Rapports de Human Rights Watch

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Recommandations

Au Gouvernement marocain

Pour s'attaquer aux violations des garanties internationales de procédure équitable

  • Amender le Code de procédure pénale de façon à y inclure toutes les garanties de procédure équitable reconnues au niveau international; adopter une loi visant à raccourcir la durée maximale de la garde à vue prévue à douze jours aux termes de la loi antiterroriste de 2003. La loi devrait se conformer à la résolution du Comité des Droits de l'Homme de l'ONU selon laquelle un suspect doit être déféré devant un juge ou un autre magistrat autorisé afin que le pouvoir judiciaire soit exercé dans un délai de "quelques jours". Elle devrait accorder aux détenus le droit de bénéficier de la présence d'un avocat lors de leur premier interrogatoire de police et veiller à ce que la police les informe de ce droit et de leur droit à garder le silence; ceux qui ne peuvent se payer un avocat devraient bénéficier des services d'un avocat nommé par la cour. Faire respecter le délai légal de garde à vue; et faire en sorte que les juges mènent une enquête lorsque tout semble indiquer que la police a inscrit une fausse date d'arrestation dans son registre.

  • Amender le Code de procédure pénale de façon à ce que les juges d’instruction et les juges d'instance soient obligés d'accorder aux défendeurs davantage de possibilités de citer à comparaître des témoins qui pourraient les innocenter et de faire subir un contre-interrogatoire aux témoins à charge.

  • Permettre à tous les défendeurs reconnus coupables en vertu du Code de procédure pénale antérieur à octobre 2003, à une époque où les accusés n'avaient pas le droit de faire appel de leur condamnation pour les faits reprochés, d'exercer ce droit d'appel.

    Pour mettre fin à la torture et autres formes de mauvais traitements

  • Conformément à la recommandation du Comité des Nations Unies contre la torture, adopter une loi qui "prévoie une définition de la torture strictement conforme aux dispositions des articles 1 et 4 de la Convention."

  • Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, notamment le recours à la force, les menaces et les intimidations, fassent sans délai l'objet d'une enquête indépendante, et si des preuves recevables sont rassemblées contre des représentants de la loi, les traduire en justice.

  • Veiller à ce que les détenus soient immédiatement informés de leur droit à un examen médical et qu'ils puissent exercer ce droit effectivement et sans délai.

  • Faire appliquer l'Article 293 du Code de procédure pénale amendé, qui garantit l'inadmissibilité des aveux arrachés "par la violence ou sous la contrainte", et mettre en œuvre la recommandation du Comité des Nations Unies contre la torture d'"intégrer une disposition interdisant que toute déclaration obtenue sous la torture soit invoquée comme élément de preuve dans une procédure."

  • Retirer toutes les réserves que le Maroc a émises lors de la ratification de la Convention contre la torture et faire les déclarations nécessaires prévues aux Articles 21 et 22 de ladite Convention afin de reconnaître la compétence du Comité contre la torture (CAT) pour procéder à des enquêtes confidentielles et examiner les plaintes individuelles.

    Pour prévenir les détentions secrètes:

  • Emprisonner tous les détenus dans des lieux de détention officiellement reconnus et mettre fin à toutes les détentions secrètes, même si elles ont lieu dans les installations d'un centre de détention officiellement reconnu; amender l'Article 67 du Code de procédure pénale de façon à garantir que les autorités transmettent sans délai à la famille des informations précises concernant le lieu où se trouve le détenu et sa situation légale et qu'elles lui permettent d'avoir rapidement accès au détenu.

  • Veiller à ce que les détenus ne soient placés en détention préventive que sur base d'un mandat d'arrêt délivré par un juge (sauf s'ils sont réellement arrêtés en flagrant délit).

  • Permettre aux organisations non gouvernementales nationales et internationales de défense des droits humains d'avoir accès immédiatement et librement au centre de détention de Temara.

    Pour améliorer l'efficacité de l'Instance Equité et Réconciliation

  • Déclarer que les agents de l'Etat qui entravent le travail de la Commission ou refusent de coopérer avec elle feront l'objet de sanctions.

  • Déclarer que bien que le mandat de la commission l'empêche d'identifier les auteurs d'exactions individuellement, elle devrait remettre au pouvoir judiciaire marocain les éléments d'enquête qui aideront les tribunaux à remplir leur devoir et à traduire en justice les auteurs de graves violations.

  • Déclarer qu'aucune amnistie ou prescription ne sera appliquée pour les personnes impliquées dans des actes de "disparition" ou autres atteintes abjectes aux droits humains; et que toute affaire de disparition forcée que la commission n'aura pas totalement élucidée au terme de sa mission continuera à faire l'objet d'une enquête aussi longtemps que le sort de la victime n'aura pas été clarifié.

    A l'Instance Equité et Réconciliation

  • Révéler publiquement le degré de coopération reçue de la part des agents de l'Etat actuels et passés lors de ses enquêtes. Cette coopération sera mesurée sur base des témoignages oraux, documents, notamment les rapports médicolégaux et les comptes rendus des tribunaux, et autres preuves qu'elle recevra. La commission devrait également révéler l'impact que le manque de coopération a sur le rapport circonstancié et fidèle qu'elle doit fournir à propos de la période concernée.

  • Réaffirmer publiquement le besoin d'établir les responsabilités dans les graves exactions qui ont été commises, même si la commission elle-même ne peut désigner les auteurs individuellement.

  • Demander que toute "disparition" non élucidée totalement par la commission continue à faire l'objet d'une enquête jusqu'à ce que le sort de la personne disparue soit pleinement clarifié, et qu'aucune amnistie ou prescription ne soit appliquée aux personnes impliquées dans des "disparitions" ou autres atteintes atroces aux droits humains.

  • Veiller à ce que la commission ou un autre organe de l'Etat accorde la même attention à toutes les formes de violations graves des droits humains – et pas seulement aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées – pour déterminer les indemnisations, l'assistance et toute autre mesure que la commission prendra en faveur des victimes.

  • Etant donné la nature contestée des événements au Sahara occidental, les conditions de sécurité renforcées dans cette région et le grand nombre de cas qui s'y produisent, faire en sorte que lors de ses travaux, la commission accorde la même attention aux victimes ouest-sahariennes de violations des droits humains et à la population du Sahara occidental en général.

  • Utiliser pleinement le mandat de la commission pour proposer des sauvegardes visant à empêcher que les abus du passé ne se reproduisent et souligner que des exactions graves, et en quelque sorte similaires, ont lieu aujourd'hui; recommander des mesures concrètes pour mettre fin aux fréquentes violations des droits des suspects retenus en garde à vue par la police et à l'aval donné dans ces cas de violations par un pouvoir judiciaire qui n'exerce pas l'indépendance qui lui est garantie par la constitution.

    Aux Nations Unies

    Au Rapporteur Spécial sur la Torture

  • Solliciter une invitation pour se rendre au Maroc afin d'y effectuer une enquête sur les témoignages et accusations de torture et autres mauvais traitements sur les détenus.

    Au Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire

  • Solliciter une invitation pour se rendre au Maroc afin d'y effectuer une enquête sur les témoignages et accusations de détention illégale et arbitraire de détenus marocains.

    Au Comité Contre la Torture du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CAT)

  • Demander que dans son prochain rapport au CAT, le Maroc inclue des informations sur les mesures antiterroristes prises suite aux attentats de mai 2003 à Casablanca.

  • Sur base de l'examen des nouveaux rapports et des rapports antérieurs présentés par le Maroc, identifier les points qui suscitent des inquiétudes, en particulier par rapport au respect par Rabat de la disposition de la résolution 1456 du Conseil de Sécurité qui exige que les mesures antiterroristes adoptées par les Etats soient en conformité avec le droit international humanitaire et des droits humains. Demander de plus amples informations en fonction des exigences posées par la situation.

  • Etablir un plan à long terme avec le Maroc pour mettre en place des mécanismes permettant de combattre le terrorisme tout en protégeant les droits humains.

    Au gouvernement américain

  • Dans toutes les communications de toutes les agences gouvernementales américaines au gouvernement marocain, faire clairement et immanquablement passer le message que le respect des droits humains doit faire partie intégrante de toute politique en matière de sécurité, notamment lors des opérations antiterroristes.

  • Prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que l'aide antiterroriste apportée par les Etats-Unis au Maroc n'est pas utilisée pour violer les droits humains.

  • Lors de toutes les rencontres officielles, soulever avec le gouvernement marocain le problème du traitement des suspects arrêtés dans le cadre de la campagne antiterroriste et s'assurer que toute coopération en matière de politique de sécurité et de lutte antiterroriste soit en conformité avec les normes internationales relatives aux droits humains.

  • Aider le gouvernement marocain à réformer le système judiciaire et à organiser des programmes de formation pour policiers, procureurs et juges mettant l'accent sur la protection du droit de tous les détenus à une procédure équitable. Cette assistance devrait être subordonnée à la volonté politique dont feront preuve les autorités marocaines pour exécuter les réformes et faire de l'indépendance de la justice une réalité.

  • Ne pas extrader ou refouler vers le Maroc des personnes soupçonnées d'infractions liées à la sécurité ou au terrorisme avant que le gouvernement n'ait apporté des garanties vérifiables que ces personnes ne seront pas soumises à la torture ou à des mauvais traitements en détention et pendant les interrogatoires; prendre des mesures pour vérifier que les suspects déjà remis entre les mains du Maroc n'ont pas été soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

    A l'Union européenne et à ses Etats membres

  • Dans toutes les communications de toutes les agences de l'Union européenne et de ses Etats membres au gouvernement marocain, faire clairement et immanquablement passer le message que le respect des droits humains doit faire partie intégrante de toute politique en matière de sécurité, notamment lors des opérations antiterroristes.

  • Lors de toutes les rencontres officielles, soulever avec le gouvernement marocain le problème du traitement des suspects arrêtés dans le cadre de la campagne antiterroriste et s'assurer que toute coopération en matière de politique de sécurité et de lutte antiterroriste soit en conformité avec les normes internationales relatives aux droits humains.

  • Aider le gouvernement marocain à réformer le système judiciaire et à organiser des programmes de formation pour policiers, procureurs et juges mettant l'accent sur la protection du droit de tous les détenus à une procédure équitable. Cette assistance devrait être subordonnée à la volonté politique dont feront preuve les autorités marocaines pour exécuter les réformes et faire de l'indépendance de la justice une réalité.

  • Ne pas extrader ou refouler vers le Maroc des personnes soupçonnées d'infractions liées à la sécurité ou au terrorisme avant que le gouvernement n'ait apporté des garanties vérifiables que ces personnes ne seront pas soumises à la torture ou à des mauvais traitements en détention et pendant les interrogatoires; prendre des mesures pour vérifier que les suspects déjà remis entre les mains du Maroc n'ont pas été soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

    A la Ligue Arabe

  • Appeler le gouvernement marocain à respecter et observer pleinement les principes et obligations stipulées aux termes des Articles 7, 8 et 13(a) de la Charte arabe des droits de l'homme (1994), lesquels énoncent le droit à la présomption d'innocence, le droit à ne pas être arrêté et détenu arbitrairement et l'interdiction de la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants.


    <<précédente  |  index  |  suivant>>october 2004