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Descriptions des techniques d’interrogation prétendument autorisées par la C.I.A.

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La station forcée en position debout et la privation de sommeil  
 
• Dans ses mémoires, l’ancien Premier ministre israélien Menachem Begin a décrit les privations de sommeil qu’il a subi, dans une prison soviétique, dans les années 40 : “Dans la tête d’un prisonnier interrogé, un brouillard commence à se former. Son esprit est fatigué à en mourir, ses jambes flageolent, et il n’a qu’un unique désir : dormir, dormir juste un peu, ne pas se lever, se coucher, se reposer, oublier... Toute personne qui connaît cette envie sait aussi qu’il n’y a de comparaison possible ni avec la faim, ni avec la soif... J’ai connu des prisonniers qui ont signé ce qu’ils étaient obligés de signer, seulement pour avoir ce que l’interrogateur leur avait promis. Il ne leur avait pas promis la liberté. Il leur avait promis – s’ils signaient – de pouvoir dormir sans être interrompu !”  
 
• L’année dernière, le Washington Times a fait état que “certaines techniques de torture les plus craintes”, d’après les survivants du goulag nord coréen, “étaient étonnement banales : les gardiens obligeaient les prisonniers à se tenir debout sans bouger pendant des heures, ou les obligeaient à faire des exercices répétés, comme se lever et puis s’asseoir, jusqu’à ce qu’ils s’écroulent de fatigue.” (“Nightmares from the North; Korean son recounts life in dictatorship” (Les Cauchemars du nord ; un fils coréen raconte sa vie sous la dictature), Benjamin Hu, The Washington Times, 30 Avril 2004)  
 
• Dans L’Archipel Goulag (The Goulag Archipelago) Alexander Solzhenitsyn décrit les interrogatoires soviétiques, y compris les cas de station forcée en position debout et la privation de sommeil : “Ensuite, il y a la méthode de contraindre un prisonnier à simplement se tenir debout.” Une des autres techniques utilisées pour “casser” les prisonniers était de les obliger à rester dans une position fixe pendant longtemps. “Dans le Novocherkassk NKVK, Yelena Strutinskaya a été forcée à rester assise sur un tabouret dans le couloir pendant six jours, dans une telle position qu’elle ne pouvait s’appuyer sur rien, ne dormait pas, ne tombait pas, et ne se levait pas.” Solzhenitsyn décrit aussi les privations de sommeil utilisées, en 1952, sur une prisonnière qui s’appelait Anna Skripnikova. “[Le] chef du département d’enquête de l’administration de sécurité de l’Etat d’Ordzhonikidze lui a dit, “Le médecin de la prison dit que tu as une tension de 240/120. C’est trop bas, salope ! On va la pousser jusqu’à 340 pour que tu casses ta pipe, vipère, et sans bleus ni marques ; pas de tabassage, pas d’os cassés. On va simplement t’empêcher de dormir.” Et si, de retour dans sa cellule, après une nuit passée à l’interrogatoire, elle fermait ses yeux, le gardien se précipitait dans la cellule, et criait : “Ouvre tes yeux, sinon, je te traînerai par les pieds, et t’attacherai sur le mur debout.”” D’ailleurs, Solzhenitsyn écrit : “le manque de sommeil... embrouille la raison, sape la volonté, et l’être humain cesse d’être soi-même, d’être son propre ‘moi’.”  
 
• En 1951, William N. Oatis était tenu en détention en Tchécoslovaquie, accusé d’espionnage alors qu’il travaillait comme chef du bureau Associated Press à Prague. Il était innocent, mais il avait signé une fausse confession après avoir été détenu et interrogé pendant six jours. Il avait été tenu éveillé pendant plus de 40 heures, après quoi il avait signé la confession. Il a décrit son épreuve dans Life Magazine. “[Après 40 heures de privation de sommeil:] La pièce tournait. Je n’arrivais pas à forcer mes yeux – ni mon cerveau – à rester focalisé. Je voulais du temps pour réfléchir. Je savais que cela pouvait être une étape importante, même mortelle : si je signais, je faisais une confession pour quelque chose que je n’avais pas fait. Je voulais considérer ce que cela me ferait de signer ce document ou de refuser de le faire. Mais, il y avait quelque chose que je voulais davantage. C’était dormir. J’étais resté éveillé pendant 42 heures. Pendant ce temps, presque sans cesse, j’avais été interrogé, intimidé, et réprimandé. Je tombais de fatigue. Mes yeux se fermaient constamment, et mon cerveau fonctionnait à vide. Mon avenir était peut-être en jeu, mais l’avenir doit s’occuper de lui-même. Demain était un autre jour. C’était ce soir qui me préoccupait. Je devais y mettre fin d’une manière ou d’une autre. Il ne me restait qu’une façon de le faire, et c’était de signer la confession. Alors, je l’ai signée. Les 42 heures m’avaient achevé. J’étais allé chez du personnel de l’ambassade pour qu’ils m’aident sur mon reportage officieux, une procédure suivie par les journalistes dans le monde entier, mais maintenant, j’ai avoué le contraire. J’ai signé un papier confessant que je suis allé à l’ambassade pour livrer des informations, plutôt que de les obtenir. Je n’ai pas choisi d’abandonner la vérité – on a choisi à ma place...”  
 
• Dans La Grande Terreur (The Great Terror), un livre sur l'Union soviétique durant le règne de Staline, l'auteur Robert Conquest décrit comment les détenus étaient obligés de se tenir debout et étaient privés de sommeil: “Les interrogatoires avaient généralement lieu pendant la nuit, juste après avoir réveillé l'accusé– souvent quinze minutes seulement après qu'il se soit endormi. Les lumières aveuglantes durant l'interrogatoire avaient un effet désorientant.” Conquest cite un prisonnier tchèque, Evzen Loebl, qui témoigna qu'il “était obligé de rester debout dix-huit heures par jour, dont seize consacrées aux interrogatoires. Durant la période de six heures de sommeil, le gardien martelait la porte toutes les dix minutes, suite à quoi Loebl devait en un bond se mettre au garde-à-vous et déclarer, ‘Détenu n°1473 au rapport: détenu de force niveau un, tout est en ordre.’ En d'autres mots, il était ‘réveillé trente ou quarante fois par nuit.’ Si le martèlement ne le réveillait pas, un coup de pied du gardien s'en chargeait. Après deux ou trois semaines, ses pieds étaient enflés et chaque centimètre de son corps lui faisait mal au moindre contact; même le simple acte de se laver devenait une torture.”  
 
• Dans Goulag: une histoire (Gulag: A History), un autre livre d'histoire sur l'Union soviétique, Anne Applebaum décrit “le ‘test de la position debout’ – on ordonnait aux prisonniers de se tenir debout, face au mur, sans bouger. L'un d’eux, le graveur P., âgé de plus de cinquante ans et plutôt corpulent, était resté debout durant six jours et demi. Il n'avait reçu ni nourriture ni boisson, et n'avait pas été autorisé à dormir.” Applebaum poursuit: “Toutefois la punition la plus commune était simplement de priver les prisonniers de sommeil: cette forme de torture, d'une simplicité illusoire et qui ne sembler exiger aucune approbation spéciale à l'avance, était surnommée, par les prisonniers, ‘être mis sur le tapis roulant’ et pouvait durer plusieurs jours ou semaines. La méthode était simple: les prisonniers étaient interrogés durant toute la nuit, et après on leur interdisait de dormir durant la journée.”  
 
L'exposition au froid  
 
• Robert Conquest, auteur de l'ouvrage précité La Grande Terreur, cite un prisonnier polonais, détenu dans un camp soviétique en 1945, évoquant les effets de la privation de sommeil et de la faim: “Le froid, la faim, la lumière brillante et surtout le manque de sommeil. Le froid n'est pas extrême. Mais quand la victime est affaiblie par la faim et par le manque de sommeil, alors les six ou sept degrés au-dessus du point de congélation la font trembler en permanence… Après deux ou trois semaines, je me trouvais dans un état à demi conscient. Après cinquante ou soixante interrogatoires dans le froid, avec la faim et presque sans sommeil, un homme devient comme un automate – ses yeux brillent, ses jambes sont enflées, ses mains tremblent. Dans cet état, il est souvent convaincu de sa propre culpabilité.”  
 
• Applebaum écrit: “Ceux qui s'obstinaient et refusaient d'avouer pouvaient être enfermés dans une ‘cellule punitive’ particulièrement dure, où il faisait soit très chaud, soit très froid. Ce fut le cas de Hava Volovich, qui dans ses mémoires relata qu'elle fut aussi privée de sommeil par son interrogateur durant cette période: ‘Je n'oublierai jamais cette première expérience du froid en prison. Je ne peux pas la décrire; j'en suis incapable. J'étais tiraillée d'un côté par le sommeil, de l'autre par le froid. ’”  
 
Le “Waterboarding”  
 
• Le “waterboarding”, au cours duquel ceux qui mènent l’interrogatoire versent de l’eau sur la tête du détenu, ou bien l’immergent, jusqu’à ce que ce dernier ait l’impression d’étouffer et de se noyer, a pour but de faire croire à la victime qu’elle est sur le point de mourir, et s’apparente ainsi à un simulacre d’exécution. Cette “technique”, largement utilisée dans les années 70 et 80 en Amérique du sud et en Amérique centrale, a été qualifiée de “torture” par plusieurs cours des droits de l’homme et plusieurs tribunaux nationaux.  
 
• En novembre 2004, au Chili, la Commission nationale sur la torture et l’emprisonnement politique fit paraître un rapport décrivant la pratique du “submarino” au début des années 70. On peut lire, parmi les témoignages: “Un homme, détenu en septembre 1973: … [I]ls m’ont mis du coton dans les yeux, qu’ils ont recouvert d’une bande adhésive, puis une capuche noire serrée au niveau du cou, ils m’ont solidement attaché les mains et les pieds, puis ils m’ont plongé dans une de ces citernes d’essence de 250 litres remplie d’ammoniaque, d’urine, d’excréments et d’eau de mer; Ils me maintenaient de la sorte sous la surface, jusqu’à ce que je ne puisse plus retenir ma respiration et que mes poumons commencent à se remplir, et ils recommençaient, sans trêve, me frappant et me questionnant au passage, c’était ce qu’ils appelaient, dans [l’univers de] la torture, le fameux sous-marin.”  
 
 
Dénonciation des techniques de torture à travers le monde par le département d’Etat américain  
 
Le département d’Etat américain a condamné, en tant que torture ou autre traitement inhumain, beaucoup des techniques qu’aurait utilisées la C.I.A. en Irak, en Afghanistan, et sur des lieux secrets de détention situés dans d’autres pays. On trouvera ci-dessous une liste partielle des pays critiqués par le rapport annuel du département d’Etat,“rapport annuel sur les droits de l'homme dans le monde”, pour leur utilisation de ces techniques d’interrogatoire en 2000, 2001 et 2002.  
 
Pays et méthodes employées:  
 
Birmanie: Selon le rapport du département d’Etat, le régime militaire de Birmanie “a soumis les détenus, de façon routinière, à des techniques d’interrogatoire très dures visant à intimider et à déstabiliser.” La liste de ces techniques comprend l’obligation de s’asseoir ou de rester dans une position inconfortable pendant une longue durée et, selon les rapports des années 2000 et 2001, la privation de sommeil et de nourriture, ainsi que des interrogatoires interminables sous un éclairage très intense.  
 
Egypte: Les rapports évoquaient le dénuement et le bandage des yeux des prisonniers parmi les principales méthodes de torture utilisées par les autorités égyptiennes.  
 
Erythrée: Le rapport du département d’Etat signalait que le gouvernement érythréen s’était “rendu coupable de sérieuses entorses aux règlements des droits de l’homme,” et avait pratiqué des techniques de torture, comme l’exposition prolongée au soleil par grande chaleur et le ligotage des pieds et des mains durant de longues périodes.  
 
Iran: Selon le rapport, les méthodes communes de torture utilisées contre les opposants politiques en Iran étaient la privation de sommeil et la pendaison pendant de longues périodes dans des positions tordues.  
 
Irak: Les services de sécurités irakiens, sous le régime de Saddam Hussein, utilisaient régulièrement le supplice de la privation de nourriture et d’eau.  
 
Jordanie: Le département d’Etat rapporte que la police jordanienne et les forces de sécurité prétendent engager des actes de torture, incluant l’emploi de la privation de sommeil et la mise en confinement solitaire.  
 
Israël: Selon les écrits du département d’Etat, les groupes des droits de l’homme en Israël rapportaient que les troupes de défense israéliennes continuaient à utiliser des méthodes d’interrogatoire interdites par une décision de la Cour suprême de Justice d’Israël prise en 1999. Avant cette décision, les officiers de sécurité avaient l’autorisation d’employer “une pression modérée, physique et psychologique" pendant les interrogatoires. Un exemple de la “pression” utilisée était les violentes secousses. Le département d’Etat a déclaré que ces pratiques “conduisaient souvent aux excès.”  
 
Libye: D’après le département d’Etat, les autorités de Libye enchaînaient généralement les détenus aux murs pendant des heures et les privaient d’eau et de nourriture.  
 
Pakistan: Dans le rapport, le département d’Etat s’est aperçu que l’isolation prolongée et l’interdiction de nourriture ou de sommeil étaient des pratiques de torture courantes.  
 
Arabie Saoudite: Le département d’Etat a noté que les officiels d’Arabie Saoudite, originalement du Ministère de l’Intérieur, utilisaient les privations de sommeil comme tactique d’interrogatoire.  
 
Tunisie: Le département d’Etat a déclaré que les tactiques telles que la privation de nourriture ou de sommeil, ou bien le confinement dans une cellule minuscule et sombre, étaient des actes couramment utilisés en Tunisie.  
 
Turquie: Le département d’Etat a indiqué que la torture était une pratique régulière en Turquie. D’après le rapport mondial de 2001, quelques-unes des méthodes de torture employées par les forces de sécurité turques comprennent la position debout prolongée et l’isolation.  

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