Rapports de Human Rights Watch

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Atteintes aux droits humains par les forces de sécurité gouvernementales : tendances 2005

 

Depuis le début de la rébellion en 2002, le gouvernement a constamment augmenté le nombre, la taille et la visibilité des forces de sécurité gouvernementales, et a encouragé la formation de milices locales, en particulier dans l’Ouest et autour de la capitale commerciale d’Abidjan. L’expansion au sein de l’armée et l’utilisation de milices mal ou non entraînées se sont révélées désastreuses pour la population civile, qui a subi des atteintes quotidiennes aux droits humains. Selon des rapports crédibles de défenseurs des droits humains locaux et internationaux, de journalistes et de diplomates, des membres des forces de sécurité publique ont commis durant 2005 de nombreuses exécutions illégales, dont certaines semblent avoir eu pour cible les gens du Nord, des immigrés ouest-africains, et d’autres personnes soupçonnées de sympathiser avec les Forces Nouvelles. Beaucoup de ces exécutions auraient été commises sous couvert de lutte anticriminelle.11 De plus, aux très nombreux postes de contrôle militaires dans toutes les zones contrôlées par le gouvernement, des membres des forces de sécurité abusent de leur pouvoir et systématiquement volent les civils et leur extorquent de l’argent. Ces forces officielles sont appuyées par des douzaines de milices pro-gouvernementales indisciplinées, qui régulièrement harcèlent, intimident et souvent terrorisent des personnes soupçonnées de sympathiser avec les rebelles.

 

Forces de sécurité publique

Les forces de sécurité publique comprennent la police, la gendarmerie, l’armée et le Centre de Commandement des Opérations de Sécurité (CECOS) nouvellement créé. Etabli par décret présidentiel en juillet 2005, le CECOS est dirigé par le Colonel Georges Guiai Bi Point, qui commandait les forces qui ont violemment réprimé une manifestation de l’opposition le 25 mars 2004, mentionnée ci-dessus.12 Le CECOS compte environ 1700 membres recrutés dans l’armée, la police et la gendarmerie. Il a la réputation d’être bien armé, avec des armes, des véhicules et autres équipements neufs.13 Bien que le gouvernement affirme qu’il a créé le CECOS pour améliorer la sécurité à Abidjan, des diplomates, des analystes militaires et des journalistes ont dit à Human Rights Watch qu’ils pensaient que le CECOS avait été créé pour prévenir toute tentative de coup d’état à Abidjan. Selon beaucoup de ces mêmes sources, le CECOS s’est rendu coupable de multiples violations graves des droits humains à Abidjan, telles que des exécutions extrajudiciaires, des extorsions d’argent à des postes de contrôle et des vols contre des personnes vivant dans les quartiers défavorisésou d’autres zones fortement peuplées de partisans de l’opposition politique.14

 

Un défenseur des droits humains qui reçoit régulièrement des plaintes de victimes d’extorsions et de vols a décrit les actions des forces de sécurité à Abidjan de la façon suivante :

 

Par exemple, les forces de sécurité vont à Abobo et arrêtent les gens dans les rues juste parce qu’ils en ont envie. C’est une pratique courante. Ils les humilient et les dépouillent de leurs vêtements et les mettent tous ensemble et leur volent leur argent. Les forces de sécurité savent que les gens dans ces quartiers sont contre le régime.15

 

Les forces de sécurité officielles comportent aussi des unités spéciales plus réduites comme la Brigade Anti-émeute (BAE), la Garde Présidentielle (GP), le Groupement de Sécurité Présidentielle (GSP) et la Garde Républicaine (GR). Ces forces spéciales —composées surtout de soldats Bété (le même groupe ethnique que le Président), ainsi que des groupes ethniques étroitement liés des Attie, Abey, et Dida— sont considérées comme extrêmement fidèles au Président.16

 

 

 

 

Forces des milices

Depuis 2002, le gouvernement s’est appuyé de plus en plus sur les milices locales pour combattre la rébellion. Des sources militaires et diplomatiques occidentales ont estimé que le gouvernement s’appuie sur les milices parce qu’il n’a pas confiance en la loyauté des forces de sécurité publique.17 Des dirigeants des milices avec qui Human Rights Watch s’est entretenu affirment qu’elles sont l’avant-garde des forces qui défendent le gouvernement, compensant une armée qui est divisée selon des critères ethniques et régionaux depuis la rébellion de 2002.18 Les diplomates occidentaux tout comme les fonctionnaires ivoiriens se réfèrent aux milices comme à des “forces de sécurité parallèles.”19 La plupart de leurs recrues sont des partisans du FPI, le parti du Président Gbagbo, et, comme pour les forces spéciales mentionnées ci-dessus, beaucoup viennent des groupes ethniques des Bété, Attie, Abey, et Dida, ou de leurs alliés dans l’Ouest du pays, les tribus Wê et Krou. Ces milices ont été utilisées par les responsables du gouvernement pour réprimer violemment les manifestations de l’opposition et la dissidence anti-gouvernementale, museler la presse, fomenter un sentiment anti-étranger, et attaquer des villages aux mains des rebelles dans les régions productrices de cacao et de café dans l’Ouest du pays.20

 

Les principales milices opérant à Abidjan sont le Congrès Panafricain des Jeunes Patriotes (COJEP), dirigé par Charles Blé Goudé ; le Groupe Patriotique pour la Paix (GPP), dirigé par Moussa “Zeguen” Touré ; et l’Union pour la Libération Totale de la Côte d’Ivoire (UPLTCI) de Eugène Djue. Les dirigeants des milices à Abidjan nient que leurs organisations ont des armes et n’ont donc pas été inclus dans le programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) prévu dans les accords de paix successifs. Cependant, de nombreux journalistes, sources diplomatiques et militaires et travailleurs de l’aide internationale affirment avoir observé à plusieurs reprises des membres des milices à Abidjan avec des fusils d’assaut AK-47, des mitraillettes Uzi, et des pistolets.21 En février 2005, le potentiel armé du GPP a été mis en évidence lorsque ses miliciens se sont livrés une bataille armée avec des cadets de la police devant le camp du GPP à Adjame.22

Dans l’Ouest du pays, le groupe de milices le plus important est celui desForces de Libération du Grand Ouest (FLGO), fondé par Denis Glofiei Maho, assistant du maire de Guiglo et membre du Comité Central du FPI. D’autres milices dans l’Ouest sont le Mouvement pour la Libération de l’Ouest de la Côte d’Ivoire (MILOCI), l’Alliance Patriotique Wê, AP- Wê, et l’Union des Patriotes pour la Résistance du Grand Ouest (UPRGO).23 Depuis juillet 2005, Maho dirige et représente officiellement ces quatre groupes de milices, connus maintenant collectivement comme les Forces de Résistance du Grand Ouest.24

 

Intimidation, harcèlement, et attaques contre de présumés opposants politiques et partisans de la rébellion

En 2005, des auteurs habituellement non identifiés ont intimidé, harcelé et parfois attaqué des journalistes, des membres de partis d’opposition, des étudiants, des défenseurs des droits humains, et autres personnes considérées comme étant des “ennemis de l’Etat” ou des sympathisants des rebelles. Ces actes ont sérieusement entamé la liberté d’expression, d’association, et de réunion en Côte d’Ivoire. Les individus les plus touchés par cette intimidation sont ceux qui viennent du Nord de la Côte d’Ivoire et d’autres pays ouest-africains. Les défenseurs des droits humains pensent que les responsables sont des membres des forces de sécurité publique et des milices.25 La division des droits humains de l’UNOCI a reçu environ vingt rapports par mois de gens du Nord ou d’étrangers qui ont reçu des menaces de mort (surtout par des appels téléphoniques anonymes).26

 

Partisans de l’opposition politique

Tout au long de 2005, des membres des partis de l’opposition politique ont été régulièrement harcelés, intimidés et parfois attaqués par des membres des forces de sécurité connus ou par des individus non identifiés suspectés de travailler avec les forces de sécurité.27 Par exemple une femme membre d’un petit parti d’opposition appelé le Parti de la Renaissance (PR) qui a raconté à Human Rights Watch qu’à la fin du mois d’août 2005, alors qu’elle distribuait des brochures sur une nouvelle loi du gouvernement sur les retraites dans un quartier d’Abidjan, cinq officiers du CECOS se sont approchés, l’accusant de soutenir les rebelles, et l’ont détenue pendant plusieurs heures à trois différents endroits de détention successivement.28 Des hommes armés ont pénétré aux domiciles de plusieurs dirigeants de partis d’opposition, dont le Président de l’Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), Akoto Yao, dont les assaillants en juin étaient armés de fusils d’assaut AK-47 .29

 

Journalistes

Des membres des forces de sécurité officielles du gouvernement et des milices ont régulièrement intimidé, harcelé et parfois attaqué des journalistes travaillant pour des journaux favorables à l’opposition.30 Voici des cas de ces actes commis en 2005 :

  • le 29 mars, Fofana Mambé de Soir Info a été attaqué par des officiers de police à Abidjan alors qu’il couvrait une manifestation de rue.31
  • le 31 mars, Okoué D. Laurent, l’éditeur de L’Intelligent d’Abidjan, a été kidnappé et agressé verbalement à l’Ecole de Police.32
  • le 3 avril, Firmin Koto, journaliste à L’Intelligent d’Abidjan, a été frappé par les Gardes Républicains.33
  • le 9 mai, Honoré Sepe du journal Le Front a été harcelé par trois gendarmes armés qui ont forcé l’entrée de sa maison à 4 heures du matin. Sans présenter de mandat, ils ont fouillé sa maison et son ordinateur et l’ont accusé de collaborer avec les rebelles des Forces Nouvelles.
  • le 24 juillet, environ 100 membres des milices des Jeunes Patriotes ont pénétré en force au siège de la télévision publique et de la station de radio Radio Télévision Ivoirienne (RTI) pour exiger la diffusion d’un discours de leur chef, Charles Blé Goudé. Le lendemain, des groupes de Jeunes Patriotes ont perturbé la distribution de deux journaux favorables à l’opposition, Le Nouveau Réveil et Le Patriote, et ont menacé le personnel.34
  • le 26 juillet, José Stéphane Koudou, journaliste politique pour Le Jour Plus, a été sévèrement frappé avec des barres de fer par des membres des Jeunes Patriotes alors qu’il participait à une conférence de presse à Abidjan. Koudou a subi de graves blessures au cuir chevelu, à la mâchoire et au dos.35

 

Des journalistes travaillant pour des journaux favorables à l’opposition ont raconté à Human Rights Watch qu’ils recevaient régulièrement des menaces de mort au téléphone ou par e-mail.36 Par exemple, à la mi-août, un journaliste travaillant pour Le Nouveau Réveil a reçu plusieurs menaces de morts par téléphone à son domicile d’un individu qui l’a accusé de soutenir les rebelles.37

 

Défenseurs des droits humains

Les forces de sécurité publique, les milices et les groupes pro-gouvernementaux menacent et intimident régulièrement aussi les défenseurs des droits humains.38 Le directeur d’un de ces groupes explique :

 

Certains nous considèrent comme l’ennemi, un groupe d’opposition. Nous avons été visés et menacés : notre premier Président est en exil en Belgique ; le second à New York. J’ai été menacé et j’ai dû vendre ma voiture, parce qu’ils la connaissaient et ils connaissaient le numéro de licence ; j’ai reçu des appels, des e-mails. Des soldats ont tiré à l’intérieur de ma maison en 2004. Il y a beaucoup de cas d’intimidation. Et même une fois où je me trouvais au Canada, des membres des forces de sécurité qui étaient dans la même conférence sont venus me menacer et m’ont dit que je ne devrais pas parler de la situation dans le pays. La même chose est arrivée à Dublin, en Irlande.39

 

 

 

Etudiants

Durant 2005, un groupe étudiant appelé la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), opérant sur le campus de la principale université à Abidjan, a régulièrement harcelé, intimidé et attaqué des étudiants et des professeurs suspectés de soutenir l’opposition ou les rebelles. 40 La FESCI est férocement fidèle au gouvernement, et était autrefois dirigée par le chef des Jeunes Patriotes Blé Goudé (et aussi par Guillaume Soro, maintenant un des chefs des rebelles). Des diplomates, des journalistes, et des défenseurs des droits humains ont déclaré à Human Rights Watch qu’en plus de semer la terreur, la FESCI était devenue une “mafia” qui recourt à la violence pour contrôler presque tout ce qui se passe à l’université, comme qui bénéficie d’un logement sur le campus et quels commerçants travaillent sur le campus.41

En 2004, Habib Dodo, dirigeant d’un syndicat étudiant rival appelé l’Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire (AGEECI) aurait été assassiné après avoir été enlevé chez lui par des membres de la FESCI.42 Le 15 juin 2005, un membre de l’AGEECI a été sévèrement battu alors qu’il distribuait des tracts à la bibliothèque universitaire.43 Le 23 juin une femme membre de l’AGEECI, Nathalie Soro, a été agressée sexuellement par plusieurs membres de la FESCI qui l’ont accusée d’être une rebelle. Le 14 juillet, des membres de la FESCI ont attaqué plusieurs membres de l’AGEECI alors qu’ils distribuaient des brochures sur l’anniversaire de la mort de Habib Dodo.44

 

Des membres de l’AGEECI ont déclaré à Human Rights Watch que bien qu’ils déclarent régulièrement à la police les incidents de harcèlement et d’abus, jusqu’ici personne n’a été poursuivi ou puni pour ces crimes. Dans un entretien de juillet 2005, le dirigeant de la FESCI Serge Koffi Yao justifiait les attaques parce que “l’AGEECI n’est pas une organisation étudiante et nous ne pouvons pas les laisser se réunir sur le campus. C’est une organisation rebelle créée dans la zone rebelle et cherchant à étendre ses tentacules à l’université.”45

 

 

Extorsions et vols de civils

Des journalistes, des diplomates, des responsables des Nations Unies et des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que tout au long de l’année 2005 les forces de sécurité publique—à savoir l’armée, la police, la gendarmerie, et le CECOS— ont régulièrement extorqué de l’argent aux voyageurs civils aux points de contrôle militaires installés dans tout le pays. Ils ont affirmé que particulièrement à Abidjan les extorsions avait constamment augmenté depuis 2002, et qu’elles sont si répandues qu’elles semblent institutionnalisées.46

 

Les voitures, les autobus et les camionnettes sont fréquemment arrêtés aux postes de contrôle, après quoi les chauffeurs et les passagers sont harcelés ou directement intimidés pour qu’ils donnent de l’argent. Plusieurs membres d’un syndicat de transporteurs à Abidjan ont raconté à Human Rights Watch que sur une portion de route de sept kilomètres entre les quartiers de Abobo et Ndyama à Abidjan les véhicules sont habituellement obligés de payer 500 CFA (environ U.S.$1) à chacun des six différents postes de contrôle.47 Selon une source diplomatique, un soldat dans le Sud peut tirer jusqu’à 1 000 000 CFA par mois (environ $2000) des extorsions aux postes de contrôle.48 Si les gens refusent de donner de l’argent, ils sont souvent en butte au harcèlement physique et verbal.49

 

Des défenseurs des droits humains, des journalistes, des responsables d’un syndicat des transporteurs et des diplomates ont affirmé à Human Rights Watch que d’après des entretiens qu’ils avaient menés eux-mêmes, les forces de sécurité agissent plus agressivement ou demandent davantage d’argent aux personnes originaires du Nord ou d’autres pays ouest-africains.50 Un responsable des droits humains nous a déclaré : “Le racket est ciblé. Les gens originaires du Nord ou d’autres pays ouest-africains sont plus vulnérables. Si vous vous appelez Kofie, ou Gbagbo [noms Bété courants], vous n’avez pas autant de problèmes avec les forces de sécurité sur les routes.”51 Le CECOS, nouvellement créé, se rendrait particulièrement coupable d’extorsions aux postes de contrôle .52

 

En plus des extorsions aux postes de contrôle, les passagers sont vulnérables à d’autres abus ; une femme malienne a déclaré à Human Rights Watch que le 24 mai 2005, après avoir été forcée à descendre du véhicule dans lequel elle voyageait à un poste de contrôle à Duékoué, elle a été embarquée de force dans une voiture de police, emmenée dans un hôtel et violée sous la menace d’une arme à feu par un officier de police qui l’a accusée de soutenir la rébellion.53 Après qu’elle ait déposé une plainte, l’officier de police a été suspendu, mais aucune charge n’a été retenue contre lui.

 

Le CECOS aurait également été impliqué dans le vol illégal de biens civils au cours de supposées opérations de sécurité, comme lorsque plusieurs membres du CECOS ont attaqué un marché de petits commerçants pour des téléphones mobiles dans le quartier de Anyama à Abidjan en octobre 2005. Quand les vendeurs ont résisté, les membres du CECOS ont tiré à terre, blessant deux vendeurs, dont un gravement.54

 

Rapports sur des exécutions extrajudiciaires

Des défenseurs des droits humains locaux et internationaux, des journalistes et des diplomates ont déclaré à Human Rights Watch que sous couvert de lutte anticriminelle, des membres des forces de sécurité officielles gouvernementales auraient commis de nombreuses exécutions extrajudiciaires.55 Un rapport de la Division des droits humains de l’ONUCI prétend que 110 personnes ont été tuées par les forces de sécurité gouvernementales dans des opérations de lutte anti-criminelle entre mai et juillet 2005.56 D’après le chef de division Simon Munzu, beaucoup de ces exécutions ont eu lieu dans les banlieues fortement peuplées par des groupes ethniques considérés par le gouvernement comme des sympathisants de l’opposition politique et des rebelles des Forces Nouvelles. Ceci, d’après Munzu, suggère que certaines de ces exécutions extrajudiciaires auraient pu être “ethniquement ciblées”.57

 

Incitation publique à la haine et à la violence

A la suite de l’offensive militaire du gouvernement contre des positions tenues par les rebelles et la destruction des avions ivoiriens par les forces françaises qui a suivi en novembre 2004 (voir ci-dessus), le gouvernement s’est emparé de la télévision publique et de la station de radio RTI et s’en est servi pour diffuser de virulents discours anti-étrangers, tandis que les journaux pro-gouvernementaux encourageaient les Ivoiriens “patriotiques” à attaquer les étrangers.58 A la suite de ces événements, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a demandé que “les autorités ivoiriennes cessent toute diffusion à la radio et à la télévision d’incitations à la haine, à l’intolérance et à la violence.” Le Conseil de Sécurité a aussi exigé que l’UNOCI “renforce son rôle de surveillance à cet égard.” 59

 

Au début 2005, l’UNOCI a créé une Unité de contrôle des médias au sein de la section des Affaires Publiques pour surveiller dans les médias les discours incitant à la haine.60 L’Unité a aussi formé des journalistes, créé une station de radio des Nations Unies qui est maintenant diffusée dans tout le pays, et a participé à la création de stations de radio communautaires. 61 L’Unité a aussi proclamé qu’elle avait la capacité de couvrir les fréquences des radios locales si elles sont utilisées pour inciter à la violence.

 

Malgré les efforts de cette unité, l’usage de discours incitant à la haine tant par les médias pro-gouvernementaux que par ceux favorables à l’opposition continue à faire peser de graves menaces sur la protection des droits humains en Côte d’Ivoire. La Directrice de l’Information à l’UNOCI, Margherita Amodeo, a déclaré à Human Rights Watch que si l’utilisation de discours incitant à la haine avait diminué au début 2005, son unité avait noté jusqu’en octobre 2005 une résurgence marquée, développement qu’elle a lié aux tensions politiques croissantes associées à la rupture de l’accord de paix le plus récent.62

 

Amodeo a exprimé de graves inquiétudes quant à la vulnérabilité persistante de RTI à une prise de contrôle par les forces de sécurité publique ou par les milices. Selon son opinion, “la sécurité des locaux de RTI est décisive pour la capacité des Nations Unies à protéger les civils dans l’éventualité de violences.”63 La vulnérabilité de la station a été mise en évidence le 27 juillet 2005, quand un groupe de soldats armés de la Garde Républicaine a fait irruption dans les bureaux de RTI à Abidjan et à ordonné aux directeurs de ne pas diffuser de séquences sur les membres de l’opposition.64

 

Recrutement et recours aux enfants soldats

Le gouvernement ivoirien a depuis au moins octobre 2004 recruté de nombreux enfants combattants récemment démobilisés au Liberia pour qu’ils se battent aux côtés des forces du gouvernement ivoirien.65 D’après les enfants libériens interrogés dans des villages le long de la frontière Liberia-Côte d’Ivoire, il y a eu trois périodes de recrutement intense de Libériens : en octobre 2004, juste avant une offensive gouvernementale contre les Forces Nouvelles ; en mars 2005, avant la rencontre des différentes parties pour des pourparlers de paix en Afrique du Sud; et en septembre 2005 dans la période qui a précédé la fin du mandat officiel du Président Gbagbo. Les enfants ont dit qu’après être passés en Côte d’Ivoire, ils étaient emmenés dans une des bases des milices dans l’Ouest du pays comme celles de Toulepleu, Blolequin, et Guiglo. Ils ont dit que chacune de ces bases abritait plusieurs centaines de Libériens, dont la plupart, comme eux, avaient combattu avec le groupe de rebelles libériens du Mouvement pour la Démocratie au Liberia (MODEL) pendant la guerre civile du Liberia. La majorité des enfants interrogés ont dit qu’ils recevaient de la nourriture, des uniformes et (dans certains cas) des armes du personnel militaire et milice ivoirien dans ces bases. Les enfants ont constamment identifié comme ceux organisant le recrutement un colonel de l’armée et un ancien officier de l’armée non-commissionné qui était en juillet 2005 appointé comme sous-préfet régional.66

 



[11] Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains, des journalistes et des diplomates, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[12] Christophe Boisbouvier, “Gbagbo et l’Armée: Qui menace Qui?”, Jeune Afrique L’Intelligent, août 14-27, 2005, p. 30.

[13] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources diplomatiques et militaires et des sources de la CIVPOL des Nations Unies, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[14] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des analystes militaires et des journalistes, Septembre-Octobre 2005.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, Abidjan, 26 septembre 2005.

[16] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources diplomatiques et militaires, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[17] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources diplomatiques et militaires, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[18] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants des milices, Abidjan, Février-Mars 2005. Pour plus de détails, voir Human Rights Watch, “Pays au bord du gouffre,” pp. 16-17.

[19] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates et des analystes militaires occidentaux, Abidjan, Septembre-Octobre 2005; et Groupe de crise international, “Côte d’Ivoire : pas de paix en vue,” ICG Africa Report No. 82, 12 juillet 2004, p. 6.

[20] Voir Human Rights Watch, “Pays au bord du gouffre.”

[21] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Février-Mars et Septembre-Octobre 2005.

[22] Voir Human Rights Watch, “Pays au bord du gouffre,” p. 18.

[23] “Côte d’Ivoire : quel danger représentent les milices loyalistes dans l’ouest sauvage ?,” Réseaux intégrés d’informations régionales des Nations Unies (IRIN), 13 avril 2005.

[24] Entretien de Human Rights Watch avec Denis Glofiei Maho, Guiglo, 4 octobre 2005.

[25] Entretien de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains locaux et des Nations Unies, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[26] Entretien de Human Rights Watch avec Simon Munzu, directeur de la division des droits humains de l’UNOCI, Abidjan, 24 septembre 2005.

[27] Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains locaux et internationaux, Abidjan, Septembre-Octobre, 2005.

[28] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 12 octobre 2005.

[29] Division des droits humains de l’UNOCI, “Rapport sur la situation des droits humains en Côte d’Ivoire : mai, juin et juillet 2005,” Octobre 2005.

[30] Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes nationaux et internationaux, des diplomates, des responsables des Nations Unies et des groupes locaux et internationaux des droits humains, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[31] Comité de protection des journalistes, “Africa Cases 2005: Côte d’Ivoire,” [online] www.cpj.org/cases.

[32] OLPED (l’observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie CI), Déclaration pour la Journée internationale de la liberté de la presse, 3 mai 2005.

[33] Ibid.

[34] Comité de protection des journalistes, “Un chef militaire menace de fermer des journaux,” Communiqué de presse, 29 août 2005.

[35] Comité de protection des journalistes, “Africa Cases 2005: Côte d’Ivoire” [online], www.cpj.org/cases.

[36] Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, à savoir Eddy Pehe, Le Nouveau Réveil, Abidjan, 12 octobre 2005; Charles Sanga, Le Patriote, Abidjan, 26 septembre 2005; et Abdoulaye Sangare, 24 Heures, Abidjan, 29 septembre 2005.

[37] Entretien de Human Rights Watch avec Eddy Pehe, Le Nouveau Réveil, Abidjan, 12 octobre 2005.

[38] Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs locaux des droits humains, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[39] Entretien de Human Rights Watch avec un militant du Mouvement Ivoirien des Droits Humains (MIDH) Abidjan, 26 septembre 2005.

[40] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de l’Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire (AGEECI) et des journalistes locaux, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[41] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes et des défenseurs des droits humains, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[42] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de l’AGEECI, Abidjan, 25 septembre 2005.

[43] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de l’AGEECI, Abidjan, 25 septembre 2005.

[44] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de l’AGEECI, Abidjan, 25 septembre 2005.

[45] “Côte d’Ivoire : Campus universitaire polarisé par la violence politique,” IRIN, 29 juillet 2005.

[46] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Septembre-Octobre 2005. A Abidjan, les enquêteurs de Human Rights Watch ont été arrêtés et il leur a été demandé de l’argent en plusieurs occasions.

[47] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres d’un syndicat des transporteurs, Abidjan, 10 octobre 2005.

[48] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 28 septembre 2005.

[49] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[50] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[51] Entretien de Human Rights Watch avec Amouriaye Toure, le président du MIDH, Abidjan, 26 septembre 2005.

[52] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources militaires et diplomatiques Abidjan, Septembre-Octobre 2005; Entretiens de Human Rights Watch avec des membres d’un syndicat des transporteurs, Abidjan, 10 octobre 2005.

[53] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 12 octobre 2005.

[54] Entretiens de Human Rights Watch avec un analyste militaire occidental, Abidjan, 10 octobre 2005, et avec un travailleur de l’aide internationale, Dakar, Sénégal, 24 novembre 2005.

[55] Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains, des journalistes, et des diplomates, Abidjan, Septembre-Octobre 2005.

[56] Division des droits humains de l’UNOCI, “Rapport sur la situation des droits humains en Côte d’Ivoire : mai, juin et juillet 2005,” October 2005, p. 8.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec Simon Munzu, chef de la division des droits humains de l’UNOCI, Abidjan, 24 septembre 2005.

[58] Pour plus de détails sur le recours du gouvernement aux discours incitant à la haine et à la violence contre les gens du Nord et les étrangers, voir Human Rights Watch, “Pays au bord du gouffre,” pp. 33-34.

[59] Résolution 1572 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, 15 novembre 2005, S/RES/1572 (2004).

[60] L’unité a seulement deux contrôleurs à plein temps qui sont censés surveiller les diffusions écrites, radiodiffusées et télévisées dans tout le pays. Ils collectent l’information et émettent des rapports mensuels qui sont envoyés au Comité des sanctions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Entretien de Human Rights Watch avec Margherita Amodeo, Directrice de l’Information, UNOCI, Abidjan, 28 septembre 2005.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec Margherita Amodeo, Directrice de l’Information, UNOCI, Abidjan, 28 septembre 2005.

[62] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 28 septembre 2005.

[63] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 28 septembre 2005.

[64] Comité de protection des journalistes, “Une station d’Etat sommée d’arrêter de diffuser des informations sur l’opposition,” Communiqué de presse, 28 juillet 2005.

[65] La conscription ou l’engagement d’enfants de moins de 15 ans ou leur utilisation pour participer activement aux hostilités tant dans des conflits armés internationaux que ne présentant pas de caractère international est classifié comme crime de guerre par le Traité de Rome de la Cour Pénale Internationale. Dans les 1977 Protocoles additionnels aux Conventions de Genève, l’article 4(3)(c)du Protocole II, qui gouverne les conflits armés n’ayant pas de caractère international, stipule que "les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de quinze ans ne doivent jamais être recrutés dans les forces armées ou groupes armés ni être autorisés à prendre part aux hostilités." Le Protocole optionnel à la Convention sur les droits de l’enfant sur l’implication des enfants dans des conflits armés exige des Etats parties de fixer l’âge minimum de 18 ans pour le recrutement obligatoire et la participation aux hostilités et d’élever l’âge minimum pour le recrutement volontaire à celui établi à l’article 38, paragraphe 3, de la Convention sur les droits de l’enfant.

 

[66] Entretiens de Human Rights Watch, Liberia, mars et octobre 2005.


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