Rapports de Human Rights Watch

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Les enfants détenus en prison

Depuis que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en août 2005, il a mené une rude campagne contre la population civile dans les zones d’activité des FNL, se livrant à des arrestations, des tortures et même des exécutions sommaires contre les personnes suspectées d’apporter une aide matérielle aux FNL. En se servant de combattants des FNL qui sont entre les mains du gouvernement pour identifier les individus à arrêter, les agents de police et de la sécurité ont arrêté des centaines de personnes, y compris des enfants, qui auraient fourni de la nourriture, de l’eau ou un hébergement à des membres des FNL.28 Au 15 mai 2006, la prison de Mpimba à Bujumbura comptait trente et un mineurs accusés du délit de participation dans un groupe armé, tous détenus depuis août 2005. Au moins neuf autres étaient détenus pour le même délit dans des prisons du pays.29 Certains ont admis avoir été membre des FNL à moment donné, tandis que d’autres déclarent qu’ils ont seulement donné de l’eau ou de la nourriture aux rebelles quand ils ont été forcés à le faire. Aucun n’est passé en jugement ni n’a été condamné.30

Un garçon de quinze ans de la province de Bujumbura-rural actuellement détenu à Mpimba a raconté à un chercheur de Human Rights Watch qu’il avait été recruté par la force par les FNL alors qu’il rentrait chez lui après l’école quand il avait dix ans. Il a réussi à s’échapper du groupe rebelle un an plus tard et il est rentré chez lui, où il a aidé ses parents à cultiver leur terre. En octobre 2005, des combattants des FNL capturés et qui l’avaient connu des années auparavant, l’ont identifié comme membre des FNL. Il a été arrêté et se trouvait à la prison centrale depuis neuf mois quand nos chercheurs lui ont parlé.31

Un autre garçon de seize ans lui aussi de la province de Bujumbura-rural a reconnu auprès de Human Rights Watch qu’il avait transporté du bois pour les FNL mais a dit qu’il n’avait jamais été un combattant. Arrêté après avoir été identifié par des combattants des FNL capturés, il a passé quatre mois à la prison de Mpimba avant d’être présenté à un magistrat. D’après cet enfant : “Le magistrat m’a dit qu’il fallait que j’attende que le président du pays décide de mon cas et me libère et les autres gens comme moi. Le magistrat m’a dit que je n’aurai jamais de procès parce qu’il n’y a pas de preuves contre moi.”32

Selon la procédure criminelle du Burundi, une personne peut être détenue pour une durée maximum d’une semaine, avec une possible extension à deux semaines en cas de “prorogation indispensable ” par la police judiciaire, mais après cela la personne doit être mise en accusation ou relâchée.33

Les enfants détenus à Mpimba sont logés dans des quartiers séparés des adultes, mais dans des conditions de grave surpeuplement. Plusieurs enfants se sont plaints de ne pas avoir assez de place pour s’allonger la nuit.34 Les enfants à la prison de Ngozi qui n’ont pas assez d’argent pour se payer l’utilisation d’un matelas dorment par terre.35 Les enfants en prison reçoivent une nourriture insuffisante, une tasse de farine de manioc et une tasse de haricots pour chacun et par jour. Ils doivent faire cuire le manioc eux-mêmes. Pour avoir le charbon de bois nécessaire à la cuisine, certains enfants doivent vendre une partie de leur ration alimentaire pour le combustible.   Les enfants n’ont pas accès à l’éducation et peu d’occasions de respirer l’air libre et de faire de l’exercice. Ils reçoivent peu de services médicaux ou autres.36 Au cours d’une visite à la prison de  Mpimba le 16 mai 2006, un chercheur de Human Rights Watch a trouvé un ancien combattant des FNL de seize ans qui avait été touché à la hanche au cours d’une escarmouche avec les forces gouvernementales l’année précédente. Il n’avait jamais été soigné pour sa blessure et présentait des signes d’infection s’étendant de sa hanche à son genou et à sa jambe.37



[28] Voir Human Rights Watch, “Dérapages : abus perpétrés au Burundi,” et “Faux pas dans un moment crucial,” un rapport de Human Rights Watch, 4 novembre 2005, [online] http://hrw.org/backgrounder/africa/burundi1105/.

[29] Entretiens de Human Rights Watch avec des enfants détenus, prison de Gitega, 23 mai 2006, prison de Ruyigi, 25 mai 2006, prison de Ngozi, 7 juin 2006, prison de Bubanza, 13 juin 2006.

[30] Statistiques recueillies à Mpimba auprès du personnel pénitentiaire par l’Association pour la Protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), 15 mai 2006, et par Human Rights Watch, 6 juin 2006. Le délit de “participation dans un groupe armé” apparaît dans le Décret-loi no. 1/6 d’Avril 1981 portant réforme du Code Pénal, Section 4, Articles 419-422.

[31] Entretien de Human Rights Watch avec un enfant détenu, prison centrale de Mpimba, Bujumbura, 16 mai 2006.

[32] Ibid.

[33] Loi No 1/015 du 20 Juillet 1999 portant réforme du code de procédure pénale, Article 60.

[34] Entretiens de Human Rights Watch avec des enfants détenus, prison centrale de Mpimba, Bujumbura, 16 mai 2006.

[35] Entretien de Human Rights Watch, prison de Ngozi, 7 juin 2006.

[36] Entretiens de Human Rights Watch avec des enfants détenus, prison centrale de Mpimba, Bujumbura, 16 mai 2006.

[37] Entretien de Human Rights Watch avec un enfant détenu, prison centrale de Mpimba, Bujumbura, 16 mai 2006.


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