Rapports de Human Rights Watch

<<précédente  |  index  |  suivant>>

Droit humanitaire international et des droits humains

Selon les Conventions de Genève de 1949, la guerre civile au Burundi est un conflit armé (interne) non international. Les conflits armés internes sont ceux qui éclatent au sein du territoire d’un Etat partie aux Conventions de Genève. Ils sont régis par l’Article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et au Second protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève (Protocole II), et par une grande partie du droit coutumier applicable aux conflits internationaux. A l’article 4(3) (c) du Protocole II, toutes les parties à un conflit armé interne ont l’interdiction de recruter des enfants de moins de quinze ans ou de leur permettre de prendre part aux hostilités.  Le Burundi a ratifié les Conventions de Genève de 1949 en 1971 et le Protocole II en 1993.

 

Une autre norme sur le recrutement des enfants pour les forces armées est établie par l’Article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par le Burundi en 1990, qui réitère l’interdiction sur le recrutement de personnes âgées de moins de quinze ans établie dans le Protocole II.41 Selon l’Article 19 de la Constitution du Burundi, la Convention relative aux droits de l’enfant fait partie intégrante du droit burundais.42

En traitant la question des enfants dans les FNL, le gouvernement du Burundi doit respecter le droit international des droits humains ainsi que le droit humanitaire international. En plus d’adhérer aux limites d’âge de recrutement, le gouvernement doit aussi faire appliquer ces limites et prendre des mesures pour que ceux qui les violent rendent des comptes. Il doit aussi protéger les enfants affectés par le conflit armé et prendre des mesures positives pour favoriser leur bien-être.

Interdictions internationales d’utiliser d’anciens enfants soldats comme informateurs

L’obligation des Etats de protéger les enfants de moins de dix-huit ans dans des situations de conflit armé se traduit aussi dans la Convention sur les pires formes du travail des enfants (No. 182), que les états membres de l’Organisation  Internationale du Travail ont adoptée à l’unanimité en 1999, et que le Burundi a ratifiée en 2002. La Convention No. 182 engage les états membres qui la ratifient à “prendre des mesures immédiates et effectives pour garantir l’interdiction et l’élimination des pires formes du travail des enfants de façon urgente.” Elle définit un enfant comme toute personne de moins de dix-huit ans et inclue dans sa définition des pires formes du travail des enfants :

Toutes les formes d’esclavage ou les pratiques similaires à l’esclavage, telles que la vente et le trafic des enfants, l’asservissement à une dette et le servage et le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants pour les utiliser dans un conflit armé.43

La pratique du gouvernement burundais consistant à exiger des ex-combattants qui sont mineurs qu’ils transportent des munitions et qu’ils aident à localiser des combattants et partisans des FNL est une forme de recrutement obligatoire pour les utiliser dans un conflit armé, et constitue une violation de cette convention.  

Obligations internationales de favoriser les meilleurs intérêts des anciens enfants soldats

L’obligation de l’Etat de protéger et de favoriser le bien-être des enfants victimes de conflits armés découle de ses devoirs globaux dans le cadre de la Convention relative aux droits de l’enfant de protéger les enfants comme le secteur le plus vulnérable de la société, et d’agir dans leur meilleur intérêt. Selon l’article 39 de la Convention :

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Cette réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l’enfant.

De plus, l’article 6(3) du Protocole facultatif de la Convention relative aux droits de l’enfant sur l’implication des enfants dans les conflits armés (connu généralement comme le Protocole sur les enfants soldats), adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies le 25 mai 2000, prévoit que :

Les États parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les personnes relevant de leur compétence qui sont enrôlées ou utilisées dans des hostilités en violation du présent Protocole soient démobilisées ou de quelque autre manière libérées des obligations militaires. Si nécessaire, les États parties accordent à ces personnes toute l'assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale.

L’Article 7(1) exige que les Etats parties :

coopèrent à l'application du présent Protocole, notamment pour la prévention de toute activité contraire à ce dernier et pour la réadaptation et la réinsertion sociale des personnes qui sont victimes d'actes contraires au présent Protocole, y compris par une coopération technique et une assistance financière. Cette assistance et cette coopération se feront en consultation avec les États parties concernés et les organisations internationales compétentes.

La constitution du Burundi reconnaît aussi que tous les enfants ont droit à des protections spéciales, du fait de leur vulnérabilité.44 Selon l’Article 46 de la constitution, les enfants doivent être détenus le moins longtemps possible, et tous les enfants détenus de moins de seize ans doivent être séparés des adultes dans des conditions appropriées à leur âge.45

L’interdiction d’utiliser des enfants comme combattants

Le Protocole sur les enfants soldats fixe à dix-huit ans l’âge minimum pour une participation directe aux hostilités, pour le recrutement obligatoire et pour tout recrutement ou utilisation dans des hostilités par des groupes armés irréguliers.

Le Burundi a signé le Protocole sur les enfants soldats en 2001 mais il ne l’a pas encore ratifié. En tant que signataire, le Burundi est “obligé de s’abstenir de tout acte pouvant nuire à l’objet et au but” du traité.46 Le Burundi doit chercher à interdire le recrutement des enfants ou leur utilisation dans les hostilités par tout groupe armé sur son territoire. L’Etat peut également être considéré comme responsable, par omission, s’il s’abstient de prendre les mesures adéquates pour empêcher l’atteinte par des acteurs non étatiques d’autres droits dont bénéficient les enfants dans le cadre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Ces droits sont, entre autres : le droit d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre l’éducation de l’enfant, ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ;47 le droit à la protection contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation ;48 et le droit de ne pas être séparé de leurs parents contre leur gré.49

Le Burundi est aussi un Etat partie à la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, depuis 2004. Selon l’article 17, les Etats parties doivent garantir que les enfants en détention sont séparés des adultes. L’exigence selon laquelle les enfants ne doivent pas être recrutés ni ne prendre aucune part active aux hostilités est réitérée par l’article 22.



[41] Convention relative aux droits de l’enfant, Articles 2 et 3. L’article 38 de la Convention est une anomalie quand il utilise un âge minimum de quinze ans ; à tous autres égards, la définition générale d’un enfant par la Convention est toute personne de moins de dix-huit ans. La Convention stipule qu’aucune de ses dispositions ne doit affecter des lois qui sont plus favorables aux droits de l’enfant.

[42] Constitution du Burundi, Article 19, adoptée le 9 mars 1992.

[43] Organisation Internationale du Travail, Convention sur les pires formes du travail des enfants  (Convention 182), Article 3 (a).

[44] Constitution du Burundi, Article 30.

[45] Constitution du Burundi, Article 46.

[46] Convention de Vienne sur le droit des traités, UN Doc A/Conf 39/28, UKTS 58 (1980), art. 18 (entrée en vigueur le 27 janvier 1980).

[47] Convention des droits de l’enfant, Article 32 (1).

[48] Convention des droits de l’enfant, Article 19 (1).

[49] Convention des droits de l’enfant, Article 9.


<<précédente  |  index  |  suivant>>juin 2006