(New York, 24 mai 2002) Des soldats du Rassemblement Congolais pour la
Démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda, ont rassemblé et sommairement exécuté
des partisans présumés d'une brève mutinerie qui s'est produite à Kisangani, la
troisième ville de la République Démocratique du Congo, a déclaré aujourd'hui
Human Rights Watch.
Le RCD et ses commanditaires de l'armée rwandaise sont les autorités de fait à
Kisangani. A ce titre, ils ont la responsabilité de la sécurité de la population
civile là-bas. Le RCD et la garnison de l'armée
rwandaise à Kisangani doivent immédiatement contenir les soldats indisciplinés
se trouvant dans leurs propres rangs et tenir pour responsables de leurs actes
ceux qui ont commis des meurtres.
Suliman Baldo, chercheur sur la République
Démocratique du Congo à Human Rights Watch
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Selon des informations reçues par Human Rights Watch, les troupes du RCD ont tué
ou capturé des douzaines de civils et d'autres personnes soupçonnées de soutenir
une faction dissidente du RCD, hostile au Rwanda. On reste encore sans nouvelles
de beaucoup de ces personnes. La violence a débuté le 14 mai.
"Le RCD et ses commanditaires de l'armée rwandaise sont les autorités de fait à
Kisangani. A ce titre, ils ont la responsabilité de la sécurité de la population
civile là-bas," a déclaré Suliman Baldo, chercheur sur la République
Démocratique du Congo à Human Rights Watch. "Le RCD et la garnison de l'armée
rwandaise à Kisangani doivent immédiatement contenir les soldats indisciplinés
se trouvant dans leurs propres rangs et tenir pour responsables de leurs actes
ceux qui ont commis des meurtres."
Human Rights Watch a vivement encouragé le Conseil de Sécurité des Nations Unies
à ordonner le lancement, par la mission de maintien de la paix au Congo, d'une
enquête sur les événements du 14 mai et leurs suites, idéalement en
collaboration avec le bureau sur place du Haut Commissariat des Nations Unies
pour les droits humains au Congo.
Aux premières heures du 14 mai, une centaine de soldats environ issus du RCD et
se faisant appeler le RCD-Original, a brièvement occupé les locaux de la radio
officielle et a appelé les soldats congolais du RCD et les habitants de la ville
à s'unir et à chasser les Rwandais du pays. Une foule d'environ mille jeunes a
répondu à l'appel. Ceux-ci ont attaqué et tué au moins trois personnes qu'ils
avaient identifiées comme rwandaises. Les soldats du RCD ont finalement dispersé
la foule, tuant quelques personnes lors de la manœuvre.
Le même jour, les loyalistes du RCD ont envahi des quartiers dont les habitants
avaient manifesté un appui aux mutins et ont tout saccagé sur leur passage. Ils
ont tué une douzaine de personnes environ, ont blessé beaucoup d'autres et ont
pillé maisons et bureaux des églises dans ces quartiers très peuplés.
Des sources locales ont affirmé à Human Rights Watch que les soldats du RCD
avaient rassemblé des jeunes femmes des quartiers Mangobo et les avaient violées
dans leurs casernes. Ils ont brièvement détenu le Père Xavier Zabalo, un
missionnaire âgé de la paroisse catholique du Christ Roi, apparemment parce
qu'il avait transporté certains blessés vers un hôpital local. Ils ont ensuite
complètement pillé les locaux de la paroisse et ont roué de coups un autre
missionnaire âgé.
Des responsables de haut rang du RCD ont accusé des groupes de défense des
droits humains très actifs à Kisangani, des associations liées à l'église et
d'autres organisations issues de la société civile d'avoir fomenté les troubles.
Ces responsables ont alors donné l'ordre à ces groupes de cesser leurs
activités. La station de radio contrôlée par le RCD continue de diffuser des
menaces dirigées contre ces groupes, forçant de nombreux défenseurs des droits
humains et militants de la paix à se cacher pour échapper à une arrestation
imminente.
Immédiatement après la mutinerie, les troupes du RCD ont saisi des douzaines de
personnes jugées suspectes appartenant au personnel militaire du RCD ainsi que
des civils. Depuis leur arrestation, nombre de ces personnes n'ont plus donné
signe de vie. Les 17 et 18 mai, des habitants des quartiers périphériques de la
ville et apparemment aussi, des observateurs de la mission de maintien de la
paix des Nations Unies et du Comité International de la Croix Rouge, en poste
là-bas ont vu des corps flotter sur la rivière Tshopo, un affluent du fleuve
Congo. Selon des sources locales, certains des cadavres en décomposition avaient
été décapités et d'autres avaient les poignets liés dans le dos.
Des douzaines de policiers, soldats et civils congolais ont été détenus suite
aux événements du 14 mai et la découverte de certains de leurs corps dans la
rivière ont confirmé les pires craintes de leurs proches qui redoutaient qu'ils
aient été sommairement exécutés. Des sources à Kisangani ont estimé qu'environ
cent meurtres s'étaient produits à ce jour dont au moins trente de civils.
Cette récente irruption de violence est la quatrième qui se soit produite dans
le même intervalle de temps, entre des factions rebelles opposées et les armées
rivales d'occupation du Rwanda et de l'Ouganda. Tous ces acteurs luttent pour
obtenir le contrôle de la ville de Kisangani, stratégiquement importante. Cette
ville abrite environ un demi-million d'habitants et est connue pour son lucratif
commerce de diamants. Au moins neuf cents civils ont été tués et de nombreux
autres blessés lors d'échanges de tirs, lorsque les armées d'occupation
ougandaises et rwandaises ont combattu, en juin 2000, pour le contrôle de la
ville, conduisant au retrait des Ougandais. Les combats ont entraîné la
destruction de milliers d'habitations privées ainsi que d'écoles et de
cliniques, incitant le Conseil de Sécurité des Nations Unies à adopter une
résolution exigeant la démilitarisation immédiate de la ville par les deux
armées et par les factions congolaises rebelles qu'elles soutiennent. Cette
résolution exigeait également que le Rwanda et l'Ouganda paient des réparations
aux habitants de Kisangani pour les pertes et les blessures causées.
"Les habitants de Kisangani récupéraient lentement du traumatisme causé par de
précédentes querelles lorsqu'ils ont subi de nouvelles attaques cette semaine,"
a déclaré Baldo. "Si la sécurité des civils est encore une priorité, le Conseil
de Sécurité doit insister pour que le Rwanda et le RCD mettent immédiatement en
application ses précédentes résolutions sur la démilitarisation de la ville. Le
Rwanda et l'Ouganda devraient être forcés à payer les réparations qu'ils doivent
depuis longtemps aux habitants."
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