rapport mondiale 2003
Panorama sur l' Afrique - Rapport Mondial 2002  FREE    Recevez des Nouvelles 
PANORAMA MONDIAL SUR L'AFRIQUE

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Rapport Mondial 2002

Table des matières

UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LE MULTILATERALISME EN AFRIQUE

A la fin de l'année 2002, le tableau des droits humains en Afrique portait plus à espérer que depuis bien des années. En effet, au cours de l'année écoulée, des progrès significatifs ont été réalisés pour régler des conflits de longue date en Angola, au Soudan et en République démocratique du Congo (RDC). De même, les dirigeants africains se sont sérieusement engagés en faveur d'une gouvernance transparente et responsable, ainsi qu'en faveur du respect des droits humains par la création de l'Union africaine (UA) et l'adoption du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), un programme global de réformes économiques et politiques. Toutefois, les dirigeants africains avaient déjà promis des réformes en de nombreuses occasions antérieures tout en continuant de détourner les fonds publics et de violer les droits humains. En outre, de nouvelles crises sont apparues et d'autres se sont poursuivies en République Centrafricaine, en Côte d'Ivoire, à Madagascar et au Zimbabwe et la guerre a continué au Libéria, au Burundi et en RDC; de même, la répression qui a continué de s'abattre sur des pays comme la Guinée Equatoriale, l'Erythrée, le Gabon, le Soudan, le Swaziland et le Togo a anéanti les progrès vers le respect des droits humains et l'état de droit sur le continent.

L'Union africaine a officiellement remplacé l'Organisation de l'unité africaine (OUA) lors du Sommet des chefs d'Etat qui s'est tenu en juillet à Durban, en Afrique du Sud. La création de l'UA était l'aboutissement d'un processus initié lors d'un sommet extraordinaire de l'OUA en 1999. L'Acte constitutif de l'UA proposait une série de réformes institutionnelles destinées à faire de l'UA, non plus une vague agrégation d'Etats se rencontrant une fois l'an, mais plutôt un organisme similaire à l'Union européenne (UE). L'Acte constitutif de l'UA employait également un vocabulaire nouveau pour la promotion des droits humains, des principes démocratiques et de la bonne gouvernance. De plus, l'Acte habilitait l'UA à " intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité. " En outre, le non-respect des décisions et politiques de l'UA permettrait d'entraîner des sanctions.

Lors du Sommet de Durban, l'UA a formellement adopté le NEPAD et le Mécanisme africain d'évaluation entre les pairs (MAEP) ainsi que la Déclaration sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises qui y est liée. Le NEPAD - incarnation ultime des propositions de réformes poussées depuis des années par l'Afrique du Sud et le Sénégal, avec le soutien de l'Algérie, de l'Egypte et du Nigeria - offrait un programme global de développement multisectoriel, mettant en lumière le partenariat entre l'Afrique et le monde occidental, les dirigeants africains et les populations du continent et entre les dirigeants africains eux-mêmes. Il suggérait que le monde industrialisé apporte un soutien financier, politique et stratégique à l'Afrique pendant que ses dirigeants assumeraient la responsabilité de son développement politique autant qu'économique. Le NEPAD prévoyait également un engagement sérieux en faveur de la bonne gouvernance, de la paix, de la sécurité et de la démocratie comme préalables à un développement économique réel, même si son principal objet était l'économie et les infrastructures.

Malgré ses engagements bienvenus en faveur de réformes politiques et économiques et du respect des droits humains, le document du NEPAD a manqué de reconnaître les besoins particuliers des populations les plus vulnérables et marginalisées d'Afrique, à savoir les femmes, les enfants, les réfugiés et personnes déplacées et ceux affectés par le VIH/SIDA. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les pays africains accueillaient 3,3 millions de réfugiés au début de l'année 2002, soit 30 % du total des réfugiés dans le monde ; une étude du Norwegian Refugee Council (Conseil norvégien pour les réfugiés), commanditée par les Nations Unies (ONU) et publiée en juin, a montré que 13,5 millions de personnes déplacées - plus de la moitié des vingt-cinq millions de déplacés à travers le monde - se trouvaient en Afrique, essentiellement en Angola, en RDC et au Soudan. Le NEPAD n'a pas mentionné la protection ni les autres besoins de ces gens déracinés. Le NEPAD a parlé de " promouvoir le rôle des femmes dans le développement social et économique " et " d'assurer leur participation à la vie politique et économique ", mais n'a pas traité des questions de violences sexuelles (ou liées au sexe) comme le viol ou certaines pratiques traditionnelles douloureuses, ni de la discrimination envers les femmes. Le NEPAD a réaffirmé, et ce fut salué, les objectifs de développement du Millénaire relatifs aux enfants, notamment sur les questions de mortalité infantile et d'enseignement primaire. Cependant, il a proposé peu de stratégies concrètes pour garantir que les droits de l'enfant seront un souci prioritaire du développement.

Le NEPAD et l'UA devront également relever le défi de la crise du VIH/SIDA qui continue de frapper le continent. En juin, l'ONU prévoyait qu'entre 2000 et 2020, quelque cinquante-cinq millions d'Africains allaient mourir prématurément du SIDA, révélant l'impact catastrophique de la pandémie sur le continent. Les abus sexuels commis sur les femmes et les filles, souvent elles-mêmes orphelines du SIDA, ont gravement contribué à la propagation du VIH chez les femmes en Afrique en particulier dans les zones de conflits où le viol est systématiquement utilisé comme arme de guerre. Au cours de l'année écoulée, Human Rights Watch a enquêté sur des informations alarmantes d'extrême violence sexuelle - viols collectifs, enlèvements par la violence suivis de viols répétés, amputation de la poitrine et des organes sexuels - dans différents conflits, notamment dans la guerre en cours en RDC et lors de la guerre civile passée en Sierra Leone. L'horreur à laquelle ont été confrontées les victimes s'est souvent doublée de la contraction du VIH/SIDA auprès de leurs assaillants, ce qui les a exposées à encore davantage de discrimination et d'ostracisme.

Dans plusieurs pays, dont l'Afrique du Sud où la violence sexuelle a atteint des niveaux tels qu'elle constitue un état de crise pour toutes les femmes, les forces de police et le système judiciaire ont apporté peu de protection et n'ont guère sanctionné les crimes de violence sexuelle. En outre, l'accroissement de la pauvreté, ainsi que la crise alimentaire en cours en Afrique australe, a suscité un taux élevé d'abandon scolaire parmi les filles dans plusieurs pays. Une fois hors de l'école, les filles ont alors été poussées à travailler, souvent en tant que prostituées ou domestiques, ainsi soumises au harcèlement et aux abus sexuels et, par conséquent, gravement exposées aux risques du HIV/SIDA. Une enquête conduite en Zambie par Human Rights Watch a montré que ce type d'abus était particulièrement répandu parmi la population croissante des orphelins du SIDA. De nombreuses orphelines ont indiqué par ailleurs que leurs tuteurs mâles les avaient sexuellement abusées. Dans de nombreux cas, les auteurs de ces abus avaient estimé qu'elles ne pouvaient repousser leurs avances sexuelles parce que personne d'autre ne voudrait s'occuper d'elles.

En ce qui concerne le Mécanisme d'évaluation entre les pairs, il a été généralement perçu comme la pierre angulaire du succès du NEPAD. Le Mécanisme devrait fonctionner sur une base de volontariat ; dès lors, se soumettre au contrôle de ses pairs serait une étape supplémentaire pour devenir membre du NEPAD, ce qui constitue un engagement séparé de l'adhésion à l'UA. Les pays qui choisiraient de participer devraient alors réformer leur mode de gouvernance pour se conformer aux normes spécifiées par la Déclaration sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises.

Leurs progrès et leur engagement en faveur de réformes politiques seraient évalués lors d'examens réguliers de leurs pratiques de gouvernance et de leurs politiques, menés par des équipes désignées à cette fin. Ces évaluations seraient présentées et discutées par les membres du MAEP puis rendues publiques. Aucune sanction n'a été prévue en cas de non-conformité.

Le MAEP serait essentiel au succès du NEPAD dans la mesure où les programmes du NEPAD devraient dépendre en grande partie du financement des " partenaires " étrangers. Ces partenaires, individuellement ou collectivement, ont clairement prévenu que leur soutien ne serait accordé qu'à la condition que l'Afrique ait démontré son engagement en faveur des réformes politiques et économiques. Même si le succès de cette initiative ne pourra être mesuré qu'à l'usage, le MAEP constitue un nouveau socle pour le multilatéralisme africain.

A la différence d'autres organismes africains et des programmes de l'OUA, le MAEP a demandé à ses membres d'abdiquer une partie de leur souveraineté politique et de se soumettre à la gouvernance collective ; les organismes sous-régionaux comme la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et la Communauté économique pour le développement de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont été conçus pour encourager la coopération économique sans chercher à rendre ses membres comptables les uns envers les autres. Lors de la réunion de novembre 2002 à Abuja, au Nigeria, douze Etats ont signé la déclaration d'intention d'adhérer au MAEP : l'Algérie, la République du Congo, l'Egypte, l'Ethiopie, le Gabon, le Ghana, le Mali, Maurice, le Mozambique, le Nigeria, le Rwanda et l'Afrique du Sud.

Malgré l'énorme potentiel du Mécanisme et l'optimisme qu'il génère, il n'était pas encore possible de dire si le MAEP, tel qu'institué, pourra permettre d'initier avec succès les réformes politiques. Il n'y avait aucune raison pour que des gouvernements oppressifs, non respectueux de la Déclaration, rejoignent le MAEP et se soumettent au contrôle de leurs pairs. Des Etats comme l'Algérie, l'Angola ou le Nigeria, dont les revenus dépendent presque exclusivement du pétrole et d'autres richesses naturelles, n'auraient guère de raisons de se soumettre à des normes destinées en grande partie à attirer l'aide étrangère, les investissements extérieurs et à favoriser l'allègement de la dette. En outre, le MAEP devrait évaluer la conformité aux termes de la Déclaration en rapport au niveau global de développement du pays. Cette disposition ouvrant ainsi la voie à des évaluations subjectives et politiquement motivées.

Le NEPAD a également été critiqué comme étant une initiative très directive. Les organisations de la société civile, africaines et internationales, ont régulièrement déploré que les informations concernant le NEPAD fussent si difficilement accessibles et insuffisamment rendues publiques. Ces organisations ont accusé les auteurs du NEPAD d'avoir accordé une trop grande importance aux priorités énoncées par les partenaires occidentaux plutôt qu'à celles des acteurs et des enjeux africains. Le peu d'efforts faits pour activement impliquer la société civile ont été particulièrement préoccupants étant donné que les programmes de gouvernance du NEPAD dépendront étroitement du travail des acteurs non-gouvernementaux. Le NEPAD ne va en effet pas mettre directement en oeuvre ses initiatives; celles-ci dépendront plutôt des gouvernements nationaux. La communauté non-gouvernementale aura, par conséquent, un rôle clé à tenir pour demander des comptes aux gouvernements.

Les événements à Madagascar ont également soulevé un certain nombre d'interrogations sur la capacité de l'UA à influencer ses membres et la capacité des gouvernements africains - individuellement ou collectivement - à résister aux pressions internationales. Au cours d'une bonne partie de l'année, le conflit issu de l'élection présidentielle de décembre 2001 a mené Madagascar au bord de la guerre civile entre partisans du Président sortant Didier Ratsiraka et ceux de son rival, Marc Ravalomanana. En avril, le Président zambien Levy Patrick Mwanawasa, président sortant de l'OUA et le Président du Sénégal Abdoulaye Wade, avec d'autres chefs d'Etats, ont tenté de faciliter la résolution du conflit. Ces efforts se sont finalement avérés vains quand Ravalomanana a été investi à la tête du pays. Les dirigeants de l'UA ont d'abord refusé de reconnaître son autorité, arguant que son élection n'avait pas été validée légalement. Mais dans sa majorité, la communauté internationale n'a pas suivi l'UA et le Président Wade du Sénégal s'est rapidement désolidarisé de la décision de l'Union. L'Union africaine a été pratiquement forcée de revoir sa position en septembre quand l'ONU a invité Ravalomanana au Sommet sur le Développement durable, établissant ainsi son autorité.

AMBIGUITE ET DUPLICITE A PROPOS DES DROITS HUMAINS

Les efforts des dirigeants africains en 2002 ont fait la preuve de leur engagement en faveur de la paix et de la stabilité mais ont transmis un message encore ambigü sur la primauté des droits humains. L'UA a, avec succès, fait pression sur le Rwanda et l'Ouganda pour qu'ils parviennent à un accord avec le Gouvernement du Président Joseph Kabila afin de mettre un terme à la guerre en RDC; au moment où nous écrivions, le Rwanda et l'Ouganda s'étaient pour l'essentiel désengagés de ce conflit. Toutefois, l'UA n'a pas donné d'indications sur ce qu'elle entendait faire, si elle entendait faire quelque chose, pour obliger les forces rwandaises et ougandaises à rendre des comptes sur les violations des droits humains et les crimes de guerre commis en République démocratique du Congo.

Plus déconcertante encore a été la décision de l'UA de désigner la Libye, avec sa longue histoire de violations des droits humains, pour présider la session 2003 de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. En effet, la Libye est connue pour emprisonner les opposants du Gouvernement sans charge ni procès, pour interdire la formation de partis politiques ou de groupes indépendants non-gouvernementaux et pour museler la presse. Le Gouvernement libyen a été également accusé de tortures et de " disparitions " et assassinats d'opposants politiques à l'étranger. En choisissant la Libye pour présider la Commission, les dirigeants africains ont témoigné d'un manque de respect pour cet organisme et pour les droits humains en général.

Au même moment, quelques gouvernements oppressifs ont continué à bafouer les libertés fondamentales de leur population et des crises, nouvellement surgies ou qui ont repris, ont entraîné un surcroît de répression et de violations des droits humains, ainsi qu'un nombre toujours plus important de réfugiés et de personnes déplacées, sans aucune réaction africaine efficace. Mesuré à l'aube des engagements déterminés du NEPAD et de l'UA à promouvoir et protéger les droits humains, le silence coutumier des dirigeants africains sur la plupart de ces événements a été pour le moins décourageant. Une illustration de ce silence, communément citée, a été l'aval des élections au Zimbabwe. Celles-ci ont été sévèrement critiquées sur le continent et en dehors pour n'avoir été ni libres ni justes. Elles se sont déroulées dans un contexte généralisé de violences politiques de la part des partisans du parti du Président Robert Mugabe, l'Union du Front patriotique national africain (African National Union Patriotic Front, ZANU-PF), à l'encontre des partisans du Mouvement pour le changement démocratique (Movement for Democratic Change, MDC), principal parti d'opposition. Ces abus ont été ouvertement critiqués par la presse africaine et internationale. Néanmoins, les observateurs officiels de la SADC - moins la délégation parlementaire de la SADC, ce qu'il est important de souligner - ont considéré que les élections avaient été légitimes. Les dirigeants africains, y compris le Président sud-africain Thabo Mbeki et le Président nigérian Olusegun Obasanjo, deux des principaux architectes et champions du NEPAD, n'ont pas non plus condamné la violence à l'encontre des partisans du MDC. Toutefois, sur la fin, Mbeki et Obasanjo ont tous deux voté pour que le Zimbabwe soit suspendu du Commonwealth, au sein de la "troika" établie par cet organisme intergouvernemental pour évaluer les irrégularités commises lors des élections.

Les dirigeants africains ont sans doute eu des raisons de critiquer les gouvernements occidentaux qui ont dénoncé avec une insistance inhabituelle les événements au Zimbabwe alors qu'ils étaient restés évasifs sur nombre d'autres situations oppressives en Afrique, notamment la crise qui se déroulait simultanément à Madagascar. Cependant, les dirigeants africains se sont également peu exprimés alors que se poursuivaient à travers le continent, pays après pays et sur de manière quotidienne, des violations endémiques des droits humains et des libertés civiles et politiques. La situation de plusieurs nations d'Afrique sub-saharienne n'a jamais été portée sur la scène publique ni soumise à l'attention du public alors que de graves violations des droits humains y étaient commises sans relâche au cours de l'année 2002, comme en Guinée Equatoriale, en Erythrée, au Gabon, au Swaziland et au Togo. Au Swaziland et en Erythrée, le pluralisme politique a été interdit. Le seul parti autorisé en Erythrée est le Front populaire pour la justice et la démocratie, proche du gouvernement. Dans ces deux pays, les libertés civiles ont été pour ainsi dire inexistantes et la société civile sévèrement entravée. Les syndicats étaient les seuls organismes de la société civile autorisés au Swaziland et n'ont été autorisés que pour maintenir les relations commerciales avec les Etats-Unis. Le Gouvernement du Swaziland a maintenu un étroit contrôle sur les médias; en Erythrée, le Gouvernement a totalement réduit au silence la presse privée et a arrêté tous les journalistes et directeurs de publication, à l'exception de ceux qui ont réussi à fuire à l'étranger. En juin, l'organisation non-gouvernementale Lawyers for Human Rights a déposé plainte devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples de l'OUA contre le Roi Mswati, pour violations conséquentes des droits humains malgré la ratification en 1995 par le Swaziland de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

L'environnement hostile dans lequel a évolué très souvent la société civile en Afrique sud-Saharienne a encore illustré l'ambiguïté qui caractérise les déclarations des dirigeants africains sur leur soutien aux droits humains. En général, les organisations non-gouvernementales, les défenseurs des droits humains et les autres organisations de la société civile ont opéré dans des conditions restrictives et ont encouru de graves risques pour leur sécurité. Les initiatives d'enquête et de défense ont été gravement restreintes et parfois totalement interdites dans de nombreux pays comme le Cameroun, la Côte d'Ivoire, la RDC, l'Ethiopie, l'Erythrée, le Libéria, Maurice, le Soudan et le Togo. Néanmoins, les défenseurs et les avocats des droits humains ont réussi à accroître leurs pressions sur leurs gouvernements respectifs sur la question des droits humains et à démontrer la responsabilité de ceux qui avaient commis des abus et des violations. Enfin, une poignée de pays comme le Botswana, le Kenya, Maurice, le Malawi, le Mali, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone, l'Afrique du Sud et la Tanzanie, ont permis à la société civile d'opérer dans un environnement relativement libre et ouvert.

L'AFRIQUE DU SUD ET LE NIGERIA : LES LEADERS REGIONAUX

Tout au long de l'année, l'Afrique du Sud est apparue comme une force politique clé. Le Président Thabo Mbeki a été l'un des cinq principaux architectes du NEPAD et fut, de fait, la personnalité chargée de le représenter auprès du Groupe des Huit Etats les plus industrialisés au Sommet du G8 en juin à Kananaskis, devant lequel il a présenté le programme du NEPAD. Mbeki a été élu premier président de l'UA au Sommet de Durban. Les dirigeants sud-africains ont activement pris part à la plupart des controverses et aux défis auxquels la région a été confrontée cette année. Reconnaissant que la défiance internationale qui a entouré les élections au Zimbabwe menaçait l'avenir du NEPAD, Mbeki a jonglé entre les pressions contradictoires pour préserver les relations entre l'Afrique et l'Occident. Les dirigeants occidentaux de leur côté ont fait de Mbeki le porte-parole de toute l'Afrique, le pressant de toute part, en tant que symbole du nouvel engagement de l'Afrique en faveur de la bonne gouvernance, de dénoncer le Président du Zimbabwe Robert Mugabe et de rejeter le résultat des élections. Mais de nombreux Africains ont estimé que ces pressions correspondaient surtout à l'inquiétude pour les fermiers blancs du Zimbabwe - argument habilement repris par Mugabe lui-même - et ils ont considéré les mots et les actes de Mbeki comme des indicateurs permettant de déterminer si le NEPAD signifiait réellement un leadership africain ou n'était qu'un moyen de plaire à l'Occident pour obtenir de l'aide étrangère. D'autres se sont simplement révoltés de cette politisation de la réaction africaine face à la dégringolade d'un pays relativement prospère et stable en un cycle continué de violations toujours plus grandes de l'état de droit, de chaos économique et de famine.

Mbeki fut le principal médiateur dans le processus de paix en RDC. Il s'est montré l'avocat constant de la paix et du compromis lors du lancement du Dialogue inter-congolais à Sun City, des discussions avec les Présidents congolais Joseph Kabila et rwandais Paul Kagamé pendant le Sommet de l'UA et lors des pourparlers à Pretoria qui ont abouti à la signature d'un " Mémorandum d'accord " sur le retrait des troupes rwandaises stationnées en RDC et le désarmement et la dissolution des ex-FAR (Forces armées rwandaises) et des milices hutues Interhamwe en RDC. Durant la dernière semaine d'octobre, Mbeki a de nouveau accueilli les factions congolaises à Pretoria pour parvenir à un accord sur un gouvernement intérimaire de partage du pouvoir.

L'Afrique du Sud a également joué un rôle clé pour ramener la paix au Burundi. A la fin de l'année 2001, les troupes sud-africaines se sont déployées sans incident pour protéger le gouvernement mixte intérimaire. La formation de ce gouvernement avait été décidée en 2001 lors de pourparlers menés sous la médiation de l'ancien Président sud-africain Nelson Mandela. Le Vice-Président sud-africain Jacob Zuma a engagé de multiples initiatives pour amener toutes les parties au conflit à la table de négociations, afin de parvenir à la paix sur la base de l'Accord d'Arusha de 2000. Le 7 octobre, le Gouvernement de transition a signé un cessez-le-feu avec deux factions rebelles lors du Sommet des Grands Lacs organisé par les dirigeants africains de la région. Ces derniers avaient donné trente jours à deux factions parmi les plus résistantes pour engager des négociations en vue d'un cessez-le-feu.

Le Président Obasanjo du Nigeria, comme Mbeki, s'est également fait l'avocat du besoin de changement en Afrique et de l'importance de la bonne gouvernance et des droits humains. Cependant, ses actes ont fait peser de sérieux doutes sur l'authenticité de ses paroles. Au moment où nous écrivions, Obasanjo faisait l'objet d'une procédure de mise en accusation de la part de l'Assemblée nationale nigériane : il était accusé d'avoir violé la Constitution pour n'avoir pas mis en oeuvre le budget national tel qu'approuvé, ainsi que de corruption et d'avoir donné ordre aux forces armées d'ouvrir le feu sur les civils à deux reprises en 1999 et en 2001.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Obasanjo en 1999, la violence inter-communautaire et les tensions ethniques se sont accrues au Nigeria et ont menacé le processus devant mener aux élections prévues pour 2003. Les autorités ont fait peu d'efforts pour empêcher les conflits ou limiter l'escalade de la violence politique. Les violations des droits humains par les forces de police nigérianes ont été nombreuses en 2002. Ces formes d'abus, ajoutées à l'incapacité générale des autorités nigérianes de garantir la sécurité, ont favorisé l'éclosion de groupes de surveillance. Dans certains cas, les gouvernements des Etats ont soutenu ces groupes alors qu'ils se rendaient coupables d'exécutions, de tortures systématiques et d'arrestations illégales. En août et en septembre, des initiatives ont été prises pour mettre un terme à ces activités de surveillance dans le sud-est mais peu a été fait pour remédier aux circonstances qui avaient mené à leur prolifération. Par ailleurs, les efforts entrepris par la Commission électorale nationale pour enregistrer les électeurs ont été marqués d'irrégularités et, lors d'une procédure à huis-clos, la Commission n'a approuvé que trois nouveaux partis. Compte tenu du rôle moteur d'Obasanjo au sein du NEPAD et de l'UA, le nombre important de violations des droits humains en cours au Nigeria augure mal de l'étendue des réformes à attendre des autres dirigeants africains.

VERS LA PAIX EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE ?

Les avancées vers la paix ne se sont pas limitées à la seule région des Grands lacs. Les combats ont pris fin en Angola en 2002, mouvement accéléré par la mort le 22 février de Jonas Savimbi, chef de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA). En mars, le Président José Eduardo dos Santos, soumis à des pressions considérables, annonçait que le Gouvernement angolais et les rebelles de l'UNITA s'étaient accordés sur une trêve. Le cessez-le-feu est entré en vigueur le 4 avril. Peu après, les soldats de l'UNITA ont été rapidement démobilisés et les différentes factions de l'UNITA ont engagé des pourparlers uniques qui se sont achevés avec succès au début du mois d'octobre. Une paix durable dépendra cependant largement de la capacité du Gouvernement angolais à réhabiliter et à réintégrer les combattants démilitarisés de l'UNITA ainsi que les 1,4 million de déplacés angolais et les 430.000 réfugiés (selon les sources de l'ONU).

La Sierra Leone pour sa part a renoué avec la stabilité après que le Président Ahmad Tejan Kabbah eut déclaré, le 18 janvier, que la guerre civile de dix ans était officiellement terminée. Kabbah a levé le 1er mars l'état d'urgence instauré quatre ans auparavant. Et en mai, les élections présidentielles ont été menées à leur terme, sans trop de violences. Le désarmement réussi des combattants par la Mission des Nations Unies en Sierra Leone et leur réhabilitation, grâce aux efforts menés sous l'égide de la Grande-Bretagne, ont grandement contribué à mener le pays sur la voie d'une paix et d'une stabilité durables. Des progrès significatifs ont été réalisés en matière de justice et d'établissement des responsabilités avec la création du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et de la Commission Vérité et Réconciliation. Toutefois, les maigres performances du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) laissaient planer de sérieux doutes sur ce Tribunal Spécial. En outre, l'inquiétude pour la paix en Sierra Leone est allée croissante au fil de l'année alors que la guerre dans le Libéria voisin s'intensifiait (voir ci-dessous).

De même, pour la première fois en vingt ans, un espoir de paix a vu le jour au Soudan grâce aux efforts conjoints des Etats-Unis, du Royaume-uni et de la Norvège. L'Envoyé spécial de la Présidence américaine pour le Soudan, John Danforth, est parvenu à obtenir quatre accords importants entre le Gouvernement soudanais et l'Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM/A) au début de 2002, tous insistant spécialement sur l'importance des droits humains. Le Gouvernement et la SPLA se sont en particulier accordés pour mettre un terme aux attaques contres les civils et les cibles civiles dans le sud, sous observation internationale indépendante.

Ensuite le Gouvernement du Soudan et le SPLM ont entamé des négociations de paix, sous le parrainage de l'Autorité inter-gouvernementale pour de développement (IGAD) présidée par le Kenya. Les parties ont signé un protocole de paix au Kenya le 20 juin, aux termes duquel elles ont décidé qu'après une période intérimaire de six ans et demi, un référendum d'autodétermination serait organisé pour savoir si le Sud opte ou non pour la sécession. Cette période intérimaire commencerait après la signature de l'accord de paix final. Les parties ont également décidé que la Chariah (la Loi islamique) ne serait pas appliquée dans le sud du pays pendant cette phase intérimaire. Bien que, pendant les négociations, le Gouvernement ait continué de refuser l'accès de l'aide humanitaire aux régions du sud et de bombarder les régions riches en pétrole malgré la présence de civils, les parties se sont accordées le 15 octobre sur un gel des opérations militaires jusqu'au 31 décembre, puis ont donné leur accord au libre accès de l'aide humanitaire pendant cette période.

Ces tendances positives ont été contrariées ailleurs sur le continent. Ainsi, un conflit s'est déclenché mi-septembre en Côte d'Ivoire quand environ 750 soldats se sont rebellés pour protester contre leur démobilisation imminente, faisant replonger le pays dans l'instabilité qu'il avait traversée après le coup d'état de 1999. L'incident a déclenché une vague de soutien international rapide au Gouvernement, avec notamment une aide militaire proposée par le Nigeria et le Ghana au Gouvernement ivoirien pour écraser la rébellion. Au début octobre, la CEDEAO a dépêché une mission de médiation de haut-niveau à Bouaké, fief des rebelles et le 21 octobre, les rebelles ont accepté de signer un accord de cessez-le-feu. La force internationale établie par la CEDEAO sous commandement nigérian s'est alors déployée pour surveiller la paix. Mais l'inquiétude ne fait que croître en ce qui concerne les perspectives de stabilité - que la Côte d'Ivoire a connu pendant de longues années - en raison des tensions ethniques, religieuses et politiques qui se sont ranimées indépendamment de l'activité des rebelles. Rien ne garantissait que ces tensions allaient retomber une fois les rebelles et le Gouvernement ivoirien parvenus à s'entendre.

Tandis que les efforts régionaux concertés semblaient empêcher la rébellion en Côte d'Ivoire de dégénérer en guerre civile, les conflits internes se sont poursuivis au Libéria et en Ouganda sans que les abus commis dans ces deux pays ne retiennent beaucoup l'attention. Les combats entre le Gouvernement libérien et le mouvement des libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) ont menacé la stabilité dans la région de l'Union du Fleuve Mano (Libéria, Sierra Leone et Guinée), les libériens cherchant refuge dans les pays voisins comme la Guinée où de graves abus ont été perpétrés. Si les abus commis à l'intérieur du Libéria ont été généralement pires dans les régions sous contrôle gouvernemental, le Gouvernement et les forces du LURD se sont rendus coupables de graves violations des droits humains tels qu'assassinats, tortures, viols, travail forcé et recrutement forcé. Le Président du Libéria, Charles Taylor, a imposé l'état d'urgence pendant une bonne partie de l'année, ce qui a permis au Gouvernement de harceler quiconque était perçu comme opposant ou partisans des rebelles.

Pour leur part, les civils du nord de l'Ouganda et du sud du Soudan ont été soumis à des abus similaires en raison des combats entre le Gouvernement et les rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Les forces de la LRA en particulier s'en sont pris aux civils, même si l'armée ougandaise a elle aussi commis des abus. La LRA a attaqué et pillé des villages et des camps de réfugiés et enlevé des enfants, pour les forcer à combattre en tant qu'enfants soldats. Elle a également attaqué des travailleurs humanitaires et des camps. Comme au Libéria, le Gouvernement ougandais a arbitrairement arrêté et détenu tous ceux suspectés de sympathie pour les rebelles ou d'être des opposants politiques. En outre, les activités politiques déjà limitées en vertu du système " sans-parti " en vigueur en Ouganda ont été encore plus restreintes après que le Parlement eut adopté la Loi sur les organisations politiques.

UN DESENGAGEMENT INTERNATIONAL DE FAIT

Lors du sommet de Kananaskis, le G8 a promis son soutien au NEPAD et fait valoir la nécessité de se rallier à la bonne gouvernance et aux droits humains. Auparavant, les gouvernements occidentaux avaient dénoncé l'attitude de "copinage" des dirigeants africains qui n'avaient pas rejeté la victoire du Président Robert Mugabe aux élections de mars au Zimbabwe. Cependant, les activités de la communauté internationale en 2002 ont laissé pensé que, malgré les nombreux conflits et crises humanitaires, l'Afrique n'était toujours pas une priorité à ses yeux. Et quand l'Afrique a reçu un peu d'attention internationale, les droits humains ont cédé le pas aux intérêts géopolitiques.

Tout au long de 2002, la communauté internationale a souligné la nécessité de ramener la paix en RDC. Les Nations Unies et l'Union européenne ont toutes deux condamné les violations de la trêve fragile concédée en 2001. Le Président américain George Bush a rencontré les Présidents Kagamé et Kabila ; le Royaume-Uni a joué un rôle clé pour parvenir à un accord entre la RDC et le Rwanda, rejoints ensuite par l'Ouganda. Mais, parallèlement à ces efforts internationaux concertés, la Mission d'observation des Nations Unies en RDC (MONUC) n'a pas fait grand chose pour empêcher les combats en cours entre les différents groupes rebelles congolais, qu'il s'agisse de groupes purement locaux ou de mouvements pilotés de l'extérieur par les puissances qui s'étaient retirées. Dotée d'un nombre de troupes et de ressources financières limitées par le Conseil de sécurité, la MONUC n'a pas su protéger les civils. Une fois l'accord de paix en RDC signé par le Rwanda, l'Ouganda et le Zimbabwe, l'attention internationale s'est concentrée sur le retrait des troupes étrangères, sans tenir compte des questions de justice internationale et de responsabilité pour les crimes de guerre perpétrés. Les appels à la création d'un tribunal international, lancé par le Président Kabila et d'autres Congolais, ont été laissés de côté. A la mi-octobre, le Conseil de sécurité de l'ONU a reçu un rapport détaillant comment les officiers rwandais, ougandais et zimbabwéens ainsi que les autorités congolaises tiraient partie du conflit pour piller les ressources naturelles du pays. Le rapport stipulait également que le retrait des troupes étrangères ne mettait pas fin à cette exploitation illégale. Au moment où nous écrivions, rien n'indiquait que le Conseil de sécurité entendait prendre de nouvelles mesures pour mettre un terme au pillage des ressources de la RDC.

Un engagement international ferme en faveur de la justice face au TPIR a par ailleurs manqué. Signe encourageant : plusieurs génocidaires importants ont été arrêtés et livrés au Tribunal international au cours de l'année, notamment Augustin Bizimungu, chef d'état-major de l'ancienne armée rwandaise ; cependant, le TPIR est resté insuffisamment doté en personnel et en ressources. Pourtant ceci ne constituait pas les principaux problèmes. En effet, le Gouvernement Kagamé a formellement refusé de coopérer avec le Tribunal tant que le Procureur du TPIR insistait pour inculper de crimes de guerre des soldats servant l'actuel gouvernement (issu du Front Patriotique rwandais, FPR). En réponse, les Etats-Unis et l'ONU ont fait pression sur M. Kagamé pour qu'il ne perturbe pas les poursuites à l'encontre des génocidaires mais n'ont pas insisté sur l'inculpation de membres du FPR. Dès lors, si le FPR se voyait garantir une telle immunité de fait, la légitimité de l'ensemble du processus de justice serait affectée.

En ce qui concerne l'Angola, l'ONU et l'Union européenne ont promis leur soutien à la démobilisation et à la réintégration des combattants de l'UNITA, compte tenu de l'optimisme prudent sur une paix durable dans ce pays. Pourtant, le cessez-le-feu a révélé l'ampleur d'une crise humanitaire, avec une malnutrition importante et un manque de soins médicaux, qui n'a pas reçu suffisamment d'attention internationale. Les agences humanitaires ont réclamé à plusieurs reprises un plus grand engagement de l'ONU pour aider les déplacés qui se trouvent dans des situations désespérées mais, en 2002, la communauté internationale n'a pas fait grand chose pour répondre à ces besoins. En août, la Mission des Nations Unies en Angola (MINUA) a été créée avec pour mandat d'assister le Gouvernement angolais dans la protection des droits humains. Mais les résultats concrets sont restés ténus en ce qui concerne les personnes déplacées; elles ont continué a être harcelées physiquement et a être abusées par les forces de sécurité. Elles ont également été confrontées à des violations de leur liberté de mouvement et sorties par la force des camps.

La France pour sa part a rapidement réagi à la rébellion en Côté d'Ivoire, s'attachant surtout à assurer la sécurité des ressortissants français (environ 20.000) et à évacuer ceux qui se trouvaient dans des zones particulièrement instables. En octobre, un nombre important de Français restaient toutefois pris au piège dans Bouaké, ville du nord du pays sous contrôle rebelle. La France a également déployé des renforts outre les six cents hommes qu'elle maintient en permanence dans le pays: fin octobre, 700 soldats français sécurisaient ainsi les zones séparant les rebelles de l'armée gouvernementale. Il a été suggéré qu'une force de maintien de la paix de la CEDEAO prenne le relais des Français.

La priorité donnée à la " guerre contre le terrorisme " par l'administration Bush a affecté la politique des Etats Unis en Afrique à plus d'un titre. Les Etats Unis ont accordé moins d'attention à l'ensemble du continent qu'on ne l'espérait et dans les quelques pays africains qui présentent un intérêt stratégique, comme la Corne de l'Afrique, les Américains ont négligé les questions relatives aux droits humains. L'Union européenne et les Nations Unies ont toutes deux dénoncé les violations constantes des droits humains par le Gouvernement d'Erythrée et l'UE a principalement consacré son soutien à l'aide humanitaire. En octobre, le Département d'Etat américain a publiquement dénoncé l'Erythrée pour les violations des droits humains. En revanche, considérant que l'Ethiopie était un allié potentiel bien situé, les Etats-Unis ont poursuivi leur aide non-humanitaire à ce pays et se sont tus sur les abus commis. En octobre toujours, les responsables américains de la défense ont confirmé qu'ils envisageaient d'établir un quartier-général militaire dans la Corne de l'Afrique dans le cadre de leur chasse aux terroristes.

Le Soudan, gouverné par un parti islamiste, a reçu une attention marquée de la part de l'administration Bush et du Congrès, ainsi que des mouvements préoccupés par le sort des Chrétiens du Soudan. Cette vigilance a permis au cours de l'année des avancées significatives vers la paix au Soudan, comme ce fut le cas en RDC. A l'image de l'UE et du Royaume-Uni, l'administration et le Congrès américains ont aussi suivi de près la dégradation de la situation au Zimbabwe, appelant le Président Mugabe à respecter les règles de l'Etat de droit, dénonçant les irrégularités du processus électoral et pressant le Président Mbeki d'Afrique du Sud à prendre la tête d'une réaction africaine à la situation.

L'accès sécurisé aux ressources énergétiques a constitué une préoccupation majeure de l'administration Bush en 2002. Aussi a-t-elle fait preuve d'un intérêt remarqué pour les ressources pétrolières de l'Afrique comme alternative à celles du Moyen-Orient. Et bien que les Etats Unis aient rappelé périodiquement la nécessité de transparence et de bonne gouvernance dans des pays comme l'Angola, ils sont apparus surtout soucieux de renforcer leurs relations avec les principaux pays producteurs de pétrole du continent. Ainsi, lors d'une visite en juillet au Nigeria, le Secrétaire d'Etat adjoint pour l'Afrique, Walter Kansteiner, a consacré pratiquement toutes ses déclarations publiques à relever l'importance que revête le pétrole nigérian pour les Etats Unis; le Nigeria étant le cinquième pays producteur de pétrole au monde. Aucune mention n'a été faite des exécutions extra judiciaires et autres abus commis par les forces de sécurité nigérianes dans la région pétrolifère du Delta du Niger et dans les autres régions. A l'inverse, les organisations non-gouvernementales ont continué de faire pression sur les compagnies pétrolières pour dénoncer la situation des droits humains. En fait, une campagne internationale en ce sens pourrait bien avoir été à l'origine de la décision de Talisman Energy Inc., une compagnie pétrolière canadienne, de vendre tous ses avoirs au Soudan.

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