HRW condamne la prise pour cible des civils dans la guerre civile au Burundi

"Alors que le gouvernement burundais et les insurgés entament des pourparlers de paix, il faut que toutes les parties, tant locales qu'internationales, insistent sur le fait que les responsables de violations des droits de l'homme doivent rendre compte de leurs actes. Tout règlement du conflit doit prévoir une enquête à propos des exactions commises par tous les belligérants, quel que soit leur camp, ainsi que la comparution en justice de ceux qui se sont livrés à des meurtres, viols, tortures, pillages ou destructions d'habitations. "Si tel n'est pas le cas, une paix durable ne sera pas possible".

Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division de l'Afrique de Human Rights Watch
(New York, le 8 avril 1998)- Selon un rapport publié aujourd'hui par Human Rights Watch, les parties en conflit dans la guerre civile qui fait rage au Burundi depuis 1993 ont tué, violé, torturé et pillé des milliers de civils. Dans Burundi - Une Guerre Civile par Personnes Interposées: les Civils Pris pour Cible, l'organisation accuse les forces armées à large majorité tutsie et divers groupes rebelles hutus de s'être attaqués aux civils pour se faire la guerre par personnes interposées dans le conflit qui a éclaté il y a quatre ans.

Lorsqu'il s'est emparé du pouvoir lors du coup d'Etat de juillet 1996, le Major Pierre Buyoya s'était engagé à mettre fin au conflit ethnique en cours au Burundi mais une fois président, "il a lancé une campagne de violence militaire de grande envergure contre la population civile burundaise", a déclaré Peter Takirambudde, directeur de la Division Afrique de Human Rights Watch. Le régime Buyoya a forcé des dizaines de milliers de civils qui vivaient dans des zones où opéraient les rebelles à se rendre dans des camps de regroupement et autres camps prévus à cet effet situés généralement autour de postes militaires. L'armée a alors effectué des opérations de "nettoyage" dans les campagnes, pillant et brûlant les habitations et tuant des milliers de civils non armés qui refusaient d'être transférés dans les camps, parmi lesquels bon nombre de femmes, d'enfants et de vieillards. Bien que certains camps aient été fermés au cours des derniers mois dans le nord du Burundi, d'autres camps continuent d'être créés dans le sud.

Dans les camps, les soldats ont exécuté sommairement des centaines de personnes accusées d'appuyer les groupes rebelles et ils en ont torturé et tué beaucoup d'autres sous prétexte qu'elles avaient transgressé le règlement des camps. Les militaires se sont livrés au viol sur une large échelle et ont institué le travail forcé dans de nombreux camps. Le gouvernement n'a pas prévu d'infrastructures sanitaires ou médicales capables de répondre aux besoins de la masse de civils déplacés contre leur gré. Les camps sont sérieusement surpeuplés, sans eau ou autres installations. Résultat: des milliers de personnes sont mortes de maladie. La création des camps a sérieusement perturbé la production agricole, entraînant une malnutrition chronique dans certaines régions. Human Rights Watch appelle le gouvernement à fermer immédiatement tous les camps de regroupement et à permettre à la population civile de rentrer chez elle.

Dans les régions où il n'y a pas eu de création de camps de regroupement, les forces armées ont fréquemment réagi aux opérations menées par les rebelles hutus en exerçant des représailles contre les civils et elles ont exécuté sommairement des civils hutus soupçonnés d'appuyer les groupes rebelles. Le rapport fait état de plusieurs attaques sanglantes lancées par les forces armées contre des civils hutus dans la zone située autour de la capitale Bujumbura. Les forces armées se sont également livrées au viol, au pillage et à la destruction d'habitations.

Selon M. Takirambudde, "les différents groupes rebelles, dont les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD), ont également pris les civils pour cible, en particulier les Tutsis et les Hutus qui, d'après eux, soutenaient le gouvernement". Le rapport fait état de plusieurs attaques des FDD contre les civils dans le sud du Burundi. Il accuse les FDD et d'autres groupes d'insurgés de s'être livrés à des pillages sur une grande échelle, d'avoir retenu des civils hutus contre leur gré dans des zones sous leur contrôle et d'avoir forcé ces civils à cultiver la terre pour nourrir leurs troupes. Ces activités ont perturbé la production agricole habituelle, privant bon nombre de personnes d'une alimentation suffisante. Human Rights Watch appelle les FDD et tous les groupes d'insurgés à mettre un terme aux attaques qu'ils mènent contre les civils.

"Alors que le gouvernement burundais et les insurgés entament des pourparlers de paix, il faut que toutes les parties, tant locales qu'internationales, insistent sur le fait que les responsables de violations des droits de l'homme doivent rendre compte de leurs actes. Tout règlement du conflit doit prévoir une enquête à propos des exactions commises par tous les belligérants, quel que soit leur camp, ainsi que la comparution en justice de ceux qui se sont livrés à des meurtres, viols, tortures, pillages ou destructions d'habitations. "Si tel n'est pas le cas", a ajouté M. Takirambudde, "une paix durable ne sera pas possible". [haut de la page]

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