Lenjeu des élections
Linscription des électeurs, qui a commencé le 20 juin 2005, devait durer trois semaines dans chaque province, et devait se terminer en octobre. Mais dans beaucoup de provinces, les autorités ont prolongé linscription jusquà quatre semaines ou plus à cause de problèmes logistiques ou de sécurité. Bien que vingt-quatre millions de personnes soient déjà inscrites ailleurs dans le pays au début du mois de décembre, le processus nétait pas encore terminé dans les provinces de lEquateur et de Bandundu. Les personnes qui se sont inscrites ont aussi reçu une carte nationale didentité, une mesure importante dans un pays où les documents didentité nont pas été délivrés depuis de nombreuses années.
Etant donné le manque dinfrastructure étatique dans un pays aussi vaste, des problèmes importants ont été rencontrés pour linscription des citoyens. Mais les difficultés et les irrégularités constatées jusquà fin novembre ont été moindres que prévu. Le 15 novembre, la Commission Electorale Indépendante (CEI), responsable de la gestion du processus électoral, a annoncé que dans la région de Kinshasa il y avait eu 150 199 cas de tentatives de fraude, la plupart concernant des personnes qui avaient essayé de sinscrire deux fois.3 Au moment où nous écrivons, les informations concernant dautres régions nétaient pas encore disponibles.
Dans plusieurs cas, des combattants opposés au gouvernement national ont eu recours à la violence pour essayer dinterrompre les inscriptions. En octobre 2005, un groupe de Mai Mai, des combattants défendant des intérêts locaux, a pris en otages six employés électoraux dans le Nord Kivu, retenant certains dentre eux pendant plus dune semaine. En Ituri, des membres des milices ont attaqué à trois reprises des centres dinscription ou des véhicules officiels, et dans une occasion ils ont retenu en otages trois fonctionnaires pendant dix jours.4 Dans certaines parties de lEst du Congo, les autorités ont décidé de ne pas ouvrir les centres dinscription à cause de linsécurité régnant dans la région. Les électeurs nont pu sinscrire dans ces endroits ou ont été obligés de se déplacer sur de longues distances pour sinscrire ailleurs.5
Dans le Nord Kivu, les tensions entre Tutsi et dautres communautés ethniques se sont accrues lorsque plus dun millier de Tutsi congolais qui sétaient réfugiés au Rwanda sont rentrés chez eux, vraisemblablement parce quils voulaient participer aux élections. Des Congolais dautres groupes ont prétendu que des citoyens rwandais sinscrivaient afin de se faire passer pour des citoyens congolais, une allégation qui semble navoir été vraie que dans un petit nombre de cas.6
Dans certains endroits, les autorités nont pas payé les salaires demployés électoraux et certains dentre eux ont menacé de perturber le référendum pour attirer lattention sur leurs doléances. Des fonctionnaires électoraux dans plusieurs centres de lEst du Congo où sest rendu un enquêteur de Human Rights Watch travaillaient depuis des semaines sans être payés. Quand le Président de la commission électorale sest rendu à Bunia en octobre, cinq employés électoraux ont été arrêtés et certains ont été blessés quand ils ont protesté contre le fait que leurs salaires nétaient pas payés.7 Au cours dun incident similaire en décembre, huit employés ont été arrêtés et plusieurs dentre eux ont été frappés à Kinshasa quand ils ont tenté de réclamer les salaires qui leur étaient dus.8 Daprès un coordinateur des élections dans le Nord Kivu, des fonctionnaires du centre délections à Sake ont refusé de rendre leur matériel dinscription délecteurs tant quils navaient pas reçu leurs salaires.9 Un coordinateur délections du Sud Kivu a déclaré que seuls les employés de la capitale de province et de lîle dIdjwi avaient été payés et un autre fonctionnaire électoral a déclaré que des employés non payés avaient menacé de manifester sils nétaient pas payés.10 Que ce soit pour compenser des salaires impayés ou simplement pour profiter de cette nouvelle occasion, des fonctionnaires électoraux et certains officiers de police ont utilisé le processus dinscription pour se livrer à de petits actes de corruption, comme daccepter de largent de personnes qui voulaient avancer dans les files dattente pour sinscrire.11 Le 9 septembre, des officiers de police à Goma se sont battus pour les profits de cette corruption, et dans la bagarre trois personnes ont été tuées, dont deux officiers de police et un badaud.12
Les retards de paiements ont aussi entravé la tâche des employés électoraux. Selon un fonctionnaire électoral dans le Sud de lIturi, il na pas pu envoyer du personnel dans certaines régions à cause des menaces de violences de la part de créanciers impayés attendant des remboursements de carburant et autres fournitures délivrées aux employés électoraux.13
Du matériel dinscription électorale en quantité insuffisante a été reçu dans la province de Kasai, une région qui soutient fortement le principal parti dopposition, lUnion pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Etienne Tshisekedi, Président de lUDPS, sest opposé au processus électoral, quil considère comme défectueux ; il a encouragé ses partisans à boycotter les inscriptions et les urnes, mais avec peu de succès. Certaines personnes de Kasai ont considéré le manque de matériel électoral comme une tentative délibérée de limiter le nombre des électeurs dans la région, mais après que les fonctionnaires de la MONUC ont signalé ce manque, davantage de matériel a été envoyé et des électeurs en nombre proportionnel à ceux qui se sont inscrits dans dautres zones ont été finalement inscrits.14
[3] Présentation, Abée Malu-Malu, Président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), Bruxelles, 28 novembre 2005. [4] Entretien conduit par Human Rights Watch, John Ukunya, Chef de bureau de liaison de la CEI, Bunia, 27 octobre 2005. [5] Ibid., présentation par Abée Malu-Malu, Bruxelles. [6] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Marie Shematsi, Coordinatrice provinciale de la CEI, Nord-Kivu, 6 octobre 2005; Maitre Kambale Ngayiremawa, Chargé de services juridiques et contentieux, CEI, Goma, 6 octobre 2005; Chef de bureau, Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 5 octobre 2005. [7] Ibid., Chef de bureau de liaison, CEI, Bunia. [8] Observatoire Congolais des droits humains, Communiqué de Presse N OCDH/008/005. [9] Ibid., Coordinatrice provinciale de la CEI pour le Nord Kivu. [10] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Gaudens Maheshe, Coordinateur provincial de la CEI pour le Sud Kivu, Bukavu, 29 novembre 2005 et Chef de bureau de liaison de la CEI, Uvira, 24 novembre 2005. [11] Entretien conduit par Human Rights Watch, Centre denrôlement, territoire Masisi, 9 octobre 2005. [12] Ibid., Coordinateur de la CEI pour le Nord Kivu, 5 octobre 2005. [13] Ibid., Chef du bureau de liaison de la CEI, Bunia, 27 octobre 2005. [14] Entretien conduit par Human Rights Watch, officier de la MONUC, Kinshasa, 3 octobre 2005.
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