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"Contributions" en faveur de l'armée

Forcées de limiter leurs dépenses militaires afin de respecter les lignes directrices établies par les institutions financières internationales, les autorités rwandaises ont décidé de demander à la population de fournir une "contribution volontaire" destinée à soutenir l'armée. Afin de montrer l'exemple, certains membres de l'Assemblée nationale se sont ainsi engagés à verser l'équivalent de trois mois de salaire. Malgré le fait qu'officiellement cette contribution ne soit en rien obligatoire, les hauts fonctionnaires de l'administration ont communiqué à leur subordonnés les montants devant être fournis. Au ministère de la justice, une échelle de versement basée sur les salaires annuels fut communiquée au personnel. Dans la plupart des services gouvernementaux, ainsi que dans certaines entreprises du secteur privé, on demanda aux salariés de verser un mois de leur salaire. Certains employés du secteur public, tels que le professeurs, reçurent la permission d'échelonner les paiements sur une période allant de deux à cinq mois.73

Les officiels des administrations locales firent également comprendre de manière très claire aux agriculteurs, qui représentent quatre-vingt dix pour cent de la population, qu'eux non plus n'avaient pas vraiment le choix et devaient apporter leur "contribution", même s'il est vrai qu'une plus grande souplesse leur fut accordée au niveau des montants et des délais de paiement. Dans certaines régions, les agriculteurs doivent payer 200 ou 300 francs rwandais (un dollar vaut à peu près 360 francs rwandais) par personne de plus de seize ans composant le ménage, les versements devant se faire en liquide. Dans d'autres régions, ils ont reçu la possibilité de payer en nature. Se procurer de l'argent liquide est dans certains cas extrêmement difficile pour ces populations. Beaucoup d'agriculteurs sont incapables de trouver l'argent nécessaire pour envoyer leurs enfants à l'école (la participation est de 300 francs par semestre) ou acheter des médicaments. Certaines institutions, l'Église par exemple, ainsi que certains étrangers résidant au Rwanda ont eux aussi été invités à contribuer. Dans au moins une commune, les résidents avaient déjà dû verser une autre "contribution" de cent francs rwandais pour soutenir la Local Defense Force.74

Le versement de la "contribution" étant un acte volontaire, certaines autorités locales déclarèrent qu'aucun reçu ne serait délivré. Beaucoup de rwandais hésitent à payer si aucun reçu n'est établi. Ils craignent d'être accusés de non-paiement, de devoir payer à plusieurs reprises ou de voir les sommes versées détournées et utilisées à des fins différentes de celles prévues.75

Certains rwandais s'inquiètent du fait que l'argent récolté puisse un jour servir à acheter des armes qui seraient ensuite utilisées contre eux, tout comme les contributions à l'effort de guerre récoltées en 1992 et 1993 peuvent avoir permis d'acheter des armes utilisées contre les tutsi et l'opposition politique hutu pendant le génocide de 1994.

73 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Gisenyi, 31 janvier 2000; Ruhengeri, 8 février 2000; Byumba, 12 février 2000.

74 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Gisenyi, 31 janvier 2000; Ruhengeri, 2,3 et 4 mars 2000.

75 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Gisenyi, 31 janvier 2000; Ruhengeri, 2,3 et 4 mars 2000.

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