I. Introduction

La cinquième session de l’Assemblée des Etats parties (l’Assemblée) a le potentiel de constituer une étape importante dans l’évolution de la Cour pénale internationale (CPI). Pour la première fois, les Etats parties auront l’occasion de débattre d’aspects substantiels des pratiques et des politiques de la CPI lors d’une session de l’Assemblée. Tout en respectant scrupuleusement l’indépendance de la CPI, les Etats parties doivent optimiser ces opportunités afin de promouvoir le développement de la Cour comme institution pouvant accomplir sa mission de traduire en justice les auteurs des crimes les plus graves lorsque les tribunaux nationaux n’ont pas la volonté ou la capacité de le faire . En tirant le meilleur parti des occasions de débat, les Etats parties développeront aussi leur compréhension du travail de la Cour et des défis qu’elle rencontre, ce qui permettra à l’Assemblée d’exercer ses fonctions de manière plus efficace. Les Etats parties doivent de plus prendre des décisions lors de cette session de l’Assemblée pour garantir que la CPI bénéficie du soutien et de la coopération nécessaires. La CPI a maintenant évolué de façon plus complète vers une phase opérationnelle et elle a fortement besoin de coopération pour mener des enquêtes et des procès.

Au cours de l’année écoulée, les avancées de la CPI ont été importantes. Le 17 mars 2006, Thomas Lubanga, un dirigeant des milices congolaises, est devenu la première personne livrée à la CPI.1 Après l’arrestation et le transfert de Lubanga au tribunal, la Chambre préliminaire I a engagé la procédure dans cette affaire et pris des décisions importantes2 sur des provisions du Statut de Rome.3 La possibilité pour les victimes de participer à la CPI a aussi fait un pas en avant : la Cour a reçu plus de 100 demandes et elle a accordé à quatre victimes la possibilité de participer  à la procédure dans le cadre de l’affaire Lubanga.4 De plus, les enquêtes concernant les crimes commis en République Démocratique du Congo (RDC), dans le nord de l’Ouganda, et au Darfour se sont poursuivies tout au long de l’année. Des progrès significatifs dans le processus de développement institutionnel de la Cour ont aussi été accomplis : en particulier, la Cour a préparé un Plan stratégique pour servir de guide à ses opérations pour les années à venir. Il existe aussi d’autres développements positifs comme par exemple la présence et les activités accrues de la CPI sur le terrain dans les situations faisant l’objet d’une enquête.

Ce sont là des progrès appréciables, en particulier si l’on considère les défis énormes auxquels la CPI doit constamment faire face. L’un des défis les plus importants est celui de la dépendance de la Cour par rapport à la coopération externe pour remplir des tâches essentielles. Par exemple, plus d’un an après que les mandats d’arrêt aient été lancés par la CPI dans le nord de l’Ouganda contre cinq chefs de l’Armée de résistance du seigneur (ARS), aucun de ces mandats n’a été exécuté. Les autres défis portent sur les questions récurrentes de sécurité, les contraintes logistiques et la difficulté à adapter les activités à chaque situation faisant l’objet d’une enquête.

Mais il existe aussi des lacunes importantes. Principalement, la CPI continue à accorder une attention insuffisante à rendre ses travaux pertinents pour les communautés les plus affectées par les crimes commis. Si les aspects les plus fondamentaux des travaux de la Cour sont les enquêtes et les procès rapides et équitables, la CPI ne sera pas en mesure de remplir sa mission si son travail n’a pas la résonance nécessaire auprès des communautés qui ont souffert le plus directement des crimes haineux commis.

Ce document présente 27 recommandations pour encourager l’Assemblée à promouvoir le développement positif de la CPI, par exemple en octroyant des ressources à des domaines prioritaires, et pour que l’Assemblée envisage la façon dont elle peut garantir que la CPI obtienne la coopération dont elle a besoin. Ce sont là des points essentiels pour que la Cour puisse mener à bien son mandat qui est de mettre un terme à l’impunité pour les crimes les plus graves, et pour s’assurer qu’elle ne décevra pas ceux que sa création était censée servir.



1 Lubanga aurait participé à la commission de crimes de guerre consistant en l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans et à les faire participer à des hostilités sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Voir “Première arrestation à la Cour pénale internationale,” communiqué de presse de la CPI, 17 mars 2006, http://www.CPI-cpi.int/press/pressreleases/132.html (consulté le 8 novembre 2006).

2 Les questions traitées incluent la participation des victimes, la complémentarité et la gravité. Voir, par exemple, Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire No. CPI-01/04-01/06, Décision sur les demandes de participation à la procédure de a/0001/06, a/0002/06 et a/0003/06 dans l’affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo et de l’enquête en République Démocratique du Congo, 28 juillet 2006, et Décision  relative à la Décision de la Chambre préliminaire I du 10 février 2006 et à l’inclusion de documents dans le dossier de l’affaire concernant Mr. Thomas Lubanga Dyilo, 24 février 2006. Les décisions dans l’affaire Lubanga  sont disponibles à http://www.CPI-cpi.int/cases/RDC/c0106.html (consulté le 6 novembre 2006).

3 Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Satut de Rome), U.N. Doc. A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002.

4 Voir, par exemple, Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire No. CPI-01/04-01/06, Décision sur les demandes de participation à la procédure a/0001/06, a/0002/06 et a/0003/06, 28 juillet 2006; Décision sur les demandes de participation à la procédure a/0004/06 a a/0009/06, a/0016/06 a a/0080/06 et a/0105/06 dans le cadre de l’affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, 20 octobre 2006.