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Human Rights Watch Commentaires Pour La Commission Preparatoire

REGLEMENT DES PREUVES ET DES PROCEDURES POUR LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE, Première partie

Février 1999

INTRODUCTION

L'élaboration des principes et du Règlement pratique en matière de Preuves et de Procédures (le Règlement) est essentielle au bon fonctionnement de la Cour Criminelle Internationale (ICC - International Criminal Court). Ce règlement doit assurer le fonctionnement efficace et effectif de la Cour. Il doit protéger les intérêts des témoins qui prendront parfois des risques en coopérant avec la Cour et doit garantir le respect des droits des suspects et des prévenus.

Certaines de ces garanties doivent être apportées spécifiquement par le Règlement. Toutefois, les délégués sont instamment priés de ne pas trop limiter l'action de la Cour par des règles excessivement détaillées. Une certaine souplesse judiciaire est indispensable afin de gérer les situations imprévisibles qui ne manqueront pas de se présenter lorsque la Cour fonctionnera et de s'assurer que la justice est rendue en fonction des circonstances particulières attachées à chaque dossier. Cette retenue dans la rédaction du Règlement est d'autant plus nécessaire que le Statut de Rome portant sur la Cour Criminelle Internationale (le Statut) est déjà fort détaillé, contrairement aux statuts assez sommaires du Tribunal Criminel International sur l'ex-Yougoslavie (ICTY - International Criminal Tribunal on the former Yugoslavia) et du Tribunal Criminel International sur le Rwanda (ICTR - International Criminal Tribunal for Rwanda).

Les délégués doivent être conscients de l'impact du Règlement, ainsi que du Statut, au delà de la question essentielle du fonctionnement de la Cour elle-même. Le Règlement de l'ICC contribuera de manière substantielle à la norme internationale en tant que référence pour la norme juridique nationale qui pourrait s'en inspirer. La portée de l'entreprise et la nécessité de se conformer aux règles internationales en matière de droits humains n'en sont que plus évidents.

Le présent document contient des recommandations et des commentaires à propos des quatrième, cinquième, sixième et septième parties du Projet de Règlement de Procédure préparé par la délégation australienne et qui sert de base à la négociation lors de la première réunion de la commission préparatoire. Bien que nous reconnaissions la valeur du document préparé par la délégation française, les références au Projet de Règlement renvoient au document australien. Etant donné que l'importante question de la participation des victimes aux débats et le problème des réparations ne seront normalement pas abordés avant la session de juillet de la commission préparatoire, le présent document n'en fera pas état.

A: ENQUETE ET POURSUITES

QUATRIEME PARTIE DU PROJET DE REGLEMENT

DETENTION PREVENTIVE

L'Article 60(4) du Statut de l'ICC stipule qu'une « [la] Chambre des mises en accusation devra s'assurer que nul ne sera détenu durant une période inutilement longue avant son procès suite à un retard inexcusable imputable au Procureur. » Lorsque ce texte a été soumis au comité de rédaction de la conférence diplomatique de Rome le 24 juin 1998 (a/conf183/c.1/wgpm/L.2), il était accompagné d'une note de bas de page qui précisait que « La durée de cette période devrait être abordée dans le Règlement des Preuves et des Procédures ».

Recommandation n1: Le pouvoir de détenir un suspect préventivement devrait être limité dans le temps. La détention préventive doit être la plus courte possible et ne devrait jamais dépasser une durée raisonnable. La définition de durée raisonnable dépendra de la nature de chaque cas particulier, mais il conviendrait de protéger les droits des détenus en spécifiant une durée maximale pour la détention préventive.

Recommandation n2: Le Règlement devrait permettre de prolonger la détention préventive dans des cas exceptionnels, lorsque l'intérêt de la justice est en jeu. Dans l'esprit du Statut, cette prolongation ne devrait en aucun cas être accordée lorsqu'elle se fonde « sur un retard inexcusable imputable au Procureur »(1). Les prévenus devraient avoir le droit de faire appel auprès de la Chambre des mises en accusation de toute décision de prolongation de la détention préventive, qu'ils aient ou non introduit un recours en annulation de la détention préventive en tant que telle. Le droit à la libération d'un prévenu qui ne serait pas jugé dans un délai raisonnable devrait être stipulé explicitement.

Commentaire: Etant donné la nature fondamentale de la présomption d'innocence(2) et du droit à la liberté, la détention préventive devrait être exceptionnelle(3) et la plus brève possible. Il est établi qu'un prévenu ne peut être détenu que pendant « un temps raisonnable(4) » avant son procès(5), faute de quoi il doit être libéré(6). Ce principe devrait être repris dans le Règlement afin de préciser que la détention préventive ne peut excéder le temps strictement nécessaire, et en aucun cas la période maximale spécifiée.

Le Règlement devrait également reconnaître la gravité des crimes dont l'ICC aura à connaître, la complexité des affaires à instruire et donc la nécessité de prévoir une certaine souplesse. Le Règlement devrait dès lors prévoir, dans l'intérêt de la justice et dans des circonstances exceptionnelles, la prolongation de la détention préventive au delà de la durée maximum spécifiée. Cette prolongation devrait toutefois demeurer une mesure exceptionnelle, motivée uniquement par l'intérêt supérieur de la justice et ne devrait jamais dépasser une durée raisonnable. L'importance des droits fondamentaux en jeu exige que les prévenus disposent d'un recours contre toute décision de prolongation de la détention au delà de la durée maximale spécifiée.

Les durées imposées dans cette section devront évidemment s'accompagner de limites dans le délai dont les Etats disposeront pour remettre au Procureur les preuves qu'ils détiennent et dont ce dernier peut dépendre, ainsi que de mesures appropriées en cas de défaut d'exécution dans la neuvième partie du Statut.

DETENTION AVANT LA CONFIRMATION DE L'INCULPATION

Projet de Règle 64; Article 61

L'Article 61(1) du Statut prévoit que « ...dans un délai raisonnable après la comparution ou la présentation volontaire du suspect devant la Cour, la Chambre des mises en accusation entendra le Procureur en ses chefs d'inculpation. »

Recommandation: Il conviendrait d'imposer des limites particulièrement restrictives au pouvoir de détention avant signification de l'acte d'accusation. Toute détention sans preuve devra dès lors être limitée à une période maximale brève qui pourra être prolongée dans les circonstances les plus exceptionnelles. L'accord de la Chambre des mises en accusation devrait être obtenu pour tout dépassement de la période maximale. Le droit des prévenus à la libération si l'inculpation n'intervient pas dans un délai raisonnable devrait être explicité.

Commentaire: Ainsi qu'indiqué dans le contexte de la détention préventive, le caractère fondamental des droits concernés exige que la détention préventive soit l'exception et qu'elle soit la plus brève possible. Ces principes sous-jacents s'appliquent avec d'autant plus de force lorsque le détenu n'a pas été accusé d'un crime. Il est important que la période de détention préalable à l'inculpation soit la plus brève possible afin de protéger le prévenu contre une privation arbitraire de sa liberté lorsque le procureur ne dispose pas encore de preuves suffisantes pour étayer les chefs d'inculpation retenus contre le détenu.

Ce qui constitue un « délai raisonnable » (7) aux termes de l'Article 61 (1) devrait dès lors être défini de la manière la plus restrictive possible. A cet égard, il conviendrait également de tenir compte de l'Article 9(2) de la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques (ICCPR - International Covenant on Civil and Political Rights), qui précise que « toute personne arrêtée devra être informée, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation(8), et devra être rapidement informée des charges qui pèsent contre elle (italique ajouté) ». Dans le contexte de l'ICC, le prévenu n'est informé des charges qui pèsent contre lui qu'au moment de la confirmation de la mise en accusation, ces charges n'existent pas en tant que telles jusqu'à ce moment. Lorsque le suspect est arrêté ou détenu, la confirmation de la mise en accusation devrait donc intervenir rapidement après l'arrestation ou le début de la détention.

Il est important que le Règlement précise que la période de détention avant inculpation ne doit pas dépasser le temps strictement nécessaire et spécifie une période de détention maximale. Cette période doit être brève, mais il faudrait permettre de la prolonger dans des cas exceptionnels, lorsque l'intérêt de la justice est en jeu. Le Règlement devrait attribuer à la Cour elle-même, plutôt qu'au bureau du procureur, le pouvoir de décider au cas pas cas s'il y a lieu de prolonger la détention dans l'intérêt de la justice. Il incomberait alors au Procureur de présenter une requête à la Cour en vue d'obtenir une prolongation. Tant le Procureur que le prévenu devraient avoir la possibilité d'introduire une requête auprès de la Cour.

DOSSIER A CHARGE UTILISE LORS DE L'AUDIENCE D'INCULPATION

Règle 64; Article 61(3)(b)

L'Article 61(3) (b) précise que « Dans un délai raisonnable avant l'audience, la personne :

... Sera informée des preuves sur lesquelles le Procureur entend fonder son réquisitoire d'audience. »

Recommandation: Le Règlement devrait préciser que le suspect doit recevoir copie des preuves sur lesquelles le Procureur entend fonder son réquisitoire d'audience, et ce suffisamment longtemps à l'avance pour lui permettre de se préparer de manière adéquate.

Commentaire: Cette recommandation a simplement pour but de clarifier l'expression « délai raisonnable », telle que reprise au Statut, comme étant la période de temps nécessaire pour que le prévenu puisse se préparer à répondre des charges qui pèsent contre lui, ce qui tendrait à rapprocher cette règle du Projet de Règle 67 qui cadre l'obligation de divulguer les pièces « Dans un délai suffisamment long avant le procès pour permettre à la défense de se préparer de manière adéquate »

B: DIVULGATION

CINQUIEME PARTIE DU PROJET DE REGLEMENT

NORME EN MATIERE DE DIVULGATION

Recommandation: Le Règlement devrait prévoir que le Procureur doit communiquer à la défense toutes preuves en sa possession qui pourraient tendre à disculper le prévenu ou à atténuer sa culpabilité ou encore qui pourraient affecter la crédibilité du dossier à charge du prévenu.

Commentaire: La divulgation est essentielle pour assurer au prévenu l'accès à toute information lui permettant de préparer sa défense et pour permettre à la Cour de rendre son verdict de culpabilité ou d'innocence en toute connaissance de cause.

Cette recommandation suit le statut de l'ICC qui prévoit en son Article 67(2) que le Procureur devra, dès que possible, communiquer à la défense « les preuves en la possession du Procureur qui pourraient d'après lui disculper le prévenu ou atténuer sa culpabilité ou encore qui pourraient affecter la crédibilité du dossier à charge du prévenu ». La formule recommandée, qui reflète dans ce cas la norme en vigueur au ICTY(9), présente l'avantage immédiat d'expliciter que les preuves qui « de quelque manière que ce soit » peuvent disculper ou contribuer à disculper le prévenu doivent être communiquées. Etant donné l'importance de la divulgation, cet éclaircissement est utile. Dans sa forme actuelle, le Projet de Règle 68, qui parle d'« éléments importants pour la préparation de la défense ou qui seraient utilisés lors du procès », ne rencontre pas la norme statutaire.

Les questions légitimes concernant les cas où la divulgation d'informations pourrait être préjudiciable à l'enquête en cours, ou aux intérêts des victimes ou des témoins, peuvent et doivent être abordées dans le cadre de règles spécifiques portant sur la protection de certains types d'informations, comme expliqué ci-dessous.

LE DEVOIR DE DIVULGUER

Recommandation: Le Règlement devrait préciser qu'il est du devoir du procureur de communiquer toutes informations ou éléments répondant à la norme définie dans la précédente recommandation. Ce devoir, quoique limité par des contrainte pratiques, est volontaire par nature et n'implique donc aucune requête en divulgation de la part de la défense ni aucune ordonnance de divulgation de la Cour.

Commentaire: Il est essentiel d'établir que le devoir de divulgation du Procureur est volontaire. Ce devoir est la contrepartie du droit statutaire du prévenu au titre de l'Article 67(2) du Statut. En ce qui concerne la communication des déclarations des témoins à la défense, ce devoir est clairement inscrit dans le Projet de Règle 67. Toutefois, aucune règle ne coule en force de loi l'obligation de communiquer à la défense toutes autres informations auxquelles elle pourrait prétendre.(10) Le Projet de Règle 68 envisage plutôt de mettre ces pièces à disposition « sur demande ».

Le Règlement devrait préciser qu'il est du devoir du Procureur d'attirer l'attention du prévenu sur l'existence de toute pièce non communiquée. En pratique, les pièces non communiquées peuvent ensuite être mise à la disposition de la défense pour consultation, ce qui évite d'imposer au Procureur de fournir des copies de pièces pouvant être relativement nombreuses. Il est avant tout essentiel que le Règlement indique que la transmission diligente des pièces fait partie des obligations de l'accusation et des droits de la défense. Il n'incombe dès lors pas à la défense de s'enquérir de l'existence de pièces qui pourraient être essentielles à la défense du prévenu pour en obtenir la divulgation.

Il est impératif que l'obligation de divulguer les pièces qui peuvent affecter la crédibilité du dossier à charge du prévenu s'applique de manière non discriminatoire. Par exemple, l'expérience de nombreuses juridictions nationales et, plus récemment, de l'ICTY indique que les préjugés liés au sexe peuvent entraîner une perte de crédit de fait des témoins de sexe féminin, en particulier dans les dossiers d'agression sexuelle. Comme pour tout le Règlement, il est possible d'éviter les problèmes éventuels de ce type en s'assurant que lesdites règles sont appliquées sans discrimination aucune, que ce soit de sexe, d'âge, de race, de couleur de peau, de langue, de religion, de convictions politiques ou autres, d'origine nationale, ethnique ou sociale, de richesse, de naissance ou de tout autre statut(11).

MECANISME DE PROTECTION DU DROIT A LA DIVULGATION

L'Article 67 du Statut conclut que « ....En cas de doute quant à l'application de ce paragraphe, la Cour disposera ».

Recommandation n1: La Règle devrait donner plus de détails à propos de l'Article 67 afin de caractériser l'obligation dans laquelle le Procureur se trouve à tous les stades de l'enquête de demander l'avis de la Cour lorsque le moindre doute plane sur la nécessité de communiquer à la défense telle ou telle pièce en sa possession.

Recommandation n2: Il serait souhaitable de prévoir un mécanisme par lequel la Chambre des mises en accusation puisse s'assurer que les prescriptions en matière de divulgation contenues dans le Statut et dans le Règlement de procédure sont respectées. Nous recommandons qu'une audience ex-parte soit systématiquement organisée avant la communication des pièces. Lors de cette audience, le Procureur justifierait sa décision de communiquer ou de ne pas communiquer certaines pièces. La Chambre pourrait tenir un débat contradictoire et ordonner la divulgation ni nécessaire.

Recommandation n3: Dans un délai raisonnable avant cette audience, le Procureur devrait informer les témoins ou l'Unité de Protection des Victimes et des Témoins en leur nom, de toute question liée à la divulgation qui pourrait avoir un impact sur les intérêts des victimes ou des témoins. Les témoins ou l'Unité devraient avoir le loisir de s'exprimer devant la cour sur la non-divulgation, pour autant que leurs arguments n'aient pas été précédemment entendus pas le bureau du procureur.

Commentaire: La non-divulgation de pièces peut avoir des conséquences graves sur les droits du prévenu, tandis que la divulgation, par exemple en dépit des réserves des victimes ou des témoins, peut avoir des conséquences très graves pour les intérêts fondamentaux de ces derniers.

Nous suggérons que ces intérêts potentiellement concurrents liés aux Droits de l'Homme seraient mieux servis par un mécanisme qui donnerait à la chambre des mises en accusation un rôle de supervision limité. Il est clair qu'il faut trouver un équilibre entre la nécessité d'exercer un contrôle sur l'exercice du jugement du Procureur en ce qui concerne la divulgation d'une part, et le risque de surcharger une Chambre des mises en accusation déjà fortement mise à contribution d'autre part. Il conviendrait donc d'éviter d'imposer à la Chambre la lourde tâche d'examiner toutes les pièces communiquées ou non divulguées. A notre avis, il devrait être possible de trouver cet équilibre en organisant une audience ex parte de routine lors de laquelle le bureau du procureur présenterait un bref rapport concernant la nature des pièces que le Procureur a l'intention de communiquer ou de ne pas divulguer ainsi qu'une brève justification de cette décision.

Il est important que soit bien claire l'obligation du Procureur d'en référer à la Cour lorsqu'un doute persiste dans son esprit à propos de la divulgation. L'utilité de cette règle (présentée dans la recommandation n1 ci-dessus) n'est pas remise en cause pas l'établissement du mécanisme d'audience d'analyse de routine (recommandation n2 ci-dessus), étant donné que des questions peuvent se poser à n'importe quel stade de la procédure, y compris après l'audience en question. Si des questions se posent avant l'audience d'analyse de routine, ladite audience constituera un bon forum où soulever ces questions.

Bien que la Recommandation n1, qui prévoit le devoir express pour l'accusation d'en appeler à la Cour, soit importante, notre opinion est qu'elle n'est pas suffisante. Elle doit s'accompagner d'un mécanisme d'analyse de routine (Recommandation n2) qui permette de s'assurer que l'implication de la Cour ne dépend pas uniquement de l'apparition d'un doute éventuel dans l'esprit du Procureur. Il est en effet inévitable que les Procureurs, même compétents, expérimentés et agissant de bonne foi, aient occasionnellement des opinions divergentes quant à la nécessité de communiquer telle ou telle pièce en leur possession, ou même quant à la nécessité de faire part de leurs doutes éventuels à la Cour(12). Une analyse automatique des pièces par la Cour ne garantira peut-être pas que chaque problème éventuel pourra effectivement être détecté et réglé, mais elle apporte quelque assurance. En pratique, elle obligerait le Procureur à passer en revue de manière détaillée ce qui est communiqué et ce qui ne l'est pas, ce qui peut amener des questions de la part de la Chambre des mises en accusation quant à la nécessité de divulguer telle ou telle pièce et peut ensuite lui permettre de rendre les ordonnances appropriées.

Enfin, ce mécanisme permettrait aux représentants des victimes et des témoins d'être entendus par la Cour avant la divulgation des pièces les concernant. C'est clairement un bon moment dans la procédure pour entendre ces requêtes(13) ; après la communication des pièces, leurs requêtes peuvent être sans objet. Le Procureur devrait tenir l'Unité de Protection des Victimes et des Témoins informée des développements du dossier durant l'instruction et le procès. Il devrait plus particulièrement les informer assez longtemps avant l'audience d'analyse des questions liées à la divulgation qui pourraient avoir un impact sur les intérêts des victimes ou des témoins. Bien que ces questions puissent souvent être réglées par le Procureur et les représentants des témoins, il est possible que certaines doivent être présentées à la Cour afin qu'elle rende une ordonnance sur base de l'Article 68 du Statut. Les témoins ou leurs représentants pourraient assister à la partie de l'audience d'analyse qui les concerne afin que la Cour puisse les entendre, ainsi que l'accusation, en leurs arguments. Nous sommes d'avis que l'efficacité impose de combiner toutes les requêtes de divulgation ou de non divulgation lors d'une audience ex parte unique.

MOMENT DE LA DIVULGATION

Projet de Règle 68; Article 67

Recommandation: Les questions liées à la divulgation devraient, dans la mesure du possible, être réglées durant l'instruction. D'après le Statut, la communication des pièces du dossier à charge doit intervenir « dès que possible »(14), dans le respect des intérêts des victimes et des témoins. La divulgation doit intervenir suffisamment tôt avant le début du procès pour permettre à la défense de se préparer au mieux.

Commentaire: L'obligation stipulée à l'Article 67 de divulguer toutes informations utiles « dès que possible » reflète la règle 66 de l'ICTY. Il est clair que le Procureur est dans l'obligation de communiquer les pièces du dossier suffisamment tôt avant le procès pour permettre à la défense de se préparer efficacement. Bien que le Projet de Règle 67 de l'ICC le stipule également explicitement en ce qui concerne les déclarations des témoins, une formule similaire est nécessaire en ce qui concerne les autres pièces à divulguer.

PROTECTION DES INTERETS DES TEMOINS ET DIVULGATION

Règle 67

Recommandation n1: Dans toute prise de position concernant la divulgation, le Procureur doit tenir compte de la protection des intérêts des victimes et des témoins. Pour autant que les droits du prévenu soient respectés, il conviendrait de prendre des mesures afin de ne pas divulguer, ou tout au moins de retarder la communication, de pièces qui pourraient avoir des conséquences négatives sur les intérêts des victimes ou des témoins. Parmi ces intérêts, on mentionnera la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée.(15)

Recommandation n2: Le Procureur devrait consulter l'Unité de Protection des Victimes et des Témoins à propos de toutes questions pouvant avoir un impact sur l'intérêt des victimes et/ou des témoins. Les victimes ou les témoins, ou l'Unité en leur nom, peuvent, d'après le Statut, introduire des requêtes auprès du Procureur. Si nécessaire, lorsque certaines questions n'ont pas été résolues, elles peuvent être posées auprès de la Chambre des mises en accusation lors de l'audience ex parte automatique recommandée ci-dessus, lors de laquelle une ordonnance de la Chambre pourra être demandée.

Recommandation n3: L'identité des témoins devrait être communiquée assez longtemps avant le procès pour permettre au prévenu de préparer sa défense. Toutefois, lorsque le dossier est communiqué précocement (pour respecter l'obligation de communiquer les pièces dès que possible) et que la Cour est convaincue que les intérêts légitimes d'un ou plusieurs témoins seraient gravement affectés par la divulgation de leur identité à ce stade, elle devrait avoir le pouvoir de retarder la divulgation de leur identité, pour autant qu'elle le soit assez tôt pour permettre à la défense de se préparer efficacement au procès. Les ordonnances de confidentialité devraient être rendues par la Cour lorsque cela s'avère nécessaire et approprié et des peines sévères devraient être prévues en cas de contravention à l'ordonnance ainsi rendue.

Commentaire: Au titre de l'Article 68, la Cour dispose du pouvoir général de prendre des mesures afin de protéger les intérêts des victimes et des témoins. Bien que le Procureur soit tenu de communiquer toutes les pièces pouvant potentiellement intéresser la défense, il devrait également tenir compte des aspects de confidentialité dans son analyse des moyens et du moment de la divulgation. Certaines informations qui ne tombent pas sous le coup de l'obligation de divulgation, mais qui seraient néanmoins divulguées en même temps que d'autres informations qui tombent, elles, sous le coup de l'obligation de divulgation, pourraient par exemple être censurées dans un document qui contiendrait des informations des deux types. Il conviendrait d'accorder une attention particulière à la non-divulgation de données à caractère confidentiel relevant du secret professionnel ou médical et dont la révélation violerait inutilement la vie privée des témoins et ne seraient d'aucun intérêt pour la cause du prévenu.

La divulgation de l'identité des témoins, sujet d'un intérêt tout particulier, est abordée séparément dans le Règlement. Tous les efforts doivent être faits pour éviter de mettre en danger la sécurité des témoins ou de nuire à d'autre intérêts essentiels, ce qui peut advenir lorsque l'identité des témoins est communiquée à la défense ou inutilement rendue publique. Les programmes de protection des témoins avant, pendant et après le procès peuvent contribuer à minimiser ces risques. Il faudrait en conséquence envisager de retarder la divulgation de l'identité des témoins jusqu'à ce qu'ils soient placés sous la protection de la Cour, et pour autant que l'identité des témoins ainsi que leurs déclarations soient mis à disposition du prévenu suffisamment tôt avant les audiences pour permettre à la défense de se préparer. De plus, des mesures de confidentialité peuvent être prises pour minimiser les risques encourus par les témoins. Ces mesures devraient être imposées et leur violation assortie de lourdes peines(16).

DIVULGATION PAR LA DEFENSE

Projet de Règle 69

Recommandation: La défense ne devrait pas être tenue de communiquer à l'accusation les preuves à charge en sa possession ou sous son contrôle.

Commentaire: La divulgation complète et précoce sert les intérêts de l'administration d'une justice efficace et diligente lors du procès. Ce précepte s'applique à la divulgation par la défense, aussi bien que par l'accusation, des pièces dont elle dispose. Toutefois, le Règlement devrait stipuler que les droits et devoirs des inculpés vis-à-vis de la procédure sont intrinsèquement assez différents de ceux du Procureur, et ne doivent plus particulièrement pas remettre en cause les droits humains de l'accusé. On notera plus particulièrement le droit internationalement reconnu de l'accusé à ne pas s'incriminer lui-même, tel que précisé à l'Article 14(2)(g) de l'ICCPR. L'accusation ne dispose quant à elle pas de ce droit. La défense ne peut donc être forcée à communiquer des preuves à charge au Procureur, car cela constituerait une violation de ce droit. A cet égard, il est à noter que l'obligation dans laquelle se trouve le Procureur de communiquer à la défense toutes les pièces en rapport avec l'affaire est inscrite noir sur blanc dans le Statut, alors qu'aucune obligation de ce type n'est ni ne devrait être faite à la défense.

PEINES ENCOURUES POUR LE DELIT DE DIVULGATION(17)

Recommandation: Le Règlement devrait prévoir que la divulgation en contravention d'un ordre de la Cour est considérée comme un délit passible de peines appropriées.

Commentaire: comme expliqué ci-dessus, les mesures de protection des témoins contre la divulgation de leur identité peuvent être essentielles à leur sécurité et à leur bien-être. Le Règlement devrait préciser que la divulgation directe ou indirecte d'informations couverte par une ordonnance de non-divulgation de la Cour constitue un délit en ce qu'elle peut gravement menacer la sécurité des témoins(18) ou empêcher la protection d'autres intérêts(19).

L'ICTY a récemment reconnu l'importance de ces règles et amendé son propre Règlement pour disposer que « toute personne divulguant des informations tout en sachant que lesdites informations sont couvertes par une ordonnance de la Chambre… est coupable d'outrage à la Cour. » (Règle 77(A)(iii) and (v))

C: LE PROCES

SIXIEME PARTIE DU PROJET DE REGLEMENT

METHODES DE TEMOIGNAGE DURANT LE PROCES

Projet de Règle 88: Témoignage par liaison vidéo

Recommandation: Le Règlement devrait prévoir que, dans des circonstances exceptionnelles et lorsque l'intérêt de la justice l'exige, les témoins doivent pouvoir être entendus par liaison vidéo durant le procès. Cette méthode devrait être autorisée lorsque la comparution d'un témoin est considérée comme suffisamment importante pour le dossier mais que ce dernier n'est pas en mesure de se présenter personnellement à l'audience ou ne le désire pas. Un représentant de la Cour doit être présent lors de l'audition du témoin. Il est primordial que le droit au contre-interrogatoire soit respecté.

Commentaire: Il est important que les témoignages soient présentés en personne à l'audience car c'est le lieu où les témoins, la défense et les juges sont physiquement présents pour débattre. Il est toutefois prévisible que certains témoins essentiels seront dans l'incapacité de comparaître en personne ou ne le souhaiteront pas. A cet égard, l'expérience de l'ICTY est instructive et penche pour la recevabilité des témoignages par liaison vidéo. A l'origine, le Règlement de l'ICTY ne prévoyaient pas cette forme de témoignage. Il a été amendé à la lumière de la jurisprudence accumulée en réponse à cette nécessité. La Règle 90(A) du Règlement actuel de l'ICTY prévoit que les témoignages par liaison vidéo sont recevables dans des cas exceptionnels et dans l'intérêt de la justice, pour autant que la Chambre ait rendu une ordonnance en ce sens au cas par cas.

Dans l'affaire Tadic(20), le Tribunal a précisé les conditions suivantes: « ...qu'il soit démontré que le témoignage d'un témoin est suffisamment important pour qu'il soit injuste de le rejeter parce que le témoin se trouve dans l'incapacité de comparaître devant le Tribunal international in personae ou ne le souhaite pas ». La Chambre proposa également des directives dont nous suggérons que les délégués s'inspirent pour la rédaction de la Règle de l'ICC. Ces directives prévoient : que les parties doivent se mettre d'accord sur un endroit approprié pour le témoignage par liaison vidéo ainsi que sur l'identité d'un représentant de la Cour qui assistera le témoin et s'assurera qu'il comparaît librement et volontairement, que la technologie utilisée permet au témoin de voir son interrogateur et d'être vu par lui, les juges et la défense et que les règles habituelles s'appliquent en ce qui concerne le serment et le parjure.

Cette règle devrait s'appliquer aussi bien aux témoins à charge qu'à décharge. Le droit au contre-interrogatoire est essentiel et ne doit pas être remis en question. Ce principe a été mis en exergue dans la Décision sur la requête visant à permettre aux témoins K, L, And M de déposer par vidéo-conférence, du 28 mai 1997, dans l'affaire Delalic et consorts(21). La Cour a appliqué les critères de l'affaire Tadic et les a assortis d'une troisième condition : que le droit du prévenu à être confronté aux témoins soit respecté.

L'ICTY a attiré l'attention sur le fait que les témoignages ainsi entendus « peuvent perdre de leur crédibilité par le fait même de la technique utilisée » tout en rappelant qu' « il incombe à la Chambre, dans son analyse du dossier dans son ensemble, de se forger une opinion à propos de la crédibilité de chaque témoignage. »(22)

Projet de Règle 88: Témoignages répétés

Recommandation: Lorsqu'un individu est appelé à témoigner dans plusieurs affaires pour lesquels son témoignage initial est le même, la Cour devrait pouvoir se baser sur un enregistrement de ce témoignage plutôt que de demander au témoin de décrire à plusieurs reprises la même expérience souvent traumatisante. Toutefois, le droit de chaque prévenu à procéder à un contre-interrogatoire doit être précisé noir sur blanc.

Commentaire: Pour les témoins, se remémorer les crimes atroces qui intéressent la Cour constitue souvent une expérience traumatisante, en particulier lorsque leur récit doit être répété à plusieurs reprises dans différentes affaires. Il est probable que des prévenus seront poursuivis devant l'ICC pour des viols multiples ; il serait donc souhaitable d'éviter aux témoins le traumatisme de témoignages répétés contre plusieurs prévenus dans un ou plusieurs procès en accordant aux juges le pouvoir discrétionnaire d'admettre les témoignages directs des témoins lors d'audiences ultérieures. Autoriser l'accusation à déposer un enregistrement du témoignage plutôt que d'interroger le témoin in personae à plusieurs reprises ne remet pas en cause l'équité de la justice, pour autant que les faits soient identiques dans les diverses affaires. Cette pratique ne devrait toutefois pas empêcher la défense de procéder au contre-interrogatoire des témoins ni remettre en cause le droit de chacune des parties à susciter de nouvelles dépositions.

DEPOSITIONS AVANT LE PROCES

Recommandation: Le Règlement devrait également permettre à la Chambre des mises en accusation d'autoriser l'enregistrement de dépositions pour retransmission en audience, lorsqu'il se présente une opportunité unique de recevoir ledit témoignage aux termes de l'Article 56 du Statut. Le Règlement devrait toutefois préciser que le recours à cette pratique devrait être limité au strictement nécessaire et qu'il devrait être possible pour les deux parties d'introduire une requête en ce sens. L'autre partie devrait être informée dans un délai lui permettant d'être présente et de procéder au contre-interrogatoire du témoin entendu de cette manière. Cette procédure devrait être possible par liaison vidéo si la situation l'exige, auquel cas les directives énoncées à la recommandation précédente devraient s'appliquer. Les dépositions devraient si possible être enregistrées au format vidéo.

Commentaire: L'Article 56 du Statut prévoit le recours à la Chambre des mises en accusation lorsque l'occasion se présente durant l'instruction d'auditionner un témoin qui pourrait ne plus être disponible lors du procès. Les Règles excipant de cet Article devraient toutefois préciser clairement que lorsque la Chambre des mises en accusation autorise une déposition de ce type, les deux parties ont le droit d'être présentes et de procéder à un contre-interrogatoire. La Règle 71(c) du Règlement de l'ICTY prévoit ainsi que les dépositions doivent être autorisées par le Tribunal. La Règle 71(c) précise que « la partie qui demande que l'on entende un témoin de cette manière doit en informer l'autre partie dans un délai raisonnable et lui permettre d'assister à l'audition du témoin et de procéder au contre-interrogatoire de la personne dont la déposition est ainsi prise ».

AUDIENCE A HUIS CLOS

Projet de Règle 89; Article 68

Recommandation: Lorsque les victimes ou les témoins ou leurs conseils demandent le huis clos ou d'autres mesures particulières visant à protéger leurs intérêts au titre de l'Article 68(2), toute audience ayant pour but de déterminer si ces demandes sont fondées devraient elles-mêmes se tenir à huis clos.

Commentaire: L'Article 68 prévoit que l'un des pouvoirs essentiels de la Cour réside dans l'autorité de prendre toutes mesures nécessaires pour protéger les intérêts des victimes ou des témoins. Ces mesures peuvent par exemple consister en le huis clos, en la confidentialité afin de protéger l'identité des témoins et d'en éviter la divulgation ou encore en l'utilisation de pseudonymes. Le Statut accorde à la Cour une grande latitude dans la détermination des mesures nécessaires et appropriées, pour autant qu'elles respectent les droits de la défense. Les délégués devraient donc éviter de dresser des listes exhaustives de mesures de ce type. Il devrait toutefois être clair que lorsque de telles mesures sont envisagées, l'audience lors de laquelle l'opportunité de ces mesures est abordée devrait se tenir à huis clos.

CONTROLE DES METHODES ET TECHNIQUES D'INTERROGATOIRE D'AUDIENCE

Projet de Règle 90

Recommandation: La Règle 90(a) devrait indiquer clairement, lorsqu'elle reconnaît le pouvoir de contrôle de la Cour sur les méthodes et techniques d'interrogatoire des témoins, que l'un des objectifs de la Cour doit être d'éviter le harcèlement ou l'intimidation des témoins.

Commentaire: La version actuelle du projet de Règle 90 prévoit, avec raison, que lors des audiences, la Cour « devra contrôler les méthodes et techniques d'interrogatoire … afin que l'interrogatoire permette une recherche efficace de la vérité tout en évitant les pertes de temps. » Toutefois, la Cour a également pour rôle essentiel d'intervenir pour protéger les témoins de contre-interrogatoires agressifs pouvant aller jusqu'au harcèlement ou à l'intimidation. Ce rôle est d'autant plus important que les expériences que les témoins doivent se remémorer durant leur audition sont souvent traumatisantes et doivent faire l'objet de précautions particulières dans les cas de violence sexuelle ou lorsque le témoin est un enfant. Cette mesure fondamentale visant à protéger les témoins est essentielle non seulement pour établir la vérité et éviter de traumatiser les témoins, mais aussi pour assurer à l'avenir la coopération des témoins dont la Cour dépendra pour rendre la justice. Dans l'exercice de ce pouvoir, la Cour devrait bien entendu respecter intégralement le droit de la défense à procéder à un contre-interrogatoire rigoureux.

PROCEDURE D'INTERROGATOIRE : LE DROIT DE NE PAS S'INCRIMINER SOI-MEME

Projet de Règle 91

Recommandation: Le droit des témoins de ne pas déposer contre eux-mêmes devrait faire partie intégrante du Règlement.

Commentaire: Les témoins ne devraient pas être obligés de répondre à des questions qui les incriminent personnellement. Le droit de ne pas témoigner contre soi-même est stipulé à l'Article 14(2)(g) de l'ICCPR. Il s'agit d'un droit fondamental qui devrait être stipulé dans le Règlement.

E: PREUVES

SEPTIEME PARTIE DU PROJET DE REGLEMENT

COMPORTEMENT GENERAL COHERENT

Projet de Règle 99

Recommandation: Les preuves tendant à suggérer un comportement général cohérent devraient être irrecevables.

Commentaire: La présomption d'innocence est l'un des droits les plus fondamentaux de la personne humaine. Il en est fait mention dans de nombreux textes portant sur les Droits de l'Homme, parmi lesquels l'Article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Considérer comme recevables les preuves d'une activité criminelle antérieure de l'accusé, fût-ce afin de démontrer un comportement général cohérent, compromet gravement ce principe général et doit donc être rejeté. Des considérants de cet ordre peuvent être pertinents au moment du prononcé du jugement, mais un comportement qui ne serait pas directement lié au crime dont le prévenu est accusé ne peut être introduit comme élément à charge ou à décharge du prévenu dans l'affaire dont il est question.

SECRET PROFESSIONNEL

Projet de règle 108

Le Projet de Règle 108 est identique à la Règle 97 de l'ICTY en ce qu'il ne reconnaît le secret professionnel qu'entre l'avocat et son client. Toutefois, la note en bas de page qui accompagnait le texte remis au comité de rédaction de Rome reconnaissait que la notion de secret professionnel devrait également s'appliquer à plusieurs type de relations « comme, par exemple, la relation entre le médecin et son patient, l'avocat et son client, le prêtre et le pénitent et d'autres relations privilégiées de ce type. »

Recommandation n1: Le caractère privilégié de la relation entre l'avocat et son client devrait être élargi pour inclure d'autres relations professionnelles telles que la relation entre le médecin et son patient, entre le conseil et son client ainsi qu'entre le prêtre et le pénitent. Le Règlement devrait préciser que le secret professionnel ne lie pas les personnes en tant que telles mais bien leur relation en ce qu'elle concerne certaines matières: le secret professionnel empêche la divulgation d'informations communiquées dans le but de faciliter la prestation d'un service ou d'une assistance, qu'ils soient juridiques, médicaux, psycho-thérapeutiques ou spirituels. Le client (l'accusé) peut choisir de renoncer à ce droit.

Recommandation n2: Les relations entre membres d'une même famille devraient, elles aussi, être protégées, par exemple en accordant le statut de confidentialité aux communications entre époux et en accordant aux époux, parents et enfants le droit de refuser de témoigner les uns contre les autres.

Commentaire: La plupart des raisons qui portent à reconnaître le caractère privilégié des relations professionnelles conduisent à souhaiter la reconnaissance d'autres types de relations. De nombreux systèmes juridiques reconnaissent la nécessité de protéger le droit des personnes à se confier librement, complètement et sans crainte de représailles à un conseiller professionnel, psychologique ou spirituel.(23) Toute personne devrait pouvoir se confier, à son conseiller par exemple, sans crainte de voir ses confidences divulguées. L'accusé a le droit de renoncer à ce droit.

Le droit à la vie privée et à la vie de famille entraîne nécessairement que la communication familiale soit assortie d'une certaine intimité, et que les époux, les parents et les enfants ne puissent être obligés à témoigner les uns contre les autres. Le droit de refuser de témoigner est attaché au témoin potentiel qui est seul en mesure de décider s'il souhaite exercer ce droit ou y renoncer.

1. 1 Article 60(4) du Statut

2. 2 Dans le dossier Jorge A. Gimenez (11.245 (1996)), la Commission Inter-Américaine des Droits de L'Homme, a indiqué que la détention préventive avait duré plus de quatre ans, ce qui constituait, entre autres, une violation du droit fondamental à la présomption d'innocence.

3. 3 L'Article 9(3) de la ICCPR précise que « Les prévenus en attente de procès ne pourront, en règle générale, être maintenus en détention ».

4. 4 L'Article 9(3) de la ICCPR stipule que « Toute personne arrêtée ou détenue pour un crime… a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou devra être relâchée. » La définition de délai raisonnable dépend des particularités du dossier. Voir par exemple le rapport de la Quarante-cinquième Session, Supplément n40 (A/45/40), vol. para 47, concernant la détention préventive en République démocratique du Yemen, ainsi que l'affaire Fillastre Vs Bolivia, communication n336/1988 (1991).

5. 5Le Comité des Droits de l'Homme a interprété l'Article 9(3) comme disposant du droit à un procès menant à une sentence définitive sans délai inutile (Adolfo Drescher Caldas Vs Uruguay (43/1979) Recueil de décisions, vol.2, p. 81).

6. 6 A noter que l'Article 9(3) dispose du droit à un procès dans un délai raisonnable ou à la libération.

7. 7 Article 61(1) du Statut.

8. 8L'obligation d'informer le suspect des raisons de son arrestation est rencontrée à l'Article 60(1) du Statut, qui prévoit que l'accusé devra être informé des crimes dont il est soupçonné d'être l'auteur.

9. 9 La Règle 68 de l'ICTY, intitulée « Communication de preuves à décharge », précise que « le procureur communiquera dès que possible à la défense les preuves qui lui seraient connues et qui pourraient en quelque manière que ce soit disculper le prévenu ou atténuer sa culpabilité ou encore pourraient affecter la crédibilité du dossier à charge du prévenu ».

10. 10 Voir l'Article 67(2) et la Règle recommandée ci-dessus.

11. 11 L'Article 21(3) du Statut précise que l'application de la loi doit être compatible avec les droits de l'homme internationalement reconnus, et exempte de discrimination basée sur des différences telles que celles reprises ci-dessus.

12. 12 Voir la décision de la Cour de l'ICTY dans l'affaire Procureur Vs Anto Furundzija, 16 juillet 1998, IT-95-17/1-T.

13. 13 L'Article 68(3) donne à la Cour le pouvoir d'autoriser l'audition des victimes et/ou de leurs représentants lorsque leur intérêt personnel est en jeu.

14. 14Article 67.

15. 15L'Article 68(1) du Statut précise que « la Cour prendra toutes les mesures appropriées pour assurer la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins ».

16. 16 Voir la recommandation ci-dessous à propos des délits commis contre la Cour

17. 17 Il est possible que les Articles 70 et 71 portant sur ces délits et peines ne soient pas abordés avant la Sixième partie du Projet de Règles, auquel cas cette question devrait être mise en réserve pour analyse ultérieure.

18. 18 Voir l'Article 68(5) du Statut.

19. 19 Voir l'Article 68(1) du Statut.

20. 20 Affaire Tadic, IT-94-1-T. Décision sur la requête de la défense de citer à comparaître et de protéger les témoins de la défense et sur le témoignage par liaison vidéo, 25 juin 1996.

21. 21 Affaire Delalic et consorts, IT-96-21-T. Décision sur la requête visant à permettre aux témoins K, L et M de déposer par vidéo-conférence.

22. 22 Delalic et consorts, Décision sur la requête visant à permettre aux témoins K, L et M de déposer par vidéo-conférence, op. cit., paragraphe 18

23. 23 Aux Etats-Unis, le secret de la relation entre l'avocat et son client, entre le médecin et son patient, entre le psychothérapeute et son patient, entre époux et entre conseiller et client est largement respecté. Par contre, la relation privilégiée que les parents partagent avec leurs enfants n'est reconnue que par un petit nombre de juridictions. (Voir Michael Martin, Basic problems of Evidence, sixième édition). La République Fédérale d'Allemagne reconnaît de larges catégories de relations privilégiées. La liste en est même plus longue que dans la recommandation. (Voir le Code de procédure criminelle allemand (« Strafprozessordnung »), Section 52).