Communiqués de presse
" La Ligue tunisienne face à ses juges, tous les défenseurs des droits de l'Homme sont visés"
RECOMMANDATIONS

Au gouvernement tunisien:

Le 7 décembre 2000, la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme a demandé au gouvernement tunisien de "cesser le harcèlement des défenseurs des droits de l'Homme du pays et…de s'assurer que la Ligue Tunisienne de Droits de l'Homme reprenne ses activités au plus vite."

Dans une interview publiée dans Le Monde du 6 avril 2001, Slaheddine Maâoui, le ministre tunisien des droits de l'Homme, a déclaré "Nous sommes absolument contre toute forme de harcèlement des militants des droits de l'homme."

Nous demandons au gouvernement de donner suite aux déclarations du ministre et, conformément aux obligations internationales, de:

  • Autoriser toutes les organisations de défense des droits de l'Homme, dont la LTDH et le CNLT, à remplir librement leur mission de surveillance du respect des droits de l'Homme ;

  • Libérer de prison immédiatement et sans condition l'avocat et défenseur des droits de l'Homme Néjib Hosni, et de réexaminer le cas de Moncef Marzouki, condamné pour diffusion de fausses nouvelles et appartenance à une association illégale ; le droit de s'associer librement et la liberté d'expression sont pourtant des activités protégées par les instruments internationaux de protection des droits de l'Homme ratifiés par la Tunisie ;

  • Annuler le licenciement, décidé par le Ministre de la Santé, de Moncef Marzouki de son poste de professeur de médecine ;

  • Garantir la liberté de voyager des militants des droits de l'Homme qui sont privés de leur passeport, ou qui n'ont pas l'autorisation de quitter le pays, et notamment Néjib Hosni, Moncef Marzouki, Sadri Khiari, Ali Ben Salem, Ali Ben Romdhane, Mohamed Ali Bedoui, et Jalal Zoghlami, membres du CNLT;

  • Redonner accès au téléphone et au fax aux militants des droits de l'Homme qui en sont privés ;

  • Mettre fin à la surveillance policière qui est manifestement utilisée à des fins d'intimidation ;

  • Mener une enquête criminelle impartiale sur les récents incidents au cours desquels des hommes en civil ont physiquement agressé des militants des droits de l'Homme, et en sanctionner les auteurs ;

  • Conformer au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui exige que les droits à s'assembler pacifiquement (Article 21) et à s'associer (Article 22) soient respectés ; et de respecter la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l'Homme et les libertés fondamentales universellement reconnues. Adoptée le 9 décembre 1998 par l'Assemblée générale des Nations unies, la Déclaration dispose par son article 5 que :
    Afin de promouvoir et protéger les droits de l'Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, aux niveau national et international :
    (a) De se réunir ou de se rassembler pacifiquement ;
    (b) De former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s'y affilier et d'y participer ;
    (c) De communiquer avec des organisations non gouvernementales ou intergouvernementales.

    L'article 8 de la Déclaration établit que :

    1. Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, de participer effectivement, sur une base non discriminatoire, au gouvernement de son pays et à la direction des affaires publiques.

    2. Ce droit comporte notamment le droit, individuellement ou en association avec d'autres, de soumettre aux organes et institutions de l'Etat, ainsi qu'aux organismes s'occupant des affaires publiques, des critiques et propositions touchant l'amélioration de leur fonctionnement, et de signaler tout aspect de leur travail qui risque d'entraver ou empêcher la promotion, la protection et la réalisation des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

    A l'Union Européenne :

    L'Accord d'Association UE/Tunisie, qui est entré en vigueur en 1998, dispose dans son article 2 que le respect des droits de l'Homme et des principes démocratiques doit guider les politiques intérieures et internationales des parties contractantes et constituer un élément essentiel de l'Accord. Human Rights Watch et l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme (FIDH/OMCT) demandent à l'UE de :

  • Mettre en place des mécanismes concrets à même d'évaluer régulièrement le respect de l'article 2 par toutes les parties à l'Accord euro-méditerranéen d'association. Ces mécanismes doivent comprendre le contrôle régulier et impartial du respect des droits de l'Homme et de la liberté d'action et d'expression des défenseurs des droits de l'Homme pour défendre les droits d'autres personnes ;
  • Insister pour que de véritables progrès soient réalisés sur la base des recommandations mentionnées précédemment ainsi que sur la base des recommandations émises par les organes de l'ONU ;
  • Effectuer les démarches appropriées auprès des autorités tunisiennes en vue de la résolution de situations individuelles dans lesquelles des violations des droits de l'Homme fondamentaux ont eu lieu ;
  • Insérer l'évaluation du respect de l'article 2 comme point spécifique à l'ordre du jour de toutes les réunions organisées conformément à l'Accord, et notamment les réunions du Conseil d'association ; et
  • Encourager le gouvernement tunisien à inviter la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme à effectuer une visite en Tunisie.

    Au gouvernement français :

    Le gouvernement français a exprimé son inquiétude grandissante concernant la violation des droits de l'Homme en Tunisie. Depuis décembre 2000, il a publiquement critiqué la condamnation de Moncef Marzouki, les pressions exercées contre la LTDH, le refus d'autoriser Eric Plouvier, l'observateur mandaté par l'Observatoire pour assister au procès, à entrer en Tunisie, et les violences physiques exercées par des " inconnus " sur Jalal Zoghlami, un membre du CNLT et un militant politique dont le nouveau magazine, Kaws al-Karama (l'Arc de Dignité), n'a pas été autorisé. Hubert Védrine, le Ministre de Affaires Etrangères, a fait remarquer dans une interview publiée dans Le Parisien du 1er avril, que " la réussite économique de la Tunisie des gouvernements successifs sous la présidence de Ben Ali est suffisamment grande pour que le régime puisse évoluer davantage sur le plan politique, se moderniser, franchir quelques étapes en matière de démocratisation. " Par ailleurs, le personnel de l'ambassade de France a observé plus activement les procès politiques en Tunisie.

    La Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme, la CNCDH, a adopté le 25 janvier une résolution "déplorant la dégradation de l'état des libertés publiques et des droits de l'Homme en Tunisie." La résolution a demandé au gouvernement français d'agir avec plus de fermeté pour promouvoir les droits de l'Homme en Tunisie.

    Human Rights Watch et l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme demandent au gouvernement français de :

  • Continuer à dénoncer publiquement les violations de droits de l'Homme en Tunisie ;
  • S'assurer que les diplomates français observent régulièrement les procès politiques en Tunisie ; et de
  • Mettre en pratique toutes les recommandations de la CNCDH, et notamment :
    " de tout mettre en œuvre pour obtenir des autorités tunisiennes que leurs engagements, en matière de protection et de promotion des droits de l'Homme ne soient plus systématiquement violées "; et de
    " mobiliser nos partenaires de l'Union européenne afin que celle-ci veille au respect des droits de l'Homme en Tunisie, dans le cadre de l'accord d'association (art.2) de ce pays avec l'Union européenne, notamment à l'occasion de la prochaine réunion du Conseil d'association. "