« Bien loin de la réconciliation »

Répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d’Ivoire

« Bien loin de la réconciliation » 

Répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d’Ivoire

Cartes
Résumé
Recommandations
Méthodologie
Contexte
Crise postélectorale
Menaces permanentes pour la sécurité
Réponse du Libéria et du Ghana
I. Torture, mauvais traitements, conditions inhumaines dans le camp de la police militaire d’Adjamé
Torture et traitements inhumains
II. Arrestations arbitraires massives, détention illégale et actes d’extorsion
Camp de la BAE à Yopougon
Arrestations arbitraires
Détentions arbitraires, traitements inhumains
Actes criminels commis par les FRCI lors des arrestations et des périodes de détention
Le prix de l’impunité : « Ben Laden » et les violations des droits humains récurrentes
Abus liés à la détention et extorsion au camp militaire de Dabou
Lieux de détention illégaux et difficultés d’accès pour les familles et les observateurs
Marginalisation de la police et des gendarmes
Impact sur la réconciliation, réponse du gouvernement
Remerciements
Annexe I : Courrier de Human Rights Watch au gouvernement ivoirien
Annexe II : Réponse du directeur de cabinet de la présidence ivoirienne
Annexe III : Réponse du ministre ivoirien des Droits de l’Homme et des Libertés publiques

Cartes

Côte d’Ivoire. © 2010 John Emerson / Human Rights Watch

Abidjan. © 2012 John Emerson / Human Rights Watch

Résumé

Alors qu’elle émerge d’une décennie agitée par des violences liées aux élections et des atteintes graves aux droits humains, la Côte d’Ivoire est confrontée à une réelle menace pour sa sécurité nationale. Une série d’attaques apparemment coordonnées et bien organisées contre les forces de sécurité entre août et octobre 2012 a suivi des raids précédents le long de la frontière libéro-ivoirienne qui visaient des civils. Depuis avril 2012, au moins 50 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées pendant ces attaques. Des milliers d’autres personnes ont été chassées de leurs domiciles. Malheureusement, la réponse de l’État à cette menace, mise en œuvre essentiellement par les militaires, a été marquée par des arrestations et des détentions arbitraires généralisées, par des abus en détention, dont des actes de torture, et par des actes criminels contre la population civile.

Au mois d’août, sept attaques contre des installations militaires ont eu lieu, dont en particulier un raid mortel sur l’une des plus importantes bases militaires du pays, au cours duquel les attaquants se sont emparés d’un stock d’armes considérable. Après une brève accalmie, des attaques distinctes à Abidjan et le long de la frontière ivoiro-ghanéenne ont eu lieu le 21 septembre, conduisant les autorités ivoiriennes à fermer pendant une courte durée sa frontière avec le Ghana. La frontière avec un autre État voisin de la Côte d’Ivoire, le Libéria, reste partiellement fermée depuis une série d’attaques transfrontalières organisées depuis le Libéria en Côte d’Ivoire entre juillet 2011 et juin 2012, atteignant son paroxysme lors d’une attaque le 8 juin dans laquelle sept Casques bleus des Nations Unies et au moins dix civils ont été tués.

Les autorités ivoiriennes n’ont pas tardé à mettre ces attaques sur le compte des militants toujours fidèles à l’ancien président Laurent Gbagbo, désormais inculpé devant la Cour pénale internationale à La Haye pour crimes contre l’humanité. Bon nombres des alliés militaires et civils de Gbagbo restent exilés au Ghana et au Libéria. Les précédentes recherches de Human Rights Watch ont révélé l’existence de liens entre ces militants dans le cadre du recrutement et de l’organisation des raids transfrontaliers meurtriers depuis le Libéria en Côte d’Ivoire. La nature de certaines des attaques les plus récentes, associée à des preuves crédibles supplémentaires, conforte la théorie du gouvernement ivoirien selon laquelle bon nombre des attaques semblent avoir été menées par des militants pro-Gbagbo.

Bien que la Côte d’Ivoire soit confrontée à une menace sécuritaire légitime, les forces de sécurité ivoiriennes, et en particulier les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (connues sous l’abréviation FRCI) qui constituent l’armée nationale, ont commis de multiples violations des droits humains en réponse à ces attaques, notamment des arrestations arbitraires massives, des détentions illégales, des actes d’extorsion, des traitements cruels et inhumains et, dans certains cas, des actes de torture. Les jeunes provenant de groupes ethniques majoritairement pro-Gbagbo sont tous trop souvent traités comme si, selon les propos d’une personne interrogée par Human Rights Watch, ils étaient « tous coupables jusqu’à ce que leur innocence soit prouvée ».

S’appuyant sur une mission de recherche de trois semaines en Côte d’Ivoire entre la fin du mois d’août et le début du mois de septembre 2012, ce rapport se concentre essentiellement sur la répression par les forces de sécurité dans le quartier abidjanais de Yopougon et dans la ville de Dabou, à environ 40 kilomètres à l’ouest d’Abidjan. La majorité des abus documentés se sont déroulés dans trois camps militaires : la base de la police militaire dans le quartier d’Adjamé à Abidjan, l’ancienne base de la brigade anti-émeute (désignée par l’abréviation BAE) à Yopougon, désormais contrôlée par les militaires, et un camp militaire à Dabou.

Les Forces républicaines ont été créées par un décret du président Alassane Ouattara en mars 2011, au plus fort de la crise postélectorale, et étaient alors composées pour l’essentiel de combattants du groupe rebelle Forces nouvelles qui a contrôlé le nord de la Côte d’Ivoire de 2002 à 2010. Après l’arrestation de Gbagbo en avril 2011, les FRCI ont été confrontées à la lourde tâche de réunir les combattants qui se battaient dans chaque camp du conflit postélectoral qui a fait au moins 3 000 morts. La suspicion entre les anciens belligérants reste profonde, exacerbée par la conviction généralisée qu’au moins une des récentes attaques a reçu le soutien d’individus au sein des FRCI toujours loyaux à Gbagbo. Par conséquent, l’intégration complète dans l’armée officielle des forces restées sous le commandement de Gbagbo pendant la crise progresse très peu. Dix-huit mois après la fin du conflit, une réforme réussie du secteur de la sécurité semble lointaine.

Dans ce contexte, la mise en place d’une réponse mesurée et professionnelle à la menace pour la sécurité a été compromise par la concentration du pouvoir entre les mains d’anciens commandants des Forces nouvelles, y compris de combattants « volontaires » sous leurs ordres qui ne font pas formellement partie de l’armée ivoirienne. La police et la gendarmerie, chargées selon la loi ivoirienne de faire face aux menaces à la sécurité interne, ont été largement marginalisées. Les responsables ivoiriens sont prompts à faire observer que Gbagbo a noyauté ces forces avec ses partisans. La police judiciaire, qui est légalement chargée d’arrêter et d’interroger les suspects civils et d’exécuter les mandats de perquisition, n’a joué aucun rôle dans la grande majorité des arrestations et des interrogations documentées par Human Rights Watch aux lendemains des attaques d’août. Au lieu de cela, ce sont les FRCI qui ont presque exclusivement mené les fouilles dans les quartiers, les arrestations, les interrogatoires et les détentions. Elles ont détenu des civils dans des sites, à savoir des camps militaires, où la détention d’aucun civil n’est autorisée, indépendamment du crime présumé.

Dans les semaines qui ont suivi l’attaque du 6 août contre le camp militaire d’Akouédo à Abidjan, les forces de sécurité ivoiriennes ont arrêté des centaines de personnes. Certaines arrestations ont eu lieu en flagrant délit ou sur la base de renseignements, alors que d’autres ont eu lieu au cours de rafles massives de jeunes hommes issus de groupes ethniques qui soutenaient majoritairement Gbagbo pendant l’élection de 2010.

Plus de 100 personnes, dont des civils et des militaires qui sont restés fidèles aux forces pro-Gbagbo pendant la crise, ont été envoyées au camp de la police militaire à Adjamé. Beaucoup d’entre elles ont été soumises à des mauvais traitements sévères. Human Rights Watch a interrogé cinq victimes de tortures, qui ont décrit avoir été battues brutalement alors que les soldats exigeaient qu’elles signent des aveux ou fournissent des « renseignements » sur l’emplacement d’armes ou sur d’autres personnes supposées être impliquées dans les attaques. Plusieurs des victimes de tortures avaient des cicatrices physiques suite aux coups portés avec des ceintures, des gourdins et des fusils, et ont affiché un trouble émotionnel important alors qu’elles relataient leurs expériences en détention. Ces victimes ont décrit avoir vu des dizaines d’autres détenus qui semblaient avoir été eux aussi soumis à des violences physiques graves. Les soldats ont menacé de violer et de tuer la femme d’un soldat qui était détenu pour le faire parler.

Les conditions de détention dans le camp d’Adjamé ont aussi contribué à la nature inhumaine des traitements. Un civil détenu au camp a raconté qu’il avait été jeté dans une salle remplie d’excréments et forcé d’y passer la nuit parce que les interrogateurs étaient mécontents de ses réponses. Il a expliqué que ce châtiment était utilisé à de nombreuses reprises. Plusieurs anciens détenus ont décrit avoir été enfermés dans des pièces surpeuplées. Un soldat détenu après l’attaque d’Akouédo a la manière dont il a commencé à « délirer » du fait des coups permanents et de la privation quasi totale de nourriture et d’eau.

La torture en tant que telle ne semblait pas être systématique, car plusieurs autres anciens détenus au camp de police militaire d’Adjamé n’ont décrit que des abus physiques minimaux. Cependant, l’échelle et la nature des abus indiquent qu’au moins certains anciens combattants des Forces nouvelles continuent à perpétrer des crimes graves en périodes de tensions.

Les arrestations arbitraires massives de partisans présumés pro-Gbagbo se sont produites presque quotidiennement à Yopougon pendant le mois d’août et à Dabou au moins jusqu’au 11 septembre. Les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement des jeunes hommes à leur domicile, dans des maquis (restaurants de quartier), dans des bars, dans des taxis et des autobus, lorsqu’ils rentraient de l’église et lors de célébrations de communauté traditionnelles. Les soldats arrivaient souvent dans les quartiers en camions militaires et obligeaient au moins 20 jeunes hommes supposés pro-Gbagbo à monter dans les camions. Au total, des centaines de jeunes semblent avoir été arrêtés et détenus essentiellement sur la base de leur ethnicité et de leur lieu de résidence.

Les détenus recevaient fréquemment des coups pendant les arrestations et lorsqu’ils étaient conduits ensuite vers les sites de détention, généralement des lieux de détention non autorisés, en particulier des camps militaires, où des civils étaient détenus en violation de la loi ivoirienne et du droit international. Les conditions de détention dans ces camps militaires étaient souvent inhumaines, avec des détenus tellement nombreux dans chaque pièce qu’ils ne pouvaient pas s’allonger. D’anciens détenus ont raconté qu’ils ne recevaient généralement pas de nourriture ni d’eau et qu’ils devaient, pour survivre, partager ce que les membres des familles de quelques détenus avaient réussi à leur faire passer par l’intermédiaire d’un garde. La surpopulation était tellement importante dans certains sites que, les cellules étant déjà surchargées, les autres détenus passaient régulièrement la nuit dehors en plein air ; les détenus ont décrit que, certaines nuits, les soldats marchaient à côté d’eux et donnaient des coups de pied ou de fusil à ceux qui essayaient de dormir.

Presque toutes les personnes interrogées ont indiqué que les membres des forces de sécurité, en particulier des FRCI, ont perpétré des actes criminels. Pendant les rafles et les arrestations massives dans les quartiers, des soldats ont volé de l’argent liquide et des objets de valeur comme des téléphones portables, des ordinateurs et des bijoux, aux domiciles des personnes. Dans plusieurs camps militaires servant de lieux de détention à Abidjan et aux alentours, les anciens détenus ont expliqué que les soldats exigeaient ensuite de l’argent—jusqu’à 150 000 francs CFA (300 USD) dans certains cas—afin de garantir la libération d’une personne. Les victimes ont décrit une opération de sécurité qui semblait se transformer en un système d’extorsion lucratif. Plusieurs anciens détenus ont raconté à Human Rights Watch qu’on ne leur avait même pas demandé leur nom, encore moins interrogés. Ils ont expliqué qu’ils ont simplement été détenus plusieurs jours dans des conditions misérables avant d’être obligés à verser de l’argent aux soldats en échange de leur liberté. Ils se sont plaints amèrement des conséquences de ces sommes versées sur leurs moyens d’existence.

Bon nombre des pires abus associés aux arrestations massives ont été commis sous le commandement d’Ousmane Coulibaly, connu sous son nom de guerre « Ben Laden ». Coulibaly était le commandant de l’ancien camp de la BAE à Yopougon de mai 2011 jusqu’à la fin du mois de septembre 2012, et a aussi été placé à la tête des opérations menées à Dabou après l’attaque du 15 août dans cette ville. Dans les deux localités, Human Rights Watch a documenté des arrestations arbitraires généralisées, des traitements inhumains fréquents à l’encontre des détenus et des cas d’extorsion d’argent par les soldats sous les ordres de Coulibaly. Dans un rapport datant d’octobre 2011 sur les violences postélectorales, Human Rights Watch a désigné Coulibaly comme l’un des dirigeants des FRCI sous le commandement duquel les soldats avaient commis des dizaines d’exécutions sommaires et des actes de torture fréquents pendant la bataille finale pour Abidjan en avril et mai 2011. Les abus continus commis par ses forces révèlent les conséquences de l’impunité pour les forces liées au gouvernement.

Alors que les hauts responsables du gouvernement interrogés par Human Rights Watch ont admis qu’il y a eu quelques excès dans la réponse des forces de sécurité aux attaques du mois d’août, ils ont souligné que ces abus devaient être perçus dans le contexte de la gravité de la menace ainsi que de la détermination des attaquants à ramener le pays en situation de conflit. Ces responsables ont insisté sur la nécessité de solidarité avec les militaires face aux attaques meurtrières. Le ministre de l’Intérieur et le ministre des Droits de l’Homme ont tous deux promis d’inspecter les camps militaires identifiés par Human Rights Watch comme étant le théâtre d’abus et d’appeler les commandants militaires à respecter les garanties de procédure régulière et à traiter les détenus humainement. Ces engagements doivent être suivis d’enquêtes menées par le bureau du procureur de la République sur les cas de torture. De plus, le gouvernement ivoirien devrait faire en sorte que les observateurs des organisations ivoiriennes et internationales puissent accéder sans restriction aux installations de détention de façon ponctuelle et inopinée.

Les autorités de justice criminelle ivoiriennes ont la responsabilité d’interroger, d’arrêter et de détenir des individus suspectés d’être impliqués dans la planification, le financement et l’exécution des attaques contre les militaires. Mais en recourant à des tactiques qui violent les droits des détenus et qui semblent viser des personnes essentiellement en raison de leur ethnicité et de leur orientation politique présumée, les forces de sécurité ivoiriennes risquent d’alimenter les divisions ethniques et politiques qui sont à l’origine de ces attaques. Ces abus ajoutent à la frustration déjà existante du côté de la société civile ivoirienne et des anciens partisans de Gbagbo face au fait que les forces militaires liées au parti au pouvoir restent largement au-dessus de la loi. Bien que les forces armées des deux camps de la crise postélectorale aient été impliquées dans des crimes graves, y compris des crimes de guerre et de probables crimes contre l’humanité, les arrestations et les poursuites judiciaires ont jusqu’à présent visé uniquement le camp Gbagbo.

Pendant dix ans, les anciens combattants des Forces nouvelles ont agi en toute impunité malgré leur implication répétée dans des crimes graves depuis le conflit armé de 2002-2003. Le président Alassane Ouattara et son gouvernement doivent tenir leurs promesses maintes fois répétées de mettre fin à l’impunité et de s’assurer que les soldats impliqués dans des actes de torture ou de traitement inhumain ou supervisant de tels actes soient renvoyés de l’armée et soumis à des poursuites judiciaires.

La justice des vainqueurs et les abus généralisés contre des partisans de Gbagbo présumés ne constituent pas la bonne voie pour restaurer la règle de droit. Au contraire, c’est la voie qui risque de replonger la Côte d’Ivoire dans le conflit, avec toutes les violations graves des droits humains qui ont marqué la dernière décennie. Les autorités ivoiriennes doivent reconnaître le prix de l’impunité persistante et sanctionner les soldats, quel que soit leur rang, impliqués dans des atteintes aux droits humains. Comme un président d’une organisation de la société civile ivoirienne l’a déclaré à Human Rights Watch, « L’impunité d’aujourd’hui est le crime de demain... Tant que l’impunité existera pour [ceux qui sont liés au gouvernement], il n’y aura pas de paix durable. »

Recommandations

Au président, au ministre de la Défense par intérim et au ministre de l’Intérieur

  • Garantir une enquête prompte, juste et transparente sur les allégations de torture et de traitements cruels et inhumains. Mettre en congé administratif tout soldat ou tout responsable de l’application des lois contre lequel il existe des preuves crédibles démontrant qu’il a ordonné, exécuté ou permis des actes de torture et des mauvais traitements.
  • Charger le bureau du procureur de la République d’enquêter de manière approfondie, impartiale et prompte sur toutes les allégations de torture à l’encontre des responsables de l’application des lois, quel que soit leur rang et indépendamment du fait que la victime ou la famille ait formellement déposé une plainte.
  • Prendre instamment des mesures pour permettre la visite indépendante des lieux de détention par des représentants d’organisations humanitaires et de défense des droits humains, des avocats, des professionnels de santé et des membres des associations du barreau local. Accorder un accès total aux observateurs internationaux et ivoiriens des conditions de détention, notamment la possibilité de s’entretenir avec les détenus en toute confidentialité.
  • Cesser immédiatement toute détention de civils dans des camps militaires. S’assurer que chaque civil arrêté est rapidement conduit à un poste de police ou de gendarmerie, même dans les cas où les militaires ont participé à tort à une arrestation.
  • Faire en sorte que, conformément à la loi ivoirienne et au droit international, toute personne arrêtée comparaisse devant un juge dans les 48 heures pour examiner la légalité de sa détention et les charges à son encontre. Libérer la personne si aucune charge spécifique n’est présentée rapidement.
  • Veiller à ce que les arrestations et les fouilles de domiciles soient exécutées conformément à la loi ivoirienne et aux normes internationales. En particulier, veiller à ce que les arrestations aient lieu sur la base d’un flagrant délit ou d’un mandat d’arrêt, plutôt que dans le cadre de rafles massives s’appuyant sur une suspicion collective des partisans supposés de l’ancien président.
  • S’assurer que les interrogatoires sont réalisés uniquement dans des lieux reconnus par la loi comme des lieux officiels. S’assurer que les civils sont interrogés uniquement par les services des ministères de la Justice ou de l’Intérieur légalement autorisés pour cela, plutôt que par des membres de l’armée.
  • Réinstaurer les mesures qui s’étaient avérées fructueuses visant à mettre fin à l’extorsion aux points de contrôle par les forces de sécurité. Sanctionner tout membre des forces de sécurité impliqué dans la gestion d’un point de contrôle illégal ou dans des actes d’extorsion.
  • Rétablir progressivement la police et la gendarmerie comme autorités principales en matière de sécurité interne, notamment en fournissant une assistance matérielle suffisante pour que ces forces puissent réaliser les fonctions de sécurité essentielles. Lorsque des militaires sont impliqués dans des rafles ou des patrouilles dans des quartiers, s’assurer que cela est effectué en collaboration avec la police ou la gendarmerie, pour contrôler les abus potentiels et établir la confiance entre les différentes forces de sécurité.
  • Fournir régulièrement aux membres des familles de personnes détenues des informations sur l’endroit actuel de détention. Si une personne est transférée vers un autre site de détention, en informer la famille aussi vite que possible.

À l’Assemblée nationale

  • Ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et mettre en œuvre le protocole en créant un organisme national indépendant chargé d’effectuer des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de détention.

Aux gouvernements ghanéen et libérien

  • Arrêter et poursuivre en justice ou extrader les individus sous le coup d’un mandat d’arrêt international sur la base de preuves liant la personne à des crimes graves commis pendant la crise postélectorale ou aux récentes attaques en Côte d’Ivoire, en tenant compte du respect par les autorités ivoiriennes de la Convention des Nations Unies contre la torture.

Aux États membres de l’Union européenne

  • Conformément aux Orientations pour la politique de l’UE à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les États membres de l’UE doivent, par des démarches privées et des déclarations publiques, appeler instamment les autorités ivoiriennes à prendre des mesures efficaces contre la torture et les mauvais traitements, à traduire en justice les responsables d’actes de torture et de mauvais traitements et à fournir réparation aux victimes.
  • Conditionner une partie de l’aide au développement destinée à la réforme du secteur de la sécurité à la prise de mesures rapides par le gouvernement pour combler les lacunes en matière de respect des droits humains internationaux concernant les conditions de détention, en particulier la torture et les traitements inhumains.

Aux États-Unis et à l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI)

  • S’exprimer publiquement sur le besoin du gouvernement ivoirien de répondre aux menaces pour la sécurité par des mesures qui correspondent aux normes internationales en matière d’arrestations et de traitement des détenus. Souligner que les abus continus perpétrés par les forces de sécurité contre certaines populations ne feront qu’accroître les divisions qui menacent la capacité de la Côte d’Ivoire à sortir de cette décennie d’atteintes graves aux droits humains.
  • Discuter avec le gouvernement ivoirien de l’importance de garantir aux observateurs des conditions de détention l’accès total à tous les sites, y compris pour des visites inopinées, ponctuelles et pour s’entretenir individuellement avec les détenus dans un lieu confidentiel. En particulier, faire pression pour que des organisations ivoiriennes puissent participer à la surveillance de la détention, plusieurs d’entre elles ayant largement travaillé dans le passé sur les conditions dans les prisons.
  • Aider le gouvernement ivoirien à instaurer comme pratique standard dans tous les sites de détention l’établissement d’une liste complète de ceux qui sont ou ont été détenus ainsi que la date d’expiration de l’autorisation légale de maintien en détention.
  • Conditionner une partie de l’assistance fournie au gouvernement ivoirien à la prise de mesures rapides par le gouvernement pour combler les lacunes en matière de respect des droits humains internationaux concernant les conditions de détention, en particulier la torture et les traitements inhumains. Pour les États-Unis en particulier, veiller à ce qu’aucune assistance à la sécurité ne soit fournie à moins qu’une vérification approfondie garantisse que toutes les unités respectent les exigences de la loi Leahy, notamment que les autorités ivoiriennes démontrent leur volonté et leur capacité de prendre des mesures efficaces pour poursuivre en justice les soldats impliqués dans des crimes graves.
  • Travailler étroitement avec les gouvernements ivoirien, libérien et ghanéen pour garantir l’amélioration du partage d’informations, de la surveillance et de la coordination concernant l’arrestation et la poursuite en justice des personnes impliquées dans des crimes graves pendant la crise postélectorale ivoirienne et dans les attaques plus récentes en Côte d’Ivoire.

Méthodologie

Ce rapport s’appuie sur une mission de recherche de trois semaines menée en Côte d’Ivoire entre la fin du mois d’août et le début du mois de septembre 2012. Le travail a porté essentiellement sur la répression par les forces de sécurité dans le quartier de Yopougon à Abidjan et dans la ville de Dabou, à environ 40 kilomètres à l’ouest d’Abidjan.

Dans le cadre de ce travail sur le terrain, Human Rights Watch a interrogé 39 personnes qui ont été arrêtées et détenues en août ou en septembre 2012, ainsi que 14 témoins oculaires d’arrestations massives, de passages à tabac et d’autres abus. De plus, Human Rights Watch a mené des entretiens avec des conducteurs de véhicules de transport de marchandises et de passagers, des membres des familles de personnes toujours en détention, des chefs de file de la société civile ivoirienne, des représentants des organisations humanitaires, des représentants de la mission de maintien de la paix des Nations Unies en Côte d’Ivoire et des diplomates à Abidjan. Au total, Human Rights Watch s’est entretenu avec 84 personnes en lien avec la réponse des forces de sécurité aux attaques d’août.

Human Rights Watch a interrogé des victimes et des témoins dans des lieux choisis par ces derniers, y compris leur domicile, des églises et d’autres sites où ils se sentaient en sécurité pour parler ouvertement. Les victimes ont été identifiées grâce à des chefs de communauté, des voisins et d’autres victimes. Aucune mesure d’incitation n’a été proposée aux personnes interrogées pour discuter avec Human Rights Watch et il leur était possible de clore l’entretien à tout moment. Human Rights Watch n’a pas demandé à accéder aux sites de détention ; les informations contenues dans ce rapport s’appuient sur les entretiens avec des personnes détenues puis libérées. Human Rights Watch s’est abstenu de publier les noms des victimes et des témoins ou toute information permettant de les identifier afin de protéger leur vie privée et leur sécurité. La plupart des personnes interrogées ont parlé à la condition de ne pas être identifiées car elles craignaient des représailles de la part des militaires si ceux-ci venaient à apprendre qu’elles avaient parlé avec un chercheur de Human Rights Watch.

La description des événements s’appuie sur des informations corroborées par plusieurs sources directes, en particulier des victimes et des témoins oculaires. Avant de désigner un individu ou une unité de forces de sécurité comme responsable de certains crimes, Human Rights Watch s’est assuré que l’information était corroborée par plusieurs sources indépendantes, dont des victimes, des témoins et d’autres auteurs de violences présumés.

À l’issue de l’enquête sur le terrain en septembre, Human Rights Watch a fait part de ses conclusions principales au gouvernement ivoirien, notamment lors de réunions avec le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, et le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Gnénéma Coulibaly. Human Rights Watch apprécie l’ouverture constante du gouvernement quant aux réunions sur les questions des droits humains et salue les engagements pris par les deux ministres pour mener des enquêtes et répondre aux questions soulevées dans ce rapport.

Human Rights Watch a aussi adressé à Marcel Amon-Tanoh, directeur de cabinet de la présidence ivoirienne, un courrier daté du 8 octobre qui détaillait les conclusions principales du rapport et demandait une réponse officielle du gouvernement (voir Annexe I). M. Amon-Tanoh a transmis la demande au ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques (voir Annexe II), qui a répondu à Human Rights Watch le 1er novembre. Human Rights Watch a intégré les réponses du gouvernement dans le corps du rapport et a aussi inclus la réponse dans son intégralité à l’Annexe III.

Contexte

Dix-huit mois après les crimes horribles qui ont marqué la crise postélectorale, la Côte d’Ivoire continue d’être inondée par les armes légères et de subir des attaques internes et transfrontalières périodiques visant des cibles civiles et militaires. Ces menaces pour la sécurité se sont cristallisées dans une série d’attaques sur des installations militaires ivoiriennes en août 2012, après des attaques dans l’ouest de la Côte d’Ivoire organisées depuis le Libéria voisin. Les pays frontaliers de la Côte d’Ivoire à l’est et à l’ouest, le Ghana et le Libéria respectivement, ont souvent répondu de manière insuffisante à la présence sur leur territoire de personnes impliquées dans la planification et la réalisation de ces attaques. Cependant, la coopération s’est améliorée au cours des derniers mois, notamment de la part du Libéria.

Crise postélectorale

Après cinq ans de report de l’élection présidentielle, les Ivoiriens se sont rendus aux urnes le 28 novembre 2010 pour le second tour opposant le président sortant Laurent Gbagbo à l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara. Après que la commission électorale indépendante a annoncé la victoire d’Alassane Ouattara avec 54,1 pour cent des voix, résultat certifié par l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et reconnu par les organismes régionaux et des pays du monde entier, Laurent Gbagbo a refusé de quitter ses fonctions. [1] Six mois de violence s’en sont suivis, au cours desquels au moins 3 000 civils ont été tués et plus de 150 femmes violées, souvent lors d’attaques perpétrées pour des raisons politiques, ethniques et religieuses.

Pendant les trois premiers mois de la crise postélectorale, la vaste majorité des abus ont été commis par les forces de sécurité et les milices sous le commandement de Gbagbo. [2] Les forces pro-Ouattara [3] ont lancé une offensive militaire en mars 2011 pour prendre le contrôle du pays et, alors que la crise se transformait en véritable conflit armé, elles ont été elles aussi impliquées dans des atrocités. À la fin du conflit en mai 2011, les deux camps avaient commis des crimes de guerre et de probables crimes contre l’humanité, comme cela a été documenté par une commission d’enquête internationale sous mandat de l’ONU et par des organisations de défense des droits humains. [4] En août 2012, une commission nationale d’enquête mise en place par le président Ouattara a publié un rapport semblable qui documente des centaines d’exécutions sommaires et d’autres crimes commis par les forces armées des deux camps. [5] Cependant, malgré l’implication des deux camps dans des atrocités contre des civils, les autorités ont jusqu’à présent mis en examen uniquement des individus appartenant au camp Gbagbo pour des crimes liés à la crise postélectorale, d’où les préoccupations concernant une justice des vainqueurs qui ne fera qu’accroître les divisions politico-ethniques dans le pays. [6]

À la fin du conflit, plusieurs centaines de milliers de personnes avaient fui au Libéria ou au Ghana ; une majorité d’entre elles soutenaient Gbagbo ou étaient issues de groupes ethniques largement favorables à Gbagbo pendant l’élection 2010. Au mois de septembre 2012, plus de 60 000 personnes étaient toujours au Libéria et des milliers étaient au Ghana. [7] Beaucoup étaient des réfugiés qui ont été témoins ou victimes de crimes graves ou qui ont perdu leur domicile pendant les combats ; ils craignent de nouvelles exactions de la part des forces du gouvernement s’ils rentrent en Côte d’Ivoire. D’autres personnes en exil, cependant, sont liées aux crimes graves commis par les forces pro-Gbagbo pendant cette crise. Le Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria a rapporté qu’au moins des centaines de miliciens pro-Gbagbo qui ont joué un rôle actif dans les violences de 2010-2011 se trouvent parmi ceux qui vivent au Libéria. [8] Un certain nombre de personnes qui occupaient des postes de dirigeant ou de commandement civils et militaires sous Gbagbo se trouvent au Ghana. [9] Certains de ces militants pro-Gbagbo au Ghana et au Libéria semblent maintenant déterminés à utiliser un pays voisin comme base pour préparer et organiser des attaques en Côte d’Ivoire. [10]

Menaces permanentes pour la sécurité

Les attaques sporadiques le long de la frontière libéro-ivoirienne ont été initialement suivies d’une riposte modérée des autorités des deux côtés de la frontière. Cependant, une attaque transfrontalière de grande ampleur dans laquelle des Casques bleus de l’ONU ont été tués, suivie par une série d’attaques sur des installations militaires à Abidjan et dans les environs, a démontré le degré de préparation et l’organisation des attaquants et a entraîné des mesures rapides, mais souvent draconiennes, de la part des autorités ivoiriennes.

Entre juillet 2011 et avril 2012, plus de 40 civils issus de groupes ethniques essentiellement pro-Ouattara ont été tués lors de quatre attaques menées depuis le Libéria en Côte d’Ivoire. À partir d’entretiens réalisés des deux côtés de la frontière, Human Rights Watch a documenté comment les attaquants franchissaient la frontière généralement la nuit, menaient un raid sur un village en ciblant les partisans présumés de Ouattara et revenaient ensuite au Libéria. [11] En avril et en mai 2012, Human Rights Watch a interrogé des militants pro-Gbagbo au Libéria qui ont admis avoir pris part à ces attaques ; ils ont indiqué clairement qu’ils recrutaient et mobilisaient des personnes pour de nouvelles attaques. [12] Le 8 juin, sept Casques bleus de l’ONU originaires du Niger et au moins 10 civils ont été tués dans une autre attaque transfrontalière, suscitant condamnation et pression internationales pour résoudre ces menaces pour la sécurité dans la région. [13] Les militaires ivoiriens et libériens, ainsi que les missions des Nations Unies dans les deux pays, ont renforcé leur présence et leurs patrouilles dans la zone. [14]

Après plus d’une année de raids affectant essentiellement la frontière occidentale de la Côte d’Ivoire, une série d’attaques lancées sur des installations militaires dans tout le pays au début du mois d’août a révélé une menace pour la sécurité plus vaste et plus compliquée. Au matin du 5 août, un petit poste militaire et un poste de police ont été attaqués dans le quartier de Yopougon à Abidjan. Au moins cinq soldats ont été tués. À peu près au même moment, une base militaire dans la ville d’Abengourou, près de la frontière ghanéenne, a de même essuyé des tirs. [15] Un jour plus tard, les attaquants ont lancé leur assaut le plus ambitieux jusqu’à présent, contre l’un des plus importants camps militaires d’Abidjan, connu sous le nom d’Akouédo. Au moins six soldats ont été tués, et les attaquants ont emporté une quantité d’armes considérables de l’arsenal du camp. [16] La facilité avec laquelle les attaquants sont entrés dans le camp et ont eu accès à l’arsenal laisse présumer qu’ils ont bénéficié de l’aide de soldats à l’intérieur du camp, un fait largement reconnu par les responsables gouvernementaux, les diplomates, les représentants des Nations Unies, les journalistes et bien d’autres encore en Côte d’Ivoire. [17]

Le sol de la base militaire d’Akouédo est maculé de sang suite à un raid, le 6 août 2012, au cours duquel six soldats ivoiriens ont été tués. Des militants pro-Gbagbo sont soupçonnés d’avoir mené l’attaque, avec l’aide de soldats à l’intérieur du camp. © SIA KAMBOU/AFP/GettyImages

Des soldats des Forces républicaines patrouillent à Dabou le 16 août 2012, suite à une attaque contre une base militaire, une prison et un poste de police la nuit précédente. La progression de la réforme du secteur de la sécurité reste minimale, et beaucoup de soldats continuent à assumer des fonctions de maintien de l’ordre. © SIA KAMBOU/AFP/GettyImages

Plusieurs autres attaques contre des postes militaires ont eu lieu les jours suivants, notamment le 7 août près de la ville d’Agboville, à 80 kilomètres au nord d’Abidjan ; le 13 août près de Toulepleu, près de la frontière libérienne ; et la nuit du 15 août à Dabou, à environ 40 kilomètres à l’ouest d’Abidjan. Une prison a aussi été assaillie pendant l’attaque de Dabou, entraînant l’évasion de tous les détenus. [18] Environ 20 personnes, dont au moins une dizaine de soldats ivoiriens, ont été tuées au cours des sept attaques d’août. [19]

La vague d’attaques a conduit à la remilitarisation d’Abidjan, avec des barrages routiers et des patrouilles militaires généralisés, en particulier dans le quartier de Yopougon, pro-Gbagbo depuis longtemps. La crainte de nouvelles attaques était toujours palpable lorsque Human Rights Watch est arrivé sur place le 25 août. La tension a été alimentée davantage par des récits extrêmement partisans et nourris par les rumeurs, fréquents dans la presse ivoirienne. La présence militaire et la peur parmi la population ont progressivement diminué, mais existaient toujours, pendant les trois semaines que Human Rights Watch a passées à Abidjan.

Immédiatement après l’attaque d’Akouédo, le gouvernement Ouattara a déclaré que les militants pro-Gbagbo en étaient responsables. Le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, a précisé que les attaques à Abidjan et dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, telles que l’attaque au cours de laquelle les Casques bleus de l’ONU ont trouvé la mort, étaient liées, avec une supervision et une organisation par les partisans extrémistes de Gbagbo actuellement au Ghana. [20] La direction en Côte d’Ivoire du Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo a démenti les accusations et dénoncé les attaques du mois d’août. [21] Plusieurs analystes ont suggéré que les attaques d’août pourraient être liées au mécontentement ressenti par les dizaines de milliers de jeunes qui ont combattu avec les forces pro-Ouattara pendant la crise, ont conservé leurs fusils et maintenant se sentent oubliés alors que le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) avancent à pas de tortue. [22] Les analystes évoquant cette théorie, cependant, ont généralement considéré les militants pro-Gbagbo comme les attaquants les plus vraisemblables ou ont envisagé la survenue simultanée de ces deux problèmes potentiellement déstabilisants. [23]

Même si les détails précis des attaques d’août restent obscurs, Human Rights Watch a documenté des connexions évidentes entre les militants pro-Gbagbo au Libéria et au Ghana, ainsi que des efforts coordonnés pour planifier et mener des attaques en Côte d’Ivoire. [24] Le Groupe d’experts des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire a établi un rapport similaire le 15 octobre 2012, mentionnant que « les opérations militaires menées en Côte d’Ivoire depuis début 2012 ont été planifiées en territoire ghanéen, des fonds ayant été acheminés du Ghana au Libéria (par des personnes ou par virements bancaires) et des combattants recrutés sur place ». [25] Parmi les personnes contre qui il existe des preuves crédibles d’implication dans le financement ou la planification des attaques figurent plusieurs responsables militaires et civils issus du régime de Gbagbo qui font l’objet de mandats d’arrêt ivoiriens et internationaux, ainsi que de sanctions de l’Union européenne. [26] Cependant, jusqu’aux attaques d’août, la plupart semblait vivre dans les pays frontaliers, en particulier au Ghana, sans crainte d’être arrêtés et extradés vers la Côte d’Ivoire.

Réponse du Libéria et du Ghana

Pendant plus d’un an après la fin de la crise postélectorale, les autorités libériennes ont été lentes et inefficaces dans leur réaction face à l’arrivée au Libéria de miliciens pro-Gbagbo et de mercenaires libériens, parmi lesquels beaucoup sont impliqués dans des crimes graves. Plusieurs mercenaires libériens bien connus, responsables de crimes internationaux graves pendant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, ont été discrètement libérés après une arrestation initiale. Certains militants, quant à eux, ont recruté et mobilisé des personnes régulièrement le long de la frontière sans déclencher de réaction efficace de la part des autorités libériennes. [27] Après l’attaque du 8 juin, cependant, les autorités libériennes ont pris des mesures pour mieux surveiller leur territoire et rechercher les personnes soupçonnées d’être impliquées dans les attaques transfrontalières contre des civils. Le 14 juin, le ministre libérien de l’Information a annoncé que le Conseil de sécurité nationale du pays a donné l’ordre d’arrêter 10 Libériens et Ivoiriens possiblement liés aux attaques le long de la frontière libéro-ivoirienne. Les autorités libériennes ont aussi annoncé la fermeture de la frontière avec la Côte d’Ivoire, le déploiement de forces militaires supplémentaires dans la région et la suspension de l’exploitation des mines d’or artisanales près de la frontière en raison de leur rôle possible dans le financement des groupes armés. [28] Une audience a eu lieu et a débouché sur l’extradition le 23 juin de 41 Ivoiriens détenus au Libéria liés aux crimes postélectoraux en Côte d’Ivoire. [29]

En juillet, les autorités libériennes ont procédé à des arrestations supplémentaires en lien avec l’attaque contre les Casques bleus de l’ONU. Le 30 août, sept de ces personnes arrêtées ont comparu devant un tribunal de Monrovia pour entendre les accusations à leur encontre en rapport avec les attaques transfrontalières. [30] Puis le 18 octobre, les autorités libériennes ont annoncé l’arrestation de Bobby Sarpee, dont le nom a été cité pour son implication dans le recrutement et les attaques par des personnes interrogées par Human Rights Watch le long de la frontière en avril et en mai. [31] La présidente du Libéria Ellen Johnson-Sirleaf a rencontré le président Alassane Ouattara à Abidjan le jour même, et ils ont tous deux signé un accord qui prévoyait, entre autres choses, une action militaire conjointe le long de la frontière avant la fin de l’année 2012. [32] Lors des réunions de Human Rights Watch avec les représentants du gouvernement ivoirien, les avis étaient généralement élogieux vis-à-vis de la coopération actuelle entre les autorités ivoiriennes et libériennes en réponse aux menaces aux frontières. [33]

Human Rights Watch reste préoccupé par l’incapacité ou la réticence des autorités libériennes à traduire en justice plusieurs mercenaires libériens qui ont été impliqués dans des crimes internationaux graves en Côte d’Ivoire. [34] Une personne clé dans ce groupe est Isaac Chegbo, mieux connu sous le nom de « Bob Marley », qui a été libéré sous caution en février 2012 sans que le procureur chargé de l’affaire en ait connaissance. [35] Les poursuites à son encontre ne progressent visiblement pas, malgré le fait que, comme indiqué par le Groupe d’experts des Nations Unies, Chegbo a admis aux autorités libériennes avoir été impliqué dans des activités de mercenaire en Côte d’Ivoire, un crime grave selon la loi libérienne. [36] Pendant la crise postélectorale, les forces sous le commandement de Chegbo ont pris part à au moins deux massacres dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, au cours desquels plus de 100 personnes ont été tuées pour des motifs d’ethnicité ou de nationalité. [37] Après que Chegbo a été libéré sous caution, le Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria a signalé avoir reçu des informations selon lesquelles « Chegbo a rencontré des mercenaires libériens dans le comté de Grand Gedeh [...] pour préparer et organiser des attaques en Côte d’Ivoire ». [38]

Les éloges à l’égard des autorités libériennes contrastaient nettement avec la frustration exprimée par des responsables ivoiriens vis-à-vis du manque de coopération de la part du gouvernement ghanéen. Beaucoup de responsables civils et militaires de premier plan proches de Gbagbo, ainsi qu’au moins des centaines de miliciens et de soldats pro-Gbagbo, sont entrés sur le territoire ghanéen à la fin de la crise postélectorale. À la mi-2011, les autorités ivoiriennes avaient émis près d’une vingtaine de mandats d’arrêt internationaux, la plupart contre des individus supposés être au Ghana. [39] Beaucoup de ces personnes faisant l’objet d’une demande d’extradition ont été impliquées de manière crédible dans des crimes graves pendant la crise postélectorale ; sept sont toujours sur la liste des sanctions financières de l’Union européenne, en partie pour la menace permanente présumée qu’elles constituent pour la stabilité de la Côte d’Ivoire. [40] Cependant, avant les attaques d’août 2012 en Côte d’Ivoire, les autorités ghanéennes n’avaient exécuté aucun de ces mandats. Le Togo a extradé un des anciens ministres de la Défense de Gbagbo, Moise Lida Kouassi, en juin 2012. [41]

Après les attaques en Côte d’Ivoire au début du mois d’août, il y a eu quelques signes d’amélioration de la coopération de la part du Ghana. Les attaques ont suivi de peu le décès, le 24 juillet, du président ghanéen John Atta Mills, qui était largement considéré comme un proche de Gbagbo et protecteur des alliés de Gbagbo qui ont franchi la frontière ghanéenne. Le 24 août, les autorités ghanéennes ont arrêté Justin Koné Katinan, ministre du Budget de Gbagbo pendant la crise, après son retour d’Afrique du Sud. [42] Le mandat d’arrêt à l’encontre de Katinan était initialement lié à des fraudes économiques commises pendant la crise postélectorale. [43] Les responsables ivoiriens pensent aussi qu’il est impliqué dans les efforts de financement pour attaquer et déstabiliser la Côte d’Ivoire. [44] L’audience d’extradition de Katinan au Ghana a été reportée à plusieurs reprises. [45]

Lors d’une visite en Côte d’Ivoire au début du mois de septembre, le président par intérim, John Mahama, qui a pris le pouvoir après le décès du président Atta Mills, a promis que le Ghana ne servirait pas de « base arrière » pour les menaces envers la sécurité de la Côte d’Ivoire. [46] Le 14 septembre, les autorités ghanéennes ont arrêté trois hommes tentant d’acheter des armes, qui, selon un commissaire de police adjoint cité par Reuters, « ont admis qu’ils se procuraient des armes pour renverser » le gouvernement Ouattara. [47]

Seulement une semaine plus tard, au matin du 21 septembre, des hommes armés semblent être entrés en Côte d’Ivoire depuis le Ghana pour mener une attaque sur un poste militaire ivoirien à Noé, près de la frontière ghanéenne. [48] La nuit précédente, deux nouvelles attaques avaient été lancées dans les quartiers abidjanais de Port-Bouët et Vridi, faisant trois morts. [49] Le gouvernement ivoirien a répondu à l’attaque de Noé en fermant ses frontières terrestres, aériennes et maritimes avec le Ghana, [50] mais elle a rapidement rouvert le trafic aérien. [51] Les frontières terrestres et maritimes ont été rouvertes le 8 octobre. [52]

Une nouvelle vague d’attaques vraisemblablement coordonnées s’est produite tôt le matin du 15 octobre, lorsque des hommes armés ont attaqué presque simultanément une centrale électrique à Yopougon et un poste de police et une gendarmerie à Bonoua, une ville à environ 60 kilomètres à l’est d’Abidjan. [53]

Une meilleure coopération régionale en matière d’arrestations, de poursuites judiciaires et d’extradition est cruciale pour rendre justice pour les crimes postélectoraux graves et pour faire face aux menaces pour la sécurité de la région. Il est également essentiel que les autorités ivoiriennes veillent à ce que les responsabilités soient déterminées lors de procès équitables et dans le cadre de la loi ivoirienne et du droit international. La réponse des militaires aux attaques d’août montre, au contraire, qu’ils recourent à des pratiques semblables à celles qui ont marqué la crise postélectorale, à savoir violations des droits humains découlant des allégations de culpabilité collective pour certains groupes ethniques, et en particulier pour les jeunes hommes issus de ces groupes ethniques, qui dans l’ensemble soutiennent Gbagbo.

I. Torture, mauvais traitements, conditions inhumaines dans le camp de la police militaire d’Adjamé

« Encore maintenant, je me sens toujours perdu. Je me réveille la nuit et je pense que je suis toujours dans la cellule, que je suis toujours interrogé et battu. »
—Soldat détenu au camp de la police militaire d’Adjamé, août 2012 [54]

Aux lendemains des attaques du début du mois d’août, en particulier l’attaque du 6 août sur le camp militaire d’Akouédo, les forces de sécurité ivoiriennes ont arrêté des centaines de jeunes hommes qui auraient été impliqués dans les attaques ou en auraient eu connaissance. Plus de 100 des personnes arrêtées étaient détenues dans la base de la police militaire d’Adjamé, sous le commandement de l’ancien commandant des Forces nouvelles, Koné Zakaria. [55] La police militaire a été réactivée par le président Ouattara en décembre 2011 et chargée essentiellement de traquer les « faux » membres des Forces républicaines, à savoir des combattants qui ne devaient pas être incorporés dans l’armée, mais qui restaient tout de même armés et actifs à des fonctions de sécurité. [56] Alors que la police militaire aurait pu être un lieu approprié pour interroger et détenir des soldats supposés avoir été impliqués dans les attaques, [57] bon nombre de ceux détenus là étaient des civils, en violation de la loi ivoirienne et du droit international.

Human Rights Watch s’est entretenu avec huit anciens détenus dans le camp de la police militaire. Cinq d’entre eux ont fourni des preuves détaillées permettant de penser qu’ils ont été victimes de torture. Ils ont décrit comment le personnel militaire les a battus, flagellés et soumis à d’autres formes extrêmes de mauvais traitements physiques, généralement dans le but d’exiger des réponses à des questions sur la localisation d’armes ou de suspects présumés ou dans le but de faire pression sur le détenu pour qu’il signe des aveux d’implication dans une atteinte à la sûreté de l’État. Beaucoup d’anciens détenus ont décrit avoir souffert de graves blessures physiques, dont un, qui une semaine après sa libération, continuait à avoir du sang dans les urines suite à des coups. Ils ont aussi raconté avoir vu d’autres détenus revenir dans la cellule avec des contusions au visage, des gonflements sévères et des plaies ouvertes.

Les détenus du camp de la police militaire ont aussi décrit avoir souffert des conditions de détention inadaptées, notamment la surpopulation, la privation quasi totale de nourriture et d’eau et les pratiques humiliantes comme être placé dans une pièce remplie d’excréments. Beaucoup ont été forcés de payer les soldats qui les gardaient pour garantir leur libération.

Les anciens détenus interrogés par Human Rights Watch étaient tous des jeunes hommes issus de groupes ethniques perçus comme partisans de Laurent Gbagbo. Ils ont expliqué que les salles de détention étaient remplies de personnes venant des mêmes groupes ethniques, notamment des Bétés, des Guérés, des Ébriés, des Oubis et des Adjoukrous ; cependant, si le gouvernement ne se trompe pas en déclarant que des militants pro-Gbagbo ont mené les attaques, la répartition ethnique des détenus n’est peut-être pas surprenante. Selon d’anciens détenus et selon des représentants des organisations internationales qui ont surveillé la réponse du gouvernement aux attaques du mois d’août, certains des individus arrêtés ont été appréhendés immédiatement après les attaques spécifiques, alors que les forces de sécurité poursuivaient les attaquants. D’autres ont été arrêtés sur la base de quelques éléments de preuves, par exemple un voisin indiquant que la personne avait hébergé des miliciens. Enfin, de nombreux jeunes hommes ont été appréhendés lors d’arrestations massives dans des zones à forte concentration de partisans pro-Gbagbo présumés (les arrestations massives seront abordées dans le chapitre II).

Une fois en détention à la base de la police militaire d’Adjamé, beaucoup d’individus ont été gardés en captivité pendant des périodes prolongées sans avoir été inculpé ni présenté à un juge. La loi ivoirienne prévoit qu’un civil doit être mis en examen ou libéré sous 48 heures après avoir été arrêté ou placé en détention. [58] Le personnel militaire doit, de la même façon, être conduit devant une autorité judiciaire compétente dans un délai de 48 heures. [59] Cependant, un ancien détenu du camp d’Adjamé a été gardé en captivité et battu régulièrement pendant deux semaines avant d’être relâché sans chef d’inculpation ; un autre a été détenu et battu pendant plus de 20 jours avant d’être libéré sans chef d’inculpation. Les détentions d’au moins une semaine sans inculpation ni comparution devant un juge ont été courantes.

Human Rights Watch a écrit au gouvernement ivoirien le 8 octobre en demandant une réponse officielle aux conclusions principales de son travail sur le terrain (voir Annexe I). En réponse à une question sur la détention prolongée sans comparution devant un juge, le ministre ivoirien des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Gnénéma Coulibaly, a écrit :

Les lenteurs enregistrées dans les procédures judiciaires ne datent pas de la mise en place de l’actuel gouvernement. Depuis plusieurs décennies ont été constatées un engorgement des tribunaux, une trop grande rigidité du Code pénal face aux évolutions de la société ivoirienne, ou encore un manque de moyens mis à la disposition des magistrats ; toutes choses qui rendent difficile, pour l’heure, le respect strict des délais de comparution pour chacun des détenus.
Par ailleurs, la gravité des faits imputés aux personnes arrêtées imposent que les enquêtes soient bien menées, ce qui exige souvent un peu de temps. [60]

Human Rights Watch convient que les précédents gouvernements de Côte d’Ivoire ne respectaient pas non plus la loi ivoirienne et les droits humains internationaux concernant le droit des détenus à une comparution rapide devant un juge afin de connaître les accusations pesant à leur encontre. Cependant, les abus qui sont survenus sous le gouvernement Gbagbo doivent être écartés et non répétés pour restaurer la règle de droit. La réponse du ministre semble aussi surévaluer la difficulté d’une mise en œuvre de cette exigence. Il ne s’agit pas de mettre un procès en place en 48 heures, mais simplement de s’assurer qu’il y a suffisamment de preuves pour maintenir une personne en détention et que la personne est informée des chefs d’accusation à son encontre. Les personnes sont innocentes tant que leur culpabilité n’a pas été prouvée selon la loi ivoirienne et les droits humains et elles ne doivent pas être maintenues en détention lorsque les autorités ne sont pas en mesure de rassembler des preuves raisonnables pour lier une personne à un crime suffisamment grave pour entraîner une détention préventive. L’absence apparente de preuves individualisées dont disposaient les autorités au moment des arrestations massives rend cette question particulièrement pressante.

M. Coulibaly a également répondu à une question sur le fondement légal de la détention de civils dans des camps militaires, dont le camp de la police militaire d’Adjamé et deux autres camps militaires mentionnés dans le chapitre II de ce rapport. Le ministre a justifié cette pratique en partie par les évasions de prison qui se sont produites dans deux des maisons d’arrêt principales d’Abidjan et des environs avant et pendant la période des attaques d’août. Il a poursuivi :

Face à de tels événements et alors que la loi prévoit que les détentions préventives s’effectuent dans des maisons d’arrêt, il était inconcevable de détenir des individus soupçonnés d’attenter à la sûreté de l’État, sans prendre au préalable un minimum de précautions. Les sites militaires constituaient dès lors les lieux les plus sûrs pour éviter de probables évasions.
Bien plus, il convient de relever qu’il ne s’agit pas en l’espèce de citoyens ordinaires mais de combattants et miliciens, qui du reste n’ont pas hésité à abattre froidement des soldats ivoiriens. En tout état de cause, le Gouvernement ivoirien s’attèle à trouver des solutions à de telles situations en rénovant les maisons d’arrêt. [61]

Human Rights Watch salue l’engagement du gouvernement à rénover les prisons et de les utiliser comme seuls lieux de détention à l’avenir, comme stipulé par la loi ivoirienne. Cependant, Human Rights Watch est préoccupé par le reste de la réponse du gouvernement à la question sur la détention de civils dans des camps militaires. Même si une menace sérieuse pour la sécurité peut exister, ce n’est pas une situation de conflit armé et le droit international humanitaire ne s’applique pas. Par conséquent, les règles normales sur le recours à la force dans les situations de maintien de l’ordre s’appliquent et les attaquants ne doivent pas être considérés comme des « combattants » selon le droit humanitaire.

De plus, comme décrit ci-dessus et de manière plus approfondie dans le chapitre suivant, la grande majorité des individus détenus ont été arrêtés lors de rafles massives, et non dans des situations de flagrant délit après les attaques ou sur la base d’une suspicion individualisée reliant une personne à des attaques spécifiques. Human Rights Watch est préoccupé par le fait que le gouvernement qualifie apparemment de combattants ou miliciens toutes les dizaines de jeunes hommes arrêtés en masse en août. Cette qualification vient renforcer les dires des jeunes pro-Gbagbo selon lesquels ils sont considérés comme coupables ou comme des miliciens, jusqu’à ce que le contraire soit prouvé, plutôt que dans l’autre sens.

En ce qui concerne l’assertion du ministre selon laquelle les évasions de prison ont rendu les camps militaires nécessaires pour les détentions, il serait exagéré de prétendre que tous les individus détenus en août étaient des suspects de la plus haute importance . La grande majorité des anciens détenus interrogés par Human Rights Watch appartenaient simplement à des groupes ethniques perçus comme pro-Gbagbo et se trouvaient au mauvais endroit (à savoir dans le quartier de Yopougon), au mauvais moment. Le fait que des centaines de ces jeunes hommes aient été libérés remet davantage en question la déclaration du ministre selon laquelle il était « inconcevable » de les garder dans des sites de détention légaux autorisés. Pour les individus détenus moins de 48 heures, les postes de police ou de gendarmerie auraient été parfaitement adaptés ; pour ceux détenus plus longtemps, la maison d’arrêt principale d’Abidjan continuait d’abriter des détenus pendant cette période. Plus fondamentalement, les militaires n’ont aucune légitimité selon la loi ivoirienne pour arrêter, interroger ou détenir des civils.

Torture et traitements inhumains

Dans la base de la police militaire d’Adjamé, les mauvais traitements physiques des détenus étaient particulièrement préoccupants, et dans certains cas, ont vraisemblablement atteint le niveau de la torture. La torture est définie par la Convention contre la torture comme

tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, [...] lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. [62]

Dans les cas documentés par Human Rights Watch, des douleurs physiques aiguës semblaient avoir été infligées par des agents de l’État, à savoir le personnel militaire, afin de faire pression sur des personnes pour obtenir des aveux ou des informations sur l’emplacement d’armes. La torture ne semblait pas systématique, étant donné que d’autres détenus ont décrit uniquement des abus physiques minimaux. Cependant, les cas documentés par Human Rights Watch soulèvent des inquiétudes quant au nombre total de victimes potentielles.

Trois victimes de torture sur cinq interrogées par Human Rights Watch étaient des civils qui, selon la loi ivoirienne et le droit international, n’auraient pas dû être détenus dans un camp militaire. Un civil de 36 ans a raconté son arrestation et sa détention au camp militaire d’Adjamé, en faisant part des douleurs physiques intenses infligées dans le but de lui extorquer des informations :

Il y a quelques semaines [vers le 20 août], j’ai quitté Adzopé vers 19 h 30. Il était trop tard pour prendre un minibus, je suis donc monté à bord d’un grand camion [de transport commercial]. Dans le corridor d’Anyama pour entrer dans N’Dotré, les FRCI ont établi un point de contrôle et ont arrêté le camion. Les membres des FRCI m’ont dit que j’étais un milicien, et que c’est pour ça que je me déplaçais dans un camion de transport et non dans un minibus ou gbaka. Ils ont immédiatement commencé à me frapper, en disant que j’avais caché une arme [à feu]... Ils m’ont fait monter dans un 4x4 et m’ont conduit à la base militaire d’Adjamé, la base de [Koné] Zakaria [le chef de la police militaire]. Ils m’ont placé dans une cellule. J’ai vu quatre pièces où ils détenaient des gens, mais c’était un grand camp, il pouvait y avoir d’autres cellules. Nous étions environ 20 dans chacun de ces cellules...
J’y suis resté une semaine et ils m’ont interrogé tous les jours sauf le dernier. Chaque jour, ils me tiraient hors de la cellule et m’emmenaient dans une autre pièce pour m’interroger. Ils me disaient : « Nous savons que tu es milicien et que tu caches des armes dans la brousse. Tu essaies de détruire le pays. Où sont les armes ? » Ils demandaient encore et encore : « Où sont les armes ? » Et quand je répondais que je ne savais pas, que je n’avais pas d’arme, ils me frappaient. Ils me frappaient encore et encore, très fort. « Où sont les armes ? » « Je n’ai pas d’arme, je n’ai jamais attrapé une arme. » Clac ! Ils enroulaient leur ceinture autour de leur main et me frappaient à la tête, au visage, sur les côtes. La [boucle] métallique de la ceinture était sur la part avec laquelle ils frappaient, [je pense] pour infliger une douleur maximum. Cela me fatiguait... J’avais de nombreuses blessures infligées quand ils me frappaient avec la boucle en métal. Les autres personnes dans ma cellule avaient aussi des blessures ; des gens revenaient avec le visage gonflé ou avec des plaies qui saignaient. Les interrogatoires duraient environ 30 minutes et après avoir répété qu’on ne savait rien et avoir été frappé, ils nous ramenaient dans la cellule.
Au bout d’une semaine de passage à tabac, ils ont dit que je devais payer 100 000 francs CFA (200 USD), sinon je serai envoyé ailleurs et tué. J’ai utilisé un de leurs téléphones pour appeler mes parents, qui ont apporté l’argent pour me faire sortir. [63]

Un autre détenu civil a informé Human Rights Watch qu’il a subi de mauvais traitements physiques similaires alors que ses interrogateurs militaires exigeaient qu’il divulgue des informations sur la localisation de certains individus soupçonnés par les interrogateurs d’avoir été impliqués dans la réalisation ou le soutien des attaques. Il a aussi décrit avoir entendu des co-détenus hurler de douleur depuis les salles d’interrogatoire voisines, en se demandant si les autres avaient subi des cruautés encore pires. [64]

Deux des victimes de torture interrogées par Human Rights Watch étaient des soldats toujours formellement dans l’armée ivoirienne, mais qui étaient issus de groupes ethniques majoritairement pro-Gbagbo et qui étaient restés dans les forces de sécurité de Gbagbo (souvent appelées ex-FANCI, d’après l’ancien nom de l’armée, Forces armées nationales de Côte d’Ivoire) pendant la crise postélectorale. Tous deux ont été arrêtés deux jours après l’attaque d’Akouédo. Un de ces soldats, qui semblait extrêmement traumatisé pendant son entretien avec Human Rights Watch plusieurs jours après sa libération, a décrit son calvaire, dont certains détails spécifiques ont été omis pour protéger son identité :

J’ai été battu à plusieurs reprises. Ils essayaient de me faire signer des aveux affirmant que j’[avais joué un rôle dans les attaques]. Ils plaçaient le papier devant moi en m’ordonnant de le signer. Et lorsque je refusais, ils me battaient. Ils me frappaient avec des gourdins, avec leur ceinture, à coups de poings... Pendant quelques jours, ils ont été particulièrement violents. Lorsqu’ils me questionnaient, un gars a pris la crosse de sa Kalach[nikov] et a tapé fort plusieurs fois sur mon [tibia]. C’était tellement douloureux que j’ai pensé que l’os était cassé... Certains d’eux me disaient des choses comme « Vous les anciens militaires, on va finir avec vous tous ».
Nous étions détenus dans un petit bâtiment à l’intérieur du camp sans aucune lumière. Il y avait seulement un petit trou par lequel nous pouvions voir dehors. Les hommes dormaient les uns sur les autres ou en position assise parce qu’il n’y avait pas de place... Nous recevions un petit morceau de pain tous les deux jours. Et ils nous jetaient quelques bouteilles d’eau d’un litre et demi que nous devions partager entre nous tous, au moins 50 personnes, dans la pièce. Nous avions faim et soif... Un jour, la Croix-Rouge est venue. Nous pouvions voir leurs représentants, mais ils n’étaient pas autorisés à nous parler.
Plus tard, les gendarmes m’ont interrogé. Ils ne nous malmenaient pas comme [les FRCI], ils posaient simplement des questions. [Je pense] qu’ils ont conclu que je n’étais pas impliqué, parce que les questions ont pris fin après quelques jours avec eux. Mais j’ai fait plus de trois semaines en détention avant d’être relâché.
J’ai commencé à délirer à cause des coups, du manque de nourriture et d’eau... Encore maintenant, je me sens toujours perdu. Je me réveille la nuit et je pense que je suis toujours dans la cellule, que je suis toujours interrogé et battu. Je saigne parfois lorsque je [vais aux toilettes]. Mais les plaies les plus profondes sont à l’intérieur, dans ma tête... Je ne sais pas quoi faire, je suis libre maintenant, mais j’ai l’impression que je pourrais être arrêté à nouveau à tout moment. Ils s’en prennent à tous ceux d’entre nous qui ne sont pas des anciens membres des FN [Forces nouvelles] ou qui appartiennent à certains groupes ethniques [présumés pro-Gbagbo]. Ils ne nous font pas confiance. [65]
Le soldat a indiqué que, parmi les autres détenus présents dans la même cellule que lui, il y avait des civils et des militaires, mais que les civils étaient plus nombreux que les militaires. Il a précisé que certains détenus étaient emmenés pour des interrogatoires plus que d’autres et qu’il était l’un des plus fréquemment interrogés. Il a décrit d’autres détenus revenir après un interrogatoire avec le visage contusionné, des gonflements sur le corps et souffrant d’une douleur extrême. [66]

Un autre soldat qui avait fait partie de l’armée de Gbagbo pendant la guerre a décrit des mauvais traitements physiques similaires après son arrestation dans les jours suivant l’attaque d’Akouédo. De plus, il a expliqué que pendant plusieurs interrogatoires, les membres de la police militaire chargés de l’interroger ont menacé de violer et de tuer sa femme s’il n’avouait pas son soutien à ceux qui tentaient d’attaquer la Côte d’Ivoire. Il a été finalement libéré après plus de 10 jours de détention. [67]

Outre les abus physiques graves, plusieurs détenus ont décrit des conditions de détention inhumaines et dégradantes. Un civil a raconté comment les soldats se servaient d’une cellule particulière pour punir davantage certains détenus :

Une des cellules était où les détenus ont pissé et chié. C’était la seule cellule avec un trou servant de toilettes, mais nous étions tellement nombreux que la pièce entière était toute recouverte d’urine et de merde. Un jour, je pense que [les soldats qui m’interrogeaient] avaient décidé qu’ils n’aimaient pas mes réponses. Je crois que c’était le deuxième jour. Après m’avoir questionné,  ils m’ont placé dans la cellule avec les toilettes ; il y avait déjà quelques personnes dedans. L’odeur était tellement horrible et j’avais des plaies ouvertes suite aux coups. Il n’était pas possible de s’asseoir sans être dans des [excréments]... Ils ont fait ça à des personnes tous les jours, cela ne m’est arrivé qu’une fois. Lorsqu’ils n’étaient pas contents de nos réponses ou qu’ils pensaient que nous nous conduisions mal, ils nous enfermaient dans la cellule pleine de merde pendant des heures, parfois toute la nuit... Avant d’être libéré, j’avais développé des infections de la peau [constatées par Human Rights Watch, même si la cause n’a pas pu être confirmée] sur les bras et les jambes. [68]

Human Rights Watch s’est aussi entretenu avec plusieurs membres des familles de personnes qui avaient été détenues dans le camp militaire d’Adjamé avant d’être transférées vers un autre centre de détention. Les proches des détenus avaient pu parler avec les détenus au nouveau centre (soit la préfecture de police au Plateau, soit la maison d’arrêt principale d’Abidjan, appelée MACA) et ont rapporté une description des abus physiques graves avant le transfert. [69] La sœur d’un détenu qui avait récemment rendu visite à son frère à la MACA a rapporté qu’il était toujours contusionné et enflé au visage, en précisant qu’il disait avoir été frappé plusieurs fois au-dessus de l’oreille par les soldats avec la crosse de leurs fusils. Elle a raconté à Human Rights Watch que son frère avait passé plusieurs jours à l’infirmerie de la MACA pour récupérer après les mauvais traitements subis. [70] Human Rights Watch n’a pas pu interroger la victime directement pour confirmer le témoignage d’abus et l’endroit où ils ont eu lieu, car cet homme était toujours en détention.

D’autres détenus au camp de la police militaire n’ont pas fait état de torture. Human Rights Watch a interrogé trois anciens détenus au camp militaire qui ont dit avoir subi des abus physiques minimaux. Ils ont été obligés à verser de l’argent en échange de leur libération, de façon identique à ce qui est décrit dans le chapitre suivant sur les arrestations massives.

Le commandant de la police militaire et du camp militaire d’Adjamé est Koné Zakaria, un commandant de longue date des Forces nouvelles et l’un des chefs militaires les plus puissants de Côte d’Ivoire. Aucun des anciens détenus interrogés par Human Rights Watch n’a indiqué que Zakaria lui-même était impliqué dans les mauvais traitements qu’il avait subi. Seul un des détenus a dit qu’il a vu Zakaria en personne dans le camp et ce, à travers un petit trou dans la cellule des détenus. [71] Cependant, même s’il n’a pas supervisé directement la torture et les autres traitements inhumains au camp militaire d’Adjamé, Zakaria est le commandant responsable du camp et des soldats de son unité de police militaire basés dans ce camp. De plus, étant donné le grand nombre de détenus présents dans ce camp, la durée de détention de certaines personnes et la nature omniprésente des abus, il est vraisemblable que Zakaria avait ou aurait dû avoir connaissance des mauvais traitements pratiqués. Les commandants militaires ont la responsabilité de prendre les mesures raisonnables et nécessaires en vue de prévenir les abus commis par des soldats sous leurs ordres et de sanctionner les auteurs d’abus. [72]

De plus, Human Rights Watch a reçu des informations crédibles sur les récents cas de torture à l’encontre de personnes détenues dans une base militaire des Forces républicaines à San Pedro, une ville dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire à environ 350 kilomètres d’Abidjan. [73] Le 4 octobre, l’Associated Press a rapporté que des soldats du camp militaire de San Pedro avaient soumis au moins quatre détenus civils à des chocs électriques, indiquant que « de longs fils étaient attachés à leurs pieds, à leur taille et à leur cou avant d’administrer des chocs électriques ». [74] L’Associated Press a décrit les coups subis par les détenus et, plus généralement, les conditions inhumaines au sein du camp. [75]

En tant qu’État partie à la Convention contre la torture, la Côte d’Ivoire a la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la torture sur son territoire. [76] La Convention indique clairement qu’« [a]ucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. » [77]

La réponse du ministre Coulibaly à Human Rights Watch aborde les constats de torture :

Pour ce qui est de ces allégations de torture, soyez assurés que les auteurs de ces pratiques, s’ils sont identifiés, seront traduits devant la justice... Le Chef de l’Etat ne cesse de rappeler sa volonté ferme de lutter contre l’impunité et cela s’est traduit ces derniers jours par d’enquête contre les soldats des forces républicaines soupçonnées d’avoir participé aux tueries qui ont eu lieues à Nahibly [un camp de déplacés ivoiriens hors de Duékoué] au mois de juillet dernier. [78]

Human Rights Watch apprécie l’engagement du gouvernement à garantir la justice pour les victimes de torture et salue les récents progrès en matière de poursuites judiciaires pour les meurtres commis pendant l’attaque du camp de Nahibly en juillet. [79] La réalité est cependant que la progression reste minimale pour mettre un terme à l’impunité au sein des Forces républicaines, en particulier au niveau du commandement. Aucun membre des Forces républicaines n’a été arrêté pour les crimes commis pendant les violences postélectorales et les soldats et les commandants impliqués dans des crimes graves en réponse aux attaques d’août semblent avoir été également protégés de toute obligation de rendre des comptes. Pour que le gouvernement ivoirien respecte sa promesse de combattre l’impunité, des enquêtes crédibles et des poursuites concernant les atteintes aux droits humains doivent devenir la norme, plutôt de porter sur des incidents isolés.

II. Arrestations arbitraires massives, détention illégale et actes d’extorsion

« Comment le gouvernement peut-il parler de réconciliation alors que les FRCI nous volent, nous traitent tous avec suspicion [et] font des rafles chaque jour? »
—Jeune pro-Gbagbo arrêté arbitrairement à Yopougon et détenu dans le camp de la BAE, août 2012 [80]

Même si des arrestations arbitraires ont eu lieu en juin 2012 après que le gouvernement ivoirien a déclaré qu’il avait déjoué une tentative de coup d’État, l’attaque du 6 août à Akouédo a entraîné une répression encore jamais vue depuis la fin de la crise postélectorale. Un diplomate d’un partenaire essentiel de la Côte d’Ivoire a indiqué à Human Rights Watch qu’il y avait de vives inquiétudes face à la manière dont les autorités ivoiriennes avaient formulé le problème : « Le langage qu’ils utilisent est très préoccupant : ‘éradication’, ‘terrorisme’, ‘faire le ménage’. Ils sont tellement convaincus qu’ils ont raison [quant à la nature de la menace et à l’ampleur de l’implication de la population] ... qu’ils ont décidé de mettre la réconciliation de côté. » [81]

Human Rights Watch a interrogé 31 personnes appréhendées lors d’arrestations massives entre le 7 août et le 11 septembre à Yopougon et autour de Dabou, et leurs déclarations indiquaient que des centaines d’autres avaient été arrêtés et détenus de la même manière. Dans la grande majorité des cas, les forces de sécurité n’ont avancé aucune raison spécifique pour l’arrestation des personnes appréhendées, et encore moins fourni un mandat d’arrêt. Au lieu de cela, les forces de sécurité, principalement les militaires, sont arrivées dans des zones essentiellement pro-Gbagbo et ont forcé les jeunes hommes en masse à embarquer dans des camions militaires, qui les ont conduits jusqu’aux sites de détention.

La grande majorité des personnes interrogées par Human Rights Watch étaient des civils détenus dans des bases militaires, notamment dans la base de la BAE de Yopougon, le camp militaire de Dabou et la base d’Adjamé de la police militaire, comme indiqué dans le chapitre précédent. Dans certains cas, les arrestations, bien que réalisées sans notification individuelle de motifs pour l’arrestation, a fortiori sans chefs d’inculpation, semblaient être indirectement liées à la sécurité : les membres des Forces républicaines (FRCI) interrogeaient les détenus sur la localisation d’armes ou de chefs de milices et prenaient leurs empreintes digitales ou leurs photos. Dans d’autres cas, les arrestations ne semblaient servir guère plus qu’à un système d’extorsion : beaucoup de personnes interrogées par Human Rights Watch ont dit qu’on ne leur avait posé aucune question, même pas sur leur identité. Que les détenus aient été interrogés ou non, le moyen pour être libéré était constant : accéder à la demande des FRCI de payer une somme d’argent souvent substantielle.

Aucune des personnes interrogées qui ont été détenues après les arrestations massives n’a comparu devant un juge, malgré l’obligation selon la loi ivoirienne qui exige de faire comparaître un individu dans les 48 heures suivant son arrestation ou sa mise en détention. Beaucoup étaient en détention illégale dans des camps militaires pendant trois à six jours.

La majorité des personnes interrogées par Human Rights Watch ont subi des abus physiques aux mains des Forces républicaines au moment de l’arrestation, pendant la détention ou dans les deux cas. Alors que dans ces cas d’arrestations massives, de tels traitements n’ont généralement pas atteint le niveau de la torture, ils correspondaient souvent à la définition des traitements cruels et inhumains.

Les abus les plus graves et les plus récurrents documentés par Human Rights Watch liés aux arrestations massives ont été commis sous le commandement d’Ousmane Coulibaly, connu sous le nom de « Ben Laden », l’officier alors responsable du camp de la BAE à Yopougon Gesco. Selon des résidents de Yopougon et d’anciens détenus, ce camp a été le théâtre de détentions illégales quasi quotidiennes, de traitements abusifs et d’actes extorsion pendant le mois d’août. De plus, Coulibaly était responsable de superviser la réponse à l’attaque du 15 août à Dabou, une riposte pareillement entachée d’arrestations arbitraires massives et d’actes d’extorsion à l’encontre des détenus en échange de leur libération. Human Rights Watch a continué à documenter de nouvelles séries d’arrestations arbitraires à Dabou jusqu’au 11 septembre, soit deux jours avant que le chercheur ne quitte la Côte d’Ivoire.

L’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) interdit les arrestations et les détentions arbitraires et prévoit que « [t]out individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui ». [82] L’article 7 du PIDCP, parallèlement à la Convention contre la torture, protège les individus contre tout traitement cruel, inhumain ou dégradant par des agents de l’État comme les Forces républicaines. [83] De nombreux cas décrits dans ce rapport répondent à la définition de traitement cruel ou inhumain, soit du fait de la gravité des souffrances physiques infligées, soit du fait des mauvaises conditions de détention, y compris le manque d’accès à la nourriture et à l’eau.

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas où les forces de sécurité traditionnelles en charge de la sécurité interne (à savoir la police et la gendarmerie) ont tenté d’intervenir pour mettre un terme aux abus commis par les militaires. Elles ont parfois réussi, mais dans d’autres cas, les soldats leur ont répliqué que ce n’était pas leurs affaires. Les abus perpétrés par les Forces républicaines semblaient moins graves pendant les fouilles ou les patrouilles effectuées en présence d’agents de police ou de gendarmes.

Camp de la BAE à Yopougon

Aux lendemains des attaques du 5 août contre le poste militaire et le poste de police de Yopougon, un quartier connu pour être un bastion de partisans de Gbagbo, des membres des Forces républicaines ont riposté par des arrestations arbitraires massives souvent réalisées apparemment sur la base de l’ethnicité de la personne. Bien que l’attaque du 6 août à Akouédo se soit produite de l’autre côté d’Abidjan, l’allégation d’implication d’éléments pro-Gbagbo a été pareillement suivie par l’arrestation massive de jeunes hommes dans certaines zones de Yopougon, sans qu’aucune accusation individuelle ne soit portée.

La première ligne de la réponse des militaires à Yopougon était commandée par les Forces républicaines basées dans le camp de la BAE (brigade anti-émeute). Le camp de la BAE fait partie de plusieurs camps et postes de police toujours contrôlés par les militaires. [84] Pendant une grande partie du mois d’août, ce camp a connu un va-et-vient de détenus, avec des dizaines de personnes arrivant suite à de nouvelles arrestations chaque jour et des dizaines d’autres relâchées après paiement d’une somme d’argent extorquée. Les traitements inhumains étaient généralisés.

Un jeune homme de 27 ans de Yopougon a décrit son arrestation le 24 août et sa détention ultérieure au camp de la BAE, dans un témoignage semblable à celui de dizaines d’autres recueillis par Human Rights Watch :

J’étais dans un maquis (restaurant de quartier) avec un groupe d’amis. Vers 21 h, les FRCI sont arrivées dans un cargo militaire et nous ont tous emmenés du maquis, même le propriétaire et le gérant. Nous avons été conduits au 37e commissariat [de police], toujours contrôlé par les FRCI. Là, nous avons dû montrer nos cartes d’identité et ils nous ont dit : « Oh, vous êtes Bété [un groupe ethnique de l’ouest majoritairement pro-Gbagbo], mettez-vous là. Oh, vous êtes Dioula [85] [nom englobant plusieurs groupes ethniques du nord, généralement pro-Ouattara], mettez-vous là ». Les Dioulas sont restés au 37e [commissariat], et ceux d’entre nous [issus] de groupes ethniques [pro-Gbagbo] avons été amenés au [camp de la] BAE à [Yopougon] Gesco... Dans le camion, ils nous ont forcés à nous allonger et nous ont frappés en disant « C’est vous, les miliciens que nous recherchons ». Ils nous ont marché dessus, nous ont donné des coups de pied avec leurs bottes. Ils nous ont même marché sur la tête, en faisant des blagues à propos « d’écraser les miliciens ». Un gars près de moi a essayé de parler et un militaire des FRCI l’a rapidement frappé à la tête avec la crosse [de son fusil]. Le gars a commencé à saigner.
Lorsque nous sommes arrivés au camp, nous avons été placés dans une cellule, nous étions environ 30. Il faisait très chaud à l’intérieur et nous étions entassés, il n’y avait pas suffisamment de place pour s’allonger. Ils nous ont pris en groupes pour nous questionner, en nous demandant où étaient cachés les armes [à feu]. Ils ne m’ont pas questionné longtemps, je pense qu’ils m’ont cru. Ils ont séparé quelques personnes ; je ne les ai jamais revues...
Le matin suivant, les FRCI ont amené un gars qui a une cabine [sorte de stand téléphonique] à côté. Ils nous ont dit qu’on devait payer 300 000 francs CFA (600 USD) pour être relâchés. Nous les avons suppliés et avons négocié avec eux jusqu’à 150 000. J’ai utilisé le téléphone du gars pour appeler mon cousin. Ma mère et lui sont venus apporter l’argent et j’ai été libéré. J’ai de la chance de n’être resté qu’un jour là-bas, mais maintenant nous n’avons plus rien ; ma famille a tout donné pour ma libération. [86]

Un partisan de Ouattara qui vit près du camp de la BAE a raconté à Human Rights Watch : « Vous ne croiriez pas les choses que l’on voit chaque jour dans le camp. [Il y a] toujours des jeunes amenés en camion, frappés.Ils ne cachent même pas [les abus] ; ils sont souvent commis à la vue de tous.[Les FRCI] ne craignent rien ». [87] Un leader de la société civile ivoirienne a émis une observation semblable : « [Les soldats impliqués dans les abus] sont à l’aise.Ils ne craignent rien et c’est ça le plus dangereux :la totale impunité ». [88]

Arrestations arbitraires

Human Rights Watch a interrogé des résidents de Yopougon qui ont été arrêtés à leur domicile, alors qu’ils mangeaient dans un maquis, qu’ils étaient avec des amis dans un bar, qu’ils rentraient chez eux après la messe, qu’ils se déplaçaient en taxi ou en bus, ou alors qu’ils assistaient à des funérailles. Ces arrestations ont principalement eu lieu dans les zones de Yopougon perçues comme pro-Gbagbo, y compris les quartiers de Koweit, Sicogi et Niangon. Les anciens détenus et les autres témoins ont indiqué que souvent 20 personnes ou plus étaient arrêtées en même temps, sans qu’aucune d’entre elles ne soit informée des possibles allégations, et encore moins d’un mandat d’arrêt, à son encontre.

Dans presque toutes les arrestations documentées par Human Rights Watch à Yopougon, les soldats des Forces républicaines ont agi seuls ou avec un rôle de commandement, ce qui est contraire à la loi ivoirienne et au droit international. Selon la loi ivoirienne, la responsabilité d’arrêter des civils incombe principalement à la police judiciaire, qui inclut les catégories spécifiques de la police administrative et la gendarmerie, mais pas les militaires. [89] En délégant la responsabilité des fouilles et des arrestations à des soldats non formés pour mener de telles activités, et en particulier en délégant ces fonctions aux anciens commandants des Forces nouvelles qui s’appuient souvent sur des « volontaires » qui ne font pas formellement partie de l’armée, les autorités ivoiriennes ont ouvert la porte aux atteintes aux droits humains qui ont suivi.

Un jeune homme de 28 ans arrêté le 25 août a raconté à Human Rights Watch que les soldats ont clairement fait entendre qu’il n’y avait pas de fondement individualisé à son arrestation :

J’étais assis chez moi lorsque [des soldats] sont arrivés vers 10 ou 11 heures du matin. Ils ont annoncé qu’ils faisaient une perquisition maison par maison pour trouver des armes [à feu] et [qu’ils procédaient à] une rafle générale. Ils m’ont demandé de les suivre et nous avons marché jusqu’au carrefour Koweit, où se trouvait un camion qui nous attendait avec beaucoup de jeunes déjà à bord. Ils ont amené 20 à 30 d’entre nous au camp BAE, puis ils sont revenus dans le quartier pour arrêter d’autres [personnes]. Ils ont fait ça toute la journée... Je suis resté trois jours au [camp] BAE, vous ne croiriez pas le nombre de personnes qui étaient détenues là-bas... Ils ont menacé de m’envoyer au quartier général de l’armée si ma famille ne payait pas pour ma libération... Ma famille a finalement payé 60 000 francs CFA (120 USD). [90]

Un jeune homme de 24 ans a décrit de façon similaire l’arrivée des FRCI à Yopougon Niangon dans un pickup 4x4 bâché le 15 août et l’annonce d’une « rafle systématique » alors qu’il rentrait chez lui à pied vers 20h30. Les FRCI lui ont ordonné de monter à l’arrière du pickup où il y avait déjà huit autres jeunes hommes et il a été conduit au 16e commissariat de police de Yopougon avant d’être transféré et détenu au camp de la BAE pendant deux jours. Sa famille a finalement payé 10 000 francs CFA (20 USD) en échange de sa libération. [91]

Dans la plupart des cas documentés par Human Rights Watch, les forces de sécurité semblaient cibler les jeunes issus de groupes ethniques généralement pro-Gbagbo. Un ancien détenu au camp de la BAE a raconté : « Vous regardez [les détenus] autour de vous et vous voyez des Bétés, des Guérés, des Goros mais pas de Dioulas ». [92] Mais parfois, les arrestations massives ont aussi touché des personnes de groupes présumés pro-Ouattara. Human Rights Watch s’est entretenu avec un Malinké qui se trouvait dans un groupe arrêté arbitrairement en masse le 11 août. Celui-ci a expliqué qu’il essayait de présenter sa carte d’identité pour montrer qu’il faisait partie d’un groupe ethnique du nord, mais les soldats lui ont rétorqué qu’ils ne voulaient pas voir ses papiers. Alors qu’on l’obligeait à monter dans un camion, il se rappelle avoir dit, incrédule, « J’ai voté ADO [initiales de Ouattara], j’ai voté ADO ! ». Mais les soldats ont répondu : « Nous prenons tout le monde aujourd’hui ». Une fois arrivé au camp de la BAE, cependant, l’homme a pu appeler un contact à l’antenne locale des jeunes du RDR et a rapidement été libéré sans avoir à payer quoi que ce soit. [93]

Des résidents de Yopougon, en particulier dans les zones pro-Gbagbo, ont raconté à Human Rights Watch qu’ils vivaient avec un couvre-feu établi de fait à cause des arrestations arbitraires régulières. Beaucoup ont indiqué que tout groupe de jeunes hommes issus de groupes ethniques pro-Gbagbo qui se trouvait dehors après 20 h, que ce soit au restaurant, dans un bar ou marchant dans la rue, était susceptible d’être arrêté. Révélant un sentiment exprimé de manière quasi unanime, un jeune homme de 27 ans de Yopougon Koweit a dit : « Vous devez être chez vous après 20 h, sinon vous aurez des problèmes. Si vous êtes dehors après 20 h, surtout avec un groupe d’amis, vous serez arrêtés... Yopougon devient une ville morte. » [94]

En réponse à une question de Human Rights Watch sur le fondement juridique des arrestations massives, le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques a expliqué que les assaillants, après avoir attaqué les militaires, « se débarrassaient de leurs armes pour ensuite se mêler aux populations.C’est sur la base d’un faisceau d’indices et souvent sur dénonciation que ces personnes ont été arrêtées pour nécessité d’enquête.Il s’agissait bien d’arrestations ciblées et non massives. » [95]

Comme observé plus haut, notamment en ce qui concerne le camp d’Adjamé, Human Rights Watch a bien documenté quelques cas de personnes qui ont été arrêtées suite à des « dénonciations » ou une autre forme de renseignements. Mais dans la grande majorité des cas documentés par Human Rights Watch, les arrestations n’étaient clairement pas ciblées sur la base d’une suspicion individuelle. Embarquer 20 à 50 jeunes hommes assis dans un maquis, à bord d’un bus ou lors d’arrestations maison par maison dans certains quartiers ne constitue pas une action ciblée et n’est pas conforme à la loi ivoirienne ni aux droits humains. Comme détaillé ci-dessous, la nature arbitraire de ces arrestations a été confirmée par le fait que bon nombre des individus détenus pendant plusieurs jours au camp de la BAE et au camp militaire de Dabou n’ont jamais été interrogés. Ils étaient simplement détenus, souvent soumis à des traitements inhumains, puis obligés à verser une somme d’argent pour retrouver la liberté. La réponse du gouvernement ne commente pas non plus le fait que les Forces républicaines, à l’inverse de la police, des gendarmes et de la police judiciaire, ne semblent avoir aucune légitimité selon la loi ivoirienne pour procéder à de telles arrestations, qu’elles soient ciblées ou massives.

Détentions arbitraires, traitements inhumains

Les anciens détenus au camp de la BAE interrogés par Human Rights Watch étaient tous des civils et, par conséquent, n’auraient pas dû être emmenés dans un camp militaire ou y être détenus. La durée de la détention au camp de la BAE s’étendait de un à six jours pour ceux que Human Rights Watch a interrogés. Aucun des détenus interrogés n’a eu connaissance des accusations portées contre lui et aucun d’eux n’a comparu devant un juge. Comme indiqué plus haut, la loi ivoirienne stipule que tout civil arrêté doit être inculpé ou libéré dans les 48 heures, [96] et que, passé ce délai, la détention devient arbitraire conformément au Code de procédure pénale et à la constitution ivoirienne. [97]

Étant donné que Human Rights Watch a interrogé des personnes qui ont été libérées, il est vraisemblable que les informations contenues dans ce rapport reflètent essentiellement l’expérience des détenus qui ont passé un temps minimal en détention. Les personnes interrogées ont unanimement déclaré que lors de leur libération, beaucoup d’autres individus restaient en détention, puisque leur remise en liberté effective dépendait du paiement d’une somme d’argent. De plus, beaucoup d’anciens détenus ont décrit que certains individus étaient séparés des autres, menottés et transférés du camp de la BAE vers un autre centre, vraisemblablement des lieux de détention plus permanents, y compris la base de la police militaire d’Adjamé, la Direction de la surveillance du territoire (DST) à Plateau et la prison principale d’Abidjan (connue sous le nom de MACA).

Les abus physiques contre les détenus au camp de la BAE étaient courants, même s’ils n’avaient pas toujours lieu ; plusieurs anciens détenus ont rapporté ne pas avoir été maltraités physiquement après l’arrestation initiale. Les coups étaient généralement infligés pendant l’interrogatoire ou à l’extérieur dans la cour en raison des salles de détention surpeuplées. Un ancien détenu a décrit avoir été frappé à plusieurs reprises alors que les soldats le traitaient de « milicien » pendant un interrogatoire. [98] Un autre détenu a raconté que des soldats le frappaient avec leur ceinture alors qu’ils l’interrogeaient sur l’emplacement d’armes cachées. Il a expliqué : « Lorsqu’ils n’étaient pas satisfaits de ma réponse, ils me frappaient à la tête, dans le dos.Et ils n’étaient jamais satisfaits, car je ne savais rien sur les armes et je n’arrêtais pas de le leur répéter. » [99] Ce détenu a montré à Human Rights Watch plusieurs cicatrices sur son dos et à la tête, en précisant qu’elles étaient liées à des plaies causées pendant la détention.

Un autre détenu, arrêté le 17 août, a décrit comment des soldats les tourmentaient, lui et d’autres détenus, alors qu’ils essayaient de dormir dans la partie extérieure du camp :

On était obligé de dormir en plein air parce qu’il y avait trop de détenus dans le camp. Toute la nuit, la première nuit, si on commençait à s’assoupir, un des soldats s’approchait et nous frappait avec la crosse [de son fusil] ou nous donnait un coup de pied. Ils riaient en même temps et nous appelaient « salauds »... Après qu’ils m’ont battu plusieurs fois, j’ai arrêté de tenter de dormir. Mon visage était enflé à l’endroit où ils m’avaient frappé avec la crosse d’une Kalach[nikov]… [100]

Après leur libération, plusieurs personnes interrogées par Human Rights Watch ont reçu des soins médicaux pour les blessures infligées pendant leur arrestation ou leur détention. L’une de ces personnes a été frappée plusieurs fois à la poitrine par des soldats au camp de la BAE, entraînant une douleur intense et des difficultés pour respirer. [101] Un autre ancien détenu a rapporté avoir eu la main cassée par un soldat qui y avait porté un coup avec la crosse de sa Kalachnikov. [102]

Plusieurs anciens détenus ont aussi décrit avoir entendu ce qu’ils pensaient être des personnes subissant des abus physiques. Une personne, conduite au camp de la BAE le 20 août après que les soldats ont fait descendre tous les hommes d’un minibus qui entrait dans Yopougon Koweit pour les arrêter, a raconté à Human Rights Watch :

Nous entendions des gars crier de douleur. Je ne pouvais rien voir parce qu’ils n’étaient pas dans la cellule. Mais on pouvait entendre ce qui ressemblaient à des coups, comme si [les soldats] portaient des coups de poings à quelqu’un ou le frappaient avec une corde. On entendait : « Pardon, pardon », puis on entendait la personne crier sous les coups... Parfois, ils faisaient sortir des personnes de ma cellule et celles-ci revenaient plus tard avec des marques [de coups]. À d’autres moments, c’était des personnes d’autres cellules, car je ne les avais jamais vues mais on pouvait entendre les coups. [103]

En plus des abus physiques, les détenus du camp de la BAE ont enduré des conditions abusives liées au fait que le camp est un site de détention irrégulier, plutôt qu’une prison ou un poste de police. Près de 30 détenus étaient entassés dans des pièces de moins de treize mètres carrés. Plusieurs détenus ont dit qu’ils dormaient assis les uns à côté des autres la nuit. D’autres ont décrit avoir pris des tours pour dormir, avec 10 personnes s’allongeant pendant quelques heures alors que les autres restaient debout ou assises jusqu’à ce que ce soit à leur tour de dormir. [104] Les jours où un grand nombre de personnes étaient arrêtées arbitrairement, des dizaines de détenus étaient forcés de passer la nuit dans la partie extérieure du camp de la BAE, soumis aux éléments, dont la pluie et les moustiques. [105]

Toutes les personnes interrogées par Human Rights Watch détenues au camp de la BAE ont déclaré que les soldats responsables du camp ne leur procuraient pas de nourriture ni d’eau. La seule nourriture disponible provenait des membres des familles qui savaient qu’un proche était détenu là ; les nouveaux détenus tentaient alors de faire passer la nouvelle de leur détention à leur famille par l’intermédiaire de ceux qui apportaient de la nourriture. Les détenus partageaient la nourriture apportée, même si cela ne représentait généralement que quelques bouchées de pain par jour. De nombreux détenus ont décrit avoir passé plusieurs jours sans rien manger. [106]

Actes criminels commis par les FRCI lors des arrestations et des périodes de détention

Presque toutes les personnes interrogées ont décrit une généralisation des actes criminels commis par les membres des FRCI à Yopougon. Ces crimes ont été perpétrés dans un premier temps lors des fouilles et des arrestations massives dans les quartiers, alors que des soldats volaient de l’argent et des objets de valeur comme des téléphones portables, des ordinateurs et des bijoux aux domiciles et sur les personnes arrêtées ; et par la suite alors qu’ils exigeaient de l’argent en échange de la libération d’un détenu. Les arrestations massives semblent avoir été une aubaine financière pour les membres des Forces républicaines basés dans le camp de la BAE et avoir généré une situation précaire pour ceux qui ont été appréhendés en raison de leur âge et de leur orientation politique supposée.

Tous les détenus au camp de la BAE interrogés par Human Rights Watch, sauf deux, ont déclaré qu’ils avaient été obligés de payer les soldats pour obtenir leur libération. En général, les personnes arrêtées et détenues dans la semaine suivant l’attaque d’Akouédo ont signalé avoir dû payer entre 10 000 et 30 000 francs CFA (20 à 60 USD), alors qu’à la fin du mois d’août, la somme exigée semblait avoir atteint entre 60 000 et 150 000 francs CFA (120 à 300 USD). Plusieurs détenus ont décrit une « négociation » avec les soldats, au cours de laquelle une somme plus élevée était exigée au départ avant que le détenu ou sa famille ne parvienne à la faire baisser. Les soldats prêtaient souvent un téléphone au détenu pour qu’il appelle ses parents et indique la somme nécessaire pour sa libération ; dans d’autres cas, comme décrit dans la déclaration d’un ancien détenu au début de ce chapitre, les soldats faisaient venir une personne qui tenait une cabine téléphonique près du camp de la BAE pour permettre aux détenus de passer les appels.

Human Rights Watch s’est entretenu avec sept personnes qui ont été victimes ou témoins de vol perpétré par des individus faisant partie des Forces républicaines ou travaillant avec elles au cours des rafles dans les quartiers après les attaques d’août. Un jeune homme de 26 ans, originaire de l’ouest de la Côte d’Ivoire, a décrit les conséquences financières à long terme de son calvaire :

Le samedi [25 août], ils sont venus chez moi vers 13 h. Ils étaient en train de faire des fouilles dans le quartier [de Yopougon Koweit]. Ils disaient qu’ils cherchaient des armes et ont fouillé mon domicile. Ils ont pris un ordinateur portable qui était dans ma chambre, un ordinateur que mon patron m’avait donné pour le travail. Ils ont aussi volé l’argent que je gardais chez moi, mon [téléphone] portable LG et une bouteille de gaz. Tout ce qui avait de la valeur, ils [l’]ont pris... Ils ont demandé à ma femme et moi de montrer nos pièces [d’identité] et quand ils ont vu la mienne, ils ont dit : « Vous venez de l’Ouest. Vous êtes un des pro-Gbagbo qui faisaient des postes de contrôle ici. » Encore et encore, disant que j’étais un milicien. Ils ont déchiré ma pièce [d’identité] et m’ont fait monter dans leur camion.
J’ai passé une nuit au 37e commissariat [de police à Yopougon], puis à 6 heures du matin, ils m’ont fait monter dans un camion pour aller au [camp militaire de la] BAE. Il y avait beaucoup de monde au 37e commissariat, plus de 50 personnes, peut-être 100. Ils emmenaient les gens dans un camion jusqu’à la BAE, les laissaient là-bas, puis revenaient chercher d’autres personnes.
Il n’y avait plus de place dans la cellule à la BAE, donc nous dormions dehors. Ils nous malmenaient un peu, donnaient des coups de pieds aux gens lorsqu’ils nous surveillaient. Ils ne m’ont jamais rien demandé. Plus tard ce jour-là, ils m’ont dit d’appeler ma famille pour qu’elle vienne payer pour ma libération. Je leur ai répondu que ma famille avait quitté Abidjan [après l’attaque sur Akouédo] pour notre village [natal]. J’avais vraiment peur à l’idée de ne jamais sortir de là, donc j’ai appelé mon patron, la seule personne à qui je pensais [pouvoir m’aider]. Il est venu et a payé 100 000 francs CFA (200 USD) pour ma libération le dimanche, et ils m’ont laissé partir vers 10 heures du matin... Mon patron m’a dit que je travaillerai pour rembourser ce qu’il avait payé, plus le prix de l’ordinateur. J’ai tout perdu, et maintenant je ne serai plus payé [pendant un certain temps]. Ce que ces FRCI font, c’est de la merde. [107]

Même si cet endettement vis-à-vis d’un employeur était unique parmi les témoignages recueillis par Human Rights Watch, beaucoup d’autres personnes interrogées ont expliqué que leur famille proche n’avait pas suffisamment d’argent aisément disponible, ce qui forçaient les familles à réunir la somme requise en s’adressant à des oncles et tantes, cousins, amis et autres personnes acceptant d’aider.

Le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Gnénéma Coulibaly, dans sa réponse à Human Rights Watch, a indiqué que le gouvernement ouvrirait une enquête sur les activités criminelles commises par les Forces républicaines, y compris l’extorsion en échange de la libération. Il a poursuivi : « Si les allégations de violations des droits de l’Homme sont avérées à l’encontre de membres des forces de sécurité, ils seront traduits devant les tribunaux.À côté de cela, le ministère des droits de l’Homme et des Libertés publiques va continuer la formation des forces de sécurité aux droits de l’Homme.Rappelons que celles-ci en ont déjà reçu. » [108]

Human Rights Watch salue la formation continue sur les droits humains destinée aux forces de sécurité ivoiriennes. Cependant, la formation s’est révélée jusqu’à présent insuffisante pour modifier le comportement d’au moins certains membres des Forces républicaines. Il est donc essentiel de mettre un terme à la culture de l’impunité par des arrestations et des poursuites judiciaires face aux violations des droits humains. Human Rights Watch se félicite de l’engagement du gouvernement en la matière et en suivra la progression future.

Le prix de l’impunité : « Ben Laden » et les violations des droits humains récurrentes

Le commandant responsable du camp militaire de la BAE jusqu’en septembre 2012 était Ousmane Coulibaly, plus connu sous son nom de guerre « Ben Laden ». Coulibaly était aussi chargé des « opérations de nettoyage » tout aussi abusives après l’attaque du 15 août à Dabou (voir la section ci-dessous). Plusieurs anciens détenus au camp de la BAE ont identifié Coulibaly comme étant présent dans le camp alors que des soldats commettaient des atteintes aux droits humains et des actes criminels, notamment des traitements cruels et inhumains et de l’extorsion en échange de la libération des détenus. Une personne ayant une connaissance approfondie du camp a expliqué que le bureau de Coulibaly était visible depuis les lieux où de nombreux détenus étaient enfermés [109] et soumis à des abus, d’après leurs déclarations. Un soldat de l’armée ivoirienne a dit à Human Rights Watch que bon nombre des arrestations massives dans les quartiers étaient effectuées par les « petits » de Coulibaly, c’est-à-dire d’anciens combattants sous ses ordres directs qui ne sont pas incorporés dans l’armée régulière mais restent actifs à des fonctions de maintien de l’ordre. Ce témoignage est renforcé par la description faite par certaines personnes de Yopougon des individus qui les ont arrêtées : ils portaient d’anciens uniformes militaires avec des insignes « FRCI » cousues dessus et arrivaient dans des camions affichant l’inscription « FRCI » mais sans plaque d’immatriculation militaire officielle, dans lesquels ils transportaient les personnes vers le camp de la BAE, plutôt qu’à un poste de police.

Comme détaillé dans le rapport de Human Rights Watch sur les violences postélectorales, Ousmane Coulibaly était responsable de troupes dans le quartier de Yopougon que des témoins et des victimes ont impliquées à plusieurs reprises dans des exécutions sommaires, des actes de torture et des détentions arbitraires. [110] Le rapport 2009 sur les droits humains du département d’État des États-Unis concernant la Côte d’Ivoire a mentionné un aide de camp de Coulibaly comme « l’auteur responsable de torture sur trois éleveurs de bétail à Odienne en mai 2008 » sans aucune sanction de la part de Coulibaly. [111] Pendant la guerre civile de 2002 à 2003 en Côte d’Ivoire, Coulibaly était un des principaux commandants militaires du groupe rebelle connu sous le nom de Mouvement pour la justice et la paix (ou MJP) dans la ville occidentale de Man. [112] Le MJP, plus tard intégré dans les Forces nouvelles, avait des liens étroits avec Charles Taylor et les mercenaires libériens. [113] Human Rights Watch, [114] International Crisis Group, [115] la commission d’enquête internationale de 2004 [116] et Amnesty International [117] ont tous impliqué les forces du MJP dans de graves crimes internationaux à Man et dans les environs.

Au minimum, Ousmane Coulibaly semble incapable de contrôler les soldats sous ses ordres ou de sanctionner les soldats dans ses rangs qui sont responsables d’abus graves. Un responsable du gouvernement ivoirien a indiqué à Human Rights Watch que le nom de « Ben Laden » avait été cité à plusieurs reprises pour des comportements abusifs et a déclaré : « Comme on dit, ‘il n’y a pas de fumée sans feu’ ». [118]

Malgré les accusations répétées d’implication de ses hommes dans des violations graves des droits humains, Ousmane Coulibaly a conservé son rôle de commandant et a même été promu à des postes encore plus lucratifs. Deux semaines après que Human Rights Watch a fourni aux  ministres ivoiriens de l’Intérieur et des Droits de l’Homme des informations concernant les abus perpétrés sous le commandement de Coulibaly, ce dernier a été nommé préfet de San Pedro. [119] San Pedro abrite l’un des deux principaux ports de Côte d’Ivoire pour le commerce du cacao.

Dans sa réponse, le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques a indiqué que l’affectation d’Ousmane Coulibaly à la fonction de préfet de San Pedro n’était pas une « promotion », mais plutôt une « nomination » faite par le président dans le cadre de son « pouvoir discrétionnaire légal ». Le ministre a poursuivi : « De plus, le fait que le nom de M. Ousmane Coulibaly soit mentionné dans un rapport ne vaut pas condamnation et pour l’heure, aucun acte juridique n’incrimine M. Ousmane Coulibaly pour des actes de violations des droits humains. » [120]

La réponse du ministre ne tient pas compte du fait qu’il n’y a pas qu’un seul rapport impliquant Coulibaly en tant que commandant de soldats qui ont commis des crimes graves, mais plutôt des accusations répétées au cours d’une décennie par de multiples organisations internationales indépendantes et par le département d’État des États-Unis. Étant donné la nature des abus allégués et le détail de la documentation, les autorités ivoiriennes auraient dû, au minimum, se renseigner sur Coulibaly par une enquête approfondie avant de l’affecter à un poste de commandement clé dans l’une des régions les plus tendues du pays.

De plus, Human Rights Watch est préoccupé par le fait que le président Ouattara lui-même a pris la décision de nommer Coulibaly au poste de San Pedro. Même si le gouvernement ivoirien affirme souvent que personne n’est au-dessus des lois, indépendamment de son appartenance politique, le cas de Coulibaly vient rappeler que la réalité reste l’impunité, une impunité qui conforte les auteurs de crimes répétés sans crainte de conséquence possible.

Abus liés à la détention et extorsion au camp militaire de Dabou

Après l’attaque du 15 août à Dabou qui a pris pour cible un camp militaire et a abouti à la libération de quelque 100 personnes de la prison locale, [121] les Forces républicaines ont reproduit de nombreux abus observés à Yopougon après les attaques des 5 et 6 août à Abidjan. Des jeunes hommes et, dans certains cas, des femmes ont été appréhendés lors d’arrestations massives, ont été conduits au camp militaire de Dabou et, en général, ont été obligés à verser de l’argent pour être relâchés. Beaucoup d’hommes ont été battus au cours de leur arrestation ou leur détention. Les arrestations massives autour de Dabou se poursuivaient toujours lorsque le chercheur de Human Rights Watch a quitté le pays le 13 septembre. Comme à Yopougon, la vaste majorité des personnes arrêtées étaient issues de groupes ethniques généralement pro-Gbagbo, notamment les Adjoukrous et les Ébriés.

Des résidents de Dabou ont raconté que les arrestations massives se produisaient quasi quotidiennement après l’attaque du 15 août, prenant notamment pour cibles les villages voisins perçus comme pro-Gbagbo. Un résident d’Orbaff, un village à environ 15 kilomètres de Dabou, a expliqué que son village avait fait l’objet de trois arrestations massives différentes pendant le mois qui a suivi l’attaque. [122] Les résidents de trois villages proches de Dabou ont dit que le chef ou le chef adjoint de leur village avait été arrêté, maltraité et détenu, puis relâché uniquement après le versement d’une somme particulièrement exorbitante. [123]

Human Rights Watch a obtenu des vidéos prises dans le camp militaire de Dabou. L’une d’elles montrait environ 20 jeunes hommes qui ne portaient plus que leurs sous-vêtements après avoir été forcés à se déshabiller, et une autre vidéo montrait un soldat frappant avec une ceinture un détenu âgé, censée être un chef de village. En général, comme à Yopougon, les personnes étaient détenues entre un et quatre jours au camp. Cependant, plusieurs anciens détenus et d’autres résidents de Dabou ont raconté que quelques personnes étaient toujours portées disparues alors qu’elles avaient été transférées ailleurs plutôt que libérées avec les autres une fois l’argent versé. [124]

Une jeune femme de 23 ans arrêtée vers 22 h le 9 septembre alors qu’elle se trouvait dans un maquis à Dabou a décrit son arrestation et sa détention :

On était beaucoup dans le maquis. Deux camions sont arrivés vers 22 h et ils ont pris tout le monde, hommes et femmes. Ils ont dit que c’était une simple rafle. Ils ont forcé les hommes à se déshabiller et les ont fait monter dans l’un des camions, puis ils ont placé [les femmes] dans l’autre camion. Ils nous ont tous emmenés à leur camp, juste à la sortie de Dabou. Nous étions probablement entre 40 et 50 personnes au total [à être arrêtées]. Tous ceux qui nous ont arrêtés étaient des membres des FRCI portant des tenues militaires et équipés de Kalach[nikovs].
Lorsque nous sommes arrivés là-bas, ils ont pris ma photo et mes empreintes. Ils nous ont interrogés un par un, sur les miliciens, sur les armes. C’est toujours la même chose. Nous sommes restés dehors au camp jusqu’au matin. Les FRCI dormaient dans leurs petites maisons là ; nous étions en plein air avec quelqu’un pour nous surveiller... Ils ne touchaient pas les femmes, mais ils frappaient les hommes. Ils les ont battus pendant l’arrestation et ensuite dans le camp, avec leurs Kalach[nikovs], avec des ceintures, avec tout ce qu’ils avaient sous la main.
Le matin suivant, [un responsable local] est venu et a demandé de laisser [les femmes] partir [et les FRCI ont accepté]. Je leur ai demandé de laisser mon cousin partir aussi mais un des FRCI a dit qu’ils le laisseraient partir uniquement si je couchais avec [le soldat]. Beaucoup de femmes avaient des proches [masculins] présents dans le camp et plusieurs hommes des FRCI leur ont dit la même chose : couche avec nous et on le laisse partir . Nous avons toutes refusé, ils nous ont laissé partir mais ils ont gardé les hommes... Nous n’avons pu libérer mon cousin qu’hier, lorsque nous avons versé 5 000 francs CFA (10 USD). [125]

Selon les détenus et les membres des familles interrogés par Human Rights Watch, la somme d’argent exigée pour la libération d’une personne au camp militaire de Dabou, souvent 5 000 ou 10 000 francs CFA (10-20 USD), était généralement bien inférieure à celle rapportée pour le camp de la BAE de Yopougon. [126]

Human Rights Watch s’est entretenu avec deux témoins d’une arrestation massive le 11 septembre qui s’est déroulée pendant une « fête de génération », une célébration chez les populations ébrié et adjoukrou en l’honneur des jeunes qui viennent d’atteindre l’âge de la maturité. Les Forces républicaines sont arrivées dans un village près de Dabou alors que la célébration battait son plein et elles ont arrêté tous les jeunes hommes présents, ainsi qu’un homme âgé du village. Les témoins ont indiqué que les soldats ont frappé plusieurs fois ceux qu’ils arrêtaient alors qu’ils les faisaient monter dans le camion pour les emmener au camp. [127]

Lieux de détention illégaux et difficultés d’accès pour les familles et les observateurs

La détention de civils dans des lieux de détention illégaux comme le camp de la BAE contrôlé par les FRCI, le camp militaire de Dabou et le camp de la police militaire d’Adjamé, a rendu l’observation des conditions difficile pour les membres des familles des détenus et les observateurs indépendants. Les problèmes sont accentués par le refus du gouvernement d’accorder l’accès à certaines organisations ivoiriennes qui interviennent depuis longtemps dans l’observation des prisons. La situation est même pire, cependant, dans certains lieux de détention improvisés qui ne sont même pas des camps militaires autorisés, notamment des maisons et des hôtels que des soldats des Forces républicaines ou des « volontaires » toujours associés aux Forces républicaines continuent d’occuper.

Un membre de la famille d’une personne déplacée entre plusieurs lieux de détention à Abidjan a décrit des disparités en matière d’accès :

Il a d’abord été conduit au camp [du commandant de la police militaire] Zakaria à Adjamé, mais là-bas on ne pouvait pas le voir. Puis il a été transféré à la préfecture de police au Plateau, où nous pouvions lui rendre visite. Après trois ou quatre jours, il a été transféré à la MACA [la maison d’arrêt principale d’Abidjan], où nous pouvions encore voir comment il allait et lui apporter de la nourriture. Mais il y a quelques jours que nous sommes allés à la MACA et on nous a dit qu’il n’était plus là. Nous ne savons pas où il est. On nous a parlé de la DST, mais il y avait aussi des rumeurs qu’il a été enlevé et envoyé [vers un site inconnu]. Nous sommes allés à la DST, mais ils ne nous disaient rien. [Remarque : Human Rights Watch a recueilli des informations crédibles indiquant qu’il se trouvait à la DST.] C’était mieux lorsqu’il était à la MACA, au moins nous pouvions vérifier comment il allait. Maintenant nous ne savons rien et nous craignons le pire. [128]

Des groupes chargés de la surveillance des lieux de détention ont également exprimé leur frustration. Le président d’une organisation ivoirienne de défense des droits humains qui réalise depuis longtemps un important travail de surveillance des prisons a indiqué à Human Rights Watch que, pendant plus d’un an, ils ont déposé des demandes auprès des ministères de l’Intérieur et de la Défense pour obtenir l’autorisation de visiter les lieux de détention. Ils étaient toujours dans l’attente d’une réponse, malgré leurs assurances au gouvernement que la surveillance serait effectuée discrètement. [129] Par conséquent, il y a des lacunes dans la garantie de la protection des droits humains dans les lieux de détention.

Concernant la surveillance par l’ONUCI des lieux de détention après les attaques d’août, un représentant de l’ONU a indiqué à Human Rights Watch en septembre que « L’accès s’améliore mais n’est pas systématique. La dernière fois que nous sommes allés au camp de la BAE, par exemple, nous n’avons pas été autorisés à entrer parce que [le commandant] n’était pas là... On ne sait jamais clairement jusqu’où nous pouvons aller dans notre surveillance, si nous pouvons parler avec les détenus individuellement, si nous avons un accès total. » [130] Un autre représentant de l’ONU a constaté que la difficulté de surveillance était accentuée par le fait que des personnes étaient arrêtées, libérées et transférées d’un site à l’autre chaque jour. [131] Les représentants de l’ONU ont souligné que la coopération s’était renforcée et que l’accès s’améliorait dans la plupart des lieux de détention.

En plus des difficultés de surveillance des sites comme le camp de la BAE et le camp militaire d’Adjamé qui abritent des centaines de détenus, certains membres des Forces républicaines ont continué à utiliser des sites du quartier qu’ils occupent illégalement. Paul Koffi Koffi, le ministre de la Défense par intérim, a publié une circulaire en mai 2012 exigeant que, d’ici le 30 juin, les soldats cessent d’occuper les postes de police et de gendarmerie, les écoles et les centres de formation, les hôtels, les immeubles de bureaux et les résidences publiques et privées. [132] Il a menacé ceux qui ne respecteraient pas la directive, ainsi que leur commandants, d’expulsion de l’armée, de sanctions disciplinaires et, dans certains cas, de poursuites judiciaires. [133]

Cependant, malgré cet ordre, des personnes liées aux Forces républicaines continuent d’occuper ces bâtiments et, dans certains cas, de les utiliser comme centres de détention. Human Rights Watch a documenté des détentions à l’hôtel Blanc à Yopougon Koweit, à l’hôtel Timotel à Yopougon Niangon et dans un petit camp militaire dans un village hors de Dabou. Des informations dignes de foi indiquaient qu’au moins une des maisons d’un ancien responsable proche de Gbagbo avait peut-être été également utilisée comme lieu de détention. [134] Human Rights Watch n’a pas documenté d’abus sur ces sites qui allait au-delà des traitements décrits précédemment pour le camp de la BAE et le camp militaire principal de Dabou, mais l’utilisation de tels sites est contraire à la loi ivoirienne et au droit international et soulève des inquiétudes sur l’éventualité d’abus plus graves. En réponse à de futures menaces sécuritaires, les autorités ivoiriennes doivent s’assurer que les personnes arrêtées sont conduites dans des lieux de détention officiels et interrogées par des personnes autorisées selon la loi ivoirienne et que les observateurs bénéficient d’un accès total pour vérifier que les conditions respectent la loi ivoirienne et les normes internationales.

Dans sa réponse à Human Rights Watch, le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques a écrit que, en ce qui concerne les personnes « impliquées dans les attaques meurtrières contre les militaires des FRCI ou pour atteinte à la sûreté de l’État, vous comprendrez qu’on ne peut pas, à un certain stade des enquêtes donner libre accès [aux observateurs].Il y va de la sécurité du pays.Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de détenus dans les maisons d’arrêt, la loi ivoirienne en l’état, soumet les visites à des procédures, comme partout au monde. » [135]

L’observation des conditions de détention par des observateurs internationaux et ivoiriens ne présente aucune menace pour la sécurité du pays. En effet, garantir des traitements humains aux détenus, en particulier aux détenus exposés à un fort risque d’abus, comme ceux arrêtés lors de rafles massives pour des raisons de « sûreté de l’État », est un élément crucial pour ramener le pays à l’Etat de droit. Lorsque le ministre parle des personnes en détention « impliquées dans les attaques meurtrières », cela masque le fait qu’une grande majorité des personnes interrogées par Human Rights Watch n’avaient été accusées, et encore moins reconnues coupables, d’aucun crime. Les « preuves » contre les personnes appréhendées en masse sans mandat d’arrêt semblaient être essentiellement leur ethnicité et leur lieu de résidence.

Marginalisation de la police et des gendarmes

Depuis la fin de la crise postélectorale, les Forces républicaines et les « volontaires » armés qui leur sont restés fidèles ont illégalement assumé de nombreuses fonctions pour lesquelles la police et la gendarmerie sont légalement mandatées, notamment la réalisation de fouilles de domiciles et de véhicules, l’arrestation et l’interrogation de civils, la gestion de points de contrôle routier et même l’organisation du trafic aux intersections. La police et la gendarmerie ont progressivement retrouvé certaines de leurs responsabilités dans les mois précédant les attaques d’août, mais la division antérieure d’Abidjan en zones contrôlées par différents commandants militaires a été effectivement rétablie face à la menace sécuritaire. Étant donné les abus qui ont marqué la réponse de l’armée et les rapports réguliers d’abus moins fréquents lorsque des agents de police ou des gendarmes sont impliqués dans les fonctions de sécurité de base, il est essentiel que le gouvernement fasse des progrès pour équiper la police et la gendarmerie et les charger de remplir leurs fonctions.

Un diplomate à Abidjan a raconté à Human Rights Watch : « Après Akouédo, le gouvernement a rétabli le réseau de com-zones [136] [des anciennes Forces nouvelles].C’était un pas en arrière dans le processus de RSS [réforme du secteur de la sécurité]. » [137] Un autre diplomate a indiqué : « Le président a connaissance des problèmes [liés à l’affectation des fonctions de sécurité aux FRCI], mais son manque de confiance dans les anciennes FDS [forces précédentes sous Gbagbo, incluant la police et les gendarmes] l’a incité à réactiver les com-zones, avec tous les problèmes que cela engendre. » [138] Un représentant d’une organisation internationale à Abidjan a raconté pareillement à Human Rights Watch : « [Le gouvernement] est passé d’un extrême à l’autre après [Akouédo]. Il est passé du progrès en mettant les militaires dans les casernes au retour du pouvoir total aux mains des [FRCI] complétement hors de contrôle. » [139]

Pendant trois semaines à Abidjan, y compris lors des trajets quotidiens jusqu’à Yopougon, la grande majorité des points de contrôle routier qu’un chercheur de Human Rights Watch a rencontré étaient gérés uniquement par des soldats des FRCI. Même si la ville est devenue manifestement moins militarisée au début du mois de septembre, les FRCI restaient les forces de sécurité principalement visibles aux points de contrôle et lors des patrouilles. De plus, même lorsqu’un point de contrôle était géré par des soldats et des agents de police ou des gendarmes, les FRCI étaient généralement responsables du contrôle des papiers et de la fouille des véhicules, alors que les autres forces de sécurité se tenaient à proximité. Le chercheur de Human Rights Watch a été arrêté à neuf points de contrôle à Yopougon, et ceux-ci étaient tous tenus par des soldats des FRCI. Plusieurs points de contrôle rencontrés de nuit par Human Rights Watch dans d’autres quartiers d’Abidjan étaient également gérés par des soldats.

Pour justifier la prépondérance de l’armée dans les réponses aux attaques d’août, les responsables du gouvernement ivoirien ont expliqué qu’un nombre considérable d’armes et de véhicules de la police avaient été volés lors de pillages de commissariats de police pendant la crise, laissant la police mal équipée pour faire face aux menaces sécuritaires. [140] Dans des déclarations publiques précédentes, les responsables gouvernementaux ont aussi mis l’incapacité à réarmer la police et la gendarmerie sur le compte de l’embargo sur les armes du Conseil de sécurité de l’ONU toujours en vigueur. [141] Cependant, la Côte d’Ivoire est toujours inondée par les armes. Le gouvernement n’a pas fait de progrès dans le désarmement et la démobilisation, qui pourraient permettre de rendre le matériel volé à la police et à la gendarmerie tout en réduisant le pouvoir gênant des anciens combattants « volontaires » qui continuent à maintenir des relations avec certains commandants des FRCI.

Des résidents de Yopougon ont indiqué que les violations des droits humains étaient moins fréquentes ou moins graves lorsque des agents de police ou des gendarmes étaient impliqués dans les fouilles, les arrestations ou la mise en détention, même si l’action était menée conjointement avec des membres des Forces républicaines. Plusieurs victimes d’arrestation ou de détention arbitraire ont raconté à Human Rights Watch que les agents de police ou les gendarmes essayaient d’intervenir en leur faveur et de faire cesser les abus. Pendant les fouilles maison par maison à Yopougon, plusieurs résidents ont expliqué que la présence des policiers ou des gendarmes semblaient dissuader les soldats de voler dans les domiciles.

Un jeune homme arrêté alors qu’il rentrait à pied de l’église le 25 août a décrit comment la police a empêché son arrestation et a réprimandé des soldats qui avaient volé des dizaines de téléphones portables à ceux qu’ils avaient arrêtés :

Il y avait des forces de sécurité partout, effectuant une rafle... Ils amenaient tous les jeunes qu’ils avaient arrêtés en file indienne dans Koweit jusqu’au carrefour Koweit. Là, ils nous ont dit de nous allonger. Mon oncle m’a appelé sur mon portable à ce moment et j’ai répondu en lui racontant ce qui se passait. Un FRCI a commencé à m’insulter, à me hurler de raccrocher. Un autre FRCI avait un sac et récupérait les [téléphones] portables de tout le monde. Quand il est arrivé devant moi, j’ai dit « Non ! Comment ma famille saura où je suis ? » Il m’a frappé au visage. Un autre FRCI s’est approché et a pointé sa Kalach[nikov] sur moi, et j’ai mis mon portable dans le sac...
Grâce à Dieu, il y avait un policier à côté. C’était une patrouille mixte dans le quartier, mais les FRCI étaient plus nombreuses où nous étions allongés... J’ai dit au policier : « J’ai été arrêté alors que je rentrais d’une réunion à l’église ». Et je lui ai montré des papiers qui montraient que je venais de l’église. Le policier s’est approché du FRCI pour tenter de le persuader de me libérer, mais le gars des FRCI est devenu très en colère et a dit que j’étais un milicien.
Deux 4x4 sont arrivés avec des policiers, dont un commissaire [de la CRS II]. Le policier à qui j’avais parlé s’est approché de son commandant pour lui expliquer mon histoire. Le commissaire a demandé au policier mon nom et le gars a commencé à trembler de peur, il était nerveux d’intervenir en ma faveur. Je l’ai interrompu pour expliquer ma situation au commissaire. Celui-ci m’a dit de sortir du rang des personnes arrêtées... Je lui ai demandé mon portable, en lui disant que le soldat des FRCI les avait tous mis dans un sac. Le commissaire s’est vraiment mis en colère et a interrogé le gars des FRCI : « Qui vous a donné l’autorisation de prendre les [téléphones] portables ? Ce n’est pas pour ça que nous sommes ici ! » Il est revenu vers moi et m’a dit de mettre mon numéro de téléphone sur un papier et qu’ils me rendraient mon portable plus tard—le sac était tellement plein qu’il aurait fallu trop de temps pour chercher dedans... Le policier de la CRS a dit qu’il irait chercher mon téléphone au camp [de la] BAE. Il a ajouté : « Si je vous laisse y aller seul, il n’est pas sûr que vous en reveniez »... Avec leur aide, j’ai pu récupérer mon portable plus tard et je n’ai pas été détenu avec [tous les autres] au camp [de la] BAE. [142]

Mais ces efforts n’ont pas tous été fructueux. Une personne arrêtée le 24 août et conduite au camp de la BAE a raconté que « certains gendarmes tentaient d’intervenir et de convaincre les FRCI [de nous laisser partir, que nous n’étions pas des miliciens], mais les FRCI leur ont dit de retourner à leur propre camp, que ce n’était pas leur affaire ». [143] Un leader de la société civile a expliqué à Human Rights Watch qu’un des problèmes essentiels était le manque de moyens à la disposition de certaines forces de sécurité : « Que peut faire la police ?Ils ont une arme pour cinq policiers.Les gendarmes peuvent avoir une arme pour deux ou trois. La police en particulier n’a [souvent] pas de voitures. Les FRCI, notamment les anciennes FN, sont bien armées, elles ont des camions, des 4x4, des voitures. » [144]

Même avec ce déséquilibre en matière d’équipement, la simple présence d’agents de police ou de gendarmes a été bénéfique, d’après quelques témoignages de résidents de Yopougon recueillis par Human Rights Watch. Comme rapporté plus haut, plusieurs résidents de Yopougon ont signalé s’être fait voler des objets de valeur, comme des ordinateurs, de l’argent, des bijoux et des téléphones portables, pendant les fouilles de domiciles par les FRCI effectuées ouvertement pour chercher des armes. Une personne dont la maison a été fouillée par un groupe mixte de FRCI et de gendarmes le 25 août a expliqué comment le vol de ses objets de valeur a été évité :

Lorsqu’ils sont arrivés chez moi, il y avait un homme en uniforme de gendarme et derrière lui un soldat des FRCI tenant une RPG [grenade propulsée par fusée]. Le gendarme a effectué la fouille. Sans mandat de perquisition, il est juste venu et a dit : « Nous allons jeter un coup d’œil ». Il a fait une fouille rapide et ils n’ont rien emporté de mon domicile. Lorsqu’ils ont commencé les fouilles [dans une autre partie de Yopougon Koweit] plus tôt ce jour, il n’y avait que des membres des FRCI et ils volaient tout le monde. J’ai des amis et des parents qui ont été volés. Des personnes se sont plaintes à la police, aux gendarmes, à tous ceux qu’elles pouvaient appeler. Au début de l’après-midi, les FRCI étaient accompagnées de gendarmes et de policiers. [145]

La relation entre les différentes forces de sécurité reste peu aisée et les responsables gouvernementaux sont prompts à souligner que Gbagbo a noyauté certaines forces, y compris des sections de la police et de la gendarmerie, avec des personnes de groupes ethniques qui avaient tendance à le soutenir, en marginalisant les Ivoiriens du nord. [146] Cela est vrai et les attaques d’août ont aggravé la défiance, notamment alors que l’attaque d’Akouédo semblait avoir bénéficié d’une aide venant de personnes au sein du camp militaire. Cependant, le recours exclusif aux militaires et parfois à des anciens combattants ne faisant pas partie de l’armée ivoirienne, semble entraîner un plus grand nombre d’abus à l’encontre des civils, dressant même des partisans modérés de Gbagbo contre le gouvernement et l’armée. Des progrès doivent être faits pour une réaffectation des fonctions de sécurité internes à la police et à la gendarmerie.

Impact sur la réconciliation, réponse du gouvernement

La réponse abusive de certains soldats des Forces républicaines aux attaques contre des installations militaires a renforcé le sentiment parmi de nombreux partisans de Gbagbo d’être tous « coupables jusqu’à ce que leur innocence soit prouvée ». [147] À un moment où le pays reste profondément divisé par des clivages politiques et ethniques, les actions de l’armée risquent d’exacerber le sentiment de mise à l’écart des partisans de Gbagbo. Plusieurs responsables gouvernementaux ont admis l’existence d’excès dans la riposte des militaires, mais se sont concentrés sur la gravité de la menace sécuritaire et ont promis que des mesures ont été et seraient prises afin de contrôler ces abus à l’avenir.

Comme une personne qui avait été détenue au camp de la BAE l’a dit, faisant écho à beaucoup d’autres témoignages recueillis par Human Rights Watch : « Comment avoir l’harmonie et la réconciliation dans ce contexte ? » [148] Un autre ancien détenu du camp de la BAE a pareillement déclaré :

Comment le gouvernement  peut-il parler de réconciliation alors que les FRCI nous volent, nous traitent tous comme des miliciens [et] font des rafles chaque jour ? Je n’ai plus rien, tout mon argent a été pris ou [utilisé pour payer ma libération]. Si quelqu’un me demande demain de prendre une arme et de combattre les FRCI, je ne sais pas ce que je dirai. Lorsque des personnes ont été dépouillées de tout, lorsqu’il ne leur reste que la haine... nous sommes bien loin de la réconciliation.[149]

Un leader de la société civile ivoirienne a de même indiqué :

Les gens essaient d’aller au-delà de leur passé de FESCI ou de Jeunes patriotes [deux anciennes milices violentes pro-Gbagbo], mais le gouvernement les repousse en arrière vers ces identités en les arrêtant simplement parce qu’ils sont étiquetés comme pro-Gbagbo... La haine est en train de se cristalliser. Les deux camps doivent arrêter de jouer avec ça. [150]

Lorsque Human Rights Watch lui a présenté ses conclusions, le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko a dit : « Nous pouvons et nous devons répondre dans le cadre de la loi et chaque jour nous essayons d’insister sur l’importance des droits humains. Mais il faut aussi rester solidaire avec les militaires, qui ont été tués de sang-froid.Nous avons juste besoin d’un peu de temps. » Hamed Bakayoko a souligné que des progrès avaient été réalisés malgré le fait que « beaucoup de partisans pro-Gbagbo ne veulent pas la paix ni la réconciliation ». [151] Le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Gnénéma Coulibaly, a indiqué pareillement que : « Lorsque nous sommes confrontés à des personnes qui ont tué sans une arrière-pensée, il faut réagir. Les fouilles, les arrestations, c’est une bonne solution.Mais elles doivent être réalisées dans le cadre de la loi. » [152]

Les deux ministres ont promis de s’entretenir avec les responsables du camp de la BAE et d’effectuer des visites du site. Hamed Bakayoko a aussi convenu que les patrouilles mixtes et les unités mixtes aux points de contrôle de sécurité pourraient être un moyen de limiter les tensions entre l’armée et la population perçue comme pro-Gbagbo. [153]

Remerciements

Ce rapport a été rédigé par Matt Wells, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest, à partir des recherches qu’il a menées. La révision a été assurée par Corinne Dufka, chercheuse senior pour l’Afrique de l’Ouest, Sarah Margon, directrice adjointe du bureau de Washington, Clive Baldwin, conseiller juridique senior et Babatunde Olugboji, directeur adjoint au Bureau du programme. Marianna Enamoneta, assistante à la division Afrique de l’Ouest, a fourni une assistance pour des recherches complémentaires et pour la révision. Le rapport a été traduit en français par Sarah Leblois ; la révision de la traduction a été effectuée par Marianna Enamoneta et Peter Huvos, responsable de la section française du site Internet de Human Rights Watch. John Emerson a réalisé les cartes. La publication du rapport a été assurée par Grace Choi, directrice des publications, par Ivy Shen, assistante de production multimédia, et par Fitzroy Hepkins, responsable de la gestion du courrier.

Human Rights Watch tient à remercier certains individus pour leur aide précieuse dans la mise en relation de son chercheur avec des victimes d’atteintes aux droits humains à Abidjan et à Dabou. Pour des questions de sécurité, nous ne pouvons pas les nommer dans le présent rapport, mais tenons à souligner que leur courage a été essentiel à l’aboutissement de ce travail de recherche. Human Rights Watch tient également à saluer la collaboration régulière avec les organisations de la société civile ivoirienne qui œuvrent sans relâche pour la promotion et la défense des droits humains dans le pays.

Human Rights Watch souhaite plus particulièrement exprimer sa reconnaissance aux victimes et aux témoins oculaires qui ont accepté de faire part de leurs expériences. Bon nombre d’entre eux avaient subi des traitements inhumains pendant leur détention quelques jours ou semaines à peine avant de s’entretenir avec Human Rights Watch. Leur courage ainsi que leur détermination à exiger la fin des atteintes aux droits humains dont ont souffert les Ivoiriens au cours de la dernière décennie doivent servir d’appel à l’action adressé aux autorités ivoiriennes et à leurs partenaires internationaux. Il est urgent de s’attaquer aux causes profondes de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire, notamment à l’impunité de longue date dont bénéficient les forces de sécurité.

Annexe I : Courrier de Human Rights Watch au gouvernement ivoirien

Le 8 octobre 2012

Marcel Amon-Tanoh

Directeur de cabinet

Présidence

République de Côte d’Ivoire

Cher M. Amon-Tanoh,

Nous vous écrivons afin de recevoir la réponse formelle de la présidence concernant les principales conclusions de notre récent travail sur le terrain en Côte d’Ivoire, mené entre le 25 août et le 14 septembre. Nous espérons inclure ces réponses dans un rapport qui sera publié en novembre.

Nous apprécions l’ouverture de votre gouvernement à l’égard des organisations de défense des droits humains telles que Human Rights Watch. Lorsque nous étions à Abidjan, nous avons eu le plaisir de faire part de nos conclusions préliminaires au ministre de l’Intérieur, monsieur Hamed Bakayoko, au ministre des Droits de l’Homme, monsieur Gnénéma Coulibaly, au substitut du procureur de la République, monsieur Noël Djé et au directeur de cabinet du ministère de la Justice, monsieur Fodjo Abo. La volonté de votre gouvernement de rencontrer les activistes et d’échanger librement sur les questions des droits humains marque un changement clair et positif par rapport au précédent gouvernement de Côte d’Ivoire et nous espérons que cet engagement fructueux se poursuivra à l’avenir.

Notre travail sur le terrain en Côte d’Ivoire a porté essentiellement sur la réponse des forces de sécurité ivoiriennes aux attaques contre les militaires en août dernier. Nous reconnaissons pleinement que la Côte d’Ivoire est confrontée à une réelle menace pour sa sécurité et exprimons nos condoléances pour les victimes et les destructions provoquées par ces attaques. En juin 2012, Human Rights Watch a publié un court rapport documentant les attaques transfrontalières menées depuis le Libéria en Côte d’Ivoire et alertant sur le fait que les militants pro-Gbagbo recrutaient et s’organisaient au Libéria pour de futures attaques. Nous reconnaissons les liens préoccupants entre les militants au Libéria et au Ghana, ainsi que le droit du gouvernement ivoirien à répondre à ces menaces dans le cadre de la loi ivoirienne et du droit international.

Malheureusement, les forces de sécurité, et en particulier certains membres des Forces républicaines, ont répondu à ces menaces par une myriade de violations des droits humains. Nous nous sommes entretenus avec plus de 50 personnes à Abidjan et à Dabou qui ont fait l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires. Bon nombre d’entre elles ont subi des traitements cruels et inhumains alors qu’elles étaient détenues dans des camps militaires, y compris le camp de la police militaire à Adjamé, l’ancien camp de la Brigade anti-émeute (BAE) à Yopougon et le camp militaire de Dabou. La grande majorité des personnes interrogées par Human Rights Watch étaient des civils, pour lesquels le principe de détention dans un camp militaire est contraire à la loi ivoirienne et au droit international.

Au camp militaire d’Adjamé, sous la supervision de Kone Zakariah, Human Rights Watch s’est entretenu avec cinq anciens détenus qui ont été victimes de tortures. Ceux-ci ont décrit avoir été battus sauvagement à coups de fusils, de poings, de ceintures et d’autres objets, alors que des membres des Forces républicaines au camp exigeaient d’eux qu’ils signent des confessions ou qu’ils divulguent des informations sur la localisation d’armes. Sur les cinq victimes interrogées, trois étaient des civils et deux étaient des militaires qui sont restés dans les Forces de défense et de sécurité (FDS) de Gbagbo pendant la crise. Ces détenus ont affirmé avoir vu d’autres personnes victimes de mauvais traitements graves dans leur cellule. Les détenus ont aussi décrit des conditions horribles de confinement, ils racontent notamment avoir été forcés comme châtiment de rester dans une pièce pleine d’excréments, avoir été enfermés dans des pièces tellement surpeuplées que les détenus ne pouvaient pas s’allonger et avoir reçu des quantités d’eau et de nourriture insuffisantes au point que certains détenus ont commencé à délirer.

Dans l’ancien camp de la BAE à Yopougon, Human Rights Watch a documenté un va-et-vient quasi quotidien de détenus conduits au camp lors d’arrestations massives dans le voisinage. Human Rights Watch a interrogé les résidents de Yopougon qui ont été arrêtés à leur domicile, alors qu’ils mangeaient dans un maquis, qu’ils étaient avec des amis dans un bar, qu’ils rentraient chez eux après la messe, qu’ils se déplaçaient en taxi ou en bus, ou alors qu’ils assistaient à des funérailles. Ces arrestations sont principalement survenues dans les zones supposées pro-Gbagbo de Yogoupon et semblent souvent avoir été effectuées largement sur la base de l’ethnicité et de l’âge des personnes. Les détenus et les autres témoins ont indiqué que souvent 20 personnes ou plus étaient arrêtées en même temps. Aucune d’entre elles n’était informée des possibles allégations, et encore moins d’un mandat d’arrêt, à son encontre. Après avoir été conduits au camp de la BAE, les détenus étaient fréquemment soumis à des traitements cruels et inhumains, y compris des coups, des cellules surpeuplées obligeant les personnes à dormir à l’extérieur, la privation de nourriture, d’eau et de sommeil.

Nous avons aussi documenté une tendance inquiétante de comportements criminels de la part des forces de sécurité. Les victimes et les résidents du voisinage ont décrit comment, pendant les fouilles des domiciles, les membres des Forces républicaines volent souvent des téléphones portables, des ordinateurs, de l’argent et des bijoux. Les détenus ont aussi expliqué comment la réponse à la menace pour la sécurité a dévié vers une pratique d’extorsion généralisée : presque toutes les personnes détenues dans le camp de la BAE ont expliqué avoir été obligées de payer une somme d’argent considérable aux Forces républicaines en échange de leur libération. Les sommes d’argent demandées variaient de 10 000 francs CFA à plus de 150 000 francs CFA. Étant donné que les témoins ont fréquemment identifié les officiers qui commandaient dans les camps alors que ces abus se produisaient et que les abus se sont poursuivis sur un schéma similaire pendant au moins quatre semaines, nous pensons que les commandants de ces camps avaient au moins connaissance des abus continuels et n’ont pas agi pour y mettre un terme.

Les abus au camp militaire de Dabou étaient semblables à ceux commis dans le camp de la BAE, ce qui n’est sans doute pas surprenant étant donné que les deux camps étaient supervisés par le même commandant : Ousmane Coulibaly, également surnommé « Ben Laden ». Nous constatons avec inquiétude que Coulibaly a été récemment promu à la fonction de préfet de San Pedro. Sa promotion est intervenue deux semaines après que Human Rights Watch a présenté au ministre de l’Intérieur et au ministre des Droits de l’Homme ses conclusions qui impliquaient directement Coulibaly dans la supervision des arrestations et des détentions arbitraires massives, des traitements cruels et inhumains en détention et de l’extorsion généralisée à l’encontre des détenus en échange de leur libération. Coulibaly a aussi été cité par Human Rights Watch comme ayant joué un rôle de commandement dans les crimes de guerre commis pendant la bataille pour Abidjan en avril et mai 2011. En 2009, le Département d’État des États-Unis a mentionné Coulibaly dans son rapport annuel sur les droits humains, en notant que son aide de camp a pris part à des actes de torture sans sanction de la part de Coulibaly. Ses forces ont également été impliquées dans des crimes graves pendant le conflit armé de 2002-2003. Malgré son implication répétée dans des violations graves des droits humains par des groupes indépendants, il a été promu par le gouvernement et ce, pour superviser l’une des régions les plus tendues du pays, étant donné les rumeurs persistantes de possibles attaques sur cette région par les militants pro-Gbagbo. Sa promotion nous semble particulièrement préoccupante en raison des engagements du gouvernement ivoirien pour une justice impartiale et une armée respectueuse de la loi.

Pour terminer, des personnes travaillant dans le secteur du transport ont fait part à Human Rights Watch de leur frustration avec le retour d’une extorsion endémique organisée par les forces de sécurité aux points de contrôle. Dans une publication datant de septembre 2011, Human Rights Watch félicitait le gouvernement Ouattara pour ses efforts visant à mettre fin au fléau de l’extorsion aux points de contrôle. Nous reconnaissons que le problème est bien antérieur à l’arrivée du gouvernement Ouattara et que le gouvernement actuel s’était efforcé de s’attaquer en priorité à ce problème d’une manière qui a apporté des résultats clairs et a été accueillie favorablement par les Ivoiriens. Cependant, il apparaît que l’évolution s’est largement inversée aux lendemains des attaques d’août. Plusieurs hommes d’affaires impliqués dans le secteur des transports ont raconté qu’ils avaient cessé leur activité de transport de marchandises pour le moment parce que l’extorsion était trop onéreuse pour réaliser un bénéfice.

Comme indiqué au début de ce courrier, nous publierons un rapport au début du mois de novembre. Nous voulons refléter au mieux la position du gouvernement, en lui donnant la possibilité de répondre à nos principales conclusions, en plus des réponses que nous avons reçues lors des réunions avec M. Bakayoko et M. Coulibaly.

En raison de notre calendrier de publication, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir répondre par écrit aux questions ci-dessous avant le 22 octobre. Si cela vous semble plus simple, nous pouvons au lieu de cela discuter de ces questions lors d’un entretien téléphonique.

  • Sur quel fondement juridique des civils sont-ils détenus dans des camps militaires, notamment le camp de la BAE à Yopougon, le camp militaire de Dabou et le camp de la police militaire d’Adjamé ? S’il n’y a pas de fondement juridique à la détention de civils sur ces sites militaires, pouvez-vous vous engager à mettre fin à ces pratiques ?
  • Sur quel fondement juridique les soldats des Forces républicaines procèdent-ils à des arrestations massives, y compris à Yogoupon et à Dabou ? Quel est le motif de ces arrestations et détentions de personnes en masse, sans mandat d’arrêt ou sans situation de flagrant délit ?
  • Est-ce que chaque personne maintenue en détention est présentée rapidement à un juge, comme stipulé par la loi ivoirienne et le droit international des droits humains ? Si non, y a-t-il une raison pour laquelle les détenus, en particulier dans ces camps militaires, n’ont pas pu bénéficier du droit à comparaître devant un juge dans les 48 heures suivant leur arrestation ? Est-ce que le gouvernement s’assurera à l’avenir que tous les détenus comparaissent rapidement ou soient libérés, conformément à la loi ?
  • Quelle est la procédure au sein du gouvernement, et en particulier au ministère de la Défense, pour se renseigner sur les commandants militaires avant une promotion ? Est-ce qu’une évaluation des allégations de violations des droits humains est prise en compte dans ces décisions ?
  • En choisissant Ousmane Coulibaly pour la fonction de préfet à San Pedro, y a-t-il eu une discussion sur son implication, notamment par le Département d’État des États-Unis, dans des crimes graves comme la torture en tant que responsable du commandement ? Pourquoi le gouvernement considère-t-il M. Coulibaly comme la personne la mieux à même de gérer la région sensible de San Pedro ?
  • Comme indiqué précédemment, les victimes et les témoins ont décrit de nombreux cas de tortures et de traitements cruels dans le camp de la police militaire d’Adjamé aux lendemains des attaques d’août. Quelles mesures le gouvernement prend-il pour protéger les détenus de tels abus ? Le procureur mènera-t-il des enquêtes sur les allégations de torture, en vue de traduire en justice les membres des Forces républicaines considérés comme responsables de ces abus ?
  • Quelles mesures le gouvernement a-t-il pris ou prendra-t-il afin de mettre un terme aux pratiques criminelles des forces de sécurité, y compris l’extorsion à l’encontre des détenus en échange de leur libération ?
  • Face aux abus en détention, quelles mesures le gouvernement a-t-il pris ou prendra-t-il pour s’assurer que des observateurs ivoiriens et internationaux indépendants aient un accès total à tous les sites de détention, y compris lors de visites inopinées ? Les représentants de plusieurs organisations ivoiriennes qui surveillent depuis longtemps les conditions de détention ont déclaré à Human Rights Watch que le gouvernement n’avait pas approuvé leurs demandes d’accès depuis plus d’un an. Est-ce exact ? Et si oui, pourquoi ?
  • Le gouvernement du président Ouattara a eu un succès considérable dans la réduction des pratiques d’extorsion aux points de contrôle pendant ses premiers mois au pouvoir. Quelles mesures le gouvernement prévoit-il de prendre pour faire en sorte qu’on ne revienne pas en arrière sur ce point ?

Nous vous remercions encore pour l’ouverture dont votre gouvernement a fait preuve en s’engageant sur la question des droits humains et nous attendons avec impatience votre réponse aux questions importantes soulevées dans le présent courrier. Pour toute question, veuillez nous contacter par e-mail à l’adresse wellsm@hrw.org ou par fax au : +1-212-736-1300.

Corinne Dufka, Directrice des projets, l’Afrique de l’Ouest

Matt Wells, Chercheur sur la Côte d’Ivoire

CC : SEM le Président de la République, Alassane Ouattara

CC : M. Paul Koffi Koffi, ministre auprès du Président de la République, chargé de la Défense

CC : M. le Premier ministre et ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Jeannot Ahoussou-Kouadio

CC : M. le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko

CC : M. le ministre des Droits de l’Homme, Gnénéma Coulibaly

Annexe II : Réponse du directeur de cabinet de la présidence ivoirienne

Annexe III : Réponse du ministre ivoirien des Droits de l’Homme et des Libertés publiques



[1]Le fondement de la revendication de Gbagbo s’appuie sur la décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2010, présidé par Paul Yao N’Dre, un proche allié de Gbagbo, qui infirme les résultats de la commission électorale et déclare Gbagbo vainqueur. Le Conseil a annulé des centaines de milliers de suffrages des régions du nord, où Ouattara avait obtenu un soutien considérable, au motif d’irrégularités de vote présumées. Lorsque le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire a certifié les résultats de la commission électorale, il a aussi « certifié que la proclamation du Conseil constitutionnel [donnant vainqueur Laurent Gbagbo] ne se fondait pas sur les faits ». Y.J. Choi, « Statement on the certification of the result of the second round of the presidential election held on 28 November 2010 », 3 décembre 2010. Voir également Vijay Nambiar, « Dear President Mbeki: The United Nations Helped Save the Ivory Coast », Foreign Policy, 17 août 2011.

[2]Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » : Le besoin de justice pour les crimes post-électoraux en Côte d’Ivoire, 5 octobre 2011, http://www.hrw.org/fr/reports/2011/10/04/ils-les-ont-tu-s-comme-si-de-rien-n-tait. Depuis 2002 au moins, le gouvernement Gbagbo soutenait activement des milices, notamment à Abidjan et dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Ces milices ont été impliquées à plusieurs reprises dans des exactions contre des Ivoiriens du Nord et des immigrés ouest-africains. Human Rights Watch, Prise entre deux guerres : Violence contre les civils dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, vol. 15, n° 14 (A), août 2003, http://www.hrw.org/fr/reports/2003/08/05/prise-entre-deux-guerres ; Human Rights Watch, « Parce qu’ils ont les fusils… il ne me reste rien » : Le prix de l’impunité persistante en Côte d’Ivoire, vol. 18, n° 4 (A), 25 mai 2006, http://www.hrw.org/fr/reports/2006/05/25/parce-qu-ils-ont-les-fusils-il-ne-me-reste-rien. Pendant la crise postélectorale, les milices pro-Gbagbo ont joué un rôle particulièrement prédominant, en partie parce que Gbagbo avait des doutes quant à la fidélité de bon nombre de simples soldats de l’armée et en partie parce qu’il avait nommé le dirigeant de longue date de la milice Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, comme son ministre de la Jeunesse. Des dizaines de milliers de jeunes ont été engagés comme miliciens, et beaucoup d’entre eux ont été équipés de fusils Kalachnikov.

[3] Le président Alassane Ouattara a signé un décret le 17 mars 2011 qui a créé les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), composées à l’époque principalement de membres du groupe rebelle Forces nouvelles.

[4] Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Côte d’Ivoire [ci-après « Rapport 2011 de la CEI »], Doc. ONU A/HRC/17/48, 7 juin 2011 ; Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » ; Amnesty International, « They looked at his identity card and shot him dead » : Six Months of Post-Electoral Violence in Côte d’Ivoire, mai 2011 ; Amnesty International, “We want to go home but we can’t”: Côte d’Ivoire’s continuing displacement and insecurity, 28 juillet 2011 ; FIDH, Côte d’Ivoire : Massacres à Duékoué et graves exactions commises contre la population civile dans tout le pays, 2 avril 2011 ; Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire Division des droits de l’Homme, Rapport sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, 10 mai 2011.

[5] Commission nationale d’enquête, Rapport d’enquête sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire survenues dans la période du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011, juillet 2012.

[6] Voir Matt Wells, « La CPI doit encore asseoir sa légitimité en Côte d’Ivoire », Le Monde, 19 juillet 2012 ; entretiens accordés à Human Rights Watch par des représentants de la société civile ivoirienne, Abidjan, août et septembre 2012.

[7] UNHCR, Réfugiés en Libéria : Vue d’ensemble, disponible sur http://data.unhcr.org/liberia/regional.php (dernière consultation le 23 septembre 2012, signalant 63 272 réfugiés au Libéria au 31 août 2012).

[8] Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria, Rapport final du Groupe d’experts sur le Libéria établi en application de l’alinéa f) du paragraphe 6 de la résolution 1961 (2010) du Conseil de sécurité, doc. ONU S/2011/757, 7 décembre 2011.

[9] Voir André Silver Konan, « Côte d’Ivoire : pro-Gbagbo exilés au Ghana, la revanche dans la peau », Jeune Afrique, 8 mai 2012 ; Groupe d’experts des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire, Rapport final du Groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire, établi en application du paragraphe 14 de la résolution 1980 (2011) du Conseil de sécurité, doc. ONU S/2012/196, 14 avril 2012 (déclarant, au paragraphe 20, que « [d]epuis la fin de la crise postélectorale, de nombreux Ivoiriens proches de l’ancienne Administration ivoirienne […] opèrent du Ghana. »).

[10] André Silver Konan, « Côte d’Ivoire : pro-Gbagbo exilés au Ghana, la revanche dans la peau », Jeune Afrique, 8 mai 2012 ; Jean-Philippe Rémy, « Paix impossible en Côte d’Ivoire », Le Monde, 14 juin 2012 ; Groupe d’experts des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire, Rapport final du Groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire, établi en application du paragraphe 14 de la résolution 1980 (2011) du Conseil de sécurité, (déclarant, au paragraphe 20, qu’« il n’est pas exclu que ces personnes [au Ghana] tentent de déstabiliser la nouvelle Administration ivoirienne. »).

[11] « Libéria : Des ennemis du gouvernement ivoirien ont mené des attaques et préparent de nouveaux raids », Human Rights Watch, 6 juin 2012 ; Human Rights Watch, « Côte d’Ivoire : Deuxième attaque meurtrière près de la frontière libérienne », 21 septembre 2011.

[12] « Libéria : Des ennemis du gouvernement ivoirien ont mené des attaques et préparent de nouveaux raids », Human Rights Watch, 6 juin 2012.

[13] « U.N. says 7 peacekeepers killed in Ivory Coast », Associated Press, 8 juin 2012 ; « Analysis: Tracking down Liberia’s mercenaries », IRIN, 27 juin 2012 ; « Ivory Coast Insecurity Grows as Residents Flee Western Attacks », Bloomberg, 13 juin 2012.

[14] « Libéria : Des mesures fermes en matière de justice face aux attaques transfrontalières », Human Rights Watch, 19 juin 2012.

[15] « Côte d’Ivoire : cinq militaires tués dans deux attaques à Abidjan », Agence France-Presse, 5 août 2012 ; « 10 soldiers killed in two separate attacks in Ivory Coast », CNN, 6 août 2012 ; « Côte d’Ivoire: Gunfire and fear in Abidjan », IRIN, 10 août 2012.

[16] « Six dead in pre-dawn raid on Ivory Coast military camp », Reuters, 6 août 2012 ; « 6 soldiers killed in attack in Ivory Coast », Associated Press, 6 août 2012 ; Baudelaire Mieu, « Côte d’Ivoire : sur la piste des assaillants de la caserne d’Akouédo », Jeune Afrique, 7 août 2012.

[17] Entretiens accordés à Human Rights Watch, Abidjan, août-septembre 2012. Voir également « Côte d’Ivoire : six morts au moins et plusieurs blessés dans l’attaque d’un camp militaire à Abidjan », RFI, 6 août 2012 ; T. Guy, « Attaques d’Akouedo Bert Koenders : ‘Il y eu a des complicités dans le camp’ », Le Démocrate (Abidjan), 9 août 2012.

[18] « Attaque près d’Abidjan, trois civils tués, des dizaines de détenus évadés », Agence France-Presse, 16 août 2012 ; « Gunmen attack army posts, raid prison in Ivory Coast », Reuters, 17 août 2012.

[19] « Ivory Coast using attacks as pretext for crackdown: opposition », Reuters, 20 août 2012.

[20] « Des pro-Gbagbo responsables des attaques meurtrières d’Abidjan (ministre) », Agence France-Presse, 7 août 2012 ; Lacina Ouattara, « Après les attaques de Yopougon et d’Akouédo : Hamed Bakayoko fait des révélations et rassure », Le Patriote (Abidjan), 9 août 2012, http://news.abidjan.net/h/438601.html.

[21] « Côte d’Ivoire : le parti de Gbagbo condamne la vague de violence à Abidjan », Agence France-Presse , 8 août 2012 ; S. Débailly, « Accusation portée contre les pro-Gbagbo / Koua Justin réplique : ‘Les séquestrations et les intimidations nous confortent dans notre combat’ », l’Intelligent d’Abidjan, 13 août 2012.

[22] Baudelaire Mieu, « Côte d’Ivoire : sur la piste des assaillants de la caserne d’Akouédo », Jeune Afrique, 7 août 2012 ; « A year after crisis, aftershocks rock Ivory Coast », Associated Press, 20 août 2012 ; Robbie Corey-Boulet, « Cote d’Ivoire : A Reluctant Farewell to Arms », Inter Press Service, 22 septembre 2012, http://www.ipsnews.net/2012/09/reluctant-farewell-to-arms-in-cote-divoire/.

[23] Baudelaire Mieu, « Côte d’Ivoire : sur la piste des assaillants de la caserne d’Akouédo », Jeune Afrique, 7 août 2012 ; « A year after crisis, aftershocks rock Ivory Coast », Associated Press, 20 août 2012.

[24] « Libéria : Des ennemis du gouvernement ivoirien ont mené des attaques et préparent de nouveaux raids », Human Rights Watch, 6 juin 2012.

[25] Voir également le Groupe d’experts des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire, Rapport de mi-mandat du Groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire en application du paragraphe 16 de la résolution 2045 (2012) du Conseil de sécurité, paragraphe 38.

[26] Entretiens accordés à Human Rights Watch par des diplomates, des responsables du gouvernement ivoirien et des représentants des Nations Unies, Abidjan, septembre 2012. Pour la liste des sanctions de l’Union européenne, voir Conseil de l’Union européenne, Règlement d’exécution (UE) n° 193/2012 du Conseil du 8 mars 2012 mettant en œuvre le règlement (CE) n° 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (ci-après « liste des sanctions de l’UE »), disponible à l’adresse : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:071:0005:0009:FR:PDF (dernière consultation le 23 septembre 2012).

[27] « Libéria : Des ennemis du gouvernement ivoirien ont mené des attaques et préparent de nouveaux raids », Human Rights Watch, 6 juin 2012 ; Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria, Rapport final du Groupe d’experts sur le Libéria établi en application de l’alinéa f) du paragraphe 6 de la résolution 1961 (2010) du Conseil de sécurité.

[28] « Libéria : Des mesures fermes en matière de justice face aux attaques transfrontalières », Human Rights Watch, 19 juin 2012.

[29] « Liberia to extradite Ivorian mercenary suspects », Reuters, 22 juin 2012 ; « 41 Ivoiriens extradés du Libéria remis à la police ivoirienne », Agence France-Presse , 23 juin 2012.

[30] « Several Persons Arrested in Connection with ‘Mercenarism », Heritage (Libéria), 31 août 2012 ; Kennedy L. Yangian, « Witch Hunt in Liberia: 7 Grand Gedeans Implicated in Ivorian Crisis Tells Court », Front Page Africa, 30 août 2012.

[31] « Ivory Coast, Liberia plan joint military operation on border », Reuters, 18 octobre 2012 ; « Libéria : arrestation d’un chef de guerre impliqué dans des violences en Côte d’Ivoire », Agence France-Presse , 18 octobre 2012.

[32] « Ivory Coast, Liberia plan joint military operation on border », Reuters, 18 octobre 2012 ; « Frontière ivoiro-libérienne : manœuvres militaires d’ici fin 2012 (officiel) », Agence France-Presse , 18 octobre 2012.

[33] Entretiens accordés à Human Rights Watch par Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Abidjan, 7 septembre 2012 ; et par un haut responsable du ministère de la Justice, Abidjan, 11 septembre 2012.

[34] « Libéria : Des ennemis du gouvernement ivoirien ont mené des attaques et préparent de nouveaux raids », Human Rights Watch, 6 juin 2012.

[35] « Liberian authorities release mercenary on bail », Associated Press, 17 avril 2012 ; Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria, Rapport final du Groupe d’experts sur le Libéria établi en application de l’alinéa f) du paragraphe 6 de la résolution 1961 (2010) du Conseil de sécurité, paragraphe 63.

[36] Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria, Rapport final du Groupe d’experts sur le Libéria établi en application de l’alinéa f) du paragraphe 6 de la résolution 1961 (2010) du Conseil de sécurité, paragraphes 62-63. Le mercenarisme est un « crime national odieux » selon le Code pénal du Libéria. Gouvernement du Libéria, Nouveau Code pénal du Libéria, §11.13 : Mercenarisme.

[37] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », pages 59-64.

[38] Groupe d’experts des Nations Unies sur le Libéria, Rapport final du Groupe d’experts sur le Libéria établi en application de l’alinéa f) du paragraphe 6 de la résolution 1961 (2010) du Conseil de sécurité, paragraphe 63. Voir également le Groupe d’experts des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire, Rapport de mi-mandat du Groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire en application du paragraphe 16 de la résolution 2045 (2012) du Conseil de sécurité, paragraphe 42 (« Le Groupe croit savoir que plusieurs chefs d’opération ivoiriens et libériens, appelés « généraux », lèvent des troupes, entraînent les recrues tout en participant aux opérations militaires en cours.Le Groupe a établi que M. Isaac Chegbo, dit Bob Marley, M. Oulai Tako Anderson, dit Tarzan de l’Ouest, M. Gouhian Mompoho Julien, dit Colombo, M. Augustin Vlayee, dit Bushdog, M. Jefferson Gbarjolo, dit Iron Jacket, M. Bobby Sarpee et M. Moses Juru sont au nombre de ces chefs d’opération. »). Dans son rapport de juin 2012, Human Rights Watch a également cité Augustin Vlayee et Oulai Tako comme étant chargés du recrutement pour les attaques en Côte d’Ivoire.

[39] « Ivory Coast closes frontier with Ghana over border attack », Reuters, 21 septembre 2012.

[40] Liste des sanctions de l’UE, Annexe II.

[41] « Ivory Coast: Ex-President Gbagbo ally Kouassi arrested », BBC, 7 juin 2012.

[42] « Ghana arrests three in suspected Ivory Coast coup plot », Reuters, 17 septembre 2012.

[43] « Côte d’Ivoire : le porte-parole de Laurent Gbagbo en exil arrêté au Ghana », Agence France-Presse , 25 août 2012. Les autorités ivoiriennes ont ajouté des chefs d’inculpation concernant deux meurtres pendant la crise postélectorale, mais un juge ghanéen a rejeté ces chefs d’inculpation le 24 octobre. « Ghana : une semaine pour clore l’enquête sur le porte-parole de Gbagbo », Agence France-Presse , 17 octobre 2012 ; « Ghana frees ally of ex-Ivory Coast leader, drops murder charge », Reuters, 24 octobre 2012.

[44] Entretiens accordés à Human Rights Watch par de hauts responsables du gouvernement ivoirien, Abidjan, septembre 2012.

[45] «  Un tribunal ghanéen libère sous caution le porte-parole de Gbagbo  », Agence France-Presse, 24 octobre 2012 ; «  Le porte-parole de Gbagbo libéré sous caution au Ghana (tribunal)  », Agence France-Presse, 25 septembre 2012.

[46] « Ghana : arrestation de trois hommes ‘planifiant un coup d’État’ en Côte d’Ivoire (police) », Agence France-Presse , 18 septembre 2012. Les élections présidentielles ghanéennes auront lieu le 7 décembre 2012.

[47] « Ghana arrests three in suspected Ivory Coast coup plot », Reuters, 17 septembre 2012. Voir également « Ghana : arrestation de trois hommes ‘planifiant un coup d’État’ en Côte d’Ivoire (police) », Agence France-Presse, 18 septembre 2012, http://news.abidjan.net/h/441117.html.

[48] « Ivory Coast closes frontier with Ghana over border attack », Reuters, 21 septembre 2012.

[49] Idem.

[50] Idem. Voir également « Ivory Coast closes Ghana border after deadly attack », BBC, 21 septembre 2012.

[51] « Ivory Coast to reopen air space with Ghana », BBC, 23 septembre 2012.

[52] « Ivory Coast reopens Ghana land and sea borders », BBC, 8 octobre 2012.

[53] « Gunmen attack Ivory Coast power stations, security facilities », Reuters, 15 octobre 2012 ; « Côte d’Ivoire : tirs sur une centrale thermique à Abidjan, police attaquée dans le sud (sources concordantes) », Agence France-Presse , 15 octobre 2012.

[54] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ex-membre des FANCI détenu au camp de la police militaire, Abidjan, 5 septembre 2012.

[55] La base est l’ancien camp de génie militaire.

[56] Yves-M. Abiet, « Police militaire : Pourquoi le choix de Koné Zakaria est judicieux », Le Patriote (Abidjan), 23 décembre 2011, http://news.abidjan.net/h/420826.html ; Hamadou Ziao, « Chasse aux faux FRCI : Une bombe entre les mains de Zakaria », l’Inter (Abidjan), 23 décembre 2011 ; http://news.abidjan.net/h/420813.html.

[57] Même pour les détenus militaires, la base de la police militaire semble être un site de détention inadapté. Conformément au Code ivoirien de procédure militaire, « les militaires qui sont ainsi arrêtés peuvent être déposés dans la chambre de sûreté d’une caserne de Gendarmerie ou dans une prison militaire ».République de Côte d’Ivoire, Loi n° 74-350 du 24 juillet 1974 relative à l’institution d’un code de procédure militaire (ci-après Code de procédure militaire). Étant donné que la base de la police militaire d’Adjamé est l’ancien site du camp de génie militaire, ce n’est ni une caserne de gendarmerie, ni une prison militaire officielle.

[58] Code de procédure pénale, art. 63, 76.

[59] Code de procédure militaire, art. 55, 57. Il existe une exception en temps de guerre. Idem, art. 58(2). Cependant, aucun argument crédible n’indique que la Côte d’Ivoire est impliquée dans un conflit armé et le gouvernement n’a fait aucune déclaration formelle laissant entendre son implication dans un conflit armé.

[60] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[61] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[62] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 1(1), résolution de l’A.G. 39/46, annexe, 39 U.N. GAOR Supp. (n° 51) à 197, doc. ONU A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, ratifiée par la Côte d’Ivoire le 18 décembre 1995.

[63] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 36 ans au camp de la police militaire, Abidjan, 3 septembre 2012.

[64] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 31 ans au camp de la police militaire, Abidjan, 3 septembre 2012.

[65] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ex-membre des FANCI détenu au camp de la police militaire, Abidjan, 5 septembre 2012.

[66] Idem.

[67] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ex-membre des FANCI détenu au camp de la police militaire, Abidjan, 6 septembre 2012.

[68] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 29 ans au camp de la police militaire, Abidjan, 5 septembre 2012.

[69] Entretiens accordés à Human Rights Watch par la sœur et la tante d’une personne toujours en détention en lien avec l’attaque d’Akouédo, Abidjan, 29 août 2012 ; et par la mère d’une personne toujours en détention en rapport avec l’attaque d’Akouédo, Abidjan, 30 août 2012.

[70] Entretien accordé à Human Rights Watch par la sœur et la tante d’une personne toujours en détention en lien avec l’attaque d’Akouédo, Abidjan, 29 août 2012.

[71] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ex-membre des FANCI détenu au camp de la police militaire, Abidjan, 5 septembre 2012.

[72]L’Observation générale n 2 de la Convention contre la torture énonce une obligation incombant aux commandants similaire à celle prévue par le Statut de Rome. Elle prévoit : « Dans le même temps, les supérieurs hiérarchiques − y compris les fonctionnaires − ne peuvent se soustraire à l’obligation de s’expliquer ni à leur responsabilité pénale pour des actes de torture ou des mauvais traitements commis par des subordonnés lorsqu’ils savaient ou auraient dû savoir que ceux-ci commettaient, ou étaient susceptibles de commettre, ces actes inadmissibles et qu’ils n’ont pas pris les mesures de prévention raisonnables qui s’imposaient. Le Comité juge primordial qu’une enquête en bonne et due forme soit menée par des autorités judiciaires et des autorités de poursuites compétentes, indépendantes et impartiales, sur les actes de torture ou les mauvais traitements commis à l’instigation d’un haut fonctionnaire ou avec son consentement exprès ou tacite, ou encore encouragés par lui, afin de déterminer sa responsabilité. » Comité contre la torture, Observation générale n°2, Application de l’article 2 par les États parties, doc. ONU CAT/C/GC/2/CRP. 1/Rev.4 (2007).

[73] Entretien accordé à Human Rights Watch par un représentant d’une organisation internationale, Abidjan, 6 septembre 2012 ; et entretien téléphonique avec un journaliste ivoirien, San Pedro, 24 septembre 2012. Des rumeurs insistantes ont couru en août 2012 selon lesquelles la ville de San Pedro était une cible potentielle d’attaque à grande échelle par les militants pro-Gbagbo.

[74] « Ivory Coast: Ex-detainees describe torture by military following roundup after attacks », Associated Press, 4 octobre 2012.

[75] Idem.

[76] Convention contre la torture, art. 2(1).

[77] Idem, art. 2(2).

[78] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[79]Le 20 juillet, au moins sept personnes d’un camp d’Ivoiriens déplacés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire ont été tuées, avec des allégations d’implication de membres des Forces républicaines et de milices alliées, dont les Dozos. Les déplacés du camp venaient de groupes ethniques qui avaient tendance à soutenir Gbagbo. Le camp a été en grande partie brûlé par les assaillants, déplaçant les quelque 5 000 personnes qui vivaient là, toujours effrayées de retourner chez elles après la crise postélectorale. L’attaque de Nahibly a été considérée comme faisant partie d’un acte de vengeance suite à un vol la nuit précédente, dans lequel cinq personnes issues de groupes ethniques essentiellement pro-Ouattara avaient été tuées et dans lequel on accusait des personnes du camp d’être impliquées. Voir « At least seven dead in attack on civilian camp in Ivory Coast », Reuters, 20 juillet 2012. Le 11 octobre, six corps ont été retrouvés dans un puits à Duékoué, et on pense qu’il s’agit de victimes supplémentaires de l’attaque du camp de Nahibly. « Six corps retirés d’un puits à Duékoué, dans l’Ouest ivoirien », Agence France-Presse, 11 octobre 2012. Voir aussi Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), « Côte d’Ivoire : la justice pour combattre les violations des droits de l’Homme et l’insécurité », 2 novembre 2012, disponible sur le site : http://www.fidh.org/Cote-d-Ivoire-la-justice-pour-12352.

[80] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 29 ans au camp de la BAE, Abidjan, 1er septembre 2012.

[81] Entretien accordé à Human Rights Watch par un diplomate, Abidjan, septembre 2012. Il semble que l’histoire ivoirienne récente se répète d’une manière préoccupante alors que l’ancien gouvernement de Laurent Gbagbo avait de même utilisé le terme de « terrorisme » après la tentative de coup d’État de septembre 2002 et pendant les premières années de la rébellion des Forces nouvelles. International Crisis Group, Côte d’Ivoire: « The War Is Not Yet Over », p. 4, 13 novembre 2003, http://www.crisisgroup.org/en/regions/africa/west-africa/cote-divoire/072-cotedivoire-the-war-is-not-yet-over.aspx.

[82] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) art. 9, résolution de l’A.G. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (n° 16) à 52, doc. ONU A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la Côte d’Ivoire le 26 mars 1992.

[83] PIDCP art. 7. Convention contre la torture, art. 16.

[84] Anasse Anasse, « Des FRCI occupent encore dans les édifices publics et privés », l’Inter (Abidjan), 26 juillet 2012, disponible à l’adresse : http://africatime.netdivision.fr/CI/nouvelle.asp?no_nouvelle=685125&no_categorie= (dernière consultation le 29 septembre 2012).

[85] Le terme « Dioula » est en fait un mot Senoufo pour « commerçant ». Il se rapporte aussi à un petit groupe ethnique du nord-est de la Côte d’Ivoire ; cependant, il est plus fréquemment utilisé pour désigner des personnes d’ethnicités différentes du nord de la Côte d’Ivoire qui, en réalité, ne font pas partie de l’ethnie dioula mais qui parlent souvent une forme familière de la langue dioula. Cette langue est devenue très employée par beaucoup d’Ivoiriens comme langue d’échange et de commerce, notamment dans la culture commerciale de la Côte d’Ivoire, qui est dominée par des habitants du nord et des immigrants. Comme ces groupes tendaient à soutenir Ouattara pendant l’élection de 2010, les partisans de Gbagbo utilisent souvent le terme « Dioula » pour décrire toute personne qu’ils supposent être un partisan de Ouattara.

[86] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 27 ans au camp de la BAE, Abidjan, 2 septembre 2012.

[87] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident vivant près du camp de la BAE, Abidjan, 29 août 2012.

[88] Entretien accordé à Human Rights Watch par le président d’une ONG ivoirienne, Abidjan, 10 septembre 2012.

[89] République de Côte d’Ivoire, Loi n° 60-366 du 14 novembre 1960 portant Code de procédure pénale (ci-après dénommé Code de procédure pénale ivoirien) art. 12-29, disponible à l’adresse : http://www.loidici.com/codeproce penalecentral/codepropenalepolicejudiciaire.php (dernière consultation le 29 septembre 2012).

[90] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 28 ans au camp de la BAE, Abidjan, 2 septembre 2012.

[91] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 24 ans au camp de la BAE, Abidjan, 29 août 2012.

[92] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 26 ans au camp de la BAE, Abidjan, 31 août 2012.

[93] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 33 ans au camp de la BAE, Abidjan, 31 août 2012.

[94] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Yopougon Koweit âgé de 27 ans, Abidjan, 4 septembre 2012.

[95] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[96] Code de procédure pénale ivoirien, art. 63, 76. Si le procureur de la République en donne l’autorisation spécifique, la période peut être prolongée de 48 heures. Idem. Cela ne semble pas avoir été fait dans aucun de ces cas. Les détenus étaient gardés dans des camps militaires hors de la compétence du procureur civil.

[97] Code de procédure pénale ivoirien, art. 125. République de Côte d’Ivoire, Constitution de la République de Côte d’Ivoire du 23 juillet 2000, art. 22, disponible à l’adresse : http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/Cote_d_Ivoire.pdf (dernière consultation le 29 septembre 2012).

[98] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 26 ans au camp de la BAE, Abidjan, 31 août 2012.

[99] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 23 ans au camp de la BAE, Abidjan, 4 septembre 2012.

[100] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 31 ans au camp de la BAE, Abidjan, 2 septembre 2012.

[101] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 29 ans au camp de la BAE, Abidjan, 3 septembre 2012.

[102] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 25 ans au camp de la BAE, Abidjan, 4 septembre 2012.

[103] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 30 ans au camp de la BAE, Abidjan, 4 septembre 2012.

[104] Entretiens accordés à Human Rights Watch par d’anciens détenus au camp de la BAE, Abidjan, août-septembre 2012.

[105] Entretiens accordés à Human Rights Watch par d’anciens détenus au camp de la BAE, Abidjan, août-septembre 2012.

[106] Entretiens accordés à Human Rights Watch par d’anciens détenus au camp de la BAE, Abidjan, août-septembre 2012.

[107] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 26 ans au camp de la BAE, Abidjan, 2 septembre 2012.

[108] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[109] Entretien accordé à Human Rights Watch par une personne qui avait rencontré Coulibaly et était entrée dans le camp de la BAE à plusieurs occasions, Abidjan, 1er septembre 2012.

[110] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », octobre 2011.

[111] Département d’État des États-Unis, « 2009 Human Rights Report, Côte d’Ivoire », 11 mars 2010.

[112] Voir International Crisis Group, Côte d’Ivoire: « The War is Not Yet Over », pages 24-26 ; Département d’État des États-Unis, Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, « Côte d’Ivoire, 2003 », 25 février 2004.

[113] International Crisis Group, Côte d’Ivoire: « The War is Not Yet Over », pages 18-21, 51.

[114] Human Rights Watch, Prise entre deux guerres, pages 26-28 (concluant qu’après avoir repris la ville de Man des mains des forces de Gbagbo le 19 décembre 2002, les hommes des forces incluant le MJP d’Ousmane Coulibaly « ont spécifiquement pris pour cibles ces civils, nombre d’entre eux membres des comités d’autodéfense, qui avaient collaboré avec les forces gouvernementales pour cibler les civils » et ont aussi pris pour « épouses » des femmes qu’ils soumettaient à des violences sexuelles répétées).

[115] International Crisis Group, Côte d’Ivoire: « The War is Not Yet Over », pages 25-26. ICG note que, après des attaques répétées sur des civils par des mercenaires libériens alliés, Coulibaly a été nommé à la tête des opérations de « nettoyage » entre février et avril 2003. Cela impliquait de repousser les mercenaires libériens vers la frontière. Idem, p. 24. Un rapport du département d’État des États-Unis de 2004 a également mentionné Coulibaly dans ce rôle, en indiquant : « Le 8 mai, Ousmane Coulibaly, commandant militaire du MJP à Man, a déclaré aux médias que 140 Libériens étaient détenus ‘pour leur propre protection’ ». Le rapport note également, cependant, « En avril, plusieurs sources ont rapporté que des affrontements entre les rebelles de l’ouest, le MPIGO, le MJP et leurs alliés libériens/sierraléonais ont abouti à l’exécution de plus de 50 mercenaires libériens dans la région occidentale. Un reporter de la BBC a indiqué avoir vu des combattants libériens morts avec les mains liées et parfois avec la tête et les doigts coupés ». Département d’État des États-Unis, Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, « Côte d’Ivoire, 2003 », 25 février 2004.

[116] Le Conseil de sécurité de l’ONU n’a jamais rendu public le rapport, mais ce dernier a été divulgué et est maintenant facilement disponible. La conclusion 28 identifie Man comme l’une des nombreuses villes où les attaques généralisées ou systématiques perpétrées par les deux camps contre des populations civiles, notamment des meurtres, des viols et des actes de torture, comportaient des crimes contre l’humanité.

[117] Amnesty International, Côte d’Ivoire: Les femmes, victimes oubliées du conflit, mars 2007 (« [D]es femmes […] ont été systématiquement attaquées à la fois par des milices progouvernementales et des groupes d’opposition armés tels que le MJP et le MPIGO... [qui] ont eu recours à la violence sexuelle à l’encontre des femmes afin de terroriser les populations civiles et leur extorquer de l’argent. De nombreuses femmes ont également été réduites à l’esclavage sexuel. ») ; Amnesty International, Côte d’Ivoire: Nul endroit où fuir, 24 juin 2003 (documentant des atrocités perpétrées par le MJP contre des réfugiés libériens dans l’extrême ouest).

[118] Réunion de Human Rights Watch avec un haut responsable du gouvernement ivoirien, Abidjan, septembre 2012.

[119] Baudelaire Mieu, « Côte d’Ivoire : Ouattara nomme trois anciens chefs de guerre de la rébellion à la tête de régions sensibles », Jeune Afrique, 26 septembre 2012, http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20120926161042/.

[120] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[121] « Côte d’Ivoire : trois civils tués dans l’attaque près d’Abidjan », Le Monde, 16 août 2012, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/08/16/cote-d-ivoire-l-armee-attaquee-a-dabou-pres-d-abidjan_1746798_3212.html.

[122] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 23 ans à Dabou, Abidjan, 12 septembre 2012.

[123] Entretiens accordés à Human Rights Watch par des personnes détenues puis libérées à Dabou, Abidjan, 28 août, 7 septembre et 12 septembre 2012.

[124] Entretiens accordés à Human Rights Watch par des personnes détenues puis libérées à Dabou, Abidjan, 28 août, 7 septembre et 12 septembre 2012.

[125] Entretien accordé à Human Rights Watch par une ancienne détenue de 23 ans à Dabou, Abidjan, 12 septembre 2012.

[126] Entretiens accordés à Human Rights Watch par des personnes détenues puis libérées à Dabou, Abidjan, 28 août, 7 septembre et 12 septembre 2012.

[127] Entretiens accordés à Human Rights Watch par des résidents d’un village proche de Dabou, Abidjan, 7 et 12 septembre 2012.

[128] Entretien accordé à Human Rights Watch avec la sœur d’un détenu, Abidjan, 29 août 2012.

[129] Entretien accordé à Human Rights Watch par le président d’une organisation ivoirienne de défense des droits humains, Abidjan, 10 septembre 2012.

[130] Entretien accordé à Human Rights Watch par un représentant de l’ONU, Abidjan, 5 septembre 2012.

[131] Entretien accordé à Human Rights Watch par un représentant de l’ONU, Abidjan, 5 septembre 2012.

[132] Konan Kan, « 11 jours après l’expiration de l’ultimatum du ministre de la Défense : Les FRCI occupent toujours les domaines publics et privés », Le Mandat (Abidjan), 11 juillet 2012, http://news.abidjan.net/h/437024.html ; « Côte d’Ivoire : le gouvernement lance un ultimatum pour le dépôt volontaire des armes », Xinhua, 23 mai 2012, http://news.abidjan.net/h/433972.html.

[133] Konan Kan, « 11 jours après l’expiration de l’ultimatum du ministre de la Défense : Les FRCI occupent toujours les domaines publics et privés », Le Mandat.

[134] Entretien accordé à Human Rights Watch par un représentant d’une organisation internationale, Abidjan, septembre 2012.

[135] Courrier de Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, à Human Rights Watch, 1er novembre 2012.

[136] Le « réseau des com-zones » se rapporte à l’époque où les Forces nouvelles contrôlaient le nord de la Côte d’Ivoire et où la zone était divisée en régions contrôlées par différents commandants de zone (appelés « com-zones »).

[137] Entretien accordé à Human Rights Watch par un diplomate, Abidjan, 12 septembre 2012.

[138] Entretien accordé à Human Rights Watch par un diplomate, Abidjan, 13 septembre 2012.

[139] Entretien accordé à Human Rights Watch par un représentant d’une organisation internationale, Abidjan, 6 septembre 2012.

[140] Entretiens accordés à Human Rights Watch par Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, Abidjan, 12 septembre 2012 ; et par Gnénéma Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Abidjan, 7 septembre 2012.

[141] K.M., « Coulibaly Gnénéma, ministre des Droits de l’Homme, à propos du rapport de Doudou Diène : ‘Le gouvernement ivoirien prend note’ », Nord-Sud (Abidjan), 23 mars 2012, http://news.abidjan.net/h/429866.html ; Marc Dosso, « Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur : ‘L’embargo pour nous n’a plus sa raison d’être’ », Nord-Sud, 12 novembre 2011, http://news.abidjan.net/h/416524.html.

[142] Entretien accordé à Human Rights Watch par un jeune homme de 28 ans, Abidjan, 1er septembre 2012.

[143] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 27 ans au camp de la BAE, Abidjan, 2 septembre 2012.

[144] Entretien accordé à Human Rights Watch par un leader de la société civile ivoirienne, Abidjan, 7 septembre 2012.

[145] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Yopougon Koweit âgé de 31 ans, Abidjan, 2 septembre 2012.

[146] Entretiens accordés à Human Rights Watch par de hauts responsables du gouvernement ivoirien, Abidjan, septembre 2012.

[147] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 30 ans au camp de la BAE, Abidjan, 30 août 2012.

[148] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 32 ans au camp de la BAE, Abidjan, 31 août 2012.

[149] Entretien accordé à Human Rights Watch par un ancien détenu de 29 ans au camp de la BAE, Abidjan, 1er septembre 2012.

[150] Entretien accordé Human Rights Watch par un représentant de la société civile ivoirienne, Abidjan, 10 septembre 2012.

[151] Entretien accordé à Human Rights Watch par Hamed Bakayoko, Abidjan, 12 septembre 2012.

[152] Entretien accordé à Human Rights Watch par Gnénéma Coulibaly, Abidjan, 7 septembre 2012.

[153] Entretiens accordés à Human Rights Watch par Hamed Bakayoko, Abidjan, 12 septembre 2012 ; et par Gnénéma Coulibaly, Abidjan, 7 septembre 2012.

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