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Hissène Habré extradé en 2003?
Trois ans après l'inculpation de l'ancien dictateur tchadien, ses victimes pensent obtenir bientôt son extradition du Sénégal vers la Belgique
(New York, le 31 janvier 2003) - Trois ans après l'inculpation historique de l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré par un juge d'instruction sénégalais, ses victimes gardent bon espoir qu'Habré soit extradé cette année vers la Belgique pour y être jugé. Cet espoir s'est vu encore renforcé ce jeudi lorsque le Sénat Belge a adopté des propositions de lois destinées à préserver la loi dite de " compétence universelle " qui permet de poursuivre en Belgique les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis à l'extérieur du pays.


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" En trois ans, nous avons pu consolider le dossier d'une manière déterminante. Au Sénégal comme au Tchad, nous avons maintenant des interlocuteurs attentifs au sein des gouvernements qui sont disposés à collaborer avec la justice internationale et nous n'attendons plus que l'inculpation de Hissène Habré en Belgique. Nous poursuivrons la lutte jusqu'à ce que justice soit rendue aux victimes ".

Reed Brody, directeur adjoint de Human Rights Watch


 
Hissène Habré, le " Pinochet africain ", qui fut président du Tchad entre 1982 et 1990, vit actuellement en exil au Sénégal. Il avait été inculpé dans ce pays, le 3 février 2000, de complicité de crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie, avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Loin de se décourager, ses victimes ont déposé des plaintes en Belgique et cherchent à obtenir l'extradition de Habré du Sénégal vers ce pays.

Le dossier a avancé de manière significative en 2002 avec,

- la visite officielle au Tchad d'un juge d'instruction belge, accompagné d'un procureur et de quatre officiers de police judiciaire, en février et mars, pour enquêter sur les accusations portées à l'encontre de l'ex-dictateur;

- la confirmation par le gouvernement sénégalais de son accord pour ne pas laisser Hissène Habré quitter le Sénégal et pour examiner attentivement une éventuelle demande d'extradition de la Belgique;

- la décision, en octobre, du gouvernement tchadien de lever officiellement l'immunité de Hissène Habré;

- l'exploitation continue par le Comité International pour le jugement de Hissène Habré des archives de la police politique de Hissène Habré, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS).

" En trois ans, nous avons pu consolider le dossier d'une manière déterminante. Au Sénégal comme au Tchad, nous avons maintenant des interlocuteurs attentifs au sein des gouvernements qui sont disposés à collaborer avec la justice internationale et nous n'attendons plus que l'inculpation de Hissène Habré en Belgique " a déclaré Reed Brody, de l'organisation Human Rights Watch qui soutient l'action des victimes. " Nous poursuivrons la lutte jusqu'à ce que justice soit rendue aux victimes ".

Depuis quelques mois, l'enquête du dossier Habré en Belgique, ouverte en application de la loi de 1993 dite de " compétence universelle ", qui permet des poursuites pénales internationales contre les responsables des pires violations des droits de l'homme, comme Hissène Habré, s'est trouvée temporairement suspendue, suite aux arrêts rendus par la Cour d'Appel de Bruxelles. Cette dernière a estimé, dans l'affaire concernant le premier ministre israélien Ariel Sharon notamment, que les tribunaux belges n'étaient pas compétents lorsque les criminels poursuivis sous le coup de la loi de 1993 ne se trouvent pas sur le territoire belge. Le 30 janvier 2003, cependant, le Sénat Belge a adopté des propositions de lois destinées à préserver l'essentiel de la loi de 1993.

Contexte de l'affaire Habré

Hissène Habré a dirigé l'ancienne colonie française du Tchad entre 1982 et 1990 jusqu'à son renversement par l'actuel président Idriss Déby et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique, marqué par une terreur permanente, était soutenu par les Etats-Unis et par la France. Habré a persécuté, par périodes et en procédant à des arrestations collectives et des meurtres en masse, différents groups ethniques dont il percevait les leaders comme des menaces à son régime, notamment les Sara et d'autres groupes sudistes en 1984, les Hadjaraï en 1987 et les Zaghawa en 1989. La plupart des exactions furent perpétrées par sa terrifiante police politique, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), dont les directeurs ne rendaient des comptes qu'à Hissène Habré exclusivement et appartenaient tous à sa propre ethnie, les Goranes.

Habré a été inculpé et placé en résidence surveillée au Sénégal le 3 février 2000, par le juge d'instruction Demba Kandji pour complicité de crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie. Les tribunaux sénégalais ont, par la suite, estimé que Habré ne pouvait être poursuivi dans ce pays. Ses victimes, qui ont, en conséquence, déposé des plaintes contre Habré en Belgique en application de la loi de 1993 dite de " compétence universelle ", tentent aujourd'hui d'obtenir son extradition vers la Belgique afin qu'il y soit jugé, les autorités sénégalaises ayant accepté de le retenir dans l'attente d'une demande d'extradition. Un juge belge s'est rendu au Tchad du 26 février au 7 mars 2002 pour enquêter sur les accusations portées à l'encontre de l'ex-dictateur. Grâce à une collaboration intégrale du gouvernement tchadien, le juge a pu interroger plaignants et victimes. Le juge s'est également rendu sur les différents lieux de massacre situés aux alentours de N'Djaména et aux centres de détention, dont la sinistre " Piscine ", prison souterraine utilisée sous le régime de Habré. Le juge a non seulement pu accéder aux archives délaissées par la DDS, mais il a pu consulter et saisir de nombreux documents pertinents à l'affaire Habré. En octobre 2002, le gouvernement tchadien a officiellement levé l'immunité de Hissène Habré. Le juge d'instruction belge devrait rapidement demander au Sénégal l'extradition de Habré dès que le parlement belge aura rétabli la loi de compétence universelle dans toute sa portée.

Les victimes ont également déposé plusieurs plaintes contre les complices de Habré qui sont restés au Tchad. Le combat que mènent les victimes ne les met pas à l'abri de tout risque. Leur avocate, Jacqueline Moudeïna, a, par exemple, été gravement blessée lors d'une attaque à la grenade au mois de juin 2001.

L'affaire Habré peut être consultée sur le site suivant:
http://www.hrw.org/french/themes/habre.htm