu'elles ont adoptés.

Les obstacles à l'assistance médicale ou psychologique sont multiples pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA. Le profond stigma attaché à cette infection, la crainte d'être diagnostiquées séropositives et le traumatisme persistant provoqué par les violences sexuelles découragent les femmes et les filles de passer le test de dépistage et de demander de l'aide.164 Bon nombre de représentants d'ONG ont également souligné que les femmes et les filles séropositives sont à juste titre désorientées et mal informées sur la façon d'accéder à la thérapie et au traitement ARV pour les infections opportunistes liées au SIDA. Ils ont ajouté que les ONG n'étaient pas en mesure de répondre à leurs demandes de traitement.165 Le FARG finance le traitement pour les maladies ordinaires, y compris les infections opportunistes liées au VIH/SIDA, mais il ne subsidie pas la thérapie ARV. Des responsables du gouvernement ont expliqué à Human Rights Watch qu'un autre programme gouvernemental destiné aux Rwandais indigents ou à bas revenus offrait une thérapie et un traitement ARV gratuits ou subventionnés pour les infections opportunistes du SIDA, 166 mais beaucoup de femmes séropositives interrogées par Human Rights Watch n'étaient pas au courant de l'existence de ce programme ou de la procédure à suivre pour bénéficier d'une aide.

Le cas d'E.M. en est une illustration. Elle habite dans la province de Gitarama et a quatre enfants. Elle a été violée à plusieurs reprises par un groupe d'Interahamwe en avril 1994 et a été diagnostiquée séropositive. Elle a confié à Human Rights Watch: “Les femmes séropositives avec de l’argent paient [pour le traitement ARV], mais les autres femmes ne peuvent pas.”167 Le programme gouvernemental de traitement du VIH/SIDA dispose maintenant d'un prolongement semi-public, cinq ONG rwandaises, conseillées par des experts étrangers et appuyées par le gouvernement rwandais, envisageant d'offrir sur le terrain une assistance et un dépistage volontaire du VIH, un traitement ARV et un accompagnement psychologique aux victimes de traumatisme.168 Le but est d'encourager les femmes, particulièrement les rescapées de violences sexuelles, à passer le test de dépistage du VIH et à demander des soins. Un programme pilote a été lancé dans les centres médicaux publics fin juin 2004 et le traitement sur le terrain dans les ONG commencera en octobre 2004.169

Les conditions économiques et l'état de santé désespérés des rescapées de viol doivent être considérés conjointement avec les obstacles au recours juridique, qui font l'objet du présent rapport. Les femmes et les filles sont confrontées à un nouveau stigma et un nouveau trauma lorsqu'elles cherchent à traduire en justice les auteurs des violences sexuelles en suivant les procédures pénales. Par ailleurs, la pauvreté et la mauvaise santé persistantes des victimes de viol non seulement les empêchent de se concentrer sur un recours légal qui prendrait la forme de poursuites judiciaires et d'une sanction pénale à l'égard des coupables, mais elles contribuent par ailleurs clairement aux deux défis que sont la marginalisation sociale et la détresse émotionnelle. L'état physique et mental critique des victimes de viol fait ressortir l'importance des réparations, aspect tout aussi essentiel du recours juridique, pour les atteintes aux droits humains qu'ont subies les rescapées du génocide.



[37] International Crisis Group, Five Years After the Genocide: Justice in Question, Rapport ICG Rwanda No. 1, le 7 avril 1999, p. 34.

[38] Human Rights First (anciennement The Lawyers’ Committee for Human Rights), Prosecuting Genocide in Rwanda: A Human Rights First Report on the ICTR and National Trials, juillet 1997, [en ligne]  sur http://www.humanrightsfirst.org/pubs/descriptions/rwanda.htm (information extraite le 20 avril 2004).

[39] A un échelon plus haut, on trouve quatre cours d'appel qui siègent à Kigali, Nyabisindu, Cyangugu et Ruhengeri. La Cour Suprême, qui est la juridiction supérieure, est composée de six sections dont la Cour de Cassation, juridiction qui statue en appel sur les jugements rendus par les tribunaux de première instance. En dessous des tribunaux de première instance, on trouve les cours de canton, qui sont compétentes au civil et au pénal pour les délits mineurs.

[40] Loi organique du 30 août 1996 sur  l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité (Loi relative au génocide), Journal officiel de la République du Rwanda, le 1er septembre 1996, art. 19.

[41]  Loi N° 09/2000 du 16/06/2000 sur l'établissement, l'organisation générale et la juridiction de la police nationale, Journal officiel de la République du Rwanda, le 29 juin 2000.

[42] Loi relative au génocide, art. 2.

[43] Human Rights Watch s'oppose à la peine capitale en toutes circonstances car il s'agit en soi d'une peine cruelle et elle constitue une violation du droit à la vie et à la dignité fondamentale de tous les êtres humains.

[44] Amnesty International, Gacaca: A Question of Justice (Londres: Amnesty International, 2002), p. 1.

[45] Les juridictions gacaca actuelles, qui jouissent des pleins pouvoirs procéduraux pour poursuivre et punir les crimes de génocide, s'écartent considérablement de la gacaca traditionnelle, un mécanisme plus informel de résolution des conflits. Penal Reform International (PRI), Interim Report on Research on Gacaca Jurisdictions and its Preparations (Juillet-décembre 2001), Kigali, 2001, p. 8.

[46] Cette modification, analysée dans un chapitre ultérieur du présent rapport, viole la norme de non-rétroactivité de la loi. La loi rwandaise ne définit pas les termes “viol,” “torture sexuelle,” ou “torture.” Loi organique N°40/2000 du 26/01/2001 portant création des “Juridictions Gacaca” et organisant la poursuite des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 [Loi de 2001 relative à la gacaca], Journal officiel de la République du Rwanda, le 15 mars 2001, art. 51.

[47] Ibid. Voir aussi PRI, Gacaca Courts in Rwanda, [en ligne] sur http://www.penalreform.org/english/theme_gacaca.htm (information extraite le 20 avril 2004).

[48] Pour une description de ces étapes, voir Amnesty International, Gacaca: A Question of Justice (Londres: Amnesty International, 2002), p. 27.

[49] PRI, PRI Research Team on Gacaca, Report III: April-June 2002, p. 6.

[50] Service National des Juridictions Gacaca, Document sur l’Etat d’Avancement des Activités des Juridictions Gacaca des cellules opérationnelles et programmes d’activités à venir, janvier 2004, p. 1.

[51] Ces facteurs sont notamment la priorité accordée au travail de la terre, aux tâches ménagères et autres responsabilités; le manqué de foi ou d'intérêt dans le processus gacaca, particulièrement de la part des victimes de crimes commis par l'APR que le gouvernement rwandais a exclus du mandat des juridictions gacaca; ou la crainte des représailles de l'accusé ou de sa famille en cas de participation à la gacaca.

[52] Voir Service National des Juridictions Gacaca, Les Problèmes Constatés dans le Fonctionnement des Juridictions Gacaca Qui Ont Terminé Leur 7ème Réunion, 21 janvier 2004; LIPRODHOR, Situation des Droits de la Personne au Rwanda en 2002: Rapport Annuel de la LIPRODHOR (Kigali: juin 2003), p. 64. Trois personnes ont été tuées dans la province de Gikongoro en octobre-décembre 2003. A la fin mai 2004, il était confirmé que l'une des trois était bien un témoin gacaca.  “Rwanda: Genocide Survivor Group Denounces Killings, Harassment,” Réseau intégré régional d'information de l'ONU (IRIN), 16 décembre  2003; Collectif des Ligues et Associations de Défense des Droits de l’Homme (CLADHO), “Déclaration du Collectif des Ligues et Associations de Défense des Droits de l’Homme (CLADHO) sur la Sécurité des Témoins dans le Processus Gacaca,”, Communiqué de presse, 12 janvier 2004, [en ligne] sur http://survie67.free.fr/Rwanda/CLADHO/Kaduha.htm (information extraite le 5 avril 2004).

[53] PRI, Interim Report, p. 6.

[54] Loi organique Nº16/2004 du 19/6/2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions constitutives de crime de génocide et d'autres crimes contre l'humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, Journal officiel de la République du Rwanda, le 19 juin 2004 [Loi de 2004 relative à la Gacaca], art. 55 et 72.

[55] Bureau du Procureur, Cour Suprême du Rwanda, Instruction concernant l'exécution du communiqué présidentiel du 01 janvier 2003 venant de la présidence de la république qui concerne la libération provisoire des détenus des différentes catégories, le 9 janvier 2003; PRI, Research on the Gacaca: Report V (Kigali: PRI, 2003), p. 12. [La date limite pour le dépôt d'aveux a tout dernièrement été prolongée du 15 mars 2004 au 15 mars 2005]. Arther Asiimwe, “Genocide Confession Deadline Extended,” East African, le 29 mars 2004, [en ligne] sur http://allafrica.com/stories/200403300841.html (information extraite le 5 avril 2004).

[56] En principe, les personnes accusées de viol, appartenant à la première catégorie d'infractions, n'ont pas droit à une libération provisoire. Cependant, elles peuvent être libérées si elles n'ont jamais été officiellement accusées de viol ou de torture sexuelle et n'ont, pas conséquent, jamais avoué avoir commis de tels actes. Dans certains cas, les survivantes d'actes de violence sexuelle ont dénoncé le crime mais les présumés violeurs ont été libérés, les autorités ayant omis de les inculper de viol suite aux dépositions des victimes. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de déterminer la raison pour laquelle les autorités n'avaient pas poursuivi pour viol dans ces cas précis.

[57] Entretien de Human Rights avec B.R., Kigali, le 24 février 2004.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec I.B., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004.

[59] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 18 février 2004.

[60] Six des personnes que nous avons interrogées étaient âgées de moins de dix-huit ans au moment du viol. Un seul cas concernait une victime qui, âgée de sept ans, était encore une enfant au moment de nos recherches. Nous avons interrogé la mère de la victime.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 30 mars 2004. Ce chiffre indique le nombre de personnes accusées qui ont été jugées et non le nombre total de procès. La plupart des procès voient comparaître plusieurs accusés.

[62] Ces sources incluent: plus de deux cents décisions rendues dans des procès pour génocide (décembre 1996-décembre 2003) ayant eu lieu devant les chambres spécialisées des tribunaux de première instance de Butare, Gitarama et de la ville de Kigali, analysés par les chercheurs de Human Rights Watch lors de leurs visites aux tribunaux de première instance de Butare et de Gitarama et au bureau du procureur de Kigali; 853 décisions rendues dans des procès pour génocide (décembre 1996-mars 2003) ayant eu lieu devant les tribunaux de première instance de toutes les provinces et de la ville de Kigali ainsi que devant des tribunaux militaires, décisions compilées par Avocats Sans Frontières-Belgique et généreusement partagées avec l'équipe de chercheurs de Human Rights Watch; et des informations obtenues de collègues d'ONG locales sur des dossiers spécifiques.

[63] Entretien de Human Rights Watch, ville de Gitarama, le 5 mars 2004; entretien de Human Rights Watch, ville de Butare, le 2 mars 2004.

[64] Un des actes d'accusation ne spécifiait pas si l'inculpation de viol concernait un seul ou les deux accusés. Si les deux personnes étaient inculpées de viol, le nombre d'accusés s'élèverait à cinquante-deux. Dans tous les dossiers de violence sexuelle examinés par Human Rights Watch, les actes d'accusation combinaient le viol ou la torture sexuelle avec d'autres chefs d'inculpation tels que le meurtre ou le pillage. Le représentant d'une ONG a dit avoir assisté à un procès en décembre 2003 au tribunal de première instance de Nyamata où l'accusé n'a été inculpé que de violence sexuelle. Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 19 février 2004. Il s'agit du seul cas de ce genre que nous avons rencontré au cours de nos recherches. Les actes d'accusation mixtes rendent encore plus difficile l'identification des rares cas incluant des actes de violence sexuelle.

[65] En 2000, Avocats Sans Frontières, une ONG belge, a examiné les dossiers de 1.051 personnes jugées pour génocide ou crimes liés au génocide en 1999, dont environ 176 cas partagés avec et étudiés par la suite par Human Rights Watch, et a constaté que quarante-neuf personnes avaient été poursuivies pour viol ou torture sexuelle, et neuf d'entre elles avaient été condamnées pour une forme ou l'autre de violence sexuelle.

[66]  Tribunal de Première Instance de Gitarama, Ministère Public contre Musonera, R.P. 09/Git/Ch.S/1/97, le 4 août 1998; Tribunal de Première Instance de Gitarama, Ministère Public contre Ndahayo, R.P. 42/GIT/CH.S/1/98, le 31 mars 1999;Tribunal de Première Instance de Gitarama, Ministère Public contre Ndahimana, R.P. 133/GIT/5/2001, le 5 juillet 2002; Conseil de Guerre de la République Rwandaise Siégeant à Mugina (Gitarama), Ministère Public contre le Caporal Kayitsinga, R.P. 0051/CG/00, le 24 septembre 2001.

[67] Entretien de Human Rights Watch, ville de Gitarama, le 5 mars 2004.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 3 mars 2004.

[69] Entretien de Human Rights Watch avec Y.K., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004; entretien de Human Rights Watch avec F.N., Kigali, le 18 février 2004; et entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 16 février 2004.

[70] Manuel explicatif sur la loi organique portant création des juridictions gacaca, p. 16.

[71] Selon B.R., l'un des détenus libérés qui l'aurait violée lors du génocide se querelle fréquemment avec la mère de B.R. qui l'a accusé d'avoir volé ses récoltes. Entretien de Human Rights Watch avec B.R., Kigali, le 24 février 2004. B.R. a également fait part de ses craintes devant les meurtres commis dans la province de  Gikongoro, qu'elle considère comme des attaques menées contre les témoins gacaca.

[72] Ibid.

[73] Manuel explicatif sur la loi organique portant création des juridictions gacaca, p. 55.

[74] Ibid., pp. 88-89.

[75] Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants d'ONG, Kigali, 9-19 février 2004; entretiens de Human Rights Watch avec des responsables gacaca locaux et nationaux, villes de Kigali et de Butare, 6-26 février 2004.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG, Kigali, le 23 février 2004.

[77] Entretien de Human Rights Watch avec des responsables gacaca locaux et nationaux, Kigali, 1-3 mars 2004. En janvier 2004, un total de 758 juridictions gacaca de cellule avaient commencé les procédures. Service National des Juridictions Gacaca, Document sur l’Etat d’Avancement des Activités des Juridictions Gacaca, p. 1. Le chiffre cité plus haut, 581, exclut les juridictions des provinces de Kibungo et Kigali-rural, pour lesquelles les statistiques sur les affaires de viol n'étaient pas disponibles. Ibid., p. 4.

[78] De même, plusieurs victimes de violence sexuelle subie pendant le génocide, interrogées par un avocat dans la province de Kibuye, ont expliqué qu'un ou plusieurs violeurs ne pouvaient être identifiés, localisés, ou qu'ils étaient décédés depuis lors. Courrier électronique envoyé par un avocat, Kigali, à Human Rights Watch, le 8 avril 2004.

[79] Entretien de Human Rights Watch avec J.B., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004.

[80] Entretien de Human Rights Watch avec W.K., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004.

[81] PRI, Interim Report, p. 39.

[82] Entretien de Human Rights Watch avec C.M., le 29 février 2004.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec J.T., le 28 février 2004.

[84] Entretien de Human Rights Watch avec S.I., district de Kanzenzi, le 22 février 2004.

[85] Entretien de Human Rights Watch avec E.T., ville de Gitarama, le 19 février 2004.

[86] Entretien de Human Rights Watch avec C.H., district de Kigarama, province de Kibungo province, le 3 mars 2004.

[87] Ibid.

[88] Entretien de Human Rights Watch avec W.K., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004.

[89]  Des représentantes d'organisations de rescapées maintiennent des contacts réguliers avec un grand nombre de victimes de viols subis pendant le génocide et ont confirmé que ces préoccupations dissuadaient les victimes de dénoncer les abus. Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 9 février 2004. Des responsables gacaca et du monde judiciaire se sont fait l'écho de ces opinions. Entretien de Human Rights Watch avec de hauts fonctionnaires et des fonctionnaires locaux, villes de Kigali et Gitarama, 6 février 2004-3 mars 2004.

[90] Entretien de Human Rights Watch avec E.G., Kigali, le 18 février 2004.

[91] Ibid.

[92] Entretien de Human Rights Watch avec Y.K., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004.

[93] Ibid.

[94] Entretien de Human Rights Watch avec Espérance Nyirasafari, procureur de la province de Gitarama, ville de Gitarama, le 19 février 2004.

[95] Entretien de Human Rights Watch avec une conseillère psychologique, Kigali, le 10 février 2004.

[96] Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG, Kigali, le 15 février 2004.

[97] Entretiens de Human Rights Watch, Kigali, district de Ntongwe, province de Gitarama, et district de Kigarama, province de Kibungo, 18 février-3 mars 2004.

[98] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 9 février 2004.

[99] Entretien de Human Rights Watch avec D.K., district de Kamonyi, province de Gitarama, le 13 février 2004.

[100] Ibid.

[101] PRI, Research on the Gacaca: Report V (Kigali: septembre 2003), p. 9; LIPRODHOR, Juridictions Gacaca: Potentialités et Lacunes Révélées par les Débuts (Kigali: juillet 2003), pp. 40-42.

[102] PRI, Interim Report, juillet p. 51.

[103] Manuel explicatif sur la loi organique portant création des juridictions Gacaca, pp. 88-89.

[104] Loi de 2004 relative à la Gacaca, art. 38.

[105] Entretien de Human Rights Watch avec C.M., le 29 février 2004.

[106] Entretien de Human Rights Watch avec D.T., ville de Butare, le 2 mars 2004.

[107] Entretien de Human Rights Watch avec A.G., Kigali, le 24 février 2004.

[108] Ibid.

[109] Entretien de Human Rights Watch avec G.N., le 28 février 2004.

[110] Entretien de Human Rights Watch avec C.M., le 29 février 2004.

[111] Entretien de Human Rights Watch avec J.T., le 28 février 2004.

[112] Voir Shattered Lives, p. 39.

[113] Entretien de Human Rights Watch avec I.B., district de Ntongwe, province de Gitarama, le 23 février 2004.

[114] Entretien de Human Rights Watch avec G.R., Kigali, le19 février 2004.

[115] Courrier électronique d'une représentante d'une ONG, Kigali, envoyé à Human Rights Watch le 31 mars 2004.

[116] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 15 avril 2004.

[117] Code pénal, art. 360.

[118] Ibid., art. 316.

[119] Martien Schotsmans a également souligné ce problème dans son examen de jugements pour viols commis pendant le génocide. Voir Schotsmans (Avocats Sans Frontières), Le Droit à la Réparation des Victimes de Violences Sexuelles, pp. 8,13-14.

[120] Voir Florence Mukamugema, “La Femme rwandaise et les événements de 1994,” dans (Jacques Fierens, ed.), Femmes et génocide: le cas rwandais (Bruxelles: Faculté de droit des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, 2003) (analyse de jugements rendus par le Tribunal de Première Instance de Byumba), pp. 96-98.

[121] Voir Tribunal de Première Instance de Butare, Ministère Public contre Harindintwali et consorts, R.P. 40.254/S8/G.L.J./R.L, 22 octobre 1997; Tribunal de Première Instance de Kibuye, Ministère Public contre Ntibimenya et consorts, R.P. Ch. Sp. A6/01/98, 30 juin 1999; Tribunal de Première Instance de Byumba, Ministère Public contre Rwiyegura et consorts, R.P. 050/I/CSP/99/By (cité dans Mukamugema, p. 96).

[122] Entretien de Human Rights Watch avec une conseillère VIH/SIDA, Kigali, le 24 février 2004.

[123] Les défenseurs rwandais des droits humains ont réagi différemment au problème de la violence sexuelle contre les femmes adultes. Plusieurs ont reconnu son incidence et ont même attiré l'attention sur le problème du viol conjugal. Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG, ville de Gisenyi, le 28 février 2004; Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG, ville de Butare, le 25 février 2004. D'autres tendaient à minimiser les violences à l'égard des femmes adultes. Entretien de Human Rights Watch avec des coordinateurs d'ONG locales, ville de Gisenyi, le 28 février 2004.  Une militante connue des droits de la femme à Kigali a mis en évidence le viol des filles très jeunes tout en faisant remarquer que “les adolescentes pouvaient se débrouiller toutes seules.” Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG, Kigali, le 27 février 2004.

[124] L'Article 1 de la Loi sur la protection des enfants définit un enfant, aux fins de la loi, comme toute personne âgée de moins de dix-huit ans. Loi N° 27/2001 du 28/04/2001 sur les droits et la protection des enfants contre la violence [Loi relative à la protection des enfants], Journal officiel de la République du Rwanda, le 1er décembre 2001, art. 1.

[125] Le Code civil rwandais fixe l'âge de la majorité à vingt et un ans. Code Civil, Journal officiel de la République du Rwanda, 27 octobre 1988, art. 431.

[126] Tribunal de Première Instance de Butare, Ministère Public contre Habarugira, R.P. 29295/70, le 27 octobre 2000.

[127] Entretien de Human Rights Watch avec le Procureur Général du Rwanda, des fonctionnaires de police et un procureur provincial, Kigali et ville de Gitarama, 9 février-5 mars 2004.

[128] Entretien de Human Rights Watch avec Straton Nsengiyumva, procureur de la province de Gisenyi, ville de Gisenyi, le 1er mars 2004.

[129] Entretien de Human Rights Watch avec Sylvère Gatambiye, procureur de la ville de Kigali, Kigali, 24 février 2004.

[130] Ces cas relèvent de la compétence des tribunaux de première instance. Les personnes interrogées avaient déposé une plainte avant le début de la gacaca.

[131] Avocats Sans Frontières, Justice Pour Tous au Rwanda: Rapport Annuel 1998,  p. 6 [en ligne] surhttp://www.asf.be/FR/Texte/Terrain/Rwanda/ASF.terrain.RWA.rapport%201998.pdf (information extraite le 14 mai 2004).

[132] Entretiens de Human Rights Watch, Kigali et district de Ntongwe, province de Gitarama, 18-24 février 2004.

[133] Entretien de Human Rights Watch avec B.R., Kigali, le 24 février 2004.

[134] Tribunal de Première Instance de Byumba, Ministère Public contre Karangwa et consorts, R.P. 025/I/C.SP/98/BY, le 5 juin 1998; Cour Militaire de la République Rwandaise, Chambre Spécialisée Siégeant à Nyamirambo, Auditorat Militaire Général contre Adjudant Chef Rekeraho et Caporal Kamanayo, RPA 0012/CM-CS/KGL/2000, le 15 novembre 2000; Chambre Spécialisée du Conseil de Guerre Siégeant à Gisenyi, Auditorat Militaire contre Sous-lieutenant Eustache Dusabeyezu, le 22 décembre 1998.

[135] Ibid.

[136] Entretien de Human Rights Watch avec M.K., Kigali, le 19 février 2004.

[137] Entretien de Human Rights Watch avec M.G., district de Nyamure, province de Butare, le 26 février 2004.

[138] La médication antirétrovirale (ARV), qui retarde la reproduction du VIH et l'affaiblissement du système immunitaire d'une personne souffrant du VIH/SIDA, prolonge la survie et améliore la qualité de la vie. Organisation Mondiale de la Santé, “Antiretroviral therapy,” [en ligne] sur http://www.who.int/hiv/topics/arv/en/#what (information extraite le 24 avril 2004).

[139] Entretien de Human Rights Watch avec E.G., Kigali, le 18 février 2004.

[140] Entretien de Human Rights Watch avec B.R., Kigali, le 24 février 2004.

[141] Pour une analyse approfondie de la situation sociale, juridique et de santé des rescapées de viol commis pendant le génocide, particulièrement celles vivant avec le VIH/SIDA, voir Amnesty International, “Marked for Death” et African Rights, Broken Bodies, Torn Spirits.

[142] Banque Mondiale, Rwanda Country Assistance Evaluation, Rapport No. 27568-RW, 5 janvier 2004, p. 4 [en ligne] sur http://www-wds.worldbank.org/servlet/WDSContentServer/WDSP/IB/2004/01/30/000012009_20040130101822/Rendered/PDF/275680RW.pdf (information extraite le 27 avril 2004).

[143] Gouvernement rwandais/Fondation William J. Clinton, HIV/AIDS Treatment and Care Plan, 2003-2007, Developed with the William J. Clinton Foundation [Plan Clinton] (Mai 2003), pp. 8-9, [en ligne] sur http://www.usaid-rwanda.rw/SO2/RwandaDoc05.07.03.pdf (information extraite le 27 avril 2004).

[144] Ibid.; Plan Clinton, p. 9.

[145] UNICEF, “Rwanda: Facts and Figures,” [en ligne] sur http://www.unicef.org/infobycountry/20289_20292.html (information extraite le 23 avril 2004).

[146] Plan Clinton, p. 9.

[147] Ibid., p. 9.

[148] Ibid., p. 10.

[149] Ibid., p. 9.

[150] L'utérus est soutenu par un tissu conjonctif, des muscles et des ligaments spéciaux. Lors d'un prolapsus utérin, le traumatisme qui affaiblit ces ligaments provoque une descente de l'utérus dans le canal vaginal.

[151] Entretien de Human Rights Watch avec S.K., district de Kanzenzi, province de Kigali-rural, le 20 février 2004.

[152] Entretien de Human Rights Watch avec F.N., Kigali, le 18 février 2004. En 1998, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a reconnu Akayesu coupable à 9 chefs de génocide, incitation au génocide et crimes contre l'humanité, et notamment de viol en tant que génocide ou crime contre l'humanité, au motif qu'il avait dirigé et encouragé des actes de violence sexuelle à grande échelle dans le district de Taba, province de Gitarama. La décision rendue dans l'affaire Akayesu était le premier verdict prononcé par le TPIR, la première condamnation pour génocide par un tribunal international, la première fois qu'un tribunal international punissait la violence sexuelle commise dans une guerre civile et la première fois que le viol était considéré comme un acte de génocide visant à détruire un groupe.

[153] Entretien de Human Rights Watch avec Adonata Ukundagusaba, représentante du FARG, Kigali, le 13 février 2004; Loi N°11/98 du 2 novembre 1998 amendant et complétant la Loi N°02/98 du 22/01/98 créant le Fonds National d'Assistance aux victimes les plus nécessiteuses du génocide et des massacres perpétrés au Rwanda entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, Journal officiel de la République du Rwanda, le 2 novembre 1998, art. 1.

[154] Entretien de Human Rights Watch avec D.K., district de Kamonyi, province de Gitarama, le 13 février 2004.

[155] Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG, Kigali, le 9 février 2004.

[156] Entretien de Human Rights Watch avec une ancienne conseillère psychologique spécialisée en victimologie, Kigali, le 10 février 2004. Des hommes ont depuis lors rejoint la coopérative agricole, qui a étendu son mandat et prodigue maintenant aussi des conseils à ses membres sur des questions telles que la violence sexuelle et la polygamie, le VIH/SIDA, la participation à la gacaca et la libération des détenus. Ibid.

[157] Ibid.

[158] Le rapport d'African Rights décrit en détail les épreuves quotidiennes des rescapées de viol qui sont maintenant séropositives ou souffrent d'autres problèmes médicaux. Voir African Rights, Broken Bodies, Torn Spirits, pp. 30-46.

[159] Entretien de Human Rights Watch avec O.H., ville de Gitarama, le 19 février 2004.

[160] Ibid.

[161] Entretien de Human Rights Watch avec D.K., district de Kamonyi, Gitarama, le 13 février 2004.

[162] Interrogées par un avocat dans la province de Kibuye, plusieurs victimes de violences sexuelles commises lors du génocide ont également révélé qu'elles étaient séropositives. Courrier électronique envoyé par un avocat, Kigali, à Human Rights Watch, le 8 avril 2004.

[163] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants d'ONG et une conseillère psychologique spécialisée en victimologie, Kigali, 6-10 février 2004.

[164] Voir African Rights, Broken Bodies, Torn Spirits, pp. 47-50.

[165] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 24 février 2004; entretien de Human Rights Watch avec une conseillère VIH/SIDA, Kigali, le 24 février 2004; entretien de Human Rights Watch avec un représentant d'une ONG, Kigali, le 9 février 2004.

[166] En vertu de ce plan, le gouvernement finance intégralement la médication, notamment la thérapie ARV et les examens médicaux pour les personnes ayant un taux de CD4 inférieur à 250 et dont les revenus sont inférieurs à 50.000 francs rwandais (85,03 US$) par mois et par famille. Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Agnès Binagwaho, secrétaire exécutive, Commission Nationale de Lutte contre le SIDA, Kigali, le 3 mars 2004. Les personnes qui ont des revenus plus élevés doivent payer une certaine proportion des frais de traitement, la plus petite contribution étant de 5.000 francs rwandais (8,50 US$) par mois. Il y a cependant une différence assez importante entre les personnes qui ont besoin d'une thérapie ARV et celles qui la reçoivent actuellement. Le gouvernement rwandais estime qu'environ 75.000 Rwandais ont besoin de la thérapie ARV. Courrier électronique envoyé par un représentant d'une ONG internationale, Kigali, à Human Rights Watch, le 1er juin 2004. Mais selon le représentant d'une ONG internationale, environ 3.524 Rwandais étaient traités par médication ARV au début juin 2004. Ibid.

[167] Entretien de Human Rights Watch avec E.M., district de Ntongwe, le 23 février 2004.

[168] Women’s Equity in Access to Care and Treatment: A Global HIV/AIDS Initiative (WE-ACTx), “Rwandan Widows’ Treatment Access Initiative: Proposal for Multipart Access and Research Programs,” Résumé officiel, avril 2004; Courrier électronique d'Anne-Christine d’Adesky, directrice exécutive, WE-ACTx, San Francisco, à Human Rights Watch, le 14 juin 2004; Courrier électronique de Celina Schocken, Directrice pour le Rwanda du Center for Global Health and Economic Development  (Université de Columbia) et conseillère auprès du gouvernement rwandais pour les questions du  VIH/SIDA, Kigali, à Human Rights Watch, le 3 mai 2004. Voir aussi WE-ACTx, disponible sur www.we-actx.org.

[169] Le programme pilote sera mis en oeuvre dans les centres médicaux publics à Kigali, Butare et Gitarama jusqu'à ce que les infrastructures des cinq organisations soient suffisamment équipées pour fournir les services. Les organisations ont divers mandats (notamment assister les rescapées du génocide, offrir une aide pour les traumatismes psychiques et faciliter l'accès aux soins pour les personnes souffrant du VIH/SIDA) mais elles ont été sélectionnées pour le projet car elles rejoignent les femmes qui ont été violées pendant le génocide et leur procurent des soins. Le Centre de traitement et de recherche sur le SIDA (TRAC) du Ministère rwandais de la santé formera les médecins, infirmières, conseillers spécialisés en victimologie et assistants sociaux qui participent au programme. Au cours des deux premières années, les travailleurs sanitaires rwandais et les médecins étrangers travailleront ensemble pour offrir les services. Les femmes séropositives qui sont membres des organisations de femmes seront formées comme conseillères afin qu'à leur tour, elles puissent informer leurs pairs sur les traitements et participer au projet d'alphabétisation et d'assistance.


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