Rapports de Human Rights Watch

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Combattre, convaincre ou “intégrer”

Le mouvement laïque des droits humains considère parfois les mouvements religieux conservateurs comme des reliques du passé et il se voit lui-même comme un courant contemporain, ayant plusieurs longueurs d'avance sur “la route infinie du progrès humain et de la modernité.” Certains laissent entendre qu'en se faisant l'écho des approches “culturalistes” qui prétendent établir une hiérarchie entre sociétés et philosophies, il court le risque de se considérer comme supérieur et antagonique à d'autres cultures et normes. Plutôt que de chercher à incorporer le projet des droits de l'homme dans différentes fois et cultures, d'essayer de légitimer les normes des droits humains dans les religions et non parallèlement aux religions ou contre elles, les militants des droits humains pourraient être tentés de rejeter ces fois et ces cultures en tant qu'obstacles à la modernité économique ou des droits humains.

Le mouvement “libéral” des droits humains est-il en fait implicitement impérialiste, luttant pour “remplacer les traditions religieuses par certaines traditions de la ‘nouvelle foi.’”?39 “Les humanistes laïques, à l'instar des adeptes d'une religion,” met en garde le Professeur Diane Orentlicher, “doivent veiller à ce que leur dévotion pour la sainteté humaine ne les rende pas aveugles à leur capacité de faillir. Même un humanisme laïque est susceptible d'un manque de modération préjudiciable s'il n'est pas contrôlé par un examen critique de soi.”40

Cette “arrogance,” lorsqu'elle existe, peut refléter un désir d'éluder les complexités de certaines questions. Le problème du foulard est dans ce contexte une “sonnette d'alarme” pour le mouvement des droits humains confortablement installé, surtout en Europe continentale, dans la laïcité; les différentes facettes de la polémique testent sa capacité à comprendre les processus sociétaux et les quêtes individuelles complexes. La décision d'une femme de (re)porter le voile n'est pas nécessairement synonyme de soumission. Si cette décision est basée sur l'assertion de son libre choix, elle peut être une expression de libération et d'affirmation de soi. Ignorer ou mépriser les cultures traditionnelles et les croyances religieuses peut paralyser les efforts les mieux intentionnés de promouvoir la réforme politique et le respect des droits humains fondamentaux.

De même, le mouvement des droits humains doit examiner pourquoi le fondamentalisme soulève des attentes dans autant de régions du globe. L'autoritarisme politique, la prostration économique, les inégalités sociales, l'aliénation culturelle et les conflits internationaux non résolus requièrent tous une action accrue tant en faveur des droits civils et politiques que des droits économiques, sociaux et culturels.



[39] John Kelsay et Sumner B.Twist (Ed), Religion and Human Rights, The Project on Religion and Human Rights, 1994, New York, p.119.

[40] Diane Orentlicher, “Relativism and Religion,” dans M. Ignatieff, Human Rights as Politics and Idolatry (Princeton: Princeton University Press, 2001), p.147.


<<précédente  |  index  |  suivant>>January 2005