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IV. Les fosses communes

Plusieurs déclarations ont été faites à la presse par des représentants officiels au début de l’année 2003 sur les fosses communes qui contiennent selon certaines estimations plus de 3 000 Algériennes et Algériens. Un article paru dans Le Monde du 7 janvier mentionnait qu’une « source autorisée de l’armée » estimait que ce chiffre s’élevait à 3 030, faisant vraisemblablement allusion aux cas liés à la violence politique qui a commencé au début des années 90. 33 Dans son discours prononcé le 19 mars devant le Forum el-Moudjahid, Me Ksentini a, lui, parlé de 3 300 personnes enterrées sous X, stipulant qu’il recommanderait entre autres choses au Président d’utiliser des techniques modernes d’identification des corps : « Cette solution pourra aider à résoudre, entre autres, le dossier des disparus et permettre aux parents de faire leur deuil ». 34 Dans un entretien accordé un peu plus tard à la presse, Me Ksentini aurait estimé que faire des tests d’ADN permettrait de savoir s’il y avait des « disparus » parmi les personnes enterrées sous X. 35

Le décret créant la nouvelle commission précise qu’elle est chargée « de faire procéder [par les autorités compétentes] aux opérations d’identification des cadavres retrouvés ». À ce jour, le gouvernement n’a toujours pas, à notre connaissance, précisé les moyens qu’il utilise pour collecter, examiner, analyser et préserver les preuves qui se trouvent dans les fosses communes liées aux assassinats politiques. Il n’a pas non plus précisé de quelle manière il consulte les parties concernées et leur communique les informations dont il dispose.

Cette question peut se révéler importante non seulement pour les familles des « disparus » mais aussi pour les proches des personnes enlevées par les groupes armés. Pendant le conflit des années 90, des groupes armés combattant le gouvernement ont enlevé des centaines voire des milliers d’Algériennes et d’Algériens dont on est toujours sans nouvelles. Ces actes, tout comme le recours systématique aux « disparitions », constituent des crimes contre l’humanité.

Dans une lettre adressée à la CNCPPDH, Somoud, l’organisation qui représente les familles des personnes enlevées par les groupes armés et toujours manquantes, a accusé l’État de ne pas avoir su utiliser des moyens modernes pour identifier les corps trouvés dans les fosses communes. 36

Il est important de noter que de nombreux proches des « disparus » refusent de parler des enquêtes menées sur les fosses communes. Ils partent du principe que leurs êtres chers sont toujours en vie, peut-être gardés dans des lieux de détention secrets, tant qu’ils ignorent ce qui leur est arrivé après leur enlèvement.



33 Florence Beaugé, « En Algérie, aucun survivant parmi les disparus de la ‘sale guerre’ », Le Monde, 7 janvier 2003.

34 Nabila K., « La question des disparus est loin de connaître son épilogue : Ksentini propose la création d’une commission judiciaire», Le Jeune Indépendant, 30 mars 2003.

35 « Me Farouk Ksentini à l’Authentique : ‘3 300 personnes enterrés sous X subiront des tests ADN’, » l’Authentique, 10 mai 2003.

36 Communiqué de presse de Somoud, non daté, mars 2003.


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Décembre 2003