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L’Union africaine doit appuyer l’extradition de Hissène Habré vers la Belgique

L’institution d’un tribunal ad hoc chargé de juger des crimes de l’ancien dictateur tchadien est une solution trop coûteuse et impliquerait des délais excessifs

(Bruxelles, 9 décembre 2005) — Suite à la décision du Sénégal de placer le sort de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré entre les mains de l’Union africaine, Human Rights Watch a appelé l’ensemble des Chefs d’Etat de l’Union africaine à se prononcer favorablement à l’extradition de M. Habré vers la Belgique pour répondre des accusations de violations massives des droits de l’homme faites à son encontre.

« L’extradition de Hissène Habré vers la Belgique constitue l’option la plus concrète, la plus réaliste et la plus immédiate afin que M. Habré puisse répondre des crimes dont il est accusé dans le cadre d’un procès juste et équitable. »
Reed Brody, Human Rights Watch
  

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Le 27 novembre dernier, le Ministre sénégalais des affaires étrangères, Monsieur Cheikh Tidiane Gadio, a déclaré que le Sénégal consultera ses pairs lors du prochain Sommet de l’Union africaine, qui se tiendra à Khartoum, au Soudan, du 23 au 24 janvier 2006, afin de décider de la « juridiction compétente pour juger cette affaire ».  
 
Sur la base d’une analyse détaillant les différentes options envisageables pour le procès de Hissène Habré, Human Rights Watch a conclu qu’un jugement en Belgique demeurait la solution la plus appropriée pour les victimes.  
 
Human Rights Watch s’est appuyé sur le constat que la mise sur pied d’un nouveau tribunal africain ad hoc n’était pas réaliste, car trop incertaine et trop coûteuse. Human Rights Watch a également exclu l’éventualité d’un retour de M. Habré au Tchad, considérant les risques que ce dernier y encourrait et les maigres probabilités qu’il y reçoive un procès équitable. L’organisation des droits humains a par ailleurs rappelé que le Sénégal, pays d’exil de l’ancien dictateur, s’était déclaré incompétent pour juger l’affaire Habré, suite à l’inculpation de ce dernier en février 2000 pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité d’actes de torture et de barbarie.  
 
« L’extradition de Hissène Habré vers la Belgique constitue l’option la plus concrète, la plus réaliste et la plus immédiate afin que M. Habré puisse répondre des crimes dont il est accusé dans le cadre d’un procès juste et équitable », a déclaré Reed Brody de Human Rights Watch, qui coordonne la campagne internationale des victimes tchadiennes dans leur quête de justice. « La mise sur pied d’un nouveau tribunal africain ad hoc pour juger des crimes dont Hissène Habré est accusé nécessiterait une volonté politique colossale, prendrait des années à réaliser et coûterait probablement plus de 100 millions de dollars », a-t-il ajouté.  
 
Human Rights Watch n’a cependant pas exclu l’éventualité d’un procès dans un pays africain, à condition que des dispositions spéciales prévoient la possibilité de transférer au pays hôte les conclusions des quatre années d’investigation entreprises par la Belgique. Par ailleurs, l’Union africaine devrait veiller à ce que le pays hôte dispose d’un pouvoir judiciaire indépendant et d’une juridiction lui permettant, d’une part de juger les crimes dont Hissène Habré est accusé, et d’autre part adhérant aux standards internationaux relatifs à un procès équitable. Enfin, l’Union africaine est tenue de s’assurer que la législation du pays choisi—de préférence francophone—n’autorise pas l’application de la peine capitale.  
 
Human Rights Watch a tenu à rappeler que cela fait quinze années que les victimes des exactions de Hissène Habré réclament justice, et que six années se sont déjà écoulées depuis le dépôt de leurs premières plaintes au Sénégal. Un certain nombre de ces victimes, dont un plaignant devant la justice sénégalaise et un autre devant la justice belge, sont depuis décédées suite aux mauvais traitements subis dans les prisons de Habré.  
 
«Le cas Habré offre à l’Union africaine l’opportunité tangible de créer un précédent dans le combat contre l’impunité des responsables de crimes de ce genre sur le continent africain », a déclaré Reed Brody. « Il faut se garder cependant de prolonger l’attente des victimes de M. Habré. Elles ont déjà trop enduré et ont attendu trop longtemps avant de trouver une tribune qui veuille bien les écouter et reconnaître leurs souffrances. La Belgique est disposée à accueillir ce procès et est en mesure de le faire ».  
 
Human Rights Watch a également souligné que le gouvernement tchadien a toujours appuyé l’extradition de l’ancien président tchadien vers la Belgique. En 2002, le ministre tchadien de la Justice avait fait savoir par écrit au juge d’instruction belge qu’ « il est clair que M. Hissène Habré ne peut prétendre à une quelconque immunité de la part des autorités tchadiennes ». Par ailleurs, la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères libyen, Mohamed Tahar Siala, a affirmé que l’Union africaine devrait respecter les vœux du gouvernement tchadien et se déclarer favorable à l’extradition de M. Habré vers la Belgique.  
 
Résumé de l’affaire  
 
Le 19 septembre dernier, la Belgique a délivré un mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Habré pour crimes contre l’Humanité, crimes de guerre, actes de torture et violations graves du droit international humanitaire.  
 
Le 25 novembre, suite à l’arrestation de M. Habré au Sénégal, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d’extradition déposée par la Belgique, catapultant ainsi l’affaire dans l’incertitude légale. Le Sénégal a ensuite décidé de porter l’affaire Habré devant le prochain Sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine, prévu à Khartoum les 23 et 24 janvier 2006.  
 
Hissène Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 jusqu’à son renversement par l’actuel président Idriss Déby et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique fut marqué par une terreur permanente, de graves et constantes violations des droits de l’homme et des libertés individuelles et de vastes campagnes de violence à l’encontre de son propre peuple. Habré a périodiquement persécuté différents groupes ethniques dont il percevait les leaders comme des menaces à son régime, notamment les Sara et d’autres groupes sudistes de 1983 à 1986, les Arabes, les Hadjeraïs à partir de 1987 et les Zaghawas en 1989 et 1990. Les archives de la police politique de Hissène Habré, découvertes par Human Rights Watch, révèlent les noms d’au moins 1.208 personnes mortes en détention. Les noms de plus de 12.321 victimes d’abus de toute sorte y sont par ailleurs mentionnés. Grâce à ces documents, il a également été établi que Hissène Habré a reçu 1.265 communications directes de la DDS, la police politique du régime, concernant le statut de 898 détenus.  
 
En février 2000, un juge sénégalais a inculpé Hissène Habré pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité d’actes de torture et de barbarie, et l’a placé en résidence surveillée. Mais en mars 2001, la Cour de Cassation du Sénégal s’est déclarée incompétente pour juger de crimes commis à l’étranger. Les victimes de l’ancien dictateur ont alors immédiatement annoncé qu’elles chercheraient à faire extrader Habré vers la Belgique, où des plaintes avaient été déposées contre lui par 21 de ses victimes, dont trois de nationalité belge. Suite à l’enquête menée par un juge belge pendant quatre ans, la Belgique a délivré un mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Habré le 19 septembre 2005.

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