I. Résumé

A la fin du mois de novembre 2006, deux séries d’incidents comprenant des meurtres et des exécutions extrajudiciaires présumées, ont mis en lumière les tensions existantes dans certaines parties du Rwanda et risquant d’aggraver davantage les relations entre groupes ethniques. Ces incidents ont eu lieu six mois après le début des procès tenus dans tout le pays par les juridictions gacaca à l’encontre de personnes accusées d’avoir participé au génocide de 1994. Lors d’incidents, un rescapé du génocide, le neveu d’un juge gacaca, a été tué et huit  autres personnes, dont des enfants, ont ensuite été assassinées en représailles. Au cours d’une autre série d’incidents, le meurtre d’un juge gacaca a été suivi de l’exécution extrajudiciaire présumée de trois suspects détenus par la police.

Au cours des dernières années, des dizaines de rescapés du génocide et d’autres personnes impliquées dans le fonctionnement des gacaca ont été tués.1 Les organisations de rescapés, les organisations de défense des droits humains, les responsables officiels rwandais et la presse ont à juste titre exprimé leurs inquiétudes quant à la sécurité des rescapés et des témoins dans les procédures judiciaires. A la mi-2006, le gouvernement a mis en place un bureau de protection des témoins. Par ailleurs, à la fin du mois de décembre, le Président Paul Kagamé et d’autres dirigeants ont réclamé des mesures plus sévères non seulement à l’encontre des agresseurs mais aussi  des dirigeants locaux des communautés où les rescapés sont attaqués.

Les meurtres commis en représailles fin novembre représentent une évolution préoccupante, car dans le passé les rescapés de génocide se sont rarement fait justice eux-mêmes.  

Human Rights Watch s’inquiète du fait que la réponse officielle à ces incidents ne soit pas encore suffisamment complète ou impartiale. Comme ce rapport le présente de façon détaillée, les autorités ont arrêté les auteurs présumés de trois meurtres sur quatre, mais dans le cas du meurtre commis en représailles, la police a arrêté seulement certaines des personnes désignées par des témoins oculaires. De plus, l’enquête sur l’exécution extrajudiciaire présumée des trois hommes détenus par la police a été menée par un organisme de police, et non par un organisme externe indépendant. Sur la base d’informations apparemment incomplètes, l’enquête a conclu que les policiers avaient tué ces hommes en état de légitime défense.

Les réponses officielles en pareils cas – tant les actions policières que les déclarations des dirigeants politiques – peuvent aussi bien rassurer que générer d’autres inquiétudes.

Les responsables rwandais doivent lancer des enquêtes et des poursuites rapides, efficaces et impartiales dans tous ces cas de figure, à savoir le meurtre de rescapés du génocide, le meurtre de participants au système des gacaca, les meurtres commis en représailles, et les exécutions extrajudiciaires présumées. De telles actions sont essentielles pour établir un état de droit et pour la stabilité sociale —particulièrement cruciale dans une période de tensions croissantes, alors que le Rwanda cherche à traduire en justice des centaines de milliers de coupables présumés des crimes commis en 1994.



1 Au moment où ce rapport était révisé en vue de sa publication, la presse a signalé le meurtre de Landuardi Bayire, un rescapé qui était aussi président de la juridiction gacaca locale et président de l’organisation locale de rescapés. “Another Gacaca Judge Murdered”, The New Times, http://www.Newtimes.co.rw/index.php?option+com_content&task=view&id=56&itemid=1, 2 janvier 2007 (consulté le 2 janvier 2007).