HRW News
HRW World Report : Nigeria FREE    Recevez des Nouvelles 
Nigeria : des soldats massacrent des civils pour se venger d'attaques dans l'état de Benue
(New York, 25 octobre 2001) -- Human Rights Watch a aujourd'hui condamné le massacre de plus de 100 civils par les soldats nigérians dans plusieurs villages de l'état de Benue, apparemment perpétrés pour venger le meurtre de 19 soldats plus tôt ce mois-ci.


Sur le même thème
Nigeria : condamnation à mort d'une femme selon la Charia
23 octobre 2001

Les Commissions gouvernementales des droits de l'homme en Afrique : Protecteurs ou Pretendus Protecteurs?
Nigeria


"Les forces de sécurité ont le devoir de protéger et non d'attaquer la population. Le meurtre des 19 soldats doit bien sûr être condamné mais leur mort ne justifie en aucun cas le massacre de civils par l'armée nigériane."

Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique de Human Rights Watch


 
Human Rights Watch a enjoint le Président Olusegun Obasanjo de lancer une enquête indépendante sur l'opération militaire qui a lieu dans l'état de Benue, depuis le 22 octobre et de remettre à la justice ceux qui en seront reconnus coupables.

"Les forces de sécurité ont le devoir de protéger et non d'attaquer la population," affirme Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique de Human Rights Watch. "Le meurtre des 19 soldats doit bien sûr être condamné mais leur mort ne justifie en aucun cas le massacre de civils par l'armée nigériane."

Les milices du groupe ethnique Tiv sont présumées responsables de l'enlèvement et du meurtre de 19 soldats, dont les corps mutilés ont été trouvés dans le village de Zaki-Biam, le 12 octobre. Selon des déclarations officielles, les soldats avaient été déployés dans la région pour restaurer l'ordre public après des combats entre les ethnies Tiv et Jukun. L'état de Benue et les états Taraba voisins, au centre du pays, sont depuis longtemps, le théâtre d'affrontements entre les deux groupes ; ces affrontements ont resurgi au cours des dernières semaines.

Selon des renseignements provenant de sources locales (dont d'organisations nigérianes de défense des droits humains), l'opération militaire a commencé le lundi 22 octobre, lorsque des soldats de la 23ème brigade blindée de la 3ème division blindée de l'armée nigériane ont enlevé les habitants du village de Gbeji pour une "réunion," les ont forcés à s'asseoir par terre, ont séparé les hommes du reste du groupe et ont ouvert le feu sur eux, à l'aveuglette. Les témoins ont raconté que les corps de certaines victimes avaient ensuite été brûlés. D'autres tueries se sont produites au moment où les soldats envahissaient les villages de Vasae, Anyiin Iorja, Ugba, Sankera et Zaki-Biam, tous situés dans les deux zones locales de gouvernement de Logo et Zaki-Biam. Au cours des deux jours qui ont suivi, les propriétés et les bâtiments de ces villages ont été détruits dans une large zone après que les habitants, terrifiés ont abandonné leurs foyers.

Alors que le nombre total des victimes n'a pas encore été établi, les survivants et les témoins ont raconté qu'au moins 100 et peut-être 200 personnes avaient été tuées par les soldats. Des milliers de personnes ont été déplacés ou se sont réfugiés en brousse.

La situation dans la région demeure extrêmement tendue. Il existe toujours une forte présence militaire et les troupes qui ont effectué l'opération n'ont apparemment pas été retirées. Un couvre-feu, effectif du crépuscule à l'aube, a été imposé. Les 24 et 25 octobre, d'autres violences ont éclaté, notamment autour de l'université, dans la capitale d'état Makurdi, où des étudiants et d'autres personnes ont organisé des protestations contre les agissements de l'armée. Des véhicules et des pneus ont été brûlés. D'autres morts et blessures ont été rapportées.

Le meurtre des 19 soldats a été condamné avec véhémence par le gouvernement fédéral du Nigéria. Lors de funérailles nationales, le 22 octobre, le Président Olusegun Obasanjo a publiquement pressé les forces de sécurité de tout mettre en œuvre pour trouver les coupables.

La situation dans l'état de Benue rappelle les événements qui se sont produits dans la ville d'Odi, dans l'état de Bayelsa, au sud du Nigéria, en novembre 1999, lorsque des soldats, cherchant à venger le meurtre de 12 policiers par des groupes armés locaux, ont rasé la ville entière et tué un grand nombre de civils.

"Il est tragique, que les événements d'Odi n'aient pas servi de leçon", affirme Takirambudde. "Après la découverte des corps des soldats, les autorités nigérianes auraient aisément pu prévoir que la colère des militaires mènerait à la vengeance. Tout le monde parlait de la probabilité de représailles, pourtant aucun effort ne semble avoir été mis en œuvre pour empêcher les militaires de se venger."

On ne connaît à ce jour aucun membre des forces armées qui ait été poursuivi pour les événements qui se sont produits à Odi. Human Rights Watch a fait pression pour que la réponse du gouvernement aux événements qui ont eu lieu dans l'état de Benue ne soit pas caractérisée par la même négligence.

"Le Président Obasanjo doit accepter la responsabilité pour les agissements de l'armée nigériane et mettre fin à l'impunité qui protège les forces nigérianes", affirme Takirambudde.

Human Rights Watch a également averti que ces derniers événements allaient aggraver une situation déjà tendue dans l'état de Benue et dans les états voisins, au centre du pays, qui ont été le théâtre de fréquentes violences entre les différentes communautés, ces derniers mois. Des centaines de personnes ont perdu la vie dans des affrontementsentre les différents groupes ethniques, dans les états de Benue, Nasarawa, Taraba et Plateau et des dizaines de milliers d'autres personnes ont été déplacées.

"Le gouvernement du Nigéria se doit de s'attaquer aux racines de ce problème et de restaurer la paix dans la région" affirme Takirambudde. "Il ne peut pas se contenter de ne rien faire et d'observer ou d'intervenir uniquement quand les membres de ses propres forces de sécurité sont affectés."