Africa - West

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TEMOIGNAGES

Violations des droits humains commises par les soldats du Gouvernement libérien
· Un homme de trente ans, membre de la communauté Gbandi et originaire de Popalahun, a raconté comment de nombreux civils Gbandi qui s'étaient cachés dans la forêt avaient été regroupés par les soldats de les AFL (Armed Forces of Liberia, les Forces armées du Libéria) à la mi-septembre 2001, puis tués près de Kemahatun; plus d'une trentaine ont été brûlés vifs dans des habitations et une quinzaine environ ont été exécutés sur ordre du Commandant Zizemaza, qui serait le commandant de la Division " Jungle Force " de l'AFL. Cet homme a décrit comment les Gbandi étaient pris pour cible en raison de leur supposé soutien au LURD (mouvement rebelle des Liberians United for Reconciliation et Democracy, les Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie):

Nous avons vécu avec les gens du LURD de mai à août (2001) sans trop de problèmes. Début septembre, nous avons été attaqués par les AFL et nous avons fui en brousse. Quelques jours plus tard, les AFL nous ont attrapés et ont emmené environ quatre-vingts cinq d'entre nous à Kematahun pour être présentés devant le Commandant Zizemaza. Nous désignant, il a déclaré: "Vous, les Gbandi, vous êtes les frères et les femmes des dissidents. Nous vous avons dit d'aller à Monrovia, mais vous n'avez pas voulu. Nous tuerons tous les Gbandi que nous verrons - Allez, tuez-les." Il y avait plus d'une centaine de soldats des AFL; des gens du RUF étaient aussi parmi eux. Ensuite, une trentaine de personnes, dont ma mère et ma s_ur, ont été ligotées avec des cordes et poussées à l'intérieur de trois maisons. Elles ont supplié mais les soldats les ont giflées et leur ont dit de la boucler. Puis les soldats ont mis le feu aux maisons et placé des gardes devant les portes pour s'assurer que personne ne pouvait s'enfuir. Après ça, Zizemaza a donné l'ordre de tuer une quinzaine de personnes - leurs gorges ont été alors tranchées au beau milieu de la place de la ville. Ceux qui restaient, ils nous ont emmenés à Vahun et sur la route ils ont incendié de nombreux villages.8

· Un réfugié sierra-léonais vivant au Libéria a été capturé par les troupes des AFL en octobre 2001 alors qu'il se cachait dans la forêt et emmené à Vahun. Il a raconté comment six hommes avaient été exécutés pour avoir refusé de rejoindre les forces gouvernementales et six autres brûlés vifs dans une maison, là encore sur ordre du Commandant Zizemaza. De nouveau, il apparaît évident que les membres de la communauté Gbandi sont spécifiquement visés :

Après avoir attrapé dix-huit d'entre nous, les troupes des AFL nous ont donné des munitions à porter et nous avons marché trois heures d'affilée pour atteindre Vahun. Là-bas, nous avons vu des centaines d'hommes de troupes vêtus de tee-shirts jaunes, portant la mention "Jungle Lion". Le commandant était un certain Zizemaza. Ils nous ont séparés par tribu : les Kissis, les Gbandis et les Sierra-Léonais. Ensuite, il a ordonné que les têtes des nombreux jeunes gens soient rasées et il leur a dit qu'ils allaient devenir des soldats. J'ai essayé de me défendre en disant que j'étais sierra-léonais et six autres ont protesté en disant qu'ils ne voulaient pas d'une vie pareille. En entendant ça, Zizemaza a dit : " C'est vous qui avez amené la guerre à Kolahun. Emmenez-les derrière la maison et finissez-en". Nous avons entendu les " pa-pa-pa " des armes à six reprises et ensuite nous les avons vus, gisant morts. Quelques minutes plus tard, six villageois, dont des femmes, ont été emmenés à l'intérieur d'une maison et brûlés vifs. Nous avons entendu les soldats qui disaient : "Débarrassons-nous de ces Gbandi".9

· Deux frères, âgés de vingt-sept et vingt-neuf ans et originaires de Kolahun, dans le comté de Lofa, ont été pris dans des combats alors que leur ville retombait à plusieurs reprises sous contrôle rebelle. Ces deux frères ont décrit les violences, les viols, le recrutement forcé et les pillages exercés par les AFL après que le gouvernement eut repris le contrôle de Kolahun en décembre 2001.

Les troupes des AFL ont rassemblé tout le monde et nous ont amenés en ville. Le commandant était le Colonel Stanley. Ils nous ont tout pris - l'argent, les vêtements, les papiers. Ils ont battu les gens et menacé de les tuer, les traitant de sympathisants rebelles. Ils ouvraient les portes des maisons et tiraient sur ceux qui se trouvaient à l'intérieur. Ils ont aussi incendié des maisons. La nuit, ils nous ont enfermés en groupe dans une maison. Trois soldats ont pris six femmes --une était une jeune fille de douze ans et une autre était enceinte - et les ont violées jusqu'à 4h00 du matin. On pouvait les entendre crier dans l'autre pièce. Au matin, ils les ont ramenées. Elle étaient faibles. Elles nous ont dit : " Ils se sont servis de nous la nuit dernière. Nous ne pouvions rien faire. " La femme enceinte m'a dit que les trois hommes l'avaient violée. Le lendemain, les rebelles ont attaqué. Les soldats des AFL nous ont fait porter ce qu'ils avaient pillé et nous ont fait fuir avec eux vers Foya, qui se trouve à deux heures et demi plus loin. Même les femmes qui avaient été violées ont dû porter des choses pour eux. A Foya, il nous a fallu prendre les armes pour les AFL. Ils ont forcé tous les hommes à prendre les armes sous peine d'être tués. Nous avons finalement pu nous échapper le 3 février 2002 quand les rebelles ont de nouveau attaqué.10

· Un garçon de douze ans, qui se trouvait également présent quand le gouvernement a repris le contrôle de Kolahun, a décrit comment il avait été blessé et au moins cinq autres personnes tuées lorsque les soldats des AFL ont ouvert le feu sans discrimination sur les civils, en décembre 2001 :

Le LURD nous a dit que les AFL étaient en marche et qu'il valait mieux que nous restions cachés dans nos maisons. Et puis ça s'est produit le jour de Noël. Les combats étaient violents et après plusieurs heures, les AFL ont pris la ville. Nous étions une vingtaine environ cachés dans une maison. Nous avons entendu les soldats qui hurlaient "Donnez nous l'argent " puis, sans nous donner le temps de répondre, ils sont entrés et ont commencé à tirer sur nous. Il y avait du sang partout et cinq personnes ont été tuées. J'ai été touché à la jambe. Il y a eu tellement d'autres personnes tuées par les soldats ce jour-là à Kolahun.11

· Une femme Gbandi de 35 ans, originaire de Kolahun, a vu les AFL enlever des femmes et des filles, brûler vifs des gens dans des maisons et se livrer aux pillages :

J'ai été capturée par les AFL le 23 décembre 2001. J'étais avec ma fille et la fille de ma s_ur. Ma s_ur était sortie chercher à manger pour nous. Les soldats m'ont dit d'aller avec eux. Je leur ai dit que je ne pouvais pas porter deux bébés, alors ils ont menacé de tuer l'un d'eux. J'ai donc pris les deux bébés. Ils m'ont frappée avec la crosse de leurs armes parce que je n'avançais pas assez vite. Ils m'ont emmenée avec environ soixante-dix autres personnes à Yenahun. Avant d'arriver à la ville, ils ont séparé du groupe les jeunes filles de dix ans et plus. Ils allaient me prendre mais j'ai supplié, disant que j'avais deux petits enfants. Alors ils m'ont laissée. Je connais une femme d'une vingtaine d'années qui a été violée, puis ramenée (parmi nous). Nous avons été emmenés jusqu'à Kematahun avec les AFL. Nous étions trop effrayés pour fuir - J'ai vu (les soldats) abattre une famille, l'homme, la femme et leur fils qui avaient essayé de s'enfuir. Pendant que j'étais avec eux (les AFL), ils ont chargé les femmes de s'occuper de la nourriture et de préparer les repas pour eux. J'ai vu là-bas quatre grosses maisons qui avaient été complètement incendiées. A l'intérieur, il y avait des corps carbonisés de toutes tailles. Ils avaient brûlés vifs les gens. Le commandant des AFL était le Colonel Zizemaza. Les AFL avaient volé le zinc qui couvrait les toits des bâtiments et nous ont fait le porter jusqu'en Sierra Leone pour le vendre à leur compte. J'ai porté dix feuilles de zinc et quand je suis arrivée en Sierra Leone, j'ai pu m'échapper. Mon bébé et celui de ma s_ur sont tous deux morts de maladie. Je suis ici réfugiée, seule.12

· Une jeune fille de dix-sept ans originaire de Polmawan a été enlevée et violée par un soldat des AFL vers la fin 2001. Voici ce qu'elle a déclaré :

J'avais fui la guerre depuis un an, vivant dans la brousse après l'attaque des rebelles sur Foya. Mon père et mon frère avaient été tués par balles. Finalement, ma mère et moi avons été trouvées par les troupes gouvernementales des AFL alors que nous nous cachions. Quand ils nous ont trouvés, ils nous ont rassemblés en groupe et nous ont escortés jusqu'à la frontière sierra-léonaise. Mais alors que nous nous apprêtions à la franchir, un soldat des AFL, Daniel Madamooka, garde-corps du Commandant AFL Mummywater, m'a séparée du reste du groupe. Ma mère pleurait, suppliait qu'il me laisse aller. Je pleurais. Il m'a remmenée à Foya avec lui. J'ai dû lui faire la cuisine, laver ses vêtements et chercher de la nourriture pour lui. Pendant deux nuits, il a essayé de coucher avec moi et j'ai refusé. Finalement, il m'a forcée. J'ai pleuré parce que ça me faisait mal. J'ai vu d'autres filles comme moi. Quand ils vous capturent, ils disent : " Tu es ma femme ". Il m'a fait ça pendant cinq nuits. Après quelques temps, les rebelles ont attaqué Foya et j'ai réussi à m'échapper en Sierra Leone en février 2002.13

· Un homme de la communauté Kpelle, âgé de 26 ans, se trouvait à Sawmill quand les AFL ont repris la ville en janvier 2002. Il dormait dans une maison avec sa s_ur de trente ans et le petit garçon de celle-ci. Entendant du bruit au-dehors, tôt un matin, sa s_ur se réveilla, prit son fils par la main et alla à la porte pour voir ce qui se passait. Un des groupes d'officiers des AFL qui se trouvaient là a tiré dans la tête de la femme à bout portant. Voici ce que son frère a déclaré :

J'ai entendu les tirs et je me suis rué sur la porte de façade. J'ai trouvé ma s_ur qui gisait morte à l'entrée. Son front saignait. J'ai essayé de sortir pour récupérer son fils qui avait foncé dans le jardin, mais les soldats des AFL ont crié : " Ne sors pas! ". J'ai appelé son fils pour qu'il rentre. Il a finalement couru vers l'intérieur. Il avait été touché à la main droite. La balle lui avait traversé la main. Je pouvais entendre un groupe d'une trentaine de soldats des AFL qui parlaient au-dehors. L'un d'eux disait : " Qui vous a dit de tirer? La pauvre fille est morte ".14

· Un homme de 26 ans, à Klay, a été arrêté avec trois autres par des officiers de l'ATU (Anti-Terrorist Unit, Unité anti-terroriste) en février 2002 ; accusés d'être des rebelles ils ont été torturés. Voici ce qu'il a déclaré :

Ils nous ont arrêtés dans la soirée autour de 20 heures au bureau de la sécurité à l'entrée de Klay. Ils nous ont fait tenir une heure durant sur les mains, la tête en bas les pieds au mur. Ils frappaient nos mains avec les crosses de leurs armes si jamais nous posions un pied à terre. Ils ont placé une arme dans ma bouche et dit : " Mange le biscuit de Charles Taylor ". J'ai ensuite été placé dans une cellule et détenu toute la nuit. Le lendemain matin, nous avons dû nettoyer les lieux, couper l'herbe et les fourrés, puis nous avons été relâchés.15

· Le propriétaire Mandingue d'une échoppe de Masambalahun a raconté comment trois jeunes accusés d'être des partisans du LURD ont été emprisonnés en septembre 2001 puis tués par les AFL. Lui-même a décidé de fuir en Sierra Leone en décembre 2001, après que son frère de quarante-trois ans eut été tué par des hommes des AFL qui pillaient sa boutique :

Je suis un homme d'affaires et je suis aussi Mandingue, ce qui n'est aisé par les temps qui courent. Le 2 septembre 2001, les choses étaient plutôt tendues et des rumeurs couraient sur une attaque rebelle. Dans l'après-midi, alors que plusieurs de mes amis s'étaient réunis autour de mon magasin pour discuter, trois d'entre eux -- deux Mandingues et un Gbandi - ont été arrêtés par le lieutenant Mustapha, des AFL, qui les a accusés d'attendre l'arrivée des rebelles dans la ville. Il a dit, " Ne vous inquiétez pas, nous allons vous tuer avant que vos frères (le LURD) arrivent en ville ". Plus tard cette nuit-là, nous avons entendu des pleurs venant du quartier-général des AFL et, le lendemain matin, les AFL nous ont dit de venir chercher le corps de M. Sa bouche et son nez avaient saigné et tout son corps portait des marques. Plus tard, nous avons vu les deux autres monter dans un camion pour être emmenés au loin et, le jour suivant, un ami arrivant de Vahun a dit qu'il avait vu leurs corps gisant sur la route. J'ai finalement décidé de partir le 18 décembre 2001, après que les AFL eurent attaqué et pillé tous les biens dans ma boutique et aient battu mon frère à mort parce qu'il refusait de leur dire où nous avions caché le générateur. J'en ai eu assez.16

· Un infirmier en chirurgie qui tenait un petit hôpital de fortune à Sasahun a vu les troupes AFL, sous le commandement du Colonel Stanley, piller le village et assassiner sa femme et cinq autres personnes, dont un patient qui se remettait d'une opération de l'appendice en avril 2001 :

Après que la localité voisine de Kolahun fut tombée aux mains des dissidents, les soldats gouvernementaux qui se repliaient ont déferlé sur notre ville. Ils saccageaient tout, pillant, frappant, jurant. J'imagine qu'ils étaient en colère parce qu'ils avaient été délogés par les dissidents. Une cinquantaine d'entre eux environ ont encerclé la clinique et m'ont ligoté avec six autres personnes. Ils nous ont déshabillés, piqués avec leurs baïonnettes et frappés jusqu'au sang. Ils disaient, " Vous êtes tous des dissidents - vous voulez rester ici et soutenir vos frères Mandingues musulmans ". Ils ont demandé de l'argent à ma femme. Elle leur en a donné un peu mais en gardant nos économies cachées. Quand ils les ont finalement trouvées ils étaient tellement en colère, qu'ils lui ont tiré dans le dos, dans notre chambre à coucher. Là, Stanley a dit : " Ce sont nos ennemis, tuez les autres ". Trois soldats des AFL, Dragon, Digger (NDLR : littéralement, le `Creuseur') et Rasta ont abattu les cinq autres dont l'un de mes patients. Je me suis sauvé plusieurs heures plus tard et j'ai finalement retrouvé mes enfants cachés dans la brousse. Je les ai rassemblés et j'ai dû leur dire que leur mère était morte. Ils ont tous pleuré et, après ça, j'ai décidé de fuir.17

· Un homme de vingt-six ans qui circulaient entre les barrages de contrôle dans le comté de Cape Mount, en mars 2002, a vu cinq hommes de son quartier dont il savait qu'ils avaient été enrôlés de force. Bien qu'ils ne soient pas en uniformes, ces hommes étaient armés et gardaient un barrage de l'armée gouvernementale. Voici ce qu'il a déclaré :

Après que le président eut prononcé son discours en février (2002), assurant que certains quartiers de Monrovia abritaient des collaborateurs des rebelles, des centaines d'hommes furent arrêtés. Des garçons des rues ont été également raflés. La SOD (Division des opérations spéciales) de la police débarquait puissamment armée dans des jeeps. Des hommes de mon quartier de Duala ont été arrêtés et emmenés au siège de la Police nationale. J'ai dormi dans le plafond cette nuit-là. Avant que je n'ai pu quitter la maison le lendemain matin, les forces de sécurité sont entrées et ont arrêté mon frère et son ami (un réfugié sierra-léonais). Ils ont été emmenés au siège de la Police nationale où des gens étaient battus avec les crosses des armes et des ceintures. J'ai eu de la chance qu'ils ne me trouvent pas. Mon frère a été relâché le jour suivant après avoir payé 1.000 dollars libériens à la police (environ 17 US Dollars). Je m'inquiète toujours pour l'ami réfugié sierra-léonais de mon frère, parce qu'il n'avait personne qui pouvait apporter de l'argent pour le sortir de là. Un de mes amis qui travaille avec l'ATU (l'Unité anti-terroriste) m'a dit : " Si les rebelles continuent d'avancer, ça va concerner les jeunes gens ". J'ai décidé de quitter le pays. J'ai trouvé une place pour la frontière avec la Sierra Leone, il y avait une forte sécurité aux points de contrôle. En route, j'ai vu des amis qui gardaient la route de Klay. Ils ne portaient pas d'uniformes mais ils avaient des fusils d'assaut AK 47. L'un d'eux, Eric, qui d'ordinaire écrasait les cassaves au marché, m'a vu et s'est approché pour fumer une cigarette avec moi pendant qu'on attendait d'être contrôlés. Il m'a dit : " Ils nous amenés ici de force depuis la prison. Ils ont dit à ceux qui n'avaient pas d'argent pour les payer de se joindre à eux, sinon nous aurions été envoyés dans un camp de la mort ". J'ai également vu quatre autres personnes que je connaissais là-bas : Emmanuel, un marchand du marché de Duala ; Samuel, qui vendait des chaussures à Duala ; Safaa, qui rangeait les voitures et Manny, un tailleur de l'ethnie Kru. Au contrôle à la frontière avec la Sierra Leone, la sécurité libérienne m'a pris 250 dollars libériens et mon walkman avant de me laisser passer.18

· Un étudiant de l'université a été arrêté alors qu'il venait rendre visite à sa mère à Duala et a décrit son arrestation lors des descentes de la police à Monrovia :

J'ai été arrêté avec deux autres amis par la SOD de la police. La police hurlait: "Vous, vous êtes des terroristes". Nous avons été emmenés au siège de la police nationale et alignés devant le bâtiment. Il y avait environ une centaine d'autres hommes. Une voiture noire aux vitres teintées s'est approchée doucement. Quelqu'un, à l'intérieur, désignait les gens ; une vingtaine ont été ainsi mis de côté et accusés d'être des terroristes. Les autres, nous avons été emmenés dans des cellules en bas et on nous a dit de payer 1.000 dollars libériens (environ U.S.$ 17). Une fois que vous aviez payé, vous étiez libre mais, comme les rafles se poursuivaient, vous pouviez être de nouveau arrêté si vous ne faisiez pas attention. Certaines personnes, liées à l'ancien mouvement rebelle ULIMO, étaient emmenés chaque jour pour être interrogés.19

Violations des droits humains commises par les Forces rebelles du LURD
· Une jeune femme, dont le mari a été exécuté avec sept autres civils en octobre 2001 par les forces du LURD près de Foya pour avoir soi-disant collaborer avec les forces gouvernementales libériennes, a raconté ce qui s'est passé :

Les soldats de l'ULIMO (NB : certaines personnes interviewées se réfèrent à l'ULIMO pour le LURD) ont rassemblé dix-huit d'entre nous et nous ont amenés à leur commandant, le Colonel Rambo. Ils nous ont battus et nous ont accusés d'alimenter en vivres et en informations les troupes du gouvernement. Ils ont séparé les hommes des femmes et puis leur commandant a dit : " Ces gens sont vos ennemis. Ils devraient être tués ". Mon mari, son père et ses frères ont reçu l'ordre de se coucher face tournée vers le ciel et ont été abattus l'un après l'autre. Ma belle-mère a vu son mari et ses trois fils se faire tuer sous ses yeux.20

· Une femme originaire de Faasa dans le district de Foya, dont le mari avait été tué en 1993 lors de la précédente guerre, a rapporté comment son fils avait été enlevé par les rebelles :

Les forces du LURD sont arrivées dans le village et ont demandé à nos fils de venir combattre avec eux. Nous pleurions tous. Ils ont aussi demandé de l'argent. J'ai payé avec tout ce que j'avais mais ils n'ont toujours pas libéré mon fils. Je connais une autre femme qui pleurait, elle aussi et il lui ont rendu son plus jeune fils, son dernier enfant âgé de dix ans.21

· Un médecin qui travaillait à l'hôpital de Foya a été témoin des tueries, du pillage et finalement de l'incendie de l'hôpital par le LURD:

Des dissidents du LURD ont attaqué Foya le 8 février 2001. Il y avait beaucoup de tirs et les dissidents ont tué deux personnes. Les AFL les ont repoussés hors de la ville mais, le 2 avril, il y a eu une seconde attaque pendant laquelle les dissidents ont incendié l'hôpital, pillé la ville et tué des civils dont ma mère, Masia. Les dissidents ont également emmené de nombreux garçons et nous ne savons pas ce qu'il leur est arrivé.22

· Une jeune femme de dix-sept ans, originaire de Foya, dans le comté de Lofa, a été enlevée et violée par les rebelles du LURD à la mi-2001. Après l'avoir violée, ils l'ont abandonnée, le vagin en sang :

J'ai été attrapée après avoir fui ma maison avec ma grand-mère. Ma grand-mère a été tuée et j'ai vécu pendant six mois dans la brousse alentour. J'ai été capturée par deux rebelles du LURD en tee-shirt rouges et bandeaux rouges, qui m'ont dit qu'ils combattaient le gouvernement. Ils m'ont dit qu'ils me tueraient si je leur résistais et ensuite ils m'ont violée tous les deux. Après m'avoir violée, ils m'ont laissée, saignante. Je suis restée longtemps malade et je n'ai pas eu mes règles pendant six mois. Aujourd'hui encore, j'ai mal à l'estomac.23

· Une femme originaire du district de Foya a raconté comment, à la mi-2001, elle a été contrainte au travail forcé pour le compte du LURD et fut une fois violée par des soldats du LURD alors qu'elle cherchait de la nourriture dans un village abandonné.

Ils nous faisaient chercher de l'eau, cuisiner, battre le riz et sortir en brousse pour chercher de la nourriture dans les villages alentours. Une fois, dans le courant du mois de juillet (2001), un rebelle m'a obligée à entrer dans une maison abandonnée et a dit à deux autres rebelles de monter la garde devant les portes. Ensuite, il m'a forcée. Que pouvais-je faire ? J'avais tellement peur de dire quoi que ce soit aux commandants.24

· Un homme de Masambalahun a décrit les pratiques abusives du Commandant Blackie du LURD, qui a obligé des hommes à porter des munitions et à piller et a abattu deux d'entre eux qui marchaient trop lentement. Le fils de douze ans de cet homme a été enlevé par le même commandant :

Tout le monde savait quand le Commandant Blackie était en charge, on faisait mieux de tous rester hors de son chemin. Il obligeait toujours les hommes forts à porter des munitions et des affaires depuis Massabalahun jusqu'à Fassala puis Kolahun. Une fois, j'ai vu ses gens tirer sur deux civils qui marchaient trop doucement. L'un fut amené à Kolahun où il est décédé plus tard. En décembre (2001), ces gens ont capturé mon fils de douze ans et l'ont emmené à Foya pour qu'il suive un entraînement. J'ai appris plus tard qu'ils l'avaient emmené à Fassama où des combats se poursuivaient. Bien sûr, il n'a pas été le seul garçon ainsi enlevé, mais c'est celui dont je m'inquiète. C'était mon fils aîné et maintenant, il n'est plus là.25

8 Interview conduite par Human Rights Watch, le 21 mars, 2002.

9 Interview conduite par Human Rights Watch, le 20 mars, 2002.

10 Interview conduite par Human Rights Watch, le 18 mars, 2002.

11 Interview conduite par Human Rights Watch en Sierra Leone, le 20 mars, 2002.

12 Interview conduite par Human Rights Watch, le 18 mars, 2001.

13 Interview conduite par Human Rights Watch le 16 mars 2002.

14 Interview conduite par Human Rights Watch, le 18 mars, 2002.

15 Interview recueillie par Human Rights Watch le 18 mars 2002.

16 Interview conduite par Human Rights Watch, le 17 mars 2002.

17 Interview réalisée par Human Rights Watch, le 13 novembre 2001.

18 Interview conduite par Human Rights Watch, le 17 mars 2002.

19 Interview conduite par Human Right Watch, le 17 mars 2002.

20 Interview conduite par Human Rights Watch, le 16 mars 2002.

21 Interview conduite par Human Rights Watch, le 16 mars 2002.

22 Interview conduite par Human Rights Watch, le 12 mars 2002.

23 Interview réalisée par Human Rights Watch le 16 mars 2002.

24 Interview conduite par Human Rights Watch le 16 mars 2002.

25 Interview conduite par Human Rights Watch le 21 mars 2002.

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