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PANORAMA MONDIAL SUR L'AFRIQUE

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Rapport Mondial 2002

Table des matières

PRINCIPAUX DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES

Plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne continuent de subir le fléau de guerres de longue durée. Dans d'autres pays, les responsables politiques et les partis se sont lancés dans des élections, certaines plus satisfaisantes que d'autres. Partout, les défenseurs des droits humains poursuivent leur lutte pour améliorer le respect des droits humains fondamentaux. L'année 2001 a été le témoin d'une attention renouvelée pour l'Afrique, principalement centrée sur le combat contre le désastre que représentent les maladies liées au VIH (Virus de l'Immuno-Déficience Humaine) et sur les efforts pour parer à un appauvrissement aggravé par la globalisation de l'économie mondiale. Mais les questions des droits humains en Afrique, de celles liées aux problèmes de santé publique et à l'économie en passant par celles issues de répressions flagrantes et brutales, ont perdu en visibilité au fur et à mesure que la communauté internationale se tournait vers la lutte contre le terrorisme, à la suite des attaques de septembre contre les Etats Unis.

LES ATTAQUES DU 11 SEPTEMBRE : DOMMAGES COLLATÉRAUX EN AFRIQUE

Quelle serait l'ampleur de l'impact en Afrique des attaques du 11 septembre contre les Etats Unis ? Cette question occupait l'esprit des acteurs tant gouvernementaux que non gouvernementaux à travers tout le continent alors que l'année approchait de son terme. Si tout peut encore changer, les dévastations issues des attaques pourraient signifier :

Retombées politiques dans un certain nombre de pays
Des tensions politiques entre populations musulmanes et chrétiennes qui existaient déjà, dans un certain nombre de pays africains, menacent de devenir plus aiguës et de plus en plus violentes. La Côte d'Ivoire, l'Ethiopie, le Kenya, le Nigeria, l'Afrique du Sud et la Tanzanie font tous face à une possible aggravation des tensions communautaires. Des émeutes sanglantes entre musulmans et chrétiens à Kano, dans le nord du Nigeria, suite à des manifestations de protestation contre les bombardements américains sur l'Afghanistan ont déjà causé de nombreux morts. Une manifestation favorable aux talibans a également eu lieu dans la ville côtière de Mombasa, à majorité musulmane.

Restrictions sur les droits politiques et civils
Des gouvernements de la région pourraient manipuler la notion de terrorisme et la redéfinir afin de justifier leur répression contre des mouvements légitimes d'opposition. La mantra américaine "avec nous ou contre nous" pourrait inaugurer une tendance, en Afrique qui verrait les responsables africains appliquer l'étiquette de terroristes à leurs adversaires. Ce mot d'ordre pourrait également servir de justification à des restrictions sur les libertés civiles qui auraient auparavant été considérées inacceptables. A la suite des attaques, le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade a proposé l'adoption d'un pacte africain contre le terrorisme. Il a déclaré qu'un tel mouvement pourrait aider le continent "à s'associer à la coalition mondiale contre le mal" et permettrait à chaque état africain de s'engager "à refuser sur son territoire des individus ou des groupes avec des intentions terroristes." En réponse à l'appel du Président Wade, plus de dix chefs d'état et des délégués de vingt autres pays africains ont participé à un sommet d'une journée au Sénégal, le 18 décembre afin de discuter de questions liées au terrorisme. La réunion s'est achevée par une déclaration contre le terrorisme. Des inquiétudes de plus en plus nombreuses se sont en particulier exprimées sur les conséquences néfastes de telles mesures pour les populations réfugiées, en particulier les réfugiés musulmans et sur les risques possibles d'un accroissement de la xénophobie et d'un sentiment anti-réfugiés.

Mise en avant des priorités anti-terrorisme de la diplomatie au détriment des questions de droits humains
La région de la Corne de l'Afrique et de l'Afrique de l'Est où l'on soupçonne l'existence d'un certain nombre de cellules d'Al-Qaeda a été perçue comme pouvant susciter l'intérêt des Etats Unis. Le Soudan a annoncé avec enthousiasme sa coopération dans la lutte contre la terreur, se servant de ses capacités en matière de collecte de renseignements sur Al-Qaeda pour reformuler ses relations bilatérales. Le Kenya, l'Ethiopie et l'Erythrée ont semblé prêts à saisir cette opportunité pour marginaliser leurs éléments réformistes. Des gouvernements africains en position de contribuer à la lutte mondiale contre le terrorisme par la fourniture de renseignements, l'accès à des terrains d'aviation et des bases militaires pourraient tenter de profiter du fait que des pays plus puissants tels que les Etats Unis semblent prêts à fermer les yeux sur des abus qui auraient auparavant suscité des examens approfondis. Par exemple, le massacre en octobre d'au moins deux cents personnes perpétré par l'armée nigériane, dans l'état de Benue, n'a fait l'objet d'aucune condamnation quelques semaines après qu'il se soit produit, lorsque le Président Obasanjo s'est rendu aux Etats Unis afin de discuter de la campagne anti-terrorisme.

Chute de l'activité économique
Une baisse de la demande des consommateurs, dans les économies occidentales alors que se dessine une récession pourrait entraîner un effondrement des cours des produits de base, déjà affaiblis. Cette situation pourrait aussi faire plonger les pays à fortes exportations. Il est possible que les flux d'investissements diminuent à cause de l'effet combiné d'une perception plus aiguë du risque et de la chute des prix des exportations africaines. Pratiquement tous les secteurs seraient touchés : l'industrie des voyages et du tourisme, un pilier pour de nombreux pays, serait fortement perturbée. La récession et le chômage parmi les immigrants africains de la diaspora pourraient entraîner une chute des transferts monétaires au profit des parents restés au pays.

Réduction de l'aide humanitaire et de l'aide au développement
Le déclin attendu de l'activité économique mondiale et l'augmentation progressive des dépenses de sécurité et de défense, à l'ouest, pourraient se traduire par des coupes importantes tant dans l'aide humanitaire que dans l'aide au développement. Le Président sud africain Thabo Mbeki a mis en garde, le 3 octobre : "Nous devons nous assurer que ces attaques ne pourront avoir de conséquences négatives, notamment celles qui verraient les questions de développement avec lesquelles nous nous sommes débattues pendant des décennies être reléguées en queue des préoccupations mondiales. Les pays du monde doivent simultanément traiter de façon décisive du terrorisme ainsi qu'aborder efficacement et vaincre la pauvreté et le sous-développement."

UN DISCOURS FRANC SUR LE VIH/SIDA : L'AFRIQUE PREND DES MESURES POUR CHANGER

Pour de nombreux Africains, le défi majeur auquel doit faire face le continent est celui de la réponse à apporter au problème du VIH/SIDA. Sur les vingt-deux millions de personnes supposées mortes de maladies liées au SIDA, dans le monde entier, à la fin de l'année 2000, dix-sept millions étaient africaines. La région la plus gravement touchée a été l'Afrique australe, dont le Botswana qui possède le plus grand nombre connu de cas de VIH/SIDA au monde et l'Afrique du Sud avec le nombre le plus élevé de personnes vivant avec le SIDA, tous les pays du monde confondus. Environ vingt-cinq millions d'Africains vivent avec le SIDA, 3,8 millions d'entre eux ayant été contaminés au cours de la seule année 2000.

Au cours de l'année écoulée, le SIDA en Afrique a bénéficié d'une couverture médiatique sans précédent. Ceci a suscité une volonté publique et politique de combattre la pire épidémie de l'histoire de l'humanité ainsi qu'un examen minutieux accru des causes à l'origine de la pandémie. Pratiquement tous les gouvernements, du petit Gabon à la Mauritanie au régime répressif, se sont lancés dans des discussions, au plus haut niveau, concernant ce problème ainsi que l'échec ou le succès de leurs programmes. Lors d'un sommet extraordinaire de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) à Abuja, au Nigeria, en avril 2001, les états membres de l'OUA se sont engagés à utiliser 15 pour cent de leur budget annuel pour lutter contre le SIDA, la tuberculose et d'autres maladies infectieuses. Le respect de cette promesse, en particulier par des pays dont on connaît l'opacité des budgets, reste à vérifier. Malgré la Déclaration d'Abuja, le coût actuel des traitements médicamenteux recommandés reste inabordable dans une bonne part de l'Afrique.

Une pression mondiale s'est exercée contre l'industrie pharmaceutique afin qu'elle remédie à cette situation, par des réductions de prix, des donations et un assouplissement des lois sur les brevets. En avril, suite à une longue campagne critique à leur encontre, les compagnies pharmaceutiques ont renoncé à un recours en justice contre une loi sud africaine décidée en 1997, mais non encore promulguée, qui permettrait la production et l'importation de médicaments génériques contre le SIDA. Ceci a représenté une victoire majeure pour le lobby favorable au traitement du SIDA, tant en Afrique du Sud qu'internationalement, avec des retombées positives potentiellement importantes en matière de droits à la santé et de droits humains. Une loi similaire a été adoptée au Kenya en mars et était en suspens dans plusieurs autres pays. Cependant, l'afflux de médicaments bon marché ne s'est pas encore produit. Des compagnies pharmaceutiques en Ouganda ont également fait appel au gouvernement afin d'être autorisées à produire localement des médicaments antirétroviraux.

Le Botswana, un pays relativement riche, a annoncé avec optimisme que d'ici 2002, tous les médicaments de ce type seraient gratuits pour ses 350 000 citoyens infectés. Dans la première semaine de septembre, le Nigeria a annoncé qu'il serait le premier pays en Afrique à lancer des tests avec des médicaments génériques, qui dans un premier temps, permettraient de traiter 15 000 Nigérians pour environ 350 USD par personne et par an. Plusieurs pays ont pris des mesures pour fournir d'abord le médicament neviparine, bon marché, efficace et facile à fournir aux femmes avant qu'elles n'accouchent afin d'empêcher une contamination mère-enfant. Mais l'Afrique du Sud, en dépit de ses ressources économiques et de son succès pour faire reculer l'industrie pharmaceutique, a été retardée par les affirmations embarrassantes du Président Thabo Mbeki qui a continué à mettre en cause le lien entre VIH et SIDA. Une ONG, Treatment Action Campaign, est allée en justice pour forcer le gouvernement à fournir un traitement médicamenteux qui selon elle, pourrait même permettre d'économiser l'argent du gouvernement.

AFRIQUE DU SUD ET NIGERIA : DES PAYS PILIERS ?

Depuis son extraordinaire transition politique et constitutionnelle en 1994, l'Afrique du Sud s'est forgée une réputation d'ouverture, de transparence et de rationalité dans le leadership d'un continent connu pour ses turbulences. Cependant, en 2001, le gouvernement du Président Thabo Mbeki a semblé préférer investir son capital politique dans la lutte contre des disputes relevant des relations publiques plutôt que de s'atteler aux défis économiques et sociaux auxquels était confronté le pays. En février, Steve Tshwete, le Ministre de la police a avancé d'extraordinaires allégations selon lesquelles une conspiration pour chasser Mbeki du pouvoir avait été organisée par trois politiciens devenus hommes d'affaires. Les observateurs étrangers se sont inquiétés de la volonté du pouvoir d'utiliser les outils de la sécurité d'état pour s'attaquer à ce qui semblait n'être qu'un problème interne au parti. Des scandales de corruption ont entaché le gouvernement en lien avec une vente d'armes de plusieurs millions de rands. Tony Yengeni, le chef de file de l'African National Congress et ancien président du comité de la défense au parlement a été inculpé de corruption, parjure et fraude. D'autres arrestations étaient également attendues. Le refus du Président Thabo Mbeki de faire face à la catastrophique épidémie de SIDA affectant son pays risquait de porter préjudice à toutes les autres réalisations.

Bien que la réputation et la stature du Président aient été atteintes, la plupart des observateurs s'accordaient pour dire que la situation n'était pas irrémédiable. Un consensus général existe pour affirmer que la transformation du paysage politique sud africain, au cours des sept dernières années, a été si profonde qu'un retour en arrière est impossible. L'Afrique du Sud peut encore s'appuyer sur l'une des constitutions les plus progressives au monde, bénéficiant de la protection d'une Cour Constitutionnelle irréprochable. Le pays possède des médias farouchement indépendants, des syndicats, des universitaires. Il permet largement à toute forme d'opposition constitutionnelle de s'exprimer et offre des politiques gouvernementales qui malgré les controverses incessantes sur les directions adoptées, parviennent, dans l'ensemble, à concilier les demandes pour une redistribution radicale des richesses et les exigences de la croissance économique.

Une nouvelle preuve que l'Afrique du Sud continuait à exercer un leadership régional a été fournie, à la fin de l'année, avec l'arrivée de la première des quelque sept cents troupes sud africaines de maintien de la paix au Burundi. La tâche de ces troupes était d'assurer la protection des hommes politiques rentrant d'exil pour rejoindre un gouvernement multipartite de transition installé au pouvoir, le 1er novembre.

Au Nigeria, le pays le plus peuplé de la région, le Président Olusegun Obasanjo semblait manquer de temps. En mai 1999, un régime militaire de seize ans a pris fin. Malgré leur scepticisme, de nombreux Nigérians espéraient néanmoins que le nouveau gouvernement civil prendrait les mesures difficiles mais nécessaires pour rétablir la responsabilité du gouvernement, l'état de droit ainsi que la position du Nigeria dans le monde. Plus de deux ans après, le pays est aux prises avec un mécontentement croissant et les interrogations sur les capacités de leadership du Président se multiplient.

Au cours de l'année écoulée, le Nigeria a connu une augmentation du nombre des conflits ethniques et religieux au prix de milliers de vies humaines. Des émeutes, le pillage d'églises et de mosquées, des manifestations violentes, des abus policiers et militaires et un désordre généralisé continuent d'affecter la vie quotidienne des Nigérians. En octobre, l'armée nigériane a massacré aux moins deux cents civils non armés, dans l'état central de Benue, dans une région déchirée par des conflits ethniques incessants. Malgré l'adoption d'une législation anti-corruption en 2000, la corruption continue de sévir, biaisant la conduite de l'économie, contaminant les forces de l'ordre et appauvrissant des services publics vitaux. Le 1er octobre, lors de son discours du Jour de l'Indépendance, le Président a concédé que son administration n'était pas parvenue à sortir la majorité des Nigérians de la pauvreté, à mettre un terme à la violence ni à remédier à d'autres obstacles majeurs auxquels était confronté le pays. Il n'a cependant offert que peu d'espoir de voir ces problèmes réglés d'ici la fin de son mandat.

En comparaison des jours sombres du régime militaire, le Nigeria bénéficiait toujours d'un degré de liberté plus important. Une commission mise sur pied en 1999 pour enquêter sur les atteintes aux droits humains commises sous les gouvernements antérieurs a un peu entamé le rempart constitué, au fil du temps, par l'impunité. Cependant, le pays a désespérément besoin d'une constitution démocratiquement mise en œuvre, de politiciens et fonctionnaires responsables et d'un retour au respect de l'état de droit. Les revenus du gouvernement provenant presque exclusivement d'une seule source, les importants gisements de pétrole et de gaz du Nigeria, rendent extrêmement difficile la création d'une démocratie efficace.

UN RENVERSEMENT DE TENDANCE ?

Quelques pays ont progressé avec succès dans la consolidation ou le maintien de leurs institutions démocratiques. Le Botswana et l'île Maurice arrivent en tête et l'Afrique du Sud reste un bon exemple à bien des égards. Le Mali, le Mozambique, le Ghana et le Sénégal étaient aussi de sérieux candidats à l'entrée dans ce club des meilleurs éléments de l'Afrique. Le Botswana a obtenu le meilleur classement africain en matière de degré de solvabilité décerné par l'agence internationale de notation, Moody. Le Botswana se situait quatre rangs au dessus de l'Afrique du Sud, au côté des pays de l'Europe centrale. Sur les vingt-quatre pays étudiés dans le Rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité africaine, l'île Maurice était classée seconde (derrière la Tunisie et devant le Botswana).

Les élections du 13 septembre 2000, à l'île Maurice, ont mis en évidence le lien entre prospérité économique et stabilité des institutions politiques. Une coalition d'opposition composée du Mouvement Socialiste Mauricien (MSM) et du Mouvement Militant Mauricien (MMM) a accédé au pouvoir après une victoire écrasante et une forte participation. Le premier ministre sortant, Navinchandra Ramgoolam a reconnu avec élégance sa défaite. Selon les termes de l'accord électoral, le chef du MSM, Sir Anerood Jugnauth devrait occuper le poste de Premier Ministre pour les trois prochaines années et passer ensuite les reines du pouvoir au chef du MMM, Paul Berenger pour les deux dernières années du mandat. Dans l'intervalle, ils devraient introduire un amendement constitutionnel pour donner plus de pouvoir au Président, actuellement dans une position purement honorifique et Sir Anerood accéderait à la présidence. Berenger serait alors le premier Premier Ministre non hindou depuis l'indépendance de l'île Maurice, en 1968.

Le Ghana a connu un transfert pacifique de pouvoir lorsque le 7 janvier, le Président Jerry Rawlings, arrivé au pouvoir au moyen de deux coups d'état et maintenu dans cette position à la suite de deux consultations électorales, a abandonné une présidence qu'il détenait depuis dix-neuf ans et a remis le pouvoir à John Kufuor. Comme le Mali et le Sénégal, le Ghana semblait prêt à devenir l'un des " dominos démocratiques " de l'Afrique de l'Ouest. Une fois au pouvoir, le nouveau Président a fait la promesse de vastes améliorations en matière de droits humains. En juillet, le parlement ghanéen a voté à l'unanimité l'abrogation de la loi sur les délits de diffamation initialement introduite par l'administration coloniale britannique. A l'heure où nous rédigions ce rapport, des débats avaient lieu concernant une législation favorable à la mise en place d'un mécanisme pour la vérité et la réconciliation au sujet des abus du passé. Kufuor a également accepté que soient exhumés les huit généraux exécutés en 1979 sous les chefs d'inculpation de corruption et de trahison. Cette mesure devrait permettre de confirmer leur identification et de leur offrir des funérailles décentes. Cette démarche représente le premier pas officiel dans le sens d'une reconnaissance et d'une résolution des différentes exécutions extrajudiciaires qui ont été pratiquées tant avant que pendant le régime de Rawlings.

Le Mozambique a encore fourni un autre exemple de succès africain même si le pays a dû faire face à de sérieuses menaces, au cours de l'année écoulée. Le leadership du Président Joachim Chissano globalement favorable aux droits humains et une solide croissance économique continuent à renforcer la stabilité du pays, au sortir de nombreuses années de conflit. Au cours du premier semestre, l'économie a connu un taux de croissance de 15 pour cent, manifestant ainsi une forte reprise après les terribles inondations de 2000. Mais la réputation du gouvernement a été ternie par des attaques lancées contre des journalistes. En novembre 2000, des assaillants non identifiés ont abattu par balle le journaliste Carlos Cardoso, rédacteur en chef du journal indépendant Metical qui avait fermement critiqué les éléments durs présents tant dans le parti au pouvoir que dans l'opposition, suite à des affrontements politiques ayant causé la mort de quarante et une personnes. Au cours d'une autre attaque plus tard le même jour, un gang a intercepté le journaliste de Radio Mozambique, Custodio Rafael, alors qu'il se rendait de sa maison à son travail. Ses assaillants lui auraient déclaré : "Vous parlez beaucoup" avant de le frapper et de lui couper la langue au couteau. En janvier, une commission du parlement mozambicain s'est rendue dans la province de Cabo Delgado, au nord du pays, pour enquêter sur la mort par suffocation de plus de cent manifestants favorables à l'opposition, emprisonnés dans la ville de Montepuez. La commission était composée de membres du gouvernement et de l'opposition. Un groupe mozambicain de défense des droits humains qui a mené sa propre enquête explique cette tragédie par la négligence de la police et par une volonté de représailles, suite à la mort de six officiers de police, au cours des manifestations.

DES ÉLECTIONS MAIS PAS NÉCESSAIREMENT DE DÉMOCRATIE

Un certain nombre d'autres pays africains ont tenu des élections présidentielles ou parlementaires au cours de l'année. Cependant, toutes furent caractérisées par l'intimidation exercée contre les médias et l'opposition, par des meurtres et par des fraudes électorales flagrantes et généralisées. Les responsables de la Guinée, du Malawi, de la Namibie, de la Zambie et d'autres encore ont tenté ou auraient envisagé de modifier, par amendements, la constitution de leurs pays respectifs afin de contourner les échéances de leurs mandats et de se maintenir au pouvoir.

A la suite des élections présidentielles et parlementaires de la fin 2000, la Côte d'Ivoire a encore connu en 2001 une agitation politique et sociale. Laurent Gbagbo, chef du Front Populaire Ivoirien (FPI) a accédé à la présidence en dépit de très graves interrogations concernant la légitimité des élections présidentielles d'octobre, le recours généralisé à la violence et l'exclusion du principal chef de l'opposition, Alassane Ouattara, de la compétition. Gbagbo a alors eu recours aux mêmes méthodes que son prédécesseur lors des élections parlementaires de décembre avec notamment des incitations à la haine religieuse et ethnique. Une fois de plus, Ouattara s'est vu exclure de la course. En octobre comme en décembre, les forces de sécurité ont arrêté, torturé et tué des partisans présumés de l'opposition, dont des étrangers et des membres des groupes ethniques du nord. Après son accession au pouvoir, Gbagbo n'a pas reconnu qu'il était devenu chef d'état de façon irrégulière, n'a pas promis de nouvelles élections, n'a pas cherché à établir les responsabilités dans les actes de violence et n'a pas pris les mesures adéquates pour assurer que sous sa présidence, la Côte d'Ivoire serait caractérisée par l'état de droit et non par les tensions ethno-religieuses ou l'impunité de l'armée.

Au Bénin, les élections présidentielles de la fin mars 2001 ont vu la réélection du Président Mathieu Kerekou. Kerekou n'a pas réussi à obtenir la majorité au premier tour. Un second tour a donc été nécessaire pour départager Kerekou et son adversaire, Nicephore Soglo. Soglo faisant état de fraudes généralisées a abandonné avant le tour final et a appelé ses partisans à boycotter aussi le scrutin. La démission de plusieurs membres de la commission électorale pour protester contre la façon dont le vote avait été organisé a retardé encore la décision finale. Le troisième candidat s'est également retiré, ne laissant en course que le candidat arrivé en quatrième position à l'issue du premier tour, Bruno Amoussou. Cette étrange finale entre des candidats en positions très différentes a assuré la présidence à Kerekou, avec 84 pour cent des voix. Plus tôt dans l'année, le 19 janvier, la police avait passé à tabac deux journalistes travaillant pour des médias privés et avait brutalement dispersé une manifestation dont ils assuraient la couverture, dans la capitale, Cotonou.

La campagne électorale au Tchad a été entachée par l'intimidation et la violence mais le 27 mai, Idriss Deby fut réélu président avec plus de 67 pour cent des voix. Les candidats de l'opposition ont parlé de fraude et ont demandé l'annulation des résultats, faisant appel à la cour constitutionnelle. Un quart des membres de la commission électorale ont démissionné pour protester par avance contre l'annonce de la victoire de Deby. Le 28 mai, la police a tué par balle Brahim Selguet, un partisan de l'opposition en dispersant violemment une réunion de l'opposition. Six candidats de l'opposition à la présidentielle ont été brièvement retenus à la réunion. Ils ont de nouveau été arrêtés dans la matinée du 30 mai, en compagnie de quelque trente autres personnes, membres de l'opposition et syndicalistes. Tous ont été relâchés sans inculpation le jour même mais deux chefs de l'opposition, Ngarledjy Yorongar et Abderhamane Djesnebaye auraient été torturés et notamment battus au moyen de barres de fer, au cours de leur détention.

En Ouganda, les élections présidentielles de mars et les élections parlementaires de mai ont toutes été marquées par des manipulations et des atteintes aux droits humains. Comme les partis politiques ne sont pas autorisés à fonctionner librement en Ouganda, les candidats de l'opposition à l'élection présidentielle devaient rassembler soutien et ressources en tant que simples individus. Le Président sortant Yoweri Museveni pouvait quant à lui s'appuyer sur les responsables administratifs et politiques du "mouvement" au pouvoir pour s'assurer des voix. Le harcèlement de journalistes et rédacteurs en chef, l'auto-censure et un accès inégal aux médias se sont intensifiés à l'approche de la date du scrutin. Les partisans des candidats de l'opposition ont également été menacés et harcelés lorsqu'ils faisaient campagne pour leurs candidats. En janvier, des hommes armés non identifiés ont tué un membre de l'équipe de campagne du Président Museveni et au cours d'un incident séparé, deux partisans du candidat de l'opposition à la présidentielle, le Dr. Kizza Besigye. Une personne au moins a trouvé la mort lorsque des membres de la Garde Présidentielle ont ouvert le feu sur des partisans de l'opposition qui manifestaient, le 3 mars. Des observateurs internationaux comme des groupes ougandais de défense des droits humains ont exprimé leur inquiétude quant au rôle joué par l'armée ougandaise dans l'élection. Ils se sont également alarmés du fait que les élections s'étaient jouées sur des bases totalement inégales. Museveni fut déclaré vainqueur. Lors des violences qui ont accompagné les élections parlementaires, sept personnes au moins ont été tuées, le 27 juin. Le 6 juillet, la Foundation for Human Rights Initiative, une ONG nationale a exprimé des critiques sur le traitement réservé par le gouvernement à Besigye et a fermement condamné ce qu'elle a appelé " l'intolérance persistante, constante et violente [des autorités] et leur manque de respect pour les opinions divergentes."

Le 18 octobre, la Gambie a tenu des élections présidentielles dans un climat tendu. Suite aux pressions de la communauté internationale, le Président Yahya Jammeh avait levé, en juillet, une interdiction pesant sur les partis d'opposition et avait invité les anciens hommes politiques qui avaient cherché asile politique dans d'autres pays à rentrer en Gambie. Le 27 août, le Président Jammeh a expulsé l'ambassadeur du Royaume Uni, Bharat Joshi, pour avoir assisté à une conférence de presse accessible à tous mais qui était, selon Jammeh, un rassemblement de l'opposition. La veille des élections, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une foule de partisans de l'opposition, tuant au moins l'un d'entre eux. Dans les jours qui suivirent les élections, la station privée de radio Citizen FM a été réduite au silence et des agents de sécurité de l'état auraient retenu prisonnier son propriétaire, pendant quatre heures.

Le 28 novembre 2000, jour du quarantième anniversaire de l'indépendance de la Mauritanie, le Président Ould Taya a promis des réformes démocratiques et le 4 décembre, le gouvernement a organisé des réunions de consultation avec les partis politiques. Annonce a été faite que la représentation proportionnelle à l'assemblée législative serait introduite pour les élections de 2001 et que le gouvernement financerait les partis politiques, selon leurs résultats aux élections municipales. Moins d'une semaine plus tard, le chef de l'Union of Democratic Forces, Ould Daddah a été arrêté à son retour en Mauritanie et inculpé de " contacts avec des groupes terroristes ". Il a été libéré le 13 décembre. Le 14 juin 2001, trois membres du parti d'opposition, le Front Populaire Mauritanien ont été emprisonnés, accusés d'avoir conspiré avec la Libye pour renverser, par la violence, le gouvernement. Leurs avocats ont mis en avant la présence de nombreuses et graves irrégularités de procédures et se sont d'abord retirés en signe de protestation. Ils ont par la suite accepté de représenter les trois hommes, tout en affirmant clairement leur inquiétude sur l'ingérence du gouvernement ainsi que d'autres préoccupations sur la possibilité que se tienne un procès équitable.

En Guinée Conakry, les partis d'opposition ont qualifié de "coup d'état constitutionnel" et de "mascarade" le référendum qui s'est tenu le 11 novembre 2001 selon lequel 98 pour cent des votants auraient exprimé leur appui à des changements à apporter à diverses dispositions constitutionnelles capitales. Les changements proposés augmenteraient la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans et permettraient aux présidents de rester au pouvoir indéfiniment, offrant ainsi au Président sortant Lansana Conte la possibilité d'un troisième mandat. Une participation de 87 pour cent a été enregistrée même si les observateurs ont estimé que seulement 20 pour cent de la population avaient pu voter. Au Malawi également, une controverse a vu le jour concernant la possibilité d'autoriser le Président Bakili Muluzi à rester au pouvoir pour un troisième mandat, à l'expiration de son mandat actuel, en 2004. Ceci nécessiterait des changements dans la constitution. Les deux plus importantes églises du Malawi ont publié des lettres séparées mettant en garde le Président Muluzi contre les risques d'une nouvelle candidature aux élections. Ces courriers ont suscité une déclaration du gouvernement, en mai, affirmant que ni le ministère, ni le parti au pouvoir n'avaient discuté la possibilité d'un amendement à la constitution. En août cependant, le débat pour savoir si le président devait rester au pouvoir pour un troisième mandat a refait surface. "Muluzi se présentera à nouveau en 2004 parce le peuple demande sa présence. Nous changerons la constitution pour que Muluzi puisse se présenter", déclarait un partisan d'importance.

Dans deux autres pays où les responsables semblaient envisager de se joindre à des campagnes favorables " au troisième mandat " et exigeant des changements constitutionnels, des pressions internes et externes ont contribué à réfréner les ambitions en ce sens. Cependant, bien que le Président du Kenya, Daniel arap Moi ait fait allusion à son départ du pouvoir à la fin de son second et dernier mandat d'après la constitution, il s'est fortement investi dans la préparation d'un plan de succession et a déployé de nombreux efforts pour empêcher une révision complète de la constitution. En Zambie, où toute ambition démocratique semblait avoir été abandonnée, le Président Chiluba, qui dirige un parti secoué par la révolte et est confronté à d'importantes pressions publiques et à la perspective de violences à grande échelle, a renoncé, le 3 mai, à ses efforts pour changer la limite constitutionnelle des deux mandats. Il a également annoncé qu'il quitterait le pouvoir à l'issue de son second mandat, à la fin de l'année. Ces nouvelles ont provoqué des explosions de joie dans le pays.

FAIRE TAIRE LA CRITIQUE

Dans de trop nombreux pays, on déplore l'absence de mécanismes efficaces permettant d'interroger le gouvernement sur sa politique et ses opérations. Ceci est encore plus vrai en matière de contestation de ces politiques ou de contribution à leur élaboration. En l'absence d'autorités électorales autonomes, de systèmes judiciaires indépendants et d'accès équitable aux médias contrôlés par le gouvernement pour toutes les forces politiques en compétition, les voix d'opposition ne peuvent transmettre leur message qu'en se tournant vers les médias indépendants, victimes d'un fort harcèlement et en ayant recours à l'influence exercée par les organisations de proximité que sont les syndicats ou les mouvements issus de la société civile. Le Burkina Faso, le Cameroun, la Guinée Equatoriale, le Gabon, le Kenya, la Mauritanie, le Swaziland, la Tanzanie, le Zimbabwe et nombre d'autres pays demeurent réticents à s'engager dans la voie exigeante de la démocratie et du respect des droits humains.

En Guinée Equatoriale, le gouvernement a continué à utiliser les cours militaires, les lois répressives, les arrestations et poursuites arbitraires afin de limiter les libertés politiques. En novembre 2000, des centaines d'exemplaires du dernier numéro de l'hebdomadaire indépendant L'Opinion ont été saisis par les autorités à Mongome, une ville située à l'est de la Guinée Equatoriale. Les journaux ont été confisqués sur ordre du représentant du gouvernement dans le district. Selon le gouvernement, le journal était trop proche de l'opposition. En février 2001, le maire de Malabo a ordonné la fermeture des locaux de l'association de la presse de Guinée Equatoriale.

Le 1er avril 2001, au cours d'un vaste exercice d'autocritique étatique, le Président du Burkina Faso, Blaise Compaore, a publiquement présenté des excuses pour la torture et "tous les autres crimes" commis par son gouvernement. Cependant, le meurtre, en 1998, du journaliste Norbert Zongo continue à susciter une indignation tant nationale qu'internationale. Pour commémorer le deuxième anniversaire de la mort de Zongo, des défenseurs des droits humains et des partis d'opposition accompagnés de membres de la presse internationale ont tenté de se réunir à Ouagadougou, en décembre 2000, afin d'exiger que les coupables soient identifiés et traduits en justice. Les forces de sécurité ont refusé l'entrée dans le pays à de nombreux journalistes et la police anti-émeute a empêché les manifestations de commémoration.

Au Cameroun, la police a dispersé, à Yaounde, les sympathisants du parti d'opposition Social Democratic Front alors qu'ils participaient à une manifestation pour demander la création d'une commission électorale indépendante. Cinq partis d'opposition ont quitté le parlement, le 7 décembre 2000, alors que la chambre adoptait une loi portant création d'un organisme de surveillance des élections, connu sous le nom d'Observatoire National des Elections dont les membres devraient être nommés unilatéralement par le Président, Paul Biya. En juillet 2001, la police a procédé à une descente dans les bureaux du journal indépendant Mutations, a saisi des exemplaires du journal et a ordonné la comparution de son propriétaire, Haman Mana, l'accusant d'avoir publié des documents confidentiels relatifs à l'état. Mana a refusé de révéler ses sources, s'appuyant sur une loi camerounaise. Il a été libéré le 3 août. Le 3 octobre 2001, la police a sommé de comparaître Jean-Marc Soboth, rédacteur en chef du journal indépendant La Nouvelle Expression et a exigé qu'il révèle ses sources pour un reportage sur les mesures de sécurité, dans les provinces anglophones du pays. Les autorités ont continué d'affirmer que le journal avait révélé un "secret défense". Le journaliste a refusé de se plier aux exigences de la police, arguant une nouvelle fois de son immunité et a été libéré le jour même.

Le 14 août, la police togolaise a eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation organisée par les partis d'opposition et les militants des droits humains afin de demander la libération du chef de l'opposition, Yawovi Agboyibor, condamné à six mois d'emprisonnement pour diffamation. Ce dernier aurait déclaré, en 1998, que le Premier Ministre, Messan Kodjo était en lien avec une milice dont les membres avaient tué des sympathisants de son parti, le Comité Action pour le Renouveau.

A la suite d'une soi-disant tentative de coup en novembre 2000, la Guinée Bissau a été la proie de nouvelles difficultés. Le Général Ansumane Mané, l'ancien chef de la junte militaire dissoute a été tué, début décembre 2000, dans des circonstances mystérieuses, après avoir tenu tête au Président sur des questions de promotions militaires. En dépit des appels nationaux et internationaux, sa mort n'a fait l'objet d'aucune enquête indépendante. Dix responsables de l'opposition, dont plusieurs parlementaires, qui avaient également critiqué la gestion par le gouvernement de ces promotions, ont été arrêtés sans mandat d'amener, entre les 24 et 26 novembre 2000. Ils n'ont pas été libérés avant mars. Des journalistes ont également fait l'objet de menaces. En mars, le vice procureur général a menacé de lancer une bombe sur une station de radio, Radio Bombalon, dans l'espoir d'interrompre un débat radiophonique sur la tentative supposée de coup. Mi-septembre, l'attorney general se serait rendu à la Radio Pidjiquiti et aurait menacé ses employés après leur refus de lui remettre les enregistrements d'une émission au cours de laquelle des journalistes avaient commenté sa nomination.

Le Président du Gabon, Bongo a pris l'initiative d'un amendement constitutionnel assurant l'immunité aux anciens chefs d'état, en cas de poursuites judiciaires. Les autorités ont régulièrement menacé de retirer leur autorisation d'émettre à plusieurs stations de radio et chaînes de télévision privées. Certaines nouvelles encourageantes sont cependant parvenues du Gabon. L'hebdomadaire satirique La Griffe, interdit deux années auparavant, a été autorisé par le National Communication Council, fin juillet, à reprendre sa parution. Deux de ses propriétaires condamnés à huit ans de prison ont bénéficié d'une grâce présidentielle, le 29 octobre 2000. Une autre publication satirique, La Cigale Enchantée interdite à la même époque pour avoir accusé de corruption le Ministre en charge des infrastructures, n'a pas bénéficié de la même clémence.

Dans la Corne de l'Afrique, les libertés politiques se heurtent à de graves menaces. L'homme fort de l'Erythrée, le Président Isaias Aferwerki a exercé une sévère répression à l'encontre de ceux qui osaient s'exprimer ouvertement. En février, le Président a démis le Ministre des affaires locales parce que ce dernier avait mis en doute les capacités de leadership du Président. En mai, quinze membres sur les soixante-quinze qui composent le solide comité central du parti au pouvoir ont publié une lettre ouverte exigeant des réformes. Parmi les signataires, on comptait plusieurs anciens ministres et ambassadeurs ainsi que trois généraux. Les 18 et 19 septembre, le gouvernement a arrêté, sans chefs d'inculpation, onze signataires de la lettre du "G 15", trois autres se trouvaient à l'étranger et le dernier était préalablement revenu sur sa signature. En juillet, le gouvernement a arrêté le leader étudiant, Semere Kesete, pour avoir vigoureusement critiqué la gestion, par le gouvernement, du programme obligatoire universitaire de travail, pendant la période estivale. Le 19 septembre, le gouvernement a confisqué les autorisations de publier des huit journaux indépendants du pays, sous prétexte qu'ils n'avaient pas respecté la loi sur les médias et avaient porté atteinte à l'unité nationale. Le Ministre de l'information (anciennement chef de la sécurité) a annoncé qu'il passerait en revue tous les journaux afin de déterminer s'ils pouvaient reprendre leur parution. Au moment où nous écrivions, aucun journal n'avait repris ses activités. Pour les habitants de l'Erythrée, la seule source d'information est constituée par les médias sous contrôle du gouvernement.

Chez le voisin éthiopien, l'année 2001 a vu une nette érosion des libertés civiles. Le gouvernement a emprisonné des défenseurs des droits civils, des opposants politiques, des étudiants et des journalistes, sans inculpations réelles et la police a eu recours à une force excessive contre des civils non armés. En mars, des membres importants du Tigrayan People's Liberation Front, le parti à la tête de la coalition gouvernementale, ont publié une critique en douze points des politiques du Premier Ministre. Les dissidents, rejoints par des membres d'autres partis du gouvernement, se sont plaints que le gouvernement avait conclu un accord de paix prématuré et peu avantageux avec l'Erythrée. Ils ont également accusé de corruption le Premier Ministre, Meles Zenawi.

Au Rwanda, le gouvernement a continué d'ignorer le droit garanti par la constitution de former des partis politiques. Le Rwandan Patriotic Front (RPF) au pouvoir a maintenu son interdiction des activités de tous les autres partis alors que le RPF lui-même recrutait de nouveaux membres et faisait campagne pour les élections de districts. Le gouvernement a empêché l'ancien Président, le Pasteur Bizimungu d'organiser un nouveau parti politique et a harcelé les membres du parti et les journalistes qui couvraient l'événement.

L'image de la Tanzanie a été sérieusement ternie par de graves abus, dans les îles semi-autonomes de Zanzibar, fin janvier et début février. La police a bloqué une démonstration des partisans de l'opposition contre les élections de l'année 2000, objets de vives critiques parce qu'entachées de graves violences et décrites par le Commonwealth comme une " pagaille ". Un climat de harcèlement et répression de l'activité politique s'est maintenu pendant la majeure partie de l'année. Le 9 octobre 2001, un accord a été signé par les autorités de Zanzibar et l'opposition sur des mesures pour réduire les tensions dont une réforme électorale, un accès égal pour tous les partis aux médias de l'état et la tenue d'élections partielles pour les sièges restés vacants, à l'issue des élections très disputées de 2000.

Le mépris du Président du Zimbabwe, Robert Mugabe, pour toute norme légale et son incitation à la violence politique ont persisté, menaçant d'instabilité toute la sous région d'Afrique australe. Avec pour arrière plan l'aggravation de la crise économique précipitée, en partie, par la violente appropriation des terres commerciales appartenant à des propriétaires blancs, le gouvernement a maintenu son attitude intransigeante envers l'opposition politique, les médias, le système judiciaire. Les vétérans de la guerre de libération et les partisans du parti au pouvoir ont exercé une violence généralisée sur les partisans de l'opposition, en particulier dans les zones rurales et sur les propriétaires et résidents des fermes commerciales tenues par des blancs. La police est peu ou pas intervenue pour protéger les victimes de cette violence. Des organisations de défense des droits humains ont enregistré une politisation accrue du système judiciaire. Au cours de l'année, le président de la cour suprême, Anthony Gubbay a été contraint à la démission sous prétexte que le gouvernement, qui avait lui même méprisé toutes les décisions de justice, ne pouvait plus garantir sa sécurité personnelle. D'importants responsables de l'opposition ont également été soumis à des arrestations sur la base d'accusations très controversées d'incitation à la violence. Le harcèlement des partisans du Movement for Democratic Change (MDC) s'était sérieusement accru à la fin de l'année. En novembre, plus de vingt militants du MDC ont été arrêtés, à Bulawayo, sous le chef d'inculpation de participation au meurtre d'un ancien chef de guerre. Le MDC a suggéré que le vétéran avait été tué par les forces de sécurité qui voulaient le réduire au silence. Le Zimbabwe s'est retrouvé de plus en plus isolé diplomatiquement et pour la première fois, ses voisins de la Southern African Development Community (SADC) ont publiquement exprimé des critiques.

Dans le sud, l'année fut également difficile pour le roi Mswati du Swaziland. Pressé de mettre en œuvre des réformes gouvernementales, confronté à une hausse du taux d'infection par le VIH chez ses concitoyens, une détérioration économique et des médias au franc parler, le roi Mswati a tenté de maintenir une main de fer sur le pays. De son côté, l'opposition a demandé que soient levés l'interdiction des partis politiques en vigueur depuis vingt-sept ans ainsi que l'état d'urgence. Elle a également appelé à la création d'un gouvernement intérimaire. En janvier, les chefs de ce mouvement ont été arrêtés et inculpés de "mauvaise conduite". Le décret royal No. 2 promulgué le 24 juin a donné au roi le pouvoir d'interdire tout livre, magazine ou journal, a interdit à quiconque d'imiter ou de ridiculiser le roi, a empêché toute contestation légale de quelque décision exécutive que ce soit prise par le monarque et a éliminé la liberté sous caution pour toute une série de délits, dont l'organisation de manifestations publiques illégales. Le décret accordait également au Ministre de la justice le pouvoir de nommer et de renvoyer les juges selon son bon vouloir et interdisait aux journaux de contester les interdictions de publier. Un mois plus tard cependant, le roi a plié sous la pression internationale et a révoqué le décret. Après une bataille judiciaire de quatre mois, le Guardian, un hebdomadaire indépendant a vu le 3 septembre la révocation de l'interdiction de publier qui pesait contre lui. En novembre, au cœur de la répression exercée contre l'opposition, le Président du Mozambique, Joachim Chissano, au nom de la SADC, a exprimé son inquiétude de voir la situation du Swaziland menacer la stabilité de la sous région.

La Namibie qui avait pu se vanter au moment de l'indépendance de posséder l'une des constitutions les plus libérales a vu de graves menaces peser sur ses libertés, au cours de 2001. Les attaques ouvertes du Président Sam Nujoma contre les homosexuels, les lesbiennes, les étrangers et les Namibiens blancs ainsi que son renvoi de plusieurs juges ont contribué à la création d'un contexte inquiétant pour les droits humains, au cours de l'année écoulée. En mars, le gouvernement a imposé un boycott de la publicité dans le journal indépendant Namibian, prétextant que le journal était trop critique sur ses politiques.

Sur un autre front, de bonnes nouvelles ont été enregistrées. Internet est devenu un outil plus utile que jamais dans la diffusion de l'information sur le continent, malgré les efforts de gouvernements comme celui du Zimbabwe où le Post and Communications Act, actuellement en suspens donnerait au gouvernement des pouvoirs illimités pour intercepter les communications postales et électroniques. Au moment où nous écrivions cependant, onze pays africains ne bénéficiaient d'aucune implication du secteur privé dans la fourniture de services internet. Dans ces pays comme l'Ethiopie et le Niger, les coûts restent exorbitants pour les utilisateurs locaux et la surveillance des communications par le gouvernement est aisée. Les lignes peuvent être coupées sans explications, l'accès aux sites web bloqué et les propriétaires de cyber cafés contraints de fournir aux responsables du gouvernement en charge du recueil de renseignements, copies des courriers électroniques qu'ils ont envoyés ou reçus. Même en Mauritanie où l'intervention du secteur privé est admise, les deux fournisseurs privés de services internet avaient des liens très étroits avec le Président.

DES FEUX QUI COUVENT

Les guerres ont continué à couver et à éclater à travers le continent, plus gravement en Angola, au Burundi, dans la République Démocratique du Congo (RDC), au Liberia et en Sierra Leone. En dépit des engagements répétés en faveur de résolutions pacifiques des conflits, les parties en guerre sont restées fortement impliquées dans des opérations armées. Dans la région des Grands Lacs, le recrutement forcé de civils dont des enfants par les factions en guerre a connu une escalade notable.

Une brutalité choquante caractérise toujours la guerre en RDC. Les négociations censées favoriser la mise en œuvre des accords de Lusaka sur la fin des hostilités ont repris après l'accession à la présidence de Joseph Kabila, en janvier. La pression internationale exercée sur l'Ouganda et le Rwanda pour qu'ils retirent leurs troupes du Congo a augmenté. Mi-août, un dialogue préliminaire inter-congolais s'est tenu à Gaborone, suivi par un "dialogue national" le 15 octobre, à Addis Ababa. Mais des désaccords constants entre les rebelles congolais et le gouvernement et un déficit de financements ont empêché que des progrès substantiels soient réalisés, lors de ces discussions. Les relations entre le Rwanda et l'Ouganda se sont dégradées, suite à une combinaison d'animosités personnelles entre les responsables au plus haut niveau et d'intérêts divergeants dans la guerre en RDC. Ces relations ont par la suite sapé tout progrès en faveur d'un cessez-le-feu solide et d'une résolution politique du conflit.

Le Burundi a connu sa huitième année de guerre civile - entremêlée de conflits dans les pays voisins de la RDC et du Rwanda - au cours de laquelle tant les forces gouvernementales que rebelles se sont rendues coupables de meurtres, viols, agressions sur des civils et destructions de leurs biens. Les victimes civiles ont cependant été moins nombreuses que lors des années précédentes et il s'est produit moins de massacres de grande envergure. Tard dans l'année, le gouvernement et les partis politiques d'opposition se sont dirigés tant bien que mal vers la mise en application de l'Accord d'Arusha, signé en août 2000. Suite à l'installation d'un gouvernement de transition le 1er novembre, les mouvements rebelles ont intensifié les combats. L'un d'entre eux a enlevé des centaines d'écoliers dans le but, apparemment, de les forcer à devenir des enfants soldats.

En Afrique de l'Ouest, les pays de la Mano River Union - le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée - ont été entraînés dans un conflit sous régional continu que ne contenaient plus les frontières. De la fin 2000 à avril 2001, de féroces combats ont opposé dans une série d'accrochages frontaliers, les rebelles sierra léonais et leurs alliés du gouvernement libérien aux forces armées du voisin guinéen. Des milliers de réfugiés libériens et sierra léonais en Guinée se sont retrouvés coincés par les attaques à la frontière. De leur côté, les autorités guinéennes ont autorisé les rebelles libériens à opérer depuis leur territoire. Elles semblent avoir fourni au minimum un appui logistique et soutenu des incursions transfrontalières au Liberia. Les incursions rebelles dans le nord du Liberia ont continué à progresser accompagnées de graves abus contre les civils commis tant par les forces rebelles que par les forces du gouvernement libérien. Grâce pour une bonne part au déploiement des forces britanniques en 2000 et au maintien de leur présence, grâce aussi à l'avancée de quelque 17 000 soldats de maintien de la paix des Nations Unies vers d'anciennes places fortes des rebelles en Sierra Leone et au désarmement de plus de 20 000 rebelles et soldats gouvernementaux sierra léonais, un certain espoir de paix durable en Sierra Leone a pu voir le jour à la fin de l'année. Cependant, la guerre civile qui a repris au Liberia ne semble pas vouloir connaître de dénouement, ni l'instabilité permanente de la sous région diminuer.

Aucune issue ne semble également se dessiner pour le conflit en Angola alors que les attaques par le mouvement rebelle National Union for the Total Independence of Angola (UNITA) dirigé par Jonas Savimbi et celles, dans une bien moindre mesure, conduites par les troupes du gouvernement ont encore augmenté le nombre des victimes civiles. Cette violence continue a créé une toile de fond bien sombre pour laisser espérer qu'un accord politique permettrait aux parties en guerre de sortir de l'impasse à laquelle elles étaient arrivées. En août, l'annonce par le Président José Eduardo dos Santos qu'il ne se présenterait pas aux prochaines élections nationales a été accueillie avec surprise et scepticisme. De nombreuses personnes étaient conscientes du fait que le refus du gouvernement de retourner à la table des négociations pour aboutir à une solution politique laisserait le pays confronté à une situation militaire sans issue.

Au Soudan, la guerre a fait rage et le Président al-Bashir a continué à larguer des bombes sur des civils, au sud et à empêcher l'aide humanitaire de leur parvenir. Les revenus pétroliers qui ont d'abord commencé à nourrir les coffres du gouvernement fin 1999 ont continué d'alimenter les combats qui allaient s'intensifiant dans le sud, avec les conséquences que l'on sait sur les droits humains.

Un an seulement après qu'une force de maintien de la paix des Nations Unies a été sévèrement touchée, en février 2000, la République Centrafricaine a été plongée dans une crise politique, qui se poursuit encore avec des conséquences affectant les droits humains, quand l'ancien Président André Kolingba a lancé, le 28 mai, sa troisième tentative de coup en cinq ans. Des récits ont fait état de la mort de cinquante personnes au cours de combats destinés à permettre au gouvernement de reprendre le pays en main après la prise par les rebelles de l'aéroport, d'une station de radio et d'autres infrastructures de la ville de Bangui. Bien que le coup ait rapidement avorté suite à l'intervention des forces du Président Ange-Félix Patassé aidées des troupes libyennes (sans parler de l'aide de troupes tchadiennes et de troupes rebelles de la RDC), l'agitation s'est poursuivie dans les mois qui ont suivi alors que des civils non armés, en particulier des membres de l'ethnie Yokoma à laquelle appartient Kolingba ont été l'objets de détentions arbitraires et d'arrestations. Le gouvernement aurait torturé et tué de nombreux civils et membres des forces de sécurité.

La République du Congo (Brazzaville) a poursuivi ses efforts laborieux de retour à la normalité après les guerres civiles féroces des années 1993, 1997 et 1998. L'année écoulée a officiellement été celle de la " réconciliation nationale " et d'un " dialogue non exclusif " prévu pour s'achever en avril. Une convention pour la réconciliation nationale s'est tenue mais aucune date n'avait été fixée pour les élections, à l'heure où nous écrivions.

FUIR LA GUERRE POUR FINALEMENT SE HEURTER ENCORE À D'AUTRES MAUX

La guerre a continué d'enfler le flux des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Ceux-ci ont échoué dans des camps mornes et surpeuplés où les autorités responsables étaient à peine capables de fournir les biens de première nécessité et où la violence semblait souvent incontrôlée. A la date de janvier 2001, on dénombrait au moins 3 346 000 réfugiés en Afrique sur un total mondial de 14 544 000. Les chiffres concernant les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays restaient également élevés avec les plus forts contingents en Angola, Sierra Leone, Erythrée et Soudan. Dans de nombreux conflits, le nombre de personnes ayant été déplacées à l'intérieur d'un pays a excédé le nombre de celles qui avaient franchi des frontières internationales. Environ 4,4 millions de Soudanais ont été déplacés à l'intérieur du pays et 420 000 autres avaient trouvé refuge dans les pays voisins. Cependant, le droit international et les structures de protection des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays restent plus faibles que ceux concernant les réfugiés.

La plus importante crise de l'année impliquant des réfugiés s'est produite en Guinée qui a connu d'énormes bouleversements en servant de pays d'accueil pour quelque 400 000 réfugiés en provenance de Sierra Leone et du Liberia. Plusieurs mois de féroces combats transfrontaliers entre les forces du gouvernement guinéen et les rebelles sierra léonais appuyés par les troupes du gouvernement libérien ont poussé les réfugiés mais aussi les habitants sur place à quitter leurs maisons, dans les régions frontalières. A la même époque, le gouvernement guinéen a fermé sa frontière aux nouveaux réfugiés libériens qui tentaient de fuir la guerre civile. Alors que les réfugiés se déplaçaient vers l'intérieur du pays pour échapper à la violence aux frontières, ils ont été exposés à des passages à tabac, des fouilles au corps, des extorsions de fonds, des agressions sexuelles, des arrestations et détentions arbitraires et une intimidation généralisée, le tout de la part des autorités guinéennes. Les réfugiés sierra léonais qui avaient fui des conditions très dures en Guinée pour retourner à pied chez eux, en passant par des territoires sous contrôle du Revolutionary United Front (RUF) ont été violés, tués et enlevés par les rebelles du RUF pour servir au combat ou accomplir un travail forcé, alors qu'ils essayaient d'atteindre les villes de Sierra Leone tenues par le gouvernement. Le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et le gouvernement guinéen ont finalement accepté de déplacer les camps vers l'intérieur du pays et de faciliter le retour par bateau, au départ de Conakry, des réfugiés sierra léonais qui souhaitaient rentrer chez eux. Jusqu'en avril 2001, la situation en Guinée est demeurée difficile à la fois pour les réfugiés et les travailleurs des ONG. En mai 2001, un programme organisé de déplacement avait permis le départ de quelque 60 000 réfugiés vers l'intérieur du pays. Environ 35 000 réfugiés étaient rentrés en Sierra Leone. A la mi-2001, la situation semblait significativement plus calme.

LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS : SE MAINTENIR DANS UN ENVIRONNEMENT RISQUÉ

La communauté des défenseurs des droits humains est restée l'un des segments les plus dynamiques de la société civile africaine. Mais alors que les organisations de défense des droits humains étaient en mesure d'opérer sans intervention des agences étatiques dans des pays comme le Botswana, le Ghana, l'île Maurice, le Nigeria, le Sénégal et l'Afrique du Sud, dans de nombreux autres pays, les forces de sécurité ont méticuleusement surveillé leurs activités. Des militants ont été arrêtés, battus et détenus en Angola, au Burundi, au Cameroun, au Tchad, en Côte d'Ivoire, en Guinée-Bissau, au Liberia, au Zimbabwe et ailleurs. En Sierra Leone et en RDC, entre autres endroits, une communauté active de défenseurs des droits humains a dénoncé les abus malgré un environnement hostile.

En Guinée-Bissau, des soldats et des forces de police pour la sécurité nationale ont arrêté, à son domicile, le 25 novembre 2000, Fernando Gomes, ancien président de la Liga Guineense dos Direitos Humanos (LGDH). Celui-ci a été sérieusement battu en présence de sa famille et de ses voisins et bien que gravement malade suite aux coups reçus, il s'est vu refuser en détention l'accès à des soins médicaux. Après sa libération le 30 novembre 2000, on lui a refusé jusqu'en janvier 2001, le droit de se rendre à l'étranger pour recevoir un traitement.

En Angola, Rafael Marques, opposant de premier plan au gouvernement et représentant de l'Open Society Foundation a subi à deux reprises, au cours de l'année le harcèlement de responsables du gouvernement. En décembre 2000, Marques s'est vu signifier une interdiction de quitter le pays. En juillet 2001, Marques a été agressé et arrêté par la police pour avoir photographié des tentes dans le camp de transfert de Viana. Une semaine avant l'arrestation de Marques, la démolition par le gouvernement de maisons, dans le quartier de Luanda appelé Boa Vista, afin de forcer ses résidents à se rendre à Viana avait causé la mort de deux personnes. Cependant, le gouvernement angolais a effectivement permis que se déroule une discussion plus importante sur les inquiétudes causées par la guerre en cours.

Quatre membres du Collectif camerounais contre l'impunité ont été arrêtés en avril et détenus au poste central de police de Douala. Les autorités ont affirmé qu'ils avaient organisé une manifestation illégale alors qu'il est apparu que leur détention était en fait liée à une enquête sur la " disparition ", en janvier, de neuf jeunes. Le Comité des Droits Humains des Nations Unies a décidé, en juin que le gouvernement du Cameroun devait payer $137 000 US au militant camerounais des droits humains, Albert Mukong, en compensation des abus soufferts aux mains des autorités camerounaises, en 1998 et 1999 lorsque son livre, Prisoner without a crime, a été interdit et qu'il a été détenu au secret.

Au Tchad, la période qui a suivi les élections de mai a vu s'exercer une violente répression contre les défenseurs des droits humains. Le gouvernement a interdit les rassemblements de plus de vingt personnes. Le 11 juin, des canettes de gaz lacrymogène et probablement une grenade ont été jetées sur une foule de manifestants pacifiques rassemblés devant l'ambassade de France, dans la capitale, N'Djamena. Parmi les blessés, se trouvait la militante de premier plan, Jacquy Moudeina. Celle-ci s'est retrouvée avec de nombreux éclats dans la jambe et a dû être hospitalisée. Plusieurs défenseurs des droits humains ont fui le Liberia et ont déposé une demande d'asile politique. La Liberian Bar Association a lancé en octobre un boycott des cours afin de protester contre le harcèlement de collègues détenus pour avoir appelé à des dispositions protégeant les droits légaux des individus dans les cours de justice. En dépit d'une intensification du harcèlement exercé par l'état, quelques courageux militants ont continué leur travail sans se laisser intimider.

Le responsable d'Amnesty International en Gambie, Mohammed Lamin Sillah, a été détenu dans un lieu secret pendant quatre jours, fin octobre après avoir été emmené par des agents de sécurité de l'état pour "interrogatoire". L'arrestation de Sillah n'est qu'un exemple parmi une longue série d'arrestations qui seraient intervenues dans le sillage des élections présidentielles.

Dans un certain nombre de pays dont l'Erythrée, l'Ethiopie, la Mauritanie, le Rwanda et l'Ouganda, on a enregistré des efforts pour durcir les règlements concernant les ONG. En Ouganda, les ONG opérant dans l'ensemble tout à fait librement se sont faites plus directes, en 2001, dans leurs critiques des pratiques du gouvernement en matière de droits humains. Mais un projet de loi, le Nongovernmental Organizations Registration (Amendment) Bill, exigerait des ONG qu'elles obtiennent un permis spécial de l'organisme d'enregistrement avant de pouvoir opérer. Cette loi augmenterait également les pouvoirs de l'organisme d'enregistrement pour rejeter ou révoquer l'enregistrement d'une ONG. Enfin, les pénalités pour activités sans autorisation officielle seraient durcies, pouvant potentiellement faire passer pour des délits, les activités légitimes d'ONG.

Au Rwanda, une loi restrictive sur les ONG est entrée en vigueur en avril, accordant au gouvernement de larges pouvoirs pour s'ingérer dans le travail des ONG et pour suspendre ou dissoudre des associations. Le gouvernement rwandais préparait également un décret afin d'augmenter le contrôle du gouvernement sur le travail au quotidien des ONG. Le gouvernement a intensifié le harcèlement qu'il exerce contre l'importante ONG de défense des droits humains, LIPRODHOR, après la publication par cette dernière d'une déclaration critiquant les conditions de détention dans les prisons.

Au Burundi voisin, les autorités locales ont menacé un observateur des droits humains de Ligue Iteka, l'une des principales ONG du pays dans la défense des droits humains parce qu'il conduisait une enquête sur l'armement de civils par le gouvernement.

Dans la Corne de l'Afrique, les conditions se sont détériorées pour les défenseurs des droits humains. Le gouvernement érythréen a toléré l'activité d'une seule organisation de défense des droits humains, Citizens for Peace in Eritrea, mais seulement dans la mesure où elle limitait sa défense aux droits des victimes de guerre. En Ethiopie, la police a arrêté deux militants de premier plan, le Professeur Mesfin Woldemariam et le Dr. Berhanu Nega, début mai et les a maintenus en détention jusqu'en juin. Le gouvernement a formulé de fausses accusations contre eux deux, affirmant qu'ils avaient "incité des étudiants à la révolte". Mesfin est le président fondateur du Ethiopian Human Rights Council (EHRCO). Le jour de ces deux arrestations, le gouvernement a organisé une descente dans les bureaux d'EHRCO dont il a ordonné la fermeture. Celle-ci a été levée après dix jours.

Deux des principales organisations de défense des droits humains en Mauritanie, SOS-Esclaves et l'Association Mauritanienne des Droits de l'Homme (AMDH) se sont encore vues refuser leur enregistrement par le gouvernement et ont ainsi été limitées dans leurs activités.

Les militants africains, Kodjo Djissenou et Ndungi Githuku, respectivement du Togo et du Kenya étaient deux des quatre gagnants de la Reebook Human Rights Award décernée à des militants de moins de trente ans. Kodjo Djissenou, est un jeune militant qui œuvre pour la protection des droits humains au Togo depuis l'âge de douze ans. Depuis l'âge de dix-neuf ans, Ndungi Githuku utilise ses talents d'écrivain de théâtre, d'artiste graphique et d'acteur pour sensibiliser à la pratique de la torture par la police, la corruption politique et les principes démocratiques. Il est devenu le premier artiste à remporter cette récompense. En octobre, D. Zacarias Camuenho, président de la Conférence épiscopale d'Angola et Sao Tome a remporté le prix Sakharov pour la paix, manifestant ainsi le rôle croissant joué par les églises comme médiateurs possibles entre les deux parties du conflit angolais.

ORGANISMES REGIONAUX INTERGOUVERNEMENTAUX

Union Africaine : rénover l'Organisation de l'Unité Africaine
L'année a été marquée par ce qui a été présenté comme le début d'une nouvelle ère pour la coopération africaine. En juillet, au sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) à Lusaka, les membres sont tombés d'accord pour créer une nouvelle organisation, l'Union Africaine (UA) dont le premier sommet se tiendrait, en 2002, à Pretoria, en Afrique du Sud. Le diplomate ivoirien Amara Essy a été élu secrétaire général après une élection qui a duré une nuit entière. L'UA tout comme l'OUA, serait basée à Addis Ababa.

Le traité établissant l'UA comportait de nouvelles dispositions importantes renforçant l'engagement (théorique) de ses états membres dans la défense des droits humains. L'UA aurait également pour mission d'envisager une monnaie commune, un parlement pour l'ensemble du continent et une cour de justice. Le sommet décida d'incorporer le mécanisme de l'OUA en matière de prévention, gestion et résolution des conflits et d'en faire l'un des organes de l'UA. Le sommet n'a manifestement pas réussi à faire de même pour la Commission Africaine sur les Droits de l'Homme et des Peuples, un autre organe de l'OUA. Cette omission pourrait apparemment être rectifiée ultérieurement.

Le lancement de l'Union Africaine a coïncidé avec l'introduction de la Nouvelle Initiative Africaine (NIA) censée s'attaquer à l'incapacité chronique de l'Afrique de traiter ses problèmes économiques et politiques. Le plan a été annoncé par le président sortant, le Président de Zambie, Frederick Chiluba et a ensuite été officiellement lancé le 23 octobre, lors d'une cérémonie à Abuja, au Nigeria à laquelle assistaient les Présidents Olusegun Obasanjo du Nigeria, Thabo Mbeki d'Afrique du Sud, Abdoulaye Wade du Sénégal et Abdelaziz Bouteflika d'Algérie. La NIA est le résultat de la fusion du Millennium Partnership for the African Recovery Programme (MAP) proposé par les gouvernements d'Afrique du Sud, du Nigeria et de l'Algérie et du plan OMEGA proposé par le Président Abdoulaye Wade du Sénégal. En octobre, la NIA a été rebaptisée le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NPDA).

A première vue, le concept de l'Union Africaine semble prometteur. Mais le discours mis à part, il est loin d'être certain que cette initiative représente un réel progrès. L'idéal central continue d'être que la coopération à l'échelle du continent devrait constituer un moyen de faciliter et consolider le respect pour la démocratie et la dignité humaine à travers tout le continent. Mais les obstacles qui ont empêché l'OUA d'atteindre ces objectifs demeurent. L'Union Africaine devra surmonter les mêmes oppositions de cultures et d'egos, solidement enracinées, qui divisent perpétuellement les membres anglophones, francophones et arabes de l'organisation. Le refus des états membres d'abandonner leur droit de veto a fait en sorte que l'OUA n'a été qu'un simple lieu d'échanges pour des débats qui pouvaient être ignorés à volonté. De plus, l'OUA n'a pas réussi à faire que ses membres respectent les normes démocratiques et des droits humains. Le discours beaucoup plus fort mis en avant par l'Union Africaine pourrait se révéler tout aussi difficile à mettre en application. Lors de la Conférence mondiale contre le Racisme qui s'est tenue à Durban en Afrique du Sud, quelques semaines seulement après le dernier sommet de l'OUA, les pays africains ont largement refusé de voir le racisme et les autres formes d'intolérance comme un problème les touchant en interne - sauf en ce qui concerne les relations noirs-blancs, en particulier dans des pays d'Afrique australe - et se sont concentrés en revanche sur la demande de réparations pour le commerce transatlantique d'esclaves.

Un leadership clairement exercé par l'Afrique du Sud et le Nigeria en particulier aiderait à prendre en compte ces problèmes. Le Président Olusegun Obasanjo a exprimé sa forte détermination à faire de ces nouvelles initiatives des succès. Selon ses mots : " En Afrique et à l'extérieur, nous devons faire mentir les afro-pessimistes et autres cyniques en nous rassemblant pour travailler au succès de la NIA. " Le Président Obasanjo a très certainement de bonnes intentions. Mais il faudra plus que de simples déclarations présidentielles pour établir un système fiable qui puisse efficacement lutter pour la paix, la bonne gouvernance, les droits humains et le développement économique.

La Southern African Development Community (SADC)
La Southern African Development Community (SADC) qui avait lutté en 2000 pour arriver à un terrain d'entente et parler d'une seule voix a trouvé son rythme, mi-2001 et a accompli des progrès significatifs en vue d'augmenter sa capacité à aborder la résolution des conflits dans la région. La SADC a fait preuve de plus de cohésion au cours de l'année écoulée en se rendant à la conférence du G8 à Gênes en tant que groupe et non pas comme des états isolés et en multipliant les efforts pour résoudre la crise du Zimbabwe, perçue comme une menace pour l'ensemble de la région. La création d'une zone de libre échange en Afrique australe, qui a pris effet le 1er septembre 2000, a été considérée comme l'initiative la plus significative prise par la SADC au cours des vingt années de son existence. Les conséquences de cette mesure en termes de droits humains demeurent floues.

Lors d'une réunion à Windhoek en mars, avec un Protocole sur la Coopération en Politique, Défense et Sécurité, la SADC a fait de la présidence de son organe de sécurité un poste tournant d'un an, incluant un mécanisme clair de communication avec les chefs d'état. Le Président Robert Mugabe occupait cette position depuis 1999. Il a été remplacé par le Président du Mozambique, Joachim Chissano. Ce sommet a vu l'engagement des quatorze membres de la communauté en faveur de la résolution des conflits dans la région et pour la première fois, des principes opérationnels et des règles de fonctionnement ont été adoptés pour l'organe de sécurité. Néanmoins, en se rendant au sommet de Blantyre, en août, au Malawi, tous les observateurs ont unanimement noté la poursuite discrète de " la démocratie tranquille " à l'encontre du Zimbabwe. Mais le communiqué final du sommet de Blantyre a pour la première fois publiquement " exprimé son inquiétude sur les effets de la situation économique du Zimbabwe sur la région. " Dans les mois qui ont suivi, la SADC a joué un rôle plus actif dans la recherche d'une solution. Lorsqu'un accord initialement prometteur mis au point en août par le Commonwealth à Abuja, au Nigeria, a commencé à s'effondrer, les responsables de la SADC ont convoqué une réunion supplémentaire, à Harare, en septembre. A cette occasion, ils auraient pressé le Président Mugabe de régler la crise et certains ont semblé prêts à se dissocier de lui, ce qui représente un changement considérable par rapport à la " diplomatie tranquille ". La réunion s'est achevée avec un nouvel engagement d'Harare de mettre fin à la confiscation des terres en échange de financements britanniques pour son programme de réforme foncière. Une fois de plus, l'engagement n'a eu que peu d'effets. Dans l'intervalle, le 20 septembre, la SADC est convenue de créer un groupe de travail extraordinaire rassemblant des ministres pour aborder les questions foncières dans la région. Ce groupe a pris le nom de Food, Agriculture and Natural Resources Directorate. La Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)
A l'instar de son homologue d'Afrique australe, la CEDEAO a renforcé son Protocole relatif au Mécanisme de prévention, gestion, résolution des conflits et maintien de la paix et sécurité, signé à Lomé, au Togo, en décembre 1999. Cependant, les considérations portant sur les droits humains sont restées mal placées dans les divers programmes diplomatiques poursuivis et les états membres de la CEDEAO n'ont pas fait preuve d'une ferme volonté pour critiquer mutuellement leurs bilans en matière de droits humains.

La CEDEAO a pris la tête du mouvement pour raviver le difficile processus de paix en Sierra Leone en facilitant la signature, le 10 novembre 2000 à Abuja, au Nigeria, d'un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement de Sierra Leone et le mouvement rebelle Revolutionary United Front (RUF). En décembre 2000, les chefs d'état des quinze pays membres de l'organisation ont supervisé le déploiement d'une force, le long des frontières de la Guinée, du Liberia et de la Sierre Leone. Mais l'intégralité du plan a été abandonnée lorsque celui-ci s'est heurté à des obstacles majeurs. La Guinée a avancé que le mandat de cette force était trop léger. Ni la Guinée, ni le Liberia n'ont signé l'accord sur le statut de cette force et la CEDEAO a insisté pour obtenir l'implication, notamment financière, du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

En mai 2001, le Conseil de Sécurité et de Médiation de la CEDEAO, les Nations Unies, le gouvernement de Sierra Leone et le RUF se sont rencontrés en Sierra Leone pour revoir la mise en application de l'accord de paix. Cette réunion a mis en avant la nécessité de voir le gouvernement sierra léonais faciliter la rétablissement de l'ordre dans des régions préalablement sous le contrôle du RUF et où la MINUSIL, la force de maintien de la paix des Nations Unies s'était déployée. Lors de cette réunion, une délégation du RUF composée de six membres a accepté de retirer ses combattants du district de Kambia, point de départ des infiltrations en Guinée voisine. Le retrait permettrait le déploiement de troupes de l'armée sierra léonaise afin de surveiller l'arrêt des incursions armées dans les deux pays.

Des progrès ont également été enregistrés en ce qui concerne la mise en œuvre du Plan d'Action issu de la Déclaration d'Accra sur les enfants touchés par la guerre en Afrique de l'Ouest, en date d'avril 2000. En mars, la CEDEAO et le Canada ont signé un accord pour l'établissement d'une unité Protection de l'enfant au sein du Secrétariat de la CEDEAO.

LA REPONSE INTERNATIONAL

Les droits humains en suspens ?
Les événements du 11 septembre 2001 ont semblé devoir réduire encore davantage les chances qu'une véritable attention diplomatique soit accordée par la communauté internationale au sens large, aux questions des droits humains en Afrique. Avec le gros des efforts concentrés sur la construction et le maintien d'une coalition mondiale contre le terrorisme, une tolérance plus grande à l'encontre de pays connus pour avoir, par le passé, violé les droits humains semble une réelle possibilité. Au moment où nous écrivions, il était déjà évident que des discussions sur les droits humains, la bonne gouvernance et la recherche des responsabilités seraient sensiblement réduites et les abus plus facilement tolérés, en particulier au moment où les Etats Unis s'affichent plus préoccupés par des considérations à court terme telles que l'accès à des renseignements, des bases aériennes et militaires.

Mais plus la communauté internationale s'alignait sans état d'âme sur des régimes autocratiques en échange de leur soutien, de l'accès à leurs infrastructures et de leur coopération, plus elle risquait de créer involontairement une instabilité de long terme propice à de nouveaux développements terroristes. Une politique plus prudente chercherait à éviter que les questions de sécurité n'influencent de façon excessive les accords avec l'Afrique. Premièrement, il serait essentiel de continuer d'appuyer le mouvement en faveur de la démocratie et du respect des droits humains sur la base de références explicites. Deuxièmement, en supplément des protections sur les droits humains, une amélioration de la situation économique et sociale serait cruciale. Troisièmement, des pressions extérieures, plutôt que le silence et la condamnation, devraient être un préalable à tout développement politique et économique significatif.

Les Nations Unies
Les Nations Unies se sont engagées dans un large éventail de crises africaines, dont celles de l'Angola, de la RDC, de l'Erythrée, de l'Ethiopie, du Liberia et de la Sierra Leone et ont fait preuve d'un sens plus aigu de l'urgence et de l'engagement que l'année précédente.

Un regain d'intérêt s'est manifesté pour les questions de démobilisation, de processus de paix, de dialogue politique et d'assainissement économique en RDC. Deux rapports décisifs dans lesquels les Nations Unies ont montré une volonté accrue de " nommer et couvrir de honte " les individus impliqués dans le trafic illégal de diamants en échange d'armes, ont examiné le lien entre exploitation des ressources naturelles et alimentation des conflits. Pour le Liberia/Sierra Leone, les efforts des Nations Unies se sont concentrés sur l'application de sanctions ciblées afin de contenir les flux illicites de diamants et armes. En mai 2001, l'achat de diamants en provenance du Liberia (supposés provenir principalement de territoires sous contrôle des rebelles en Sierra Leone) a été interdit. En décembre 2000 et novembre 2001, le comité chargé de la surveillance de ces sanctions a suivi l'exemple du comité angolais en publiant des rapports sans concessions. Il y a eu également une avancée en direction de l'établissement d'une cour spéciale pour la Sierra Leone et d'une meilleure valorisation des capacités de la force de maintien de la paix des Nations Unies à protéger les populations civiles sur place. Cependant, le programme droits humains a encore trop souvent souffert de considérations politiques. En ce qui concerne l'Angola, l'activité principale s'est concentrée sur le suivi et la vérification effectués par le panel en charge des sanctions sur les armes et les diamants illicites. Un second aspect a été l'amélioration de la réponse du gouvernement et des agences des Nations Unies aux besoins des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.

Les Nations Unies ont commencé à s'attaquer aux questions liées au VIH/SIDA si cruciales en Afrique. Le Conseil de Sécurité a abordé le problème du SIDA trois fois en dix-huit mois, notamment lors d'une réunion, à l'été 2000, au cours de laquelle, pour la première fois, la pandémie a été qualifiée de danger pour la sécurité. Fin juin 2001, s'est tenue la première session de l'Assemblée Générale jamais consacrée à une maladie. Le Secrétaire Général, Kofi Annan, a officiellement déclaré la création d'un Fonds Mondial pour lutter contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, espérant lever entre 7 et 10 milliards USD à cet effet. Cependant, aucun montant de cette ampleur n'avait été promis en novembre alors que les ONG avançaient des critiques sur le manque de transparence dans la gestion du fonds et sur le refus implicite d'utiliser cet argent tant pour le traitement que pour la prévention. Annan a également rencontré les directeurs des sept plus importantes compagnies pharmaceutiques afin d'envisager des moyens de réduire le prix des médicaments contre le VIH/SIDA. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l'ONUSIDA ont favorablement accueilli les offres du fabricant indien de produits pharmaceutiques, Cipla, de fournir des médicaments à bas prix. L'OMS a fait campagne pour "des prix [de médicaments] différenciés" en se basant sur la force économique du pays selon l'Organisation Mondiale du Commerce. Ceci constituait toutefois une concession partielle en faveur des compagnies pharmaceutiques réticentes à pratiquer une réduction globale de leurs prix. L'Organisation Internationale du Travail a publié des directives relatives au SIDA sur le lieu de travail et a rejoint l'ONUSIDA. Le Programme Alimentaire Mondial a lancé plusieurs programmes de nourriture spécifique pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA dont un au Congo. Qualifiés de symboliques, ces programmes exprimaient au moins une certaine reconnaissance des besoins.

Union Européenne
Bien que le manque de cohérence de la politique européenne à l'égard de l'Afrique se soit maintenu, des tentatives ont été lancées pour améliorer la situation par une meilleure coordination. La France et le Royaume Uni, les deux acteurs principaux, ont continué à affirmer leur engagement à faire cesser la compétition entre leurs politiques étrangères en Afrique même si la pratique ne s'est pas toujours révélée à la hauteur du discours. De réelles différences de politiques existent entre les principaux acteurs européens et sont clairement apparues lors de conflits politiques entre les états membres de l'Union Européenne, en particulier le Royaume Uni et la France, concernant la Côte d'Ivoire, les pays de la rivière Mano, les Grands Lacs et le Zimbabwe. Alors que la Grande Bretagne s'est fermement exprimée contre le Président du Zimbabwe, Robert Mugabe par exemple, le Président français, Jacques Chirac, a reçu Mugabe à Paris après la tenue en Libye d'un sommet spécial de l'OUA sur l'Union Africaine. Le Ministère britannique des Affaires Etrangères a déclaré avoir été choqué par la décision française.

Sous la présidence suédoise, l'Union Européenne a nommé Hans Dahlgren, secrétaire d'état du Ministère suédois des Affaires Etrangères, envoyé spécial en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. Sa tâche consistait à formuler une politique européenne coordonnée à l'égard des trois pays et à promouvoir la coopération avec les Nations Unies et la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Dahlgren a exprimé l'appui de l'UE aux sanctions contre le Liberia. Une délégation européenne conduite par Dahlgren s'est rendue au Mali, en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia entre le 29 mai et le 1er juin. Les discussions se sont concentrées sur la grave crise humanitaire et politique que connaît la région. La visite a comporté des rencontres avec les Présidents des quatre pays ainsi qu'avec des représentants d'organisations de secours et d'organisations issues de la société civile. L'envoyé spécial de l'UE en Ethiopie et Erythrée, Sen. Rino Serri, nommé en décembre 1999 a joué un rôle important pour s'assurer que les questions des droits humains seraient mises en avant dans la réponse européenne au conflit entre les deux pays et aux développements à l'intérieur de ces pays.

Concernant ses relations en 2001 avec la Côte d'Ivoire, le Liberia et le Zimbabwe, l'UE a invoqué l'article 96 de l'Accord de Cotonou, à savoir la clause sur les droits humains du document qui régule ses relations avec les membres du groupe de pays Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP). L'UE a appelé à des consultations sur la dégradation du respect des droits humains, les principes démocratiques et l'état de droit. L'UE a également agi de concert pour protester contre la répression exercée par le gouvernement érythréen sur ses opposants. Tous les états membres ont rappelé leurs ambassadeurs pour des consultations après l'expulsion par l'Erythrée de l'ambassadeur italien qui avait émis des commentaires critiques sur le bilan du gouvernement en matière de droits humains. Lors d'une réunion en octobre avec les chefs d'état de l'Algérie, du Nigéria, du Sénégal, de l'Afrique du Sud et le représentant du chef d'état égyptien, les responsables européens se sont engagés à soutenir la NIA.

Cependant, la politique concernant les Grands Lacs n'a pas bénéficié d'une même approche coordonnée. Dans ce cas précis, l'UE a semblé s'en remettre au leadership belge et français. Le Royaume Uni a continué à soutenir le Rwanda et l'Ouganda alors que d'autres états membres, en particulier la France et la Belgique, penchaient en faveur de Kinshasa. Le 30 juin, le Premier Ministre belge, Guy Verhofstad a signalé la reprise de la coopération bilatérale avec la RDC en signant un nouvel accord d'aide consacré à la santé, l'éducation et les infrastructures. Il a également promis d'utiliser les six mois pendant lesquels la Belgique assurerait la présidence de l'UE pour inciter d'autres états membres à reprendre leurs relations avec la RDC. L'envoyé spécial de l'UE pour les Grands Lacs, Aldo Ajello, a poursuivi ses activités sur le front diplomatique au nom de l'UE. Plusieurs délégations européennes de haut niveau se sont également rendues dans la région dont le Premier Ministre et le Ministre des Affaires Etrangères belges et le commissaire européen Poul Nielson. De son côté, la France a envoyé dans la région en août, son Ministre des Affaires Etrangères, Hubert Védrine.

L'Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE a envoyé une délégation pour une mission de collecte d'information au Soudan entre le 26 juin et le 2 juillet 2001. Dans un rapport publié en septembre, la délégation a exhorté le gouvernement soudanais à améliorer son bilan en matière de droits humains et a également souligné que le bilan des groupes rebelles en matière de droits humains "est également très loin d'être acceptable." Par une résolution en date du 1er novembre 2001, l'Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE a déclaré que selon elle, le SPLM/A ne devrait pas chercher à contrôler les financements européens ce qui permettrait ensuite la reprise de l'assistance humanitaire européenne aux régions SPLA. L'Assemblée a également appelé le gouvernement du Soudan à initier des actions plus efficaces contre la torture, la discrimination contre les chrétiens et les enlèvements (qui touchent tout particulièrement les femmes et les enfants).

Royaume Uni
Le Premier Ministre du Royaume Uni, Tony Blair a promis de faire de l'Afrique une priorité du second mandat du Parti travailliste au pouvoir. En juillet 2001, lors du sommet du G8 à Gênes, le Premier Ministre a annoncé des plans pour construire, sur la lancée du fonds mondial pour la santé des Nations Unies de 1,5 milliard USD, un " plan de modernisation " pour l'Afrique en cinq points. Celui-ci combinerait commerce, aide, investissements, résolution des conflits et lutte contre le SIDA pour combattre la pauvreté dans le continent le moins riche du monde. La Grande Bretagne fournirait 200 millions USD au fonds des Nations Unies. Alors que les militants de la dette critiquaient ce fonds qualifié "d'inadapté" et "de simple astuce", cette initiative a au moins eu le mérite de représenter un engagement en faveur du continent africain, attitude plutôt rare parmi les responsables occidentaux. La Grande Bretagne a été l'un des rares pays riches à effectivement augmenter son aide à l'Afrique au cours de l'année même si les montants initiaux étaient plutôt faibles. Les responsables du gouvernement ont scellé leur engagement dans un livre blanc du gouvernement paru en décembre 2000 et intitulé "Eliminating World Poverty : Making Globalization Work for the Poor." Comme d'autres pays européens, la Grande Bretagne a cependant refusé de répondre favorablement à la demande formulée lors de la Conférence Mondiale sur le Racisme de qualifier le commerce historique des esclaves de crime contre l'humanité pour lequel des réparations doivent être versées.

Le Royaume Uni a soutenu la "Nouvelle Initiative Africaine" selon laquelle les pays pauvres recevraient une aide financière et bénéficieraient d'un meilleur accès aux riches marchés occidentaux en échange d'un assainissement de leur gouvernement et de réformes économiques. Le Premier Ministre a renouvelé sa promesse en septembre lors d'une réunion avec six présidents africains "réformateurs" - ceux du Botswana, du Ghana, du Mozambique, du Nigeria, du Sénégal et de la Tanzanie - consacrée au commerce, à la bonne gouvernance et à la résolution des conflits. La seule déclaration publique suite à cette réunion a cependant été une réponse aux attaques du 11 septembre et à la question du terrorisme.

De plus, le Royaume Uni a continué à jouer un rôle central dans la stabilisation de la Sierra Leone. Jonathan Riley, le général de brigade britannique alors aux commandes en Sierra Leone, a promis en janvier que les troupes britanniques resteraient sur place jusqu'à ce que le RUF soit battu militairement ou diplomatiquement. Le Royaume Uni a aussi maintenu son engagement dans la reconstruction de l'armée et la police sierra léonaises. De juin 2000 à septembre, quelque six cents soldats britanniques ont participé à la formation de 8 500 soldats de l'armée sierra léonaise. Après septembre 2001, les 360 membres de l'armée britannique encore sur place allaient continuer à jouer un rôle majeur de conseil et de direction des opérations militaires, avec notamment la fourniture de personnel pour les postes clés du quartier général de la défense sierra léonaise. Les autres domaines ayant bénéficié de l'aide britannique concernent les programmes de démobilisation, les groupes de défense des droits humains et ceux issus de la société civile, la reconstruction du système légal, les programmes d'aide humanitaire et le rétablissement du gouvernement local. Cependant, le fait que parmi les soldats nouvellement formés se trouvent de nombreux individus coupables d'atteintes aux droits humains est resté un point de préoccupation.

Le Ministre du Développement International, Clare Short, a fait preuve d'un intérêt inhabituel pour la RDC. Début août, elle a accompli une visite très ciblée de trois jours dans le pays. En tête de son programme se trouvait la question du rôle du Royaume Uni dans l'appui à la démobilisation et la réintégration des groupes armés dans la région. Au cours des années précédentes, elle avait principalement concentré son attention sur le Rwanda et l'Ouganda, suscitant ainsi le problème du soutien peu regardant du Royaume Uni à ces gouvernements.

France
La France a répété ses déclarations antérieures au sujet des éléments principaux de sa nouvelle politique africaine : loyauté à une tradition d'engagement et de solidarité, modernisation de l'appareil de coopération français et ouverture de la politique française à l'ensemble du continent. En avril, le Premier Ministre, Lionel Jospin a insisté pour dire que l'approche de son pays marquait le début d'une nouvelle ère : rupture avec un passé impérialiste et nouveau pragmatisme basé sur la non ingérence dans les affaires intérieures africaines. Au cours d'une visite officielle en Afrique du Sud, le Premier Ministre Jospin a mis en avant la décision de Paris de rompre avec ses réseaux d'influence dans ses anciennes colonies. L'Afrique du Sud est un pays qu'il a qualifié "d'axe stratégique non seulement pour la politique africaine de la France mais aussi pour la politique internationale française." Une tentative de coup d'état en République Centrafricaine a servi de test à ces déclarations. La France n'est pas intervenue à Bangui. Cependant, la France a été réticente à critiquer ouvertement ses " vieux amis " ou à exercer une pression diplomatique en faveur de l'amélioration des droits humains dans ses anciennes colonies, dont le Burkina Faso, le Togo et la Côte d'Ivoire (où les anciens liens du nouveau Président, Laurent Gbagbo avec les personnalités politiques socialistes parisiennes l'ont protégé de fermes pressions pour que soient recherchés les coupables des atrocités électorales).

Le programme de formation militaire de la France en Afrique, le Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (Recamp) s'est poursuivi. En mai, des officiers militaires et des diplomates de quinze pays africains et vingt partenaires non africains se sont réunis pour se préparer à un exercice militaire prévu pour la Tanzanie, en février 2002. Ceci constituera le premier événement Recamp d'importance dans un pays africain non francophone. La Grande-Bretagne, à l'origine sceptique sur cette initiative, a également participé à cette rencontre. La coopération future avec les Etats Unis a été abordée avec notamment l'Africa Crisis Response Initiative prête à être révisée. Cependant, Recamp n'a pas efficacement sélectionné les candidats à la formation de façon à écarter ceux responsables d'atteintes aux droits humains.

Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale
En février 2001, les responsables du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale se sont lancés dans un tour sans précédent de l'Afrique, se rendant au Kenya, au Mali, au Nigeria et en Tanzanie pour rencontrer les responsables de pratiquement toute l'Afrique sub-saharienne. Le vice-président de la Banque pour l'Afrique affirmait : "Nous travaillons avec l'Afrique de façon très différente de ce que nous faisions par le passé", soulignant un changement dans le discours des institutions de Bretton Woods au cours des deux dernières années, avec le passage d'un langage dominé par "l'ajustement structurel" à la notion de "réduction de la pauvreté."

Les deux institutions ont travaillé de façon plus offensive à la mise en œuvre rapide dans vingt-trois pays, dont dix-neuf en Afrique, du programme pour les Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, Madagascar, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, São Tomé et Príncipe, la Tanzanie, l'Ouganda et la Zambie ont atteint leur "point de décision", point à partir duquel il est décidé que ces pays répondent aux critères exigés pour bénéficier d'une assistance dans le cadre de l'initiative renforcée PPTE. Les vingt-trois pays reçoivent une aide qui peut atteindre environ 34 milliards USD au fil du temps. L'Ouganda et le Mozambique ont atteint le "point d'achèvement" indiquant par là qu'ils avaient obtenu un bon bilan sous l'initiative PPTE d'origine et qu'ils pouvaient maintenant prétendre à une aide supplémentaire. La Zambie (2,5 milliards USD), la Tanzanie (2 milliards USD), le Mozambique (2 milliards USD), le Cameroun (1,3 milliard USD) et l'Ouganda (1 milliard USD) sont arrivés en décembre 2000, en tête de liste des pays africains recevant, en dollars, la plus importante remise de dette promise. La Guinée-Bissau a bénéficié de la réduction de dette la plus importante en pourcentage, avec plus de 80 pour cent. Cependant, la Banque Mondiale a elle-même reconnu que tous les bénéfices attendus de l'initiative PPTE seraient très certainement balayés par une baisse mondiale du prix des matières premières. Suite aux attaques du 11 septembre, le FMI a donné des assurances selon lesquelles il serait prêt à mettre des ressources supplémentaires à disposition des pays africains rencontrant des difficultés causées par la récession de l'économie mondiale.

Le FMI, soutenu par les Etats Unis et le Royaume Uni, a refusé de renouveler son prêt au Kenya en août, arguant de corruption. En septembre, en réponse à la crise du Zimbabwe, le FMI a annoncé qu'il avait écarté le pays de la liste des futurs récipiendaires de prêts FMI ou bénéficiaires de ses ressources générales. Un accord avec le Nigeria a cependant été étendu en août en dépit de l'échec du gouvernement à respecter les conditions définies. La Banque Mondiale et le FMI ont augmenté leur soutien à la RDC. Les deux institutions ont facilité la préparation du programme gouvernemental pour une réunion des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, début juillet à Paris. Fin juillet, le FMI a approuvé un programme suivi par son personnel ainsi qu'un don de 50 millions USD pour le programme de reconstruction économique. Les deux institutions se sont également déclarées prêtes à aider la RDC à trouver une solution pour sa dette de 800 millions USD à l'égard du FMI.

La Banque Mondiale, sous la direction de James Wolfensohn, a fini par considérer le VIH/SIDA comme l'un des problèmes centraux auxquels elle devait s'atteler. Cependant, au lieu d'une réduction de dette espérée dans plusieurs pays fortement touchés par le SIDA, la Banque a ressorti une ancienne carte en offrant 500 millions USD de prêts supplémentaires à l'Afrique sub-saharienne à des fins quasi exclusives de prévention.

Les Etats Unis
Avant même les attaques du 11 septembre, l'Afrique attendait peu de la nouvelle administration du Président George W. Bush. Au cours de sa campagne pour la présidence, Bush a à peine évoqué l'Afrique. Interrogé spécifiquement sur sa vision pour le continent, sa réponse a été brève : "L'Afrique est peut-être importante mais ne relève pas des intérêts stratégiques nationaux tels que je les conçois."

Mais après son arrivée au pouvoir, l'approche de la nouvelle administration s'est révélée plus nuancée. Confrontée aux constants conflits armés qui ravageaient de larges parties de l'Afrique, notamment les guerres en Angola, au Burundi, en RDC, au Liberia et en Sierra Leone, l'administration Bush a commencé à envoyer des signaux indiquant qu'elle continuerait à jouer un rôle dans la résolution des crises africaines et en particulier, qu'elle chercherait à jouer un rôle plus neutre dans les guerres de la région des Grands Lacs. Mais l'intérêt américain pour la construction ou le maintien de la paix est resté minimal et les déclarations officielles se concentrent toujours principalement sur le commerce et les investissements, révélant un manque total d'engagement dans les questions des droits humains. Cependant, l'administration a manifesté un certain intérêt pour assurer la formation des armées africaines à des tâches de maintien de la paix. Les Etats Unis ont, au cours de l'année écoulée, formé des bataillons du Ghana, du Nigeria et du Sénégal et se sont préparés à former des troupes de Guinée. Walter Kansteiner, vice-secrétaire d'état pour les affaires africaines, a déclaré devant le Congrès, lors de l'audience de confirmation à son poste : "L'Afrique sub-saharienne représente une priorité pour cette administration. Nous ne sommes pas à l'abri des problèmes africains." Il a ensuite listé ces problèmes : propagation du VIH/SIDA, pauvreté généralisée et contestation civile. Dans la même veine, il n'est pas surprenant que des responsables américains de haut rang aient avancé que le mandat de la MINUSIL, la force de maintien de la paix des Nations Unies en Sierra Leone, devrait être étendu, non pas à cause des dangers pesant sur les populations civiles mais à cause de l'existence de réseaux criminels dans ce pays qui pourraient compromettre les intérêts économiques et politiques américains.

En mai, le Secrétaire d'Etat, Colin Powell a entrepris un voyage dans la région, se rendant au Mali, en Ouganda, au Kenya et en Afrique du Sud. Powell a fait la déclaration suivante : "Nous ne pouvons ignorer aucune région du monde et l'Afrique est un vaste continent dont les besoins sont énormes. Aussi devons nous nous y impliquer." Le voyage a notamment été consacré à l'important problème du VIH/SIDA. Powell a également abordé les conflits régionaux, notamment avec les responsables de la RDC et du Soudan mais le message général récurrent, tout au long du voyage, semble avoir été que le futur de l'Afrique est entre les mains de ses propres responsables et non pas de la communauté internationale. Faisant écho aux plans de l'administration de recourir au commerce comme un outil majeur et de faire bénéficier de l'aide américaine en priorité les pays sur la voie de progrès économiques et politiques, Powell a déclaré : "L'argent aime la sécurité et la stabilité." Le Représentant américain au Commerce pour l'Afrique a repris ce thème dans un discours au Congressional Black Caucus, le 28 septembre, en réitérant que l'administration estimait que l'Africa Growth and Opportunity Act (AGOA) était l'outil premier pour le commerce américain et le développement en Afrique. Ceci met en évidence une continuité dans la politique africaine depuis l'administration Clinton. Bien qu'il y ait eu un changement d'attitude et de style envers l'Afrique, les priorités stratégiques sont restées les mêmes, à savoir économiques. Pour l'équipe Bush, ceci a signifié un intérêt plus grand pour le libre-échange et l'ouverture des marchés même si les concessions faites à l'Afrique dans le cadre de l'AGOA sont en fait limitées.

En dépit de la promesse d'engagement de Colin Powell, en pratique, l'administration Bush est restée éloignée des problèmes africains, semblant préférer, à l'exception du Soudan, s'en remettre aux Européens ou aux soi-disant pays piliers que sont l'Afrique du Sud et le Nigeria. Une attention soutenue et de haut niveau s'est concentrée sur le Soudan à cause d'une puissante coalition de forces religieuses et conservatrices qui a exercé des pressions sur l'administration pour qu'elle adopte une position plus ferme contre le gouvernement de Khartoum. La création en septembre du poste d'envoyé spécial au Soudan fut le résultat de ces pressions. Le Président Bush a nommé l'ancien Sénateur américain John Danforth à ce poste, déclarant : "Le Soudan représente une catastrophe pour les droits humains. Nous devons attirer l'attention du monde sur les atrocités au Soudan."

Le retrait de la délégation américaine de la Conférence Mondiale contre le Racisme, la Discrimination raciale, la Xénophobie et l'Intolérance qui y est associée qui s'est tenue en Afrique du Sud entre le 31 août et le 7 septembre a manifesté un manque de respect pour les militants africains ainsi que pour les efforts consacrés à l'événement dans la région. Ce qui aurait pu représenter pour les Etats Unis une excellente opportunité de contribuer à la compréhension des graves problèmes que sont la discrimination contre les réfugiés, le sexisme et l'impact disproportionné du VIH/SIDA sur les personnes de couleur et à la recherche de solutions s'est en fait soldé par une vaste déception.

A la suite des attaques du 11 septembre, il était prévisible que l'intérêt de l'administration se tournerait sur la Corne de l'Afrique et l'Afrique de l'Est (couvrant le Soudan, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, la Somalie et la Tanzanie). Le Soudan aurait offert de coopérer largement avec les Etats Unis, notamment en fournissant des informations sur le réseau al-Qaeda. Des rapports suggéraient qu'au delà de l'Afghanistan, la Somalie pourrait être la cible d'opérations militaires américaines à la recherche de cellules al-Qaeda. Ceci refaçonnerait de façon significative les relations des Etats Unis dans la sous-région, avec des implications pour les droits humains potentiellement importantes. Partout dans le continent, on s'est inquiété qu'une coopération renforcée avec les Etats Unis sur la question du terrorisme ne conduise à étouffer les critiques contre les attaques conduites par les alliés sur leurs ennemis politiques intérieurs. La conseillère à la Sécurité Nationale, Condoleezza Rice a insisté pour dire qu'en organisant des alliances, il est "clair que notre travail est de nous assurer que nous distinguons dans nos discussions, dissidence légitime ou mouvements légitimes pour le droit des minorités et le fait qu'il puisse y avoir un terrorisme international dans plusieurs parties du monde." Cependant, la conduite passée des Etats Unis en matière de prise en compte comme prioritaires des questions de droits humains - antérieurement aux attaques de septembre quand l'enjeu pour les Etats Unis était bien moindre - ne va pas dans le sens de ces affirmations.

Par exemple, dans le cas de l'Ethiopie, les Etats Unis ont rarement dénoncé les abus et n'ont exercé aucune pression significative lorsque des abus - et notamment le recours à une force excessive contre des manifestants, la mise sous silence des dissidents et la répression violente des minorités dans les régions en proie à l'agitation - ont été perpétrés par le gouvernement. A l'opposé, le gouvernement a été récompensé par des aides généreuses. A la suite du 11 septembre, les discussions entre l'Ethiopie et les Etats Unis se sont intensifiées mais se sont concentrées exclusivement sur l'antiterrorisme plutôt que sur les problèmes des droits humains. Au cours de l'un des trois appels téléphoniques seulement qui auraient été donnés à des responsables africains, avant le lancement des frappes contre l'Afghanistan, le Président Bush a parlé au Premier Ministre d'Ethiopie, Meles, le 5 octobre, le remerciant pour son offre de coopération dans la campagne contre le terrorisme et discutant de son intention de prendre des mesures contre les terroristes et leurs sanctuaires. Ramener les considérations sur les droits humains au cœur de la discussion n'a pas fait partie des priorités.

Colin Powell, au cours de sa visite éclair en Afrique, a vanté la marche vers la démocratie au Kenya mais a insisté sur l'importance de règles constitutionnelles, faisant allusion à la nécessité pour le Kenya d'entreprendre une révision constitutionnelle approfondie. Les observateurs ont dans l'ensemble considéré ces commentaires comme une façon diplomatique d'affirmer que le Président Moi devrait se retirer de la présidence en 2002, comme l'exige la constitution. Mais le 11 septembre pourrait avoir relégué de telles considérations à l'arrière plan. Selon un communiqué de presse de la Maison Blanche, le Président a parlé avec le Président du Kenya, Moi, le 5 octobre, insistant sur la nécessité d'une coopération sur plusieurs fronts - financier, renseignements, diplomatique et militaire. Il a suggéré des discussions supplémentaires entre les Etats Unis et le Kenya sur la façon de relever les défis qui s'annoncent. Là encore, il semble n'y avoir eu aucune place pour une mise en avant des droits humains comme partie intégrante de la sécurité régionale.

Lorsqu'un porte-parole du Département d'Etat a été interrogé sur les implications que la formation de la coalition aurait sur la politique américaine à l'égard du Soudan, il a répondu que la coopération avec les Etats Unis n'exempterait pas le Soudan de son obligation de mettre un terme à ses pratiques abusives à l'intérieur de ses propres frontières et notamment son refus de laisser entrer l'aide humanitaire, ses bombardements contre des opérations humanitaires et des cibles civiles et sa discrimination religieuse. Le porte-parole a soutenu que tous ces problèmes restaient en bonne place des préoccupations américaines malgré un alignement avec le Soudan dans la lutte contre la terreur. Il reste à voir cependant si les exigences de la coalition anti-terrorisme l'emporteront sur les questions de droits humains et les questions humanitaires, dans ce cas comme dans d'autres.

LE TRAVAIL DE HUMAN RIGHTS WATCH

Tout en se concentrant sur des zones de conflits prolongés, Human Rights Watch a continué à couvrir l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne et à étendre son action de surveillance aux pays de la zone francophone. Nous avons mené un travail de recherche et de plaidoyer sur l'Angola, le Burundi, la Côte d'Ivoire, la République Démocratique du Congo (RDC), l'Erythrée, l'Ethiopie, la Guinée Conakry, le Kenya, le Liberia, le Nigeria, le Mozambique, le Rwanda, la Sierra Leone, l'Afrique du Sud, le Soudan, la Tanzanie, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe. De plus, la division Afrique s'est attaquée à des recherches thématiques transversales sur les flux d'armes, les ressources naturelles et les responsabilités des grandes entreprises, les commissions nationales des droits humains et les droits des enfants, des femmes, des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Nous avons également augmenté le niveau et l'étendue de notre action de surveillance des acteurs non étatiques, nous concentrant tout spécialement sur la violence perpétrée par les forces rebelles et sur des méthodes pratiques pour influencer ces acteurs, par le dialogue et le recours à la médiation d'un troisième pays.

Nous avons mené des missions de terrain pour enquêter et communiquer en Angola, au Burundi, en Côte d'Ivoire, en RDC, en Gambie, en Guinée Conakry, au Kenya, au Nigeria, au Rwanda, en Afrique du Sud, en Tanzanie, en Ouganda, en Zambie et au Zimbabwe. Human Rights Watch a maintenu des bureaux à Kigali, au Rwanda, à Freetown, en Sierra Leone et à Bujumbura, au Burundi.

Human Rights Watch a poursuivi sa collaboration rapprochée avec des organisations nationales de défense des droits humains. En coulisse, nous avons continué à renforcer les capacités d'ONG locales à œuvrer pour que s'améliorent les bilans droits humains de leurs pays. Lorsque des défenseurs des droits humains étaient harcelés, Human Rights Watch a fait pression pour que des mesures diplomatiques mettent fin au problème. En octobre 2001, Human Rights Watch a publié un document d'information, Freedom of Association at Risk : The Proposed NGO Bill and Current Restrictions on NGOs in Uganda, concernant une nouvelle loi déposée devant le parlement ougandais qui limiterait sérieusement ou diminuerait les droits des ONG dont le travail ne se conformerait pas aux "plans ou politiques du gouvernement."

La région des Grands Lacs est restée une priorité alors que le conflit en RDC continuait d'impliquer les états voisins et de déborder des frontières. Lors de réunions avec des responsables de haut rang à Washington, New York, Bruxelles, Berlin, Londres et dans la région et lors de présentations devant des organismes des Nations Unies, Human Rights Watch a continué à mettre en avant l'exploitation des ressources et l'importation illégale d'armes contribuant à alimenter la conflagration. Dans un rapport en date de mars 2001, République Democratique du Congo - l'Ouganda dans l'est de la RDC : une presence qui attise les conflits politiques et ethniques, nous avons expliqué quel était le rôle de l'Ouganda dans l'intensification du conflit dans l'est du Congo et appelé le gouvernement ougandais et les groupes rebelles à alléger les souffrances qu'ils causaient sur place.

Mettant en avant le travail de l'organisation sur les droits économiques et sociaux, Human Rights Watch a publié deux rapports traitant de l'indivisibilité des droits humains. Dans Les ruraux déracinés : réinstallation et expropriations dans les zones rurales du Rwanda, nous avons détaillé la pratique gouvernementale de villagisation forcée et dépossession des terres utilisée contre des dizaines de milliers de Hutu et Tutsi pauvres, dans les campagnes. Dans Unequal Protection : The State Response to Violent Crime on South African Farms, nous avons mis en avant la violence rurale et les abus contre les travailleurs agricoles. Un autre rapport sur l'Afrique du Sud, Scared at school : Sexual Violence Against Girls in South African Schools, a apporté un complément à un travail antérieur sur la violence contre les femmes en Afrique du Sud en considérant les dangers auxquels doivent faire face les filles, dans les écoles, comme une violation du droit à l'éducation. Human Rights Watch a étendu son programme de défense des droits humains sur tout le continent en publiant un important rapport sur les performances des commissions des droits humains appuyées par les gouvernements, Protectors or Pretenders ? Les Commissions gouvernementales des droits de l'homme en Afrique. L'étude a dénoncé le bilan souvent décevant de ces commissions qui avaient reçu de la communauté des bailleurs de fortes sommes d'argent, pour leur création. Le rapport révèle que de nombreuses commissions ont plus fait pour apporter un démenti aux critiques de la communauté internationale contre leur gouvernement que pour trouver une solution aux problèmes des droits humains. Le rapport isole les commissions de l'Ouganda, du Ghana et de l'Afrique du Sud comme des exceptions. Le rapport a été largement diffusé parmi les bailleurs qui financent les institutions nationales de défense des droits humains et notamment le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l'Homme et le Programme des Nations Unies pour le Développement ainsi qu'auprès de responsables gouvernementaux de haut niveau et des commissions des droits humains elles-mêmes. Ce rapport a servi de catalyseur pour un vaste débat sur les rôles de telles commissions et les attentes à avoir à leur sujet.

Au cours de l'année, la division s'est particulièrement concentrée sur la violence entourant les élections avec un rapport sur la manipulation du système électoral et la violence qui l'a accompagnée en Ouganda (Uganda : Not a Level Playing Field) et un rapport détaillé sur la Côte d'Ivoire (Le Nouveau Racisme: La manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire) publié au moment de la Conférence sur le Racisme de Durban. Ce dernier rapport dresse la chronique de tortures, meurtres et viols à large échelle et de la manipulation officielle des tensions ethniques, lors des élections présidentielles et parlementaires en Côte d'Ivoire, fin 2000, suscitant un intérêt intense de la part des médias. Human Rights Watch a également alerté la communauté internationale sur l'ingérence du gouvernement et les irrégularités dans les élections locales au Rwanda.

Tout au long de l'année, nous sommes restés actifs sur les questions de justice internationale. Les experts de Human Rights Watch ont participé aux procès pour génocide en Belgique et au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) à Arusha, en Tanzanie, apportant des témoignages d'experts sur la situation des droits humains au Rwanda. Nous avons également appelé la communauté internationale à s'investir dans le futur de la Sierra Leone en finançant sa cour spéciale pour la poursuite en justice des crimes liés à une décennie de conflit.

Human Rights Watch intervient régulièrement pour protester contre les abus dont sont victimes les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Notre rapport sur le traitement réservé aux réfugiés en Guinée, Danger persistant pour les réfugiés : L'inquiétude sur la protection des réfugiés en Guinée demeure, a apporté des informations sur le harcèlement et les attaques contre les réfugiés sierra léonais et libériens par le personnel de sécurité et par des civils guinéens conduisant à des modifications dans les dispositions concernant les réfugiés, dans les camps sur place.

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