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Témoignages d’enfants extraits de Aux frontières de l’esclavage : traite des enfants au Togo
Tous les noms ont été modifiés afin de préserver l’identité des témoins.


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Afrique de l’Ouest : faire cesser la traite des enfants à des fins d’exploitation par le travail

Photographes de "Aux frontières de l'esclavage : traite des enfants au Togo"


Sur le recrutement des enfants par des trafiquants :
Mon amie avait une tante au Gabon. Elle est venue et elle a vu les conditions dans lesquelles on vivait. Elle a dit qu’elle avait un bon travail au Gabon, que je devrais aller avec elle là-bas et travailler avec elle. Ma mère était très malade et la tante de mon amie a dit que quand on serait au Gabon, elle me trouverait un travail comme commerçante, comme ça je pourrais envoyer de l’argent à ma mère pour ses médicaments…. J’ai eu envie de partir à cause de la façon dont elle parlait de ça. Elle n’a jamais dit combien d’argent j’allais gagner.
—Dado K., vingt-neuf ans, victime de la traite à destination du Gabon lorsqu’elle avait seize ans.

J’allais à l’école ici mais ça n’allait pas bien. On était pauvre et on n’avait pas d’argent. Alors j’ai décidé que ce serait une bonne idée d’aller au Nigeria. La vie était dure et un ami m’a dit que je devrais y aller. Alors j’ai décidé d’y aller parce que je ne faisais rien ici. J’ai pensé que si je pouvais aller au Nigeria et devenir riche, je pourrais revenir et apprendre un métier. Je connaissais des gens qui y étaient allés et étaient revenus et ils avaient rapporté plein de choses : des vélos, des radios, des machines à coudre. Certains ont même rapporté des mobylettes d’occasion. Ils m’ont dit qu’ils avaient travaillé dans les champs et avaient gagné beaucoup d’argent mais pas un seul voulait y retourner. Ils ont dit que les trafiquants les avaient trompés – ils ont dit, quand tu y vas, tu ne fais pas de travail difficile, tu fais juste des petits travaux et tu gagnes beaucoup d’argent. J’ai pensé que je pouvais le faire.
—Etse N., dix-huit ans, victime de la traite à destination du Nigeria lorsqu’il avait dix-sept ans.

Sur leur voyage vers leur pays de destination :
Après cinq mois d’attente au Nigeria, un homme est venu et m’a conduite à un bateau. Sur le bateau, il y avait plus de 100 autres enfants, des Togolais, des Nigérians. Il y avait des adultes mais plus d’enfants que d’adultes. J’ai parlé à certains et toutes les filles allaient au Gabon pour travailler. Il a fallu trois jours de bateau pour arriver au Gabon. Ils nous ont donné du gari [une pâte faite de manioc] et des fois du pain à manger.
—Dansi D., seize ans, victime de la traite à destination du Gabon lorsqu’elle avait treize ans.

Le bateau était très plein… Il n’y avait pas de toilettes. Il y avait des filles qui faisaient leurs besoins les unes sur les autres et qui vomissaient dans le bateau. C’était impossible de vomir par-dessus bord sans tomber du bateau.
—Atsoupé S., quatorze ans, victime de la traite à destination du Gabon lorsqu’elle avait treize ans.

On est parti très tôt le matin, dans une voiture. On est allé à Kambolé pour trois jours et puis à Tchamba. A Kambolé, il y avait sept garçons dans la maison où on est resté. L’homme cherchait un véhicule pour nous transporter. Quand on est parti, on était neuf. Les autres étaient plus vieux que moi. C’était un camion avec de la place pour les bagages. On devait sortir du camion à la frontière. Le passage a été difficile. On était presque dans la brousse. Il a fallu une semaine pour aller à Iseyin parce qu’on a eu une panne pendant le voyage.
—Mawuena W., dix-neuf ans, victime de la traite à destination du Nigeria lorsqu’il avait onze ans.

Sur leur accueil et l’exploitation dont ils ont été victimes :
La femme nous a emmenées à sa fille et au mari de sa fille. Notre travail, c’était de vendre du pain. Il y avait deux autres filles qui vivaient dans la maison et qui faisaient des travaux domestiques. On vendait du pain sur le marché, on marchait de 6 ou 7 heures du matin jusqu’à la nuit. A la fin de chaque journée, on donnait tout notre argent à notre patronne. On recevait 75 francs CFA (environ U.S. 10 cents) par jour pour notre déjeuner. La nuit, on faisait le pain pour le lendemain. Quand on arrivait à la maison, notre patronne nous donnait la farine pour le pain du lendemain. Elle nous montrait comment faire le pain et on le faisait avec elle et avec les deux autres filles. La patronne n’était pas gentille avec nous. Si on ne vendait pas tout le pain en une journée, elle nous battait avec un bâton… Le four brûlait nos pieds. Une fois j’ai cru que le feu était éteint alors j’ai marché dessus et je me suis brûlée.
—Afi A. et Ama D., âgées de onze et douze ans, victimes de la traite à destination de Anié, au Togo lorsqu’elles avaient dix et onze ans.

Si quelqu’un ne travaillait pas bien, ils criaient. Si on disait qu’on était malade, ils ne le croyaient pas et on devait continuer de travailler. C’est juste quand quelqu’un avait une coupure à la jambe à cause d’un coup de machette ou de quelque chose d’autre et qu’ils pouvaient voir du sang couler qu’ils nous laissaient nous arrêter de travailler. On est resté là-bas pendant onze mois. A la fin, on a eu des vélos. On a dû trouver notre route pour rentrer chez nous et le type qui nous a montré, on a dû le payer. Il a fallu neuf jours pour rentrer chez nous et on ne mangeait que quand on rencontrait des gens qui voulaient bien nous aider comme au Bénin.
—Yawo S., dix-sept ans, victime de la traite à destination du Nigeria lorsqu’il avait neuf ans.

Sur leur retour dans leur pays d’origine :
J’ai décidé de parler aux clients qui venaient [au marché] pour voir s’ils pouvaient m’aider. Pour finir un garçon m’a dit qu’il allait me ramener au Togo si je me mariais avec lui. J’étais désespérée alors j’ai dit oui juste pour partir. Maintenant mes frères travaillent dur aux champs pour rembourser ce garçon et que je n’aie pas à me marier avec lui. Je suis revenue habiter avec eux et je suis de nouveau en apprentissage pour devenir coiffeuse. Le patron me laisser gagner de l’argent des fois en pilant et vendant du fufu [une pâte faite d’igname ou de manioc].
—Sogbossi K., seize ans, victime de la traite à destination du Nigeria lorsqu’elle avait quinze ans.

Après neuf mois, ils nous ont donné un vélo et une radio. Quelqu’un nous a montré la route pour rentrer à la maison et on a dû le payer aussi. Il nous a laissés au Bénin. On est rentré sur nos vélos, il nous a fallu neuf jours. On a du payer 500 francs CFA [environ U.S. 75 cents] pour traverser chacune des deux rivières. Après cinq jours, tout le gari qu’on avait au début avait été mangé.
—Koudjo N., dix-neuf ans, victime de la traite à destination du Nigeria lorsqu’il avait quinze ans.