Africa - West

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    XIV. UN SYSTÈME D'ABUS À DEUX VOLETS

Le programme "d'autodéfense" opère à deux niveaux. Cette dualité risque d'augmenter les tensions dans une situation hautement polarisée. D'un côté, le programme offre aux résidents urbains - pour la plupart tutsi - l'opportunité d'apprendre à tirer et les encourage, sans les contraindre, à organiser des patrouilles de protection de leurs quartiers. De l'autre, le programme recrute activement - et dans certains cas, par la force - des Hutu qui vivent dans des quartiers plus pauvres des villes et dans les campagnes pour qu'ils suivent une formation militaire et servent comme Gardiens de la Paix ou dans des patrouilles urbaines.

En exigeant de participants non volontaires qu'ils servent dans les patrouilles de gardiens ou dans les patrouilles urbaines, les autorités ont violé les droits de ces participants par le biais d'un système de conscription ad hoc. Ni autorisé ni régulé par la loi, ce système les soumet à des exigences arbitraires pour fournir un service bénévole, pour une durée indéterminée. Si le droit international permet aux gouvernements de lever des armées et de pourvoir à la défense nationale, Human Rights Watch maintient que la conscription doit se faire selon les règles du droit et avec une certaine équité, plutôt qu'à la discrétion d'autorités locales soumises à aucun contrôle. Les recrues doivent connaître la durée de leur service et ses conditions. Des milliers de personnes obligées de servir dans ces programmes sont des enfants et ceci est en violation des dispositions du droit humanitaire international que le gouvernement burundais a accepté de respecter.

Les Gardiens de la Paix et les membres des patrouilles urbaines ont commis de nombreuses violations des droits humains, généralement en toute impunité. Quels que soient les pouvoirs qu'ils exercent, ceux-ci ne sont pas formellement établis ni publiquement connus des autres civils. L'ambiguïté qui entoure le statut des participants aux programmes, qui ne sont soumis à aucune régulation propre à leur service, rend difficile la poursuite en justice des responsables d'abus. Parce que les Gardiens de la Paix ou leurs homologues urbains demeurent "des civils", les autorités civiles portent en théorie la responsabilité de surveiller leur conduite. Mais l'autorité finale en matière de sécurité est aux mains des commandants militaires locaux. Dans de telles circonstances, il est improbable que des autorités civiles demandent la poursuite en justice de "civils" pour des abus commis alors qu'ils agissaient comme adjoints des militaires et qu'ils étaient souvent sous leurs ordres directs. Les membres des forces armées régulières ne vont pas non plus prendre d'initiative pour s'assurer que leurs auxiliaires seront traduits en justice, dans le système judiciaire civil, comme le montrent certains des cas exposés dans ce rapport. Dans certains cas, des membres des forces armées régulières ont utilisé les Gardiens de la Paix ou les membres des patrouilles d'autodéfense pour mener à bien des crimes à motivation politique ou des crimes de droit commun contre les populations civiles. Cette pratique leur permettait aussi d'éviter toute responsabilité personnelle pour les méfaits commis.

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