Les termes de référence sous lesquels s'engage la mission du Conseil stipulent qu'elle rappellera au Gouvernement de la RDC, à ses voisins et aux groupes politiques armés leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, celles concernant le respect des droits humains et la nécessité de garantir la sécurité des populations civiles et enfin l'obligation de cesser de soutenir les groupes armés et les milices. Il s'agit d'un message tout à fait important et d'actualité, qu'il s'agisse de la crise en cours en Ituri ou de la RDC en général. Dans son deuxième rapport spécial publié le 27 mai 2003 sur la Mission des Nations Unies en RDC (Monuc), le Secrétaire général Kofi Annan a reconnu l'importance des questions relatives aux droits humains dans cette crise. "Sans la mise en place de solides structures de protection des droits humains et la fin du règne de l'impunité, largement répandue en RDC, il ne saurait y avoir de réelle réconciliation ni de base à la construction d'une paix durable", a-t-il déclaré. La crise en Ituri Malgré trois accords de paix destinés à mettre fin à cinq ans de guerre au Congo, les combats dans l'est de la RDC, en particulier dans les provinces d'Ituri et du Sud-Kivu, se sont intensifiés à la fin 2002 et au début de 2003. Les violences actuelles à Bunia ne constituent que le dernier avatar de cette guerre qui a fait, selon les estimations, 3,3 millions de morts parmi les civils congolais. Pareil bilan fait de ce conflit le plus meurtrier pour les civils depuis la Seconde guerre mondiale. Human Right Watch se félicite de la récente décision du Conseil de sécurité d'autoriser le déploiement d'une Force multinationale intérimaire d'urgence à Bunia opérant sous chapitre VII, mais nous continuons de penser que la RDC représente un test crucial de l'engagement proclamé du Conseil en faveur de la protection des civils. Nous sommes particulièrement inquiets pour les civils résidant hors de Bunia, hors du mandat de la Force. La Force intérimaire va aider à stabiliser la situation dans Bunia, mais elle devrait aussi répondre aux besoins de protection des civils dans les autres régions de l'Ituri et de l'est de la RDC. Des dizaines de milliers de civils ont fui la ville de Bunia pour rejoindre 500.000 personnes déplacées par de précédents combats; le sort de la plupart d'entre eux reste inconnu. Les milices Hema et Lendu restent totalement armées et prêtes à repasser à l'attaque. De récentes informations sur des combats à Aru, Tchomia et Mongbwalu montrent que les violences se poursuivent. Les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et autres violations du droit international humanitaire et des droits humains sont perpétrés à grande échelle en Ituri. Des groupes armés ont massacré des civils dépourvus d'armes, souvent sur la seule base de leur appartenance ethnique. Ils ont aussi pratiqué des exécutions sommaires, des viols, des arrestations arbitraires et des tortures; tous les groupes en présence ont recruté des enfants pour le service des armes, certains d'entre eux âgés de sept ans à peine. Les groupes armés ont délibérément empêché les organisations humanitaires de porter assistance aux populations qu'ils ont définies comme ennemies, provoquant des morts supplémentaires. L'Ouganda, puissance occupante de l'Ituri depuis 1998 jusqu'à son retrait en mai 2003, a failli à ses obligations légales de protection de la population civile. Depuis son intervention dans le conflit foncier entre les Hema et les Lendu en 1999 et à travers ses opérations menées conjointement avec les milices Lendu et Ngiti pour chasser les Hemas de Bunia en mars 2003, l'armée ougandaise a accentué plutôt que calmé les hostilités politiques et ethniques. L'an passé, le RCD-Goma, soutenu par le Rwanda et le RCD-ML, soutenu par la RDC, sont devenus de plus en plus actifs dans la région, entretenant ainsi le conflit et de nouveaux groupes armés. Le Conseil de sécurité devrait veiller à ce que les gouvernements ougandais, rwandais et congolais s'engagent à ne plus apporter d'assistance militaire ou financière à des groupes politiques armés en Ituri. Ainsi que l'a souligné le Secrétaire général dans son rapport, "les acteurs extérieurs doivent reconnaître leur responsabilité dans le comportement de ces groupes armés qu'ils ont contribué à créer et cesser de les équiper ou de leur apporter leur soutien". La MONUC, avec quelque 700 hommes à Bunia, a été complètement débordée et incapable de protéger les civils de manière adéquate et de restaurer le calme dans cette région en ébullition. La force manque d'un mandat fort, comme celui de la Force multinationale intérimaire d'urgence en Ituri; elle s'est montrée impuissante à endiguer la violence et protéger les civils. Après sa visite en RDC, nous sommes confiants que le Conseil de sécurité considèrera comme une urgence de renforcer le mandat général de la MONUC de manière à le rendre suffisamment solide pour garantir la protection des civils, en Ituri et partout ailleurs. Les Kivus Cette imbrication complexe de conflits locaux, nationaux et régionaux se retrouve également dans les deux provinces du Nord et Sud-Kivu, où les civils ont subi des massacres et d'autres formes d'abus graves. La perpétuation de ce type de combats au plan local met le processus de paix en danger dans l'ensemble du pays et dans la région des Grands Lacs. Au Sud-Kivu, des sources locales ont fait état de graves exactions du RCD-Goma, soutenu par le Rwanda à l'encontre des civils et de ceux accusés de soutenir les Mai Mai. Ainsi, à Walunugu entre le 7 et le 14 avril 2003, les troupes du RCD-Goma auraient attaqué de nombreux villages près de Burhale, tuant quelque 55 personnes et violant systématiquement femmes et filles. Des exactions similaires ont également été signalées à Walikali. Les militants des droits humains et d'autres membres de la société civile qui ont signalé ces faits et soulevé d'autres questions ont été souvent harcelés par les aurtorités du RCD-Goma. Les stations de radios indépendantes comme Radio Maendeleo ont été fermées pour avoir diffusé des émissions "à caractère politique" et d'autres ont été menacées. La violence sexuelle a été utilisée comme arme de guerre par la plupart des forces en présence. Les combattants du RCD, les soldats rwandais et les forces qui les combattent - Mai Mai, groupes armés de Hutus rwandais, rebelles burundais des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) et des Forces nationales de libération (FNL) - ont fréquemment et parfois systématiquement violé les femmes et les filles. En finir avec l'impunité Les responsables de ces graves violations des droits humains et du droit humanitaire en RDC sont rarement, pour ne pas dire jamais, traduits en justice. Les dirigeants internationaux et le Conseil de sécurité dénoncent régulièrement ces crimes mais n'ont pas su y mettre un terme ou amener leurs auteurs à rendre compte devant la justice. Dans le cadre de la résolution 1468 du Conseil de sécurité, la mission du Conseil devrait recommander l'établissement d'un mécanisme de justice international pour juger les responsables des graves violations des droits humains et du droit humanitaire. Un tel tribunal devrait fonctionner en toute indépendance et impartialité et conformément aux normes internationales pour garantir des procédures en bonne et due forme. Lors de ses rencontres avec les responsables du gouvernement de la RDC, la mission du Conseil de sécurité devrait presser le gouvernement de faire de l'établissement d'un système judiciaire national sa priorité, de façon à pouvoir poursuivre et punir les auteurs des violations du droit humanitaire international et des graves violations des droits humains. Le gouvernement devrait aussi adopter les dispositions nécessaires lui permettant de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Recommandations sur la DRC Nous appelons la mission du Conseil de sécurité à: Burundi Au cours de sa mission au Burundi, le Conseil de sécurité devrait appeler le nouveau gouvernement à honorer sa promesse de mettre fin à neuf ans de guerre et de rendre justice aux victimes des nombreuses violations du droit international humanitaire commises pendant la guerre. Le transfert du pouvoir, la signature de cessez-le-feu, la promesse de déploiement d'une force de maintien de la paix de l'Union africaine, l'adoption de lois et l'afflux d'aide étrangère ont suscité l'espoir que ce nouveau gouvernement réussirait mieux que ces prédécesseurs. Mais certains signes sont moins encourageants: le conflit et la violence se poursuivent partout dans le pays et les nouvelles lois sur la justice sont entravées par des dispositions qui ralentissent leur application. Traiter de l'impunité Dans plusieurs des plus graves massacres documentés par Human Rights Watch, les soldats du gouvernement ont échappé à toute forme de châtiment. Lors du récent procès d'officiers accusés d'avoir participé au massacre délibéré de 173 civils dans la commune d'Itaba, province de Gitega, le procureur militaire a désigné les civils présents dans la commune après le passage des rebelles de "vague secondaire d'assaillants", ignorant la distinction entre combattants et non-combattants pourtant essentielle en droit international humanitaire. Le 23 avril, ils auraient abattu une vingtaine de civils fuyant les combats dans la commune de Kabezi, à Bujumbura-rural. En zone de combat, les troupes gouvernementales ont barré l'accès aux agences humanitaires, laissant les populations déplacées sans aide alimentaire, eau ou assistance médicale. Les rebelles des FDD et du FNL ont commis de nombreuses violations du droit international humanitaire. Ils ont sommairement exécuté des civils, certains d'entre eux responsables de l'administration locale; des passagers de véhicules ont été pris en embuscade sur les routes du pays. Les forces rebelles ont également violé et blessé des civils et ont détruit ou pillé leurs biens. Ces derniers mois, les FDD ont continué de recruter des enfants pour leurs troupes armées. Aucune des forces rebelles n'a annoncé de mesures de justice ou disciplinaires pour ses combattants coupables d'avoir violé le droit international humanitaire. Les législateurs burundais ont adopté plusieurs lois importantes pour faire valoir la justice sous le nouveau gouvernement. L'Assemblée et le Sénat ont adopté des lois longtemps promises contre le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. L'adoption de ces lois constitue une étape majeure dans ce pays qui a connu des massacres à grande échelle par le passé; mais la loi est entravée par de complexes mécanismes qui risquent de ralentir la traduction de ces crimes en justice. Elle appelle notamment à la création d'une commission internationale d'enquête, apparemment sous les auspices des Nations Unies, pour examiner les crimes commis depuis 1962 et jusqu'à la promulgation de la loi, soit plus de quarante ans. Elle demande aussi la création d'un tribunal pénal international pour juger les affaires de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité si la commission d'enquête montre que de tels crimes ont été commis. L'Assemblée a aussi proposé la création d'une Commission vérité et réconciliation qui couvrirait la même période depuis 1962. Elle a autorisé la ratification du Statut de Rome pour la Cour pénale internationale. La Mission africaine Le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU et les responsables régionaux ont présidé à de nombreuses initiatives diplomatiques pour mettre fin à cette guerre. Mais le vrai travail de maintien de la paix revient à une mission de l'Union africaine. Quarante-trois observateurs de la mission sont arrivés de Tunisie, du Burkina Faso, du Gabon et du Togo et se sont déployés dans différentes villes, mais sans se rendre en zones de combat pour des raisons de sécurité. Plus d'une centaine de troupes sud-africaines sont arrivées à Bujumbura le 27 avril, premiers éléments d'une force qui devra compter 3.500 hommes venus également du Mozambique et d'Ethiopie. Le mandat de cette force se limite à l'observation du cessez-le-feu et il est peu probable que ses soldats vont se charger de la protection des civils. A ce jour, la force ne dispose pas non plus d'effectifs spéciaux pour veiller au respect des droits humains. Recommandations sur le Burundi La mission du Conseil de sécurité devrait: Sincèrement, Peter Takirambudde Directeur exécutif de la Division Afrique Joanna Weschler Représentante auprès des Nations Unies |