ResumeDepuis lattaque de décembre 2005 lancée par des rebelles tchadiens contre Adré, une ville stratégiquement importante de lEst du Tchad, les groupes armés ont proliféré le long de la frontière entre le Tchad et le Soudan, en bénéficiant du soutien des deux pays et en exploitant la liberté de mouvement pour se rendre dun pays à lautre afin daccroître leurs activités. Deux des principaux protagonistes du conflit du Darfour ont pu établir des têtes de pont dans lEst du Tchad : les milices soudanaises Janjaweed, dont certaines ont commis des atrocités des deux côtés de la frontière et les groupes rebelles soudanais. Ce qui nétait au départ quun conflit local au Darfour est en train de prendre des dimensions transfrontalières et régionales et les civils du Tchad se retrouvent pris au piège. La frontière entre le Tchad et le Soudan nétant pratiquement pas surveillée, les milices Janjaweed basées au Darfour font des incursions de plus en plus profondes au Tchad, exacerbant les tensions ethniques et entraînant les groupes ethniques dans des vendettas dotées dautonomie propre. Les milices soudanaises Janjaweed ont formé des alliances avec des groupes ethniques tchadiens et certaines attaques conjointes peuvent répondre à des motivations politiques ou ethniques liées à des dynamiques propres au Tchad, notamment les tentatives des rebelles tchadiens de renverser le Président Déby. Dautres attaques semblent être purement criminelles : lors dun incident particulièrement brutal, 118 civils ont été tués les 12 et 13 avril, dans lEst du Tchad, alors que des rebelles tchadiens tentaient en vain un coup détat. Alors quaugmente la violence rurale, une faction de lArmée de libération du Soudan (SLA), un groupe rebelle basé au Darfour, sest mise à prendre pour cible les camps de réfugiés dans lEst du Tchad, dans le but de réaliser son programme aux ambitions étroites. Cette faction rebelle au Darfour, liée au gouvernement tchadien, a recruté plusieurs milliers de réfugiés à lintérieur des camps supervisés par les Nations Unies situés au Tchad, en mars dernier et les a retenus dans des conditions éprouvantes. Le HCR estime que 4 700 hommes et garçons ont été recrutés à partir des camps de réfugiés de lEst du Tchad pour être incorporés dans les forces rebelles soudanaises, risquant ainsi la militarisation des camps de réfugiés et exposant des populations vulnérables à des abus. Certaines recrues ont été forcées de joindre le rang des combattants et ont été brutalement maltraitées. Au cours des six derniers mois, au moins 50 000 civils tchadiens vivant dans des villages ruraux sur la frontière entre le Tchad et le Soudan ou dans ses environs ont été forcés de quitter leurs maisons à cause des attaques que continuent de lancer les miliciens Janjaweed basés au Darfour. Alors que les relations entre le Tchad et le Soudan se détériorent et que linsécurité augmente le long de leur frontière commune, les civils vivant dans les zones frontières de lEst du Tchad, dangereuses et désespérément pauvres sont plus que jamais en danger. Les gouvernements tchadiens et soudanais doivent immédiatement initier des actions pour mettre fin au soutien quils apportent à des groupes armés responsables de violations du droit international humanitaire coutumier et qui commettent en particulier des abus contre les civils. Les événements tchadiens montrent une fois encore le besoin urgent dune force de protection des civils qui soit plus forte, mobile et internationale. Celle-ci devrait être déployée au Darfour et le long de la frontière avec le Tchad. Pour finir, à moins que le gouvernement soudanais ne soit soumis à de nombreuses pressions internationales pour quil se plie aux exigences des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et respecte les engagements contractés dans le cadre de lAccord de paix du Darfour du 5 mai visant à désarmer et démobiliser les milices Janjaweed quil a recrutées, armées et soutenues, les civils de lEst du Tchad vont continuer à subir des attaques brutales et la stabilité régionale demeurera très fragilisée.
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