Rapports de Human Rights Watch

Recommandations 

Principales recommandations au gouvernement de Guinée

  • Mettre en place un système de protection de l’enfant au sein du ministère des Affaires sociales qui permette un contrôle systématique des enfants n’étant pas sous la garde de leurs parents, en particulier les filles travaillant comme domestiques et les enfants vivant au domicile de tuteurs officieux et légaux. Ce système devrait être créé en étroite collaboration avec les agences internationales et les ONG nationales vitales pour la mise en œuvre d’un tel système.
  • Mener une campagne public de masse et des activités de sensibilisation sur les droits des enfants travailleurs domestiques, à savoir le droit à l’éducation, aux soins médicaux et aux droits du travail, et préciser que la violence à l’encontre des enfants, l’exploitation et la traite sont toutes des délits illégaux passibles de poursuites.
  • Dans la conception de programmes pour améliorer l’accès à l’éducation pour les filles, prendre des mesures spécifiques pour les filles travaillant comme domestiques. Celles-ci devraient inclure le dialogue avec les tuteurs et la création de davantage d’école qui proposent un enseignement primaire au-delà de l’âge habituel d’inscription et permettent une passerelle vers l’école secondaire normale, les écoles dites Nafa (ou « écoles de la seconde chance »), à Conakry et dans d’autres centres urbains.
  • Enquêter et punir, en accord avec les normes internationales de procès équitable, les personnes coupables de traite des enfants, de violences physiques et sexuelles et d’exploitation au travail.
  • Amender l’article 5 du Code du travail et l’Arrêté 2791 relatif au travail des enfants, de sorte que l’âge minimum pour travailler soit fixé à 15 ans.

Recommandations détaillées

Au ministère des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l’Enfance

Protection de l’enfant

  • En coopération avec les agences internationales et les organisations non gouvernementales nationales, mettre en place un système pour la protection systématique des enfants ayant pour mission :
    • Le contrôle systématique du bien-être des enfants ne se trouvant pas sous la garde leurs parents
    • Le dialogue avec les familles d’accueil sur leurs responsabilités en tant que tuteurs et employeurs, sur les lois applicables à la protection et au travail des enfants, et sur les droits des enfants travaillant comme domestiques 
    • Le dialogue avec les tuteurs de facto pour s’assurer que les filles sont inscrites à l’école ou autorisées à suivre un apprentissage, avec pour objectif de les préparer à l’indépendance économique à l’âge adulte
    • L’intervention, y compris le retrait des filles travaillant comme domestiques d’environnements où elles subissent de mauvais traitements, et la réunification avec leurs familles, si c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant
    • Si la réunification familiale n’est pas réalisable ou souhaitable, placer les anciennes filles domestiques dans des refuges ou des familles d’accueil
    • Le contrôle suivi des familles d’accueil et du personnel des refuges, sur la base de normes claires pour le traitement des enfants, avec des sanctions immédiates et le retrait des enfants en cas de maltraitance
    • Le rapatriement des enfants si c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant
    • L’aide médicale et psychologique aux victimes
    • La réadaptation des victimes, comportant l’accès à l’éducation ou à la formation, les systèmes de micro crédit ou autres programmes conçus pour aider à la réinsertion sociale
    • L’assistance juridique pour les enfants victimes de maltraitance, pour leur permettre ainsi qu’à leurs familles ou leurs représentants légaux d’aller en justice
    • Le transfert de cas aux institutions spécialisées compétentes.

Ces services de protection de l’enfant devraient s’adresser de façon préventive aux familles qui accueillent des filles travaillant comme domestiques. Ils devraient être aussi faciles à contacter par SMS et grâce à un numéro vert d’urgence.

  • Prendre des mesures pour mettre en œuvre au niveau national les recommandations de l’Etude du Secrétaire général de l’ONU sur les violences contre les enfants de 2006, en accordant une attention particulière aux recommandations relatives aux violences contre les enfants sur le lieu de travail et à la maison.

Traite des enfants

  • Mettre en application l’Accord de 2005 Mali-Guinée contre la traite, en particulier les dispositions relatives à l’identification des cas de traite ; les poursuites judiciaires contre la traite ; et le rapatriement et la réadaptation des victimes de la traite.
  • Garantir que les mesures contre la traite fassent la différence entre traite et migration légitime et qu’elles ne limitent pas les droits à la liberté de mouvement.
  • Garantir que les comités de protection de l’enfant, qui sont en cours d’élaboration par le gouvernement avec l’appui de l’UNICEF, ont un mandat étendu de protection de l’enfant et qu’ils comprennent la différence entre arrêter la traite et garantir une migration sans danger.
  • Prendre des mesures pour sécuriser les migrations en Guinée et dans la région, par exemple par le dialogue et le contact avec les intermédiaires et les agents de transport qui facilitent les déplacements.

Au ministère de l’Education nationale et de la Recherche scientifique

  • Dans la conception de programmes ayant pour objectif d’améliorer l’accès à l’éducation pour les filles, adopter des mesures spécifiques pour augmenter les inscriptions dans l’enseignement primaire et secondaire des filles domestiques, y compris celles qui ne sont pas de nationalité guinéenne, dans des écoles de qualité. En particulier, mettre en place un programme de sensibilisation et de dialogue avec les familles d’accueil des enfants employées domestiques pour encourager la scolarisation – si nécessaire, commencer par des projets pilotes dans certaines zones. Augmenter le nombre des écoles non conventionnelles Nafa à Conakry et dans d’autres centres urbains. Utiliser des gratifications et autres incitations, comme des programmes de repas scolaires gratuits, pour encourager la scolarisation des filles, y compris les enfants domestiques.
  • Elaborer un programme pour contrôler la scolarisation des filles, en particulier les filles domestiques, et encourager celles qui ont abandonné l’école à se réinscrire.
  • Prendre des mesures spécifiques pour garantir que les filles domestiques puissent accéder à la formation professionnelle et à l’apprentissage grâce à un large éventail de choix professionnels.
  • Réaliser des études de marché et de l’emploi pour s’assurer que les programmes de formation professionnelle et d’apprentissage sont basés sur les besoins locaux.

Au ministère de l’Emploi, de la Fonction publique et de la Réforme administrative

  • Prendre des mesures pour éliminer le travail des enfants domestiques de moins de 15 ans. Faire appliquer les protections existantes contre le travail des enfants, à savoir les protections existantes contre le port de lourdes charges et autres types de travaux dangereux.
  • Elaborer une liste des formes de travail qui présentent un risque élevé de danger pour les enfants, avec le soutien technique de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), et amender les lois du travail et le Décret sur le travail des enfants en accord avec cette liste.
  • Elaborer un plan d’action limité dans le temps, avec pour objectif l’élimination des pires formes de travail des enfants d’ici 2016, en accord avec les recommandations de la Réunion régionale africaine de l’OIT qui s’est tenue en avril 2007.
  • Créer des postes d’Inspecteurs du travail des enfants au sein du ministère de l’Emploi, et leur donner les moyens d’exercer un contrôle à l’échelle du pays sur le recours au travail des enfants, en mettant l’accent sur l’élimination de tous les travaux dangereux pour les enfants travaillant comme domestiques, y compris ceux qui ont plus de 15 ans.
  • Informer les filles et femmes domestiques de leur droit à demander réparation devant les tribunaux du travail, en cas d’exploitation au travail.

Au ministère de la Justice

  • En coopération avec d’autres secteurs de la police gouvernementale et internationale et avec des experts juridiques, prendre des mesures pour professionnaliser le personnel judiciaire, et empêcher la corruption dans le système judiciaire.
  • Prendre des mesures pour faciliter l’accès au système judiciaire pour les personnes ordinaires, y compris les filles domestiques et les anciennes filles domestiques. Notamment :
    • Permettre aux ONG d’intervenir en tant que parties civiles dans un procès
    • Former les enquêteurs et les juges aux techniques d’enquête sur la traite et sur les violences sexuelles, physiques et autres contre les enfants
    • Former des fonctionnaires des tribunaux du travail aux techniques d’enquête sur l’exploitation au travail des mineurs, en particulier les enfants travaillant comme domestiques
    • Former tout le personnel judiciaire pour comprendre les besoins spécifiques des enfants victimes, afin de minimiser le traumatisme au cours des procédures juridiques
    • S’assurer que les procès impliquant des enfants peuvent se dérouler à huis clos, lorsque les meilleurs intérêts de l’enfant et les intérêts de la justice l’exigent 
    • Fournir aux enfants victimes de maltraitance et à leurs familles des informations détaillées à chaque étape de leur procès, de sorte qu’ils aient accès à la procédure et que leurs intérêts soient protégés. Désigner des travailleurs sociaux au sein du système judiciaire qui soient en contact suivi avec la victime et sa famille
    • Coopérer avec les ONG nationales pour améliorer l’accès à la justice.
  • Enquêter et punir, en accord avec les normes internationales de procès équitable, les individus coupables de traite des enfants, de violences sexuelles et physiques à l’encontre des enfants, et d’exploitation au travail. Prendre des mesures pour accélérer les affaires en instance, portant sur des cas de traite et de maltraitance présumées d’enfants.

  • Diffuser largement auprès du public les informations sur les poursuites couronnées de succès et les sanctions pour traite, exploitation au travail, violence sexuelle et maltraitance d’enfants, infligées par les tribunaux guinéens.

Aux ministères des Affaires sociales, de la Justice et des Droits de l’Homme, de l’Emploi et de la Santé

  • Concevoir et mener à bien conjointement une campagne publique massive et des activités de sensibilisation auprès de publics spécialisés, en particulier des éducateurs, des inspecteurs du travail, des fonctionnaires de police et de justice sur les droits des enfants travailleurs, à savoir le droit à l’éducation, aux soins médicaux et aux droits du travail. Préciser que la violence contre les enfants, l’exploitation et la traite sont des délits passibles de poursuites.
  • Mener des activités de sensibilisation sur les formes interdites de travail des enfants, à savoir les pires formes de travail des enfants. Ces activités devraient comporter des informations sur la nature risquée du transport de lourds récipients d’eau.
  • Elaborer un programme pour informer les filles travaillant comme domestiques sur leurs droits en matière de sexualité et de reproduction, et sur la prévention du VIH, par exemple des informations sur l’utilisation correcte et appropriée des préservatifs.

A l’Assemblée Nationale

  • Amender l’article 5 du Code du travail et l’Arrêté 2791 relatif au travail des enfants de sorte que l’âge minimum pour travailler soit fixé à 15 ans. En particulier, abolir les clauses qui autorisent le travail des enfants si les parents ou les tuteurs y consentent. 
  • Adopter le Code de l’enfance, qui accorderait aux enfants des protections globales et permettrait aux ONG d’intervenir en tant que parties civiles dans un procès.
  • Adopter une législation d’application pour la protection et le respect des droits de l’enfant, en accord avec les traités internationaux relatifs aux droits humains et auxquels la Guinée est un Etat partie.

Aux organisations non gouvernementales guinéennes, associations de jeunes et syndicats

  • Plaider pour les droits des enfants travailleurs domestiques et encourager la création d’un syndicat de filles domestiques, et pour qu’elles créent leurs propres associations dans le but de se soutenir et de se défendre mutuellement.
  • Mettre en place des programmes d’assistance juridique pour les filles domestiques, y compris pour des affaires portées devant les tribunaux du travail.

Au gouvernement du Mali

  • Mettre en application l’Accord de 2005 Mali-Guinée contre la traite, en particulier les dispositions relatives à l’identification des cas de traite ; les poursuites judiciaires contre la traite ; et le rapatriement et la réadaptation des victimes de la traite.
  • Garantir que les mesures contre la traite fassent la différence entre traite et migration légitime et ne limitent pas les droits à la liberté de mouvement.
  • Prendre des mesures pour sécuriser les migrations au Mali et dans la région, par exemple par le dialogue et le contact avec les intermédiaires et les agents de transport qui aident aux déplacements.
  • Elargir le mandat des comités de protection pour traiter les questions de protection de l’enfant en général, et s’assurer que les membres des comités comprennent la différence entre arrêter la traite et garantir la sécurité de la migration.

A tous les Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

  • Mettre en application le Plan d’action contre la traite des personnes de la CEDEAO de 2006, en particulier les dispositions relatives aux poursuites judiciaires contre les auteurs de la traite, et à l’assistance aux victimes de la traite.

Au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)

  • Apporter une assistance technique et financière aux ministères guinéens compétents, et aux ONG nationales, afin qu’ils puissent mener à bien des activités pour aider et assister les filles domestiques, comme décrit ci-dessus. Celles-ci devraient inclure :
    • Une aide à la mise en place d’un système de protection de l’enfant
    • Des programmes pour améliorer l’accès à l’éducation pour les filles domestiques, y compris une expansion des écoles Nafa à Conakry et dans d’autres centres urbains
    • Des programmes pour améliorer l’accès aux tribunaux et aux tribunaux du travail pour les femmes et les enfants victimes, y compris les filles employées comme domestiques
    • Des programmes pour informer les filles domestiques sur leurs droits en matière de sexualité et de reproduction, et sur la prévention du VIH/SIDA, par exemple des informations sur l’utilisation correcte et appropriée des préservatifs.

  • Aider le gouvernement à identifier les meilleures pratiques pour l’emploi et le traitement des filles de plus de 16 ans travaillant comme domestiques, en Guinée ou dans la région.
  • Apporter une assistance technique et financière aux gouvernements malien et guinéen  pour la mise en application de l’Accord de 2005 Mali-Guinée contre la traite.
  • S’assurer que les mesures contre la traite font la différence entre la traite et la migration légitime et ne réduisent pas les droits à la liberté de mouvement. En particulier, garantir que les comités de protection de l’enfant, qui sont mis en place par le gouvernement avec l’aide de l’UNICEF, disposent d’un mandat étendu de protection de l’enfant et comprennent la différence entre arrêter la traite et garantir la sécurité de la migration ; et prendre des mesures pour sécuriser la  migration à l’intérieur de la Guinée et dans la région, par exemple par la réglementation et le dialogue avec les intermédiaires et les agents de transport qui facilitent les déplacements.

A l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)

  • Apporter une assistance technique et financière aux gouvernements malien et guinéen  pour la mise en application de l’Accord de 2005 Mali-Guinée contre la traite.
  • S’assurer que les mesures contre la traite font la différence entre la traite et la migration légitime et ne font pas obstacle aux droits à la liberté de mouvement. En particulier, prendre des mesures pour sécuriser les migrations en Guinée et dans la région, par exemple par le dialogue et le contact avec les intermédiaires et les agents de transport qui facilitent les déplacements.

A l’Organisation internationale du travail (OIT)

  • Apporter une assistance technique à l’Assemblée Nationale pour les amendements à apporter au Code du travail et à l’Arrêté relatif au travail des enfants.
  • Apporter une assistance technique et financière au ministère de l’Emploi, en particulier en créant des postes d’Inspecteur du travail des enfants, et en élaborant une liste de travaux à risques.
  • Apporter une assistance technique et financière pour des activités de sensibilisation autour des concepts de petits travaux, travail des enfants et travaux à risques.
  • Apporter une assistance technique et financière pour la mise en place d’un plan d’action limité dans le temps plan pour l’élimination des pires formes de travail des enfants d’ici 2016, selon les  recommandations de la Réunion régionale africaine de l’OIT, qui s’est tenue en avril 2007.
  • Proposer des conseils juridiques aux filles et femmes travailleuses domestiques  qui demandent réparation aux tribunaux du travail pour exploitation au travail.

A l’Assemblée générale de l’ONU

  • Recommander la création d’un poste de Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour les violences contre les enfants, afin de faciliter la mise en application des  recommandations de l’Etude de 2006 du Secrétaire général de l’ONU sur les violences contre les enfants.
  • Recommander que la mise en application des recommandations de l’étude soit réalisée avec une forte analyse de genre, et coordonnée avec les activités engagées par l’Etude approfondie sur toutes les formes de violences faites aux femmes du Secrétaire général de l’ONU.

Aux pays donateurs, tels que l’Union européenne (UE) et ses Etats membres, et aux Etats-Unis (U.S.)

  • Apporter une assistance technique et financière aux ministères guinéens compétents et aux ONG nationales afin qu’ils puissent mener à bien des activités pour aider et assister les filles domestiques, comme détaillé ci-dessus. Ces activités devraient comporter :
    • Le soutien à la création d’un système de protection de l’enfant
    • Le soutien aux programmes ayant pour but d’améliorer l’accès à la scolarisation pour les filles employées comme domestiques.

  • Apporter une aide technique et financière au gouvernement guinéen pour  professionnaliser le personnel judiciaire, réprimer la corruption dans l’appareil judiciaire, et supprimer les obstacles à l’indépendance du système judiciaire. Financer les programmes du gouvernement et des ONG pour améliorer l’accès au système judiciaire pour les femmes et les enfants victimes, y compris les filles travaillant comme domestiques, et pour soutenir des services comme les refuges, l’assistance juridique et les soins médicaux.